Mise à jour : 24 décembre 2020 (Rédaction initiale : 15 juillet 2020 )
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Ce document de travail a tout d'abord servi de base à la première des conférences faites dans le colloque qui s'est tenu sous la direction scientifique de Lucien Rapp, Les incitations, outils de la Compliance, le 12 décembre 2019, à Toulouse,
Cette première a porté sur le thème de la sanction comme incitation, tandis que la seconde en synthèse de ce colloque a porté plus globalement sur le sujet : Incitations et Droit de la Compliance.
Il a ensuite servi de base à un article dans l'ouvrage Les outils de la Compliance, dans la collection Régulations & Compliance.
Lire une présentation générale de cet ouvrage.
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Introduction et Résumé du document de travail : Compliance et Incitations paraissent à première vue totalement opposées. Pour deux raisons majeures. En premier lieu, parce que les sanctions ont une place centrale dans le Droit de la Compliance et que les incitations supposent une absence de contrainte sur les opérateurs. En second lieu, parce que les incitations ont lien avec l'autorégulation et que le Droit de la Compliance suppose une présence forte des Autorités publiques. Ainsi, il faudrait choisir : soit Compliance, soit Incitations ! Soit l'efficacité de l'une, soit l'efficacité des autres ; soit les techniques de l'une, soit les techniques de l'une, soit les techniques des autres ; soit la philosophie de l'une, soit la philosophie de l'autre. Se résigner à la déperdition qu'un tel choix nécessaire impliquerait. Mais poser les termes ainsi revient à penser pauvrement les situations et à réduire les champs des solutions qu'elles appelles. Si l'on reprend une définition riche du Droit de la Compliance, l'on peut au contraire articuler Compliance et Incitations. Dans cette perspective, les sanctions peuvent devenir non plus ce qui bloque l'usage des incitations mais au contraire ce qui en constitue. Plus encore le couplage entre les Incitations et les exigences du Droit de la Compliance doit être fortement encouragé, dès l'instant que les Autorités publiques supervisent en Ex Ante toutes les initiatives prises par les "opérateurs cruciaux".
Ce document de travail porte sur le premier enjeu En effet, la théorie dite des incitations vise les mécanismes qui n'ont pas recours directement à la contrainte. Elles auraient donc peu de place dans le Droit de la Compliance. Mais celui-ci semble saturé par les procédures de sanction. L’on peut même dire qu’il semble les mettre au centre, les Autorités publiques présentant le nombre de sanction comme étant un signe de succès, tandis que les entreprises semblent obsédées par leur perspectives, les deux soucis finissant par une si étrange convergence que sont les Conventions Judiciaires d’Intérêt Public.
L’observateur honnête ne peut qu’être immédiatement mal à l’aise. En effet, il ne peut que relever la définition de la sanction comme une « contrainte » déclenchée Ex Post , au cœur même d’un Droit de la Compliance qui se présente comme un ensemble de mécanismes Ex Ante. A partir de cette contradiction dans les termes, faudra-t-il renoncer à l’association et penser que cela serait une faute contre l’esprit que de penser la sanction comme une incitation ?
C’est sans doute à ce propos que l’on perçoit le plus nettement le choc de deux cultures, qui ne communiquent pas, alors que techniquement elles s’appliquent aux mêmes situations. En effet, parce que la Compliance a été pensée par la Finance, tout lui est outil. Dès lors, la tendance à ne penser la sanction que comme une incitation est très forte en Droit de la Compliance, se manifeste continûment et ne s’arrêtera pas (I). Mais quelques soient les raisons de la concevoir ainsi, les principes de l’Etat de Droit ne peuvent pas disparaître et si l’on ne veut pas qu’ils s’effacent, alors il faut les articuler (II). C’est un jeu essentiel (II).
C’est pourquoi l’on peut dire littéralement que la Compliance a mis le feu au Droit pénal par sa conception, logique mais close sur elle-même, des sanctions comme simples incitations. Pour que le Droit pourtant demeure, il faut tenir une définition très ferme du Droit de la Compliance centré sur son But Monumental qu’est la protection de la personne.
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Lire ci-dessous les développements.
5 mars 2020
Conférences
Référence : Frison-Roche, M.-A., La mesure de l'effectivité et de l'efficacité des outils de la compliance (conception, présentation et modération des débats), in Les outils de la Compliance, Journal of Regulation & Compliance.
Voir les autres thèmes, autres dates et autres manifestations particulières du cycle dans son ensemble.
Cette conférence sert d'appui à la réalisation d'un ouvrage plus global portant d'une façon générale sur Les outils de la Compliance.
L'ouvrage Compliance Tools sera publié en même temps.
Présentation de la Conférence : Après avoir examiné différents outils spécifiques, comme La cartographie des risques ou Les incitations, et avant d'en aborder d'autres comme ceux relevant de la a Compliance by Design, celle-ci méritant aussi d'être examinée avec quelque distance dans sa prétention à être la solution à tout enjeu de compliance, il convient de regarder comment l'on mesure l'efficacité de tous ces outils de Compliance. En effet, puisque toutes les techniques sont des "outils", ils ne prennent sens qu'au regard d'une finalité qu'ils doivent atteindre effectivement. Cette effectivité doit être mesurée, et cela dès l'Ex Ante, l'entreprise devant en permanence donner à voir l'effectivité de la performance des outils de la Compliance.
Mais autant les normes prolifèrent, les discours se multiplient, les engagements sont pris, autant les techniques de mesure de l'effectivité de l'ensemble semblent assez faibles. Non pas que les sujets de droit astreints aux obligations de Compliance ou désireux de réaliser les buts systémiques ou de bien commun visés par la Compliance ne désirent pas en avoir, mais ces instruments de mesure semblent encore les moins construits, souvent déclaratifs ou de type discursifs, ou trop mécaniques. Dès lors, est-ce en partant du but que l'on cherche à atteindre que l'on doit mesurer l'efficacité des outils de Compliance, sans que cela transforme les tâches qui pèsent de grè ou de force sur les opérateurs en obligation de résultat ? Ou est-ce en demeurant en amont, par une seule "conformité" à ce qui leur est demandé, comme comportement et comme organisation structurelle, que les entreprises donnent à voir qu'elles ont effectivement rempli leur tâche, sans plus se soucier des effets produits sur la réalité des choses, cette réalité que ceux qui ont conçu la norme avaient en tête ?
Cette question a des implications majeure en terme de charge de preuve et de responsabilité, impliquant des organisations plaçant la confiance, coeur de la Compliance, plutôt dans des instruments technologiques connectant des data ou plutôt dans des personnes ayant le sens du bien commun. Cette question est aujourd'hui ouverte.
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18 décembre 2019
Publications
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Le maniement de la propriété intellectuelle comme outil de régulation et de compliance, in Vivant, M. (dir.), Les Grands Arrêts de la propriété intellectuelle, 3ième éd., 2019, 9-11, p.43-53.
Résumé :
La propriété intellectuelle, issue de l’État et insérée dans une politique publique, peut être conçue, non pour récompenser a posteriori le créateur mais pour inciter d’autres à innover. Elle est alors un outil Ex Ante de régulation, alternative à la subvention. Si la copie privée est une exception, ce n’est pas par rapport au principe de concurrence mais dans une insertion dans un système d’incitations, partant des coûts supportés par l’auteur de la première innovation : le titulaire des droits est alors protégé, non seulement selon une balance des intérêts en présence mais afin de ne pas décourager les potentiels innovants et le secteur lui-même. (1ier arrêt)
La politique sectorielle imprègne alors la propriété intellectuelle, utilisée pour réguler un secteur, par exemple celui du médicament. S’il est vrai qu’un laboratoire voulant mettre sur le marché un médicament générique n’a pas attendu l’expiration du brevet du médicament princeps pour le faire, il n’est pourtant pas pertinent de sanctionner cette anticipation de quelques jours car les investissements effectués par le titulaire du droit de propriété intellectuelle ont été rentabilisés par celui-ci et parce que les pouvoirs publics favorisent les génériques dans un souci de santé publique (2ième arrêt).
L’intérêt systémique prévaut et c’est pourquoi les fournisseurs d’accès à Internet doivent supporter les frais des blocages d’accès alors qu’ils sont irresponsables du fait des textes. Cette obligation de payer est internalisée par compliance parce qu’ils sont dans le système digital les mieux à même de mettre fin à la violation des droits de propriété intellectuelle dont l’écosystème requiert l’effectivité. (3ième arrêt)
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16 novembre 2019
Publications
Le projet de loi de Finance a . proposé au Parlement de voter un article 57 dont l'intitulé est : Possibilité pour les administrations fiscales et douanières de collecter et exploiter les données rendues publiques sur les sites internet des réseaux sociaux et des opérateurs de plateformes.
Son contenu est en l'état du texte voté à l'Assemblée Nationale le suivant :
"(1) I. - A titre expérimental et pour une durée de trois ans, pour les besoins de la recherche des infractions mentionnées aux b et c du 1 de l'article 1728, aux articles 1729, 1791, 1791 ter, aux 3°, 8° et 10° de l’article 1810 du code général des impôts, ainsi qu’aux articles 411, 412, 414, 414-2 et 415 du code des douanes, l’administration fiscale et l’administration des douanes et droits indirects peuvent, chacune pour ce qui la concerne, collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles, publiés sur internet par les utilisateurs des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du code de la consommation.
(2) Les traitements mentionnés au premier alinéa sont mis en œuvre par des agents spécialement habilités à cet effet par les administrations fiscale et douanière.
(3) Lorsqu’elles sont de nature à concourir à la constatation des infractions mentionnées au premier alinéa, les données collectées sont conservées pour une durée maximale d’un an à compter de leur collecte et sont détruites à l’issue de ce délai. Toutefois, lorsqu’elles sont utilisées dans le cadre d'une procédure pénale, fiscale ou douanière, ces données peuvent être conservées jusqu’au terme de la procédure.
(4) Les autres données sont détruites dans un délai maximum de trente jours à compter de leur collecte.
(5) Le droit d'accès aux informations collectées s'exerce auprès du service d'affectation des agents habilités à mettre en œuvre les traitements mentionnés au deuxième alinéa dans les conditions prévues par l'article 42 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
(6) Le droit d'opposition, prévu par l'article 38 de la même loi, ne s'applique pas aux traitements mentionnés au deuxième alinéa.
(7) Les modalités d'application du présent I sont fixées par décret en Conseil d’État.
(8) II. - L'expérimentation prévue au I fait l'objet d'une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement ainsi qu’à la Commission nationale de l’informatique et des libertés au plus tard six mois avant son terme."
Cette initiative a provoqué beaucoup de commentaires, plutôt réservés, même après les explications données par le ministre du Budget à l'Assemblée Nationale.
Qu'en penser juridiquement ?
Car la situation est assez simple, c'est pourquoi elle est difficile : d'un côté, l'Etat va capter des informations personnelles sans l'autorisation des personnes concernées, ce qui est contraire à l'objet même de la loi de 1978, ce qui entraîne une pleine désapprobation ; de l'autre côté, l'administration obtient les informations pour poursuivre des infractions fiscales et douanières, ce qui concrétise l'intéret général lui-même.
Alors qu'en penser ?
Lire ci-dessous.
28 juin 2019
Publications
rIl est souvent observé, voire théorisé, voire conseillé et vanté, que la Compliance est un mécanisme par lequel des Autorités publiques internalisent des préoccupations politiques (par exemple environnementales) dans des entreprises de grande dimension, celles-ci l'acceptant dès le départ (en Ex Ante) car elles sont plutôt d'accord avec ces "buts monumentaux" (sauver la planète) et que cette vertu partagée est bénéfique à leur réputation. L'on observe que cela pourrait être la voie la plus fructueuse dans les configurations nouvelles, comme celle du numérique.
Mais, et l'on a souvent rapproché le Droit de la Compliance du mécanisme contractuel, cela n'est pertinent que si les deux intéressés le veulent bien. Cela est vrai techniquement, par exemple pour la Convention judiciaire d'intérêt public, laquelle requiert consentement explicite. Cela est vrai d'une façon plus générale en ce que l'entreprise voudra bien se structurer pour réaliser les buts politiquement poursuivis par l'État. Réciproquement, les mécanismes de compliance fonctionnent si l'État veut bien admettre les logiques économiques des acteurs globaux ou/et, s'il y a possibles manquements, ne pas poursuivre ses investigations et fermer le dossier qu'il a entrouvert, à un prix plus ou moins élevé.
Mais il suffit de dire Non.
Comme en matière contractuelle, la première liberté est négative et tient dans l'aptitude de dire Non.
L'Etat peut le faire. Mais l'entreprise aussi peut le faire.
Et Daimler vient de dire Non.
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Publiquement, notamment par le biais d'un article dans le Wall Street Journal du 28 juin 2019.
L'entreprise expose dans un avertissement au marché (warning profit) qu'elle est l'objet d'une exigence de la part de l'Autorité allemande de la sécurité automobile d'une allégation de fraude, par l'installation d'un logiciel, visant à tromper les instruments de mesure des émissions des gazs à effet de serre sur les voitures utilisant du diesel.
Il s'agit donc d'un mécanisme de Compliance à visée environnementale qui aurait été contrée, d'une façon intentionnelle.
Sur cette allégation, le Régulateur à la fois avertit l'entreprise de ce qu'elle considère comme un fait, c'est-à-dire la fraude au dispositif de Compliance, et l'assortit d'une mesure immédiate, à savoir le retrait de la circulation de 42.000 véhicules vendus par Daimler avec un tel dispositif.
Et l'entreprise répond : "Non".
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Ce qui ne fait sans doute que commencer, puisqu'un Non clôt le dialogue de l'Ex Ante pour projeter dans l'Ex Post des procédures de sanction, appelle 6 observations :
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23 juin 2019
JoRC
Le système de l'Union Bancaire est basé sur la supervision autant que sur la régulation : elle porte sur les opérateurs autant que sur les structures du secteur, puisque les opérateurs "tiennent" le secteurs.
C'est pourquoi le "régulateur - superviseur" tient les opérateurs par la supervision et est proche de ceux-ci.
Il les rencontre officiellement et dans des rapports de "droit souple". Cela est d'autant plus nécessaire que la distinction entre l'Ex Ante et l'Ex Post doit être nuancée, en ce que son application trop rigide, en ce qu'elle suppose un temps long (d'abord poser les règles, puis les appliquer, puis constater un écart, puis le réparer) n'est pas de mise si le système a pour but la prévention des crises systémiques, dont la survenance a pour cause des risques logés dans les opérateurs.
C'est pourquoi l'organe en charge de "résoudre" les difficultés des banques rencontre les banques, afin de s'assurer qu'elles soient en permanence "résolvables", afin que l'hypothèse de leur résolution ne se pose jamais. C'est tout l'enjeu de ce système : qu'il soit toujours prêt à ne jamais fonctionner, mais que tout soit prêt pour une réussite totale.
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Au sein de l'Union bancaire, l'Organe Unique de Résolution (le Single Resolution Board -SRB), qui au sein de l'Union Bancaire est en charge de "résoudre" les difficultés des banques systémiques européennes en difficulté, constitue le deuxième pilier de l'Union bancaire. Le premier est constitué par la prévention de ces difficultés et le troisième par la garantie des dépôts. La résolution relèverait donc plutôt de l'Ex Post.
Mais dans ce continuum entre l'Ex Ante et l'Ex Post, le SRB n'attend pas passivement - comme le ferait un juge traditionnel - que le dossier de la banque en difficulté lui parvienne. Comme un superviseur - ce qui le rapproche du premier organe du système, celui qui supervise l'ensemble des banques, il est en contact direct avec l'ensemble des banques, et il aborde l'hypothèse d'une banque par une perspective systèmique :, c'est donc à l'ensemble du système bancaire que l'organe s'adresse.
A ce titre, il organise des rencontres, là où il est lui-même situé : à Bruxelles.
Pour résoudre en Ex Post les difficultés d'une banque, il faut que celle-ci présente une qualité (notion que l'on connait peu en droit commun des procédures collectives) : la "résolvabilité". Comment la construire ? Qui la construit ? Dans sa conception même et dans son application, banque par banque.
Pour l'organe de résolution vis-à-vis de l'ensemble des acteurs du secteur bancaire et financier, c'est clair : “Working together” is crucial in building resolvability".
Dans la projection qui est faite, il est affirmé qu'il ne peut y avoir de résolution réussi que si l'opérateur en difficulté n'est pas privé de l'accès à ce qui le fait vivre, c'est-à-dire le système bancaire et financier lui-même, et plus particulièrement les "infrastructures de marché" (Financial Market Infrastructures), par exemple les services de paiement.
Le Single Resolution Board attend-il des engagements spontanés des FMIs pour un tel "droit d'accès" ? Dans ce cas, comme le dit le SRB ce droit d'accès correspondant à des "fonctions critiques" pour une banque, la situation de mise en résolution ne peut justifier la fermeture du service.
Par nature, ces opérateurs cruciaux sont des entités qui relèvent de régulateurs qui les supervisent. Qui fait respecter - et immédiatement - ce droit d'accès ? Quand on peut penser que c'est tout le monde, cela risque de n'être personne.... C'est pourquoi l'organe de résolution, relayant en cela une préoccupation du Financial Stability Board , souligne qu'il faut articuler les superviseurs, les régulateurs et les "résolveurs" entre eux.
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A lire ce programme, puisqu'il s'agit d'un programme de travail proposé au secteur bancaire, l'on peut faire quatre observations :
1. Nous allons de plus en plus vers un intermaillage général (qui va peut-être suppléer l'absence d'Etat mondial, car c'est toujours à des Autorités publiques que l'on se référe et non à de l'autorégulation) ;
2. Mais comme n'existe pas une Autorité politique pour garder ces gardiens, les entités qui articulent l'ensemble de ces diverses strutures publiques, ayant différentes fonctions, situées dans différents pays, agissant selon différentes temporalités, ce sont les entreprises elles-mêmes qui internalisent le souci qui anime ceux qui ont construit le système : ici la gestion du risque systèmique. C'est la définition de la Compliance, qui ramènent dans les entreprises, ici plus nettement celles qui gèrent les Infrastructures de Marchés, les obligations de Compliance (ici la gestion du risque systémique).
3. Même sans gardien, il y a toujours un recours. Cela sera donc le juge. Il y a déjà beaucoup, il y aura sans doute davantage encore dans un système de ce type, de plus en plus complexe, l'articulation des contentieux étant parfois appelée "dialogue". Et c'est sans doute des "grands arrêts" qui fixeront les principes communs à l'ensemble de tant d'organismes particuliers.
4. L'on voit alors se dessiner, et au-delà de la Compliance bancaire des mécanismes Ex Ante de solidité des systèmes, et de solidité des acteurs dans les systèmes, puis de la résolution Ex Post des difficultés d'acteurs en fonction de l'accès à la solidité des infrastructures de ces systèmes, qui dépendent in fine des juges (dans l'ensemble de l'Occident) face à des zones où l'ensemble de tout cela dépend nettement moins du juge : le reste du monde.
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2 janvier 2019
Publications
Ce document de travail sert de base à un article qui a été publié dans l'ouvrage collectif Pour une Europe de la Compliance, dans la collection Régulation & Compliance.
Résumé : L'on présente souvent la Compliance comme un ensemble lourd, coûteux et incompréhensible de process, ensemble vide de sens, tandis que l'on ressent l'Europe comme un projet dont l'achèvement serait sans espoir ; alors mêler les deux ... Et pourtant ! Pour que Compliance et Europe s'adossent l'une à l'autre dans une construction commune, il faut tout d'abord que l'Europe cesse d'être "en défense" n'appréhendant la Compliance que d'une façon "réactive", ne mettant son talent au mieux que pour la recopier au pire que pour la rejeter (I). L'Europe a d'autant plus de mal à faire autre chose que le Droit de la Compliance étant le prolongement du Droit de la Régulation, c'est secteur par secteur, but particulier par but particulier que le Droit de la Compliance lui apparaît, la seule unité étant la forme, procédure Ex Ante des obligations structurelles ou procédure Ex Post des sanctions. Dans ce vide de sens d'une Compliance qui ne serait qu'une méthode et rien de plus, l'Europe n'est alors qu'un réceptacle récalcitrant....
Mais si l'on voit au-delà des secteurs, comme y invite le Droit européen des données désormais fortement constitué sur le Droit de la Compliance pour protéger les données sensibles sans méconnaître le principe de circulation des données, données sensibles dont les données personnelles ne sont qu'une variété, l'on mesure que la référence au secteur s'efface. Un Droit substantiel de la Compliance peut alors se construire au regard des impératifs européens qui ont toujours été la protection de la personne (II). Se détachant de la régulation sectorielle, il apparaît alors plusieurs buts de compliance, appelant plusieurs formes de contrainte et plusieurs portées des mécanismes de Compliance.
Si le but est la prévention de risque de catastrophes systémiques, comme le sont les défaillances bancaires, l'éclatement des bulles financières, la mise en circulation d'informations inexactes dévastatrices ou le développement de maladies contagieuses, alors le Droit de la Compliance doit se constituer sans frontière, le coeur en est la gestion des informations, leur recueil et leur transmission à ceux qui les manient au mieux au regard des risques car la protection du système global le requiert et l'Europe y prend sa part. Mais dans les autres cas, la protection de la personne ne requiert pas cela car elle ne croise pas l'hypothèse de contamination de système. Or, l'Europe a inventé la notion juridique de "personne", idée qui recouvre tout être humain, sa vie, sa liberté et ses secrets. L'action immédiate et la transparence n'y sont plus requises de la même façon. Il convient alors, comme l'a fait le Droit européen à propos des données, d'organiser à la fois la circulation et la garde des secrets, en déterminant celui qui est le mieux placé pour le faire.
Le Droit de la Compliance pose que c'est toujours l'entreprise qui est la mieux placée pour le faire, mais soit pour ne pas utiliser l'information, soit pour transmettre l'information suivant les buts du Droit de la Compliance, soit sans interférence de l'Etat soit sous la tutelle de l'Etat et c'est toujours l'Autorité publique qui formule les buts. Plus encore, l'Europe peut prétendre qu'un marché n'est un espace vivable que s'il met en son centre l'être humain, qui n'est pas qu'un outil, cette conception humaniste permettant d'exiger des autres le respect de normes à propos desquelles l'Europe est exemplaire à travers ses entreprises et peut prétendre l'exiger à propos des entreprises qui entrent sur son espace, soit directement, soit à travers leurs produits.
5 novembre 2018
Publications
Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Banque et concurrence, in "Mélanges en l'honneur du professeur Claude Lucas de Leyssac", LexisNexis, 2018, pp.165-180.
Résumé : Banque et concurrence ne font pas bon ménage. Ce n'est pas tant que les banques feraient figure de récidivistes à propos desquels les autorités de concurrence devraient hausser le ton par des sanctions toujours plus lourdes afin que la leçon concurrentielle soit enfin entendue. Ce sont plutôt deux ordres qui s'affrontent, deux incompréhensions face à face. En effet les banques trouvent adéquat de s'entendre pour que le système bancaire fonctionne. Plus encore, les pouvoirs publics leur demandent un comportement politique en finançant l'économie lorsque celle-ci ne s'appuie pas sur les marchés financiers, voire de lutter contre l'exclusion sociale en pratiquant « l'inclusion bancaire », bastion avancé de la conception de l'entreprise promue par le Plan très politique d'Action pour la Croissance et le Transformation des Entreprises (PACTE). dès lors, comment elles-mêmes auraient-elles un comportement de marché consistant dans un comportement égoïste et d'agression envers leur homologue ?
Si l'on plonge dans ce creuset de l'incompréhension qui engendre le heurt violent entre les banques, qui évoquent leur mission, et les autorités de concurrence, qui se prévalent de la leur, on bute sur l'écueil de la définition même de ce qu'est une banque. L'on peut estimer qu'une banque est un prestataire de services divers, agissant sur des marchés en concurrence ; le droit assure le bon fonctionnement de ceux-ci, les autorités qui gardent l’efficacité des marchés se saisissant des banques qui y exercent leurs activités. Mais si l'on choisit d'insister sur le fait que les banques sont ce qui fait fonctionner l'économie et consolident le lien social, elles sont alors partie intégrante d'un système propre : le système bancaire, lequel est un élément essentiel de la société. La concurrence n'y est plus qu'adjacente.
5 novembre 2018
Publications
Sous l'égide de la Banque Mondiale, tous les deux ans, se réunit l' "Alliance des chasseurs de la corruption".
Les 25 et 26 octobre 2018, la rencontre se déroulait à Copenhague.
L'on pouvait suivre en direct les travaux de cette rencontre, qui demeurent ainsi disponibles.
L'on peut faire trois observations.
1. Tous stakeholders ! Sur le fond, l'on soulignera que, comme y a insisté au nom de la Banque Mondiale Pascale Dubois, elle-même en charge des politiques d'intégrité lors de la mise en place des programmes dans les pays, les actions contre la corruption bénéficient de plus en plus de l'action des entreprises, qui aujourd'hui voient leur réputation impliquée, réputation qu'elles perçoivent comme un actif à préserver ce qui justifie leur participation active à cette "Alliance". Cela renvoie à l'idée d'un "cercle de confiance" sur lequel repose la Compliance, même lorsqu'il y a contrainte exercée sur les entreprises, l'oratrice ayant abondamment parlé des programmes de compliance.
2. Une "Alliance" plutôt qu'un Ordre international inefficace ! Entre la forme et le fond, et bien que l'on puisse trouver grâce aux sites les précédentes rencontres biennales, le terme commun d' "Alliance" dans l'intitulé même d' International Corruption Hunters Alliance a de quoi retenir l'attention. En effet, dans l'ordre international ce sont les institutions internationales qui se rencontrent selon des formes codifiées, avec des textes, voire des accords, qui en résultent. Ici, nous avons des personnes "impliquées", à tous les titres : Etats, organisations publiques mais aussi entreprises et organisations non-gouvernementales. Comme le reflètent ce terme sans cesse utilisé par ces travaux de stakeholders, terme qui a la caractéristique pratique de pouvoir inclure tout le monde.
Il est vrai que la corruption est un fléau mondial qui concerne le particulier, les entités et les systèmes dont les institutions sont gardiennes : chacun peut donc à la fois en dire quelque chose et agir. Cette "Alliance" marque simplement le recul assumé d'un "ordre international" qui sans doute n'a pas pu se constituer à temps, alors que la criminalité trouve dans la globalisation un espace naturel, utilisant la fragmentation territoriale des Droits comme un bouclier que l'impératif de lutte ne semble plus pouvoir tolérer...
3. Tous "chasseurs" ! ou l'archaïsation du Droit de la Compliance. Le terme de "chasseurs" (hunters) est sur la forme plus encore remarquable. Cela rappelle le temps des "chasseurs de prime". Et c'est d'ailleurs parfois à ceux-ci que l'on compare les "moniteurs" dont l'efficacité est requise dans les techniques de programmes de compliance, leur exploits qu'ils relatent sur leur site étant parfois comparés à un "tableau de chasse" à la vue des entreprises terrassées. Cela n'est pas critiquable en soi. L'idée est qu'il faut pourchasser un fléau (la corruption étant implicitement comparée à une sorte de bête sauvage qui ravage tout).
Face à ce but, chacun est chasseur, l'entreprise comme l'ONG comme le tribunal comme le Gouvernement. Cela est de fait d'autant plus pertinent que sous un angle mondial la corruption s'étant infiltrée dans chaque catégorie, il convient sans doute de revenir à un tableau plus simple et plus archaïque : un fléau bien identifié (la corruption) et tout intéressé à l'éliminer dans une chasse "collective" (les intervenants ayant tous insisté sur ce caractère collectif).
Si on l'analyse du point de vue du droit, cela signe une nouvelle fois le mouvement d'archaïsation très fort du Droit de la Compliance, puisque les catégories juridiques s'effacent (par exemple la distinction entre l'entreprise privée et l'Etat) pour privilégier l'efficacité au regard d'un but.
Dans ce droit, dont Alain Supiot souligne notamment le caractère régressif et guidé par le principe de l'efficacité (qui n'est qu'un principe procédurale), pondéré par le principe de proportionnalité (qui n'est lui-aussi qu'un principe procédural), le Droit de la Compliance apparaît comme un Droit nouveau, dont il ne faut sans doute se contenter de viser comme seul principe l'efficacité.
En effet, et comme cela a été bien exposé à Copenhague, les criminels corrupteurs et corrompus ne connaissent plus les frontières dans leur activité mais les redécouvrent, utilisant la territorialité du Droit en défense lorsque des comptes leur sont demandés. La réponse du Droit est pour l'instant dans l'extraterritorialité des règles, les Etats se disputant alors, tandis qu'ils ne semblent s'accorder que dans l'informel des "alliances".
Tout cela montre l'urgence technique de concevoir d'une façon plus substantielle un Droit de la Compliance.
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3 juillet 2018
Publications
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Dessiner les cercles du Droit de la Compliance, in Études en l'honneur de Philippe Neau-Leduc, Le juriste dans la cité, coll. « Les mélanges », LGDJ- Lextenso, 2018, pp. 483-496.
Cet article s'appuie sur un document de travail. Celui est doté de notes de bas de pages, de références techniques et de liens hypertextes.
Il est accessible en langue française par le lien suivant Tracer les cercles du Droit de la Compliance.
Il est accessible en langue anglaise par le lien suivant : Drawing the circles of Compliance Law.
Résumé : Le Droit de la compliance participe du même fonctionnement téléologique que le Droit économique auquel il appartient, consistant à placer la normativité des règles, décisions et raisonnements, dans les buts poursuivis. Une fois que l'on sait quels sont les buts poursuivis par les techniques de compliance, alors on sait qui doit en avoir la charge, qui doit y être soumis, qui doit activer les règles : les règles de compliance doivent être activées par ceux qui sont les mieux placés pour aboutir au résultat concrétisant le but recherché par celui qui a conçu le mécanisme de compliance. Les "cercles" sont ainsi tracés d'une façon rationnelle et pragmatique. Cela, tout cela ("effet utile"), mais pas au-delà de cela. La notion d'efficacité n'implique pas toujours une mise en balance : elle peut au contraire impliquer de dessiner des cercles qui désignent ceux qui sont "placés" pour porter la charge des règles car ils sont aptes à leur faire produire les effets recherchés. A l'intérieur de ces cercles, les règles doivent s'appliquer sans restriction et sans compromis, mais elles ne doivent pas s'appliquer au-delà de ces cercles.
Dessiner de tels cercles nécessite de définir le Droit de la compliance lui-même, puisque d'une part le choix de ceux qui doivent concrétiser la Compliance dépend des buts de celle-ci et que d'autre part la définition du Droit de la Compliance est elle-même de nature téléologique . C'est pourquoi, à l'inverse de l'affirmation comme quoi l'exercice de définition serait inutile dans ces matières, qui seraient avant tout du cas par cas, cet effort de définition et cette détermination des finalités sont au contraire déterminants pour savoir en pratique qui doit porter les obligations de compliance et qui ne le doit pas.
Or il suffit d'avoir posé cela pour qu’apparaisse la difficulté majeure de la matière, difficulté qui explique les résistances, voire donne l'impression que l'on se heurte à une aporie. En effet, si par principe ce que l'on attend de la part des "usagers" des mécanismes doit s'articuler au but qui est affecté par les auteurs des mécanismes de compliance à ceux-ci, encore faut-il qu'il y ait une correspondance minimale entre les buts visés par ces auteurs (Législateurs et Régulateurs) et les buts poursuivis par ceux qui en sont chargés de les mettre en œuvre : les entreprises. Or, cette correspondance n'existe pas à première vue, parce que les mécanismes de compliance ne trouvent leur unicité qu'au regard de "buts monumentaux" dont les autorités publiques ont le souci légitime, alors que les entreprise ont pour but leur intérêt propre. Les deux cercles ne correspondent pas. L'internationalisation du souci de ces buts dans les entreprises ne serait donc qu'un mécanisme de violence dont les entreprises sont l'objet, violence ressentie comme telle. (I).
22 mai 2018
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Augagneur, L.-M., L'efficacité des programmes de compliance : l'exemple du droit de la concurrence, in Borga, N., Marin, J.-Cl. et Roda, J.-Cl. (dir.), Compliance : l'entreprise, le régulateur et le juge, Série Régulations & Compliance, Dalloz, 2018, pp. 137-142.
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22 février 2018
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Malaurie-Vignal, M., Concurrence - Efficacité économique v/ politique de concurrence ? Réflexions à partir du marché du numérique, Contrats Concurrence Consommation n° 2, février 2018, repère 2.
L'article peut être lu par les étudiants de Sciences po via le Drive dans le dossier "MAFR - Régulation & Compliance"
5 octobre 2017
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Augagneur, L.-M., La compliance a-t-elle une valeur ?, JCP E, n° 40, 5 octobre 2017, p. 1522.
Les étudiants de Sciences Po peuvent consulter l'article via le drive, dossier "MAFR-Régulation & Compliance".
30 juin 2017
Publications
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Ce working paper sert de support à l'article paru dans les Mélanges dédiés à notre très regretté ami et collègue Philippe Néau-Leduc (consulter la table des matières de l'ouvrage).
Ce travail utilise par liens le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance.
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Résumé : Le Droit de la compliance participe du même fonctionnement téléologique que le Droit économique auquel il appartient, consistant à placer la normativité des règles, décisions et raisonnements, dans les buts poursuivis. Une fois que l'on sait quels sont les buts poursuivis par les techniques de compliance, alors on sait qui doit en avoir la charge, qui doit y être soumis, qui doit activer les règles : les règles de compliance doivent être activées par ceux qui sont les mieux placés pour aboutir au résultat concrétisant le but recherché par celui qui a conçu le mécanisme de compliance. Les "cercles" sont ainsi tracés d'une façon rationnelle et pragmatique. Cela, tout cela ("effet utile"), mais pas au-delà de cela. La notion d'efficacité n'implique pas toujours une mise en balance : elle peut au contraire impliquer de dessiner des cercles qui désignent ceux qui sont "placés" pour porter la charge des règles car ils sont aptes à leur faire produire les effets recherchés. A l'intérieur de ces cercles, les règles doivent s'appliquer sans restriction et sans compromis, mais elles ne doivent pas s'appliquer au-delà de ces cercles.
Dessiner de tels cercles nécessite de définir le Droit de la compliance lui-même, puisque d'une part le choix de ceux qui doivent concrétiser la Compliance dépend des buts de celle-ci et que d'autre part la définition du Droit de la Compliance est elle-même de nature téléologique . C'est pourquoi, à l'inverse de l'affirmation comme quoi l'exercice de définition serait inutile dans ces matières, qui seraient avant tout du cas par cas, cet effort de définition et cette détermination des finalités sont au contraire déterminants pour savoir en pratique qui doit porter les obligations de compliance et qui ne le doit pas.
Or il suffit d'avoir posé cela pour qu’apparaisse la difficulté majeure de la matière, difficulté qui explique les résistances, voire donne l'impression que l'on se heurte à une aporie. En effet, si par principe ce que l'on attend de la part des "usagers" des mécanismes doit s'articuler au but qui est affecté par les auteurs des mécanismes de compliance à ceux-ci, encore faut-il qu'il y ait une correspondance minimale entre les buts visés par ces auteurs (Législateurs et Régulateurs) et les buts poursuivis par ceux qui en sont chargés de les mettre en œuvre : les entreprises. Or, cette correspondance n'existe pas à première vue, parce que les mécanismes de compliance ne trouvent leur unicité qu'au regard de "buts monumentaux" dont les autorités publiques ont le souci légitime, alors que les entreprise ont pour but leur intérêt propre. Les deux cercles ne correspondent pas. L'internationalisation du souci de ces buts dans les entreprises ne serait donc qu'un mécanisme de violence dont les entreprises sont l'objet, violence ressentie comme telle. (I).
Pour résoudre cette violence, il vaut mieux cesser de confondre État et entreprises, dont les buts ne sont pas les mêmes, et dessiner le cercle des sujets de droit "éligibles" à la compliance. Celle-ci est fortement légitime à viser certaines entités, notamment cette catégorie d'entreprises que sont les "opérateurs cruciaux" , d'une façon contraignante, comme elle est légitime à gouverner les entreprises qui ont exprimé la volonté de surpasser leur intérêt propre. Ces cercles de nature différente peuvent se recoupent sur un opérateur concret : par exemple si une banque - opérateur crucial structurel parce que systémique - est internationale - opérateur crucial par son activité - décide en outre de se soucier d'autrui, par l'engagement vérifié par les autorités de dépasser son intérêt propre (responsabilité sociétale), mais ces différents cercles ne se confondent pas. En toute hypothèse, des entreprises peuvent n'appartenir qu'un seul cercle, voire n'appartenir à aucune. Dans ce dernier cas, elles doivent alors demeurer hors d'atteinte de la pression et du coût du Droit de la Compliance, notamment parce qu'elles ne sont pas objectivement requis pour concrétiser les buts monumentaux dont on vise l'effectivité et qu'elles ne le souhaitent pas : dans un système libéral, c'est aux autorités publiques de viser l''intérêt général, les personnes ordinaires y participant indirectement par le paiement de l'impôt. (II).
C'est en faisant ces "cercles de la compliance" des sujets de droit éligibles pour mettre en œuvre la charge lourde mais justifiée et contrôlée de la Compliance au regard des buts monumentaux que celle-ci vise, que s'ouvre alors une voie royale, pour trouver une unicité et accroître la "fonction monumentale" du Droit de la compliance par une relation de confiance vers l'intérêt général mondial, plutôt que l'application mécanique de règles dont on ne comprend pas le sens et dont on ne perçoit plus que la violence.
20 mai 2017
Blog
Aucun film ne reprend mieux la description que Sade fait dans son œuvre, et plus particulièrement dans Justine ou les infortunes de la vertu , du rapport désespéré entretenu par ceux qui expriment et appliquent la Loi ont avec celle-ci.
Ce film d'Elio Petri, réalisé en 1969, sorti en 1970, qui reçut le prix spécial du Jury au Festival de Cannes, a retenu l'attention de tous, notamment pour sa dimension dramatique, esthétique et politique
Si on le prend davantage du côté du Droit, on observera que le titulaire de l'expression du Droit, celui qui doit concrétiser le Droit dans la société, ici le "chef" de la police, exprime ce qu'est pour lui la règle.
On se souvient que Carbonnier pose qu'à chacun d'entre nous le Droit d'une façon première et immédiate apparaît sous la forme d'un képi du gendarme. A cette formulation sociologique bienveillante correspond ainsi la forme terrifiante d'un commissaire, grand chef qui tue et punit, sans jamais porter d'uniforme.
Lorsqu'il veut être puni du crime qu'il a commis parce que la femme a dit la vérité, à savoir le caractère enfantin de la règle qui le gouverne et donc du caractère infantile de sa propre stature, sa mise en scène s'écroule, lui qui ultérieurement se déguisera en metteur en scène.
François Ost a consacré un ouvrage à la conception sadienne de la Loi. On la retrouve ici, car le personnage principale des fables de Sade, c'est la Loi et son auteur, Dieu. Si les titulaires de la loi, à savoir les juges, les évèques, les parlementaires, qui sont légions dans l'oeuvre de Sade, ceux qui l'expriment, ne peuvent que torturer l'innocent, comme le fait le personnage dans le film d'Elio Petri de la femme et du jeune homme, afin qu'ils avouent leur innocence, qu'ils la dégorgent, qu'ils n'aient pas à reconnaître que la Loi est vide, c'est-à-dire que ce Dieu dont ils appliquent la norme n'existe pas.
La provocation de ce Dieu, afin de le voir surgir, la provocation de la Loi afin de la voir apparaître, les héros sadiens l'opèrent en s'exténuant de torture en torture, de meurtre en meurtre. Dans le film d'Elio Petri, la méthode est plus juridique et revêt la même dimension probatoire : il organise la démonstration de sa culpabilité, afin de donner consistance à la Loi pénale dont il assure l'effectivité par la répression, pour que cette répression ne soit pas vide, pour que sa vie ait un sens.
Mais, comme dans Sade, cela n'adviendra pas.
Oui, il n'y a pas eu de meilleure adaptation au cinéma de Sade que par ce film-là.
Pour une analyse faite dans le festival du film d'Enghien, présentant ce film comme le "film le plus emblématique" des films politiques italiens des années de plomb.
2 janvier 2017
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Toth, A., How Could Competition Authorities Reward Competition Compliance Programmes, European Competition & Regulation Law Review, 2017, n°1, pp. 4-10.
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20 décembre 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Lehaire, B., The Juridicity of Compliance Programs in Canadian Competition Law: A Cross Analysis of Corporate Criminal Liability and Competition Law, R.J.T., n°50, 2016, pp. 694-743.
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1 décembre 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Souty, F., Entreprises, concurrence, conformité : définition empirique de la compliance, RLC, 2016, n°55.
Les étudiants de Sciences Po peuvent lire cet article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation & Compliance"
1 novembre 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Durand, W., L’entreprise face au droit de la concurrence : comment réduire le risque, Revue Lamy de la concurrence, No 55, 1 nov. 2016.
Les étudiants Sciences Po peuvent consulter l'article via le drive, dossier "MAFR-Regulaiton & Compliance".
16 juin 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Fasterling, B., Criminal compliance - Les risques d'un droit pénal du risque, in Eeckhoudt, M. (dir.), Les grandes entreprises échappent-elles au droit, Revue Internationale de Droit Économique (RIDE), 2016/2,De Boeck, p.217-237.
Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation"
Cet article montre tout d'abord que le droit pénal vise maintenant à convaincre les entreprises à prendre des dispositions via la "compliance" pour "optimiser le risque juridique" en se mettant en mesure de ne pas commettre d'infractions. Mais l'auteur souligne qu'il n'y a pas d'études concrètes montrant la causalité entre cette compliance mise en place et la diminution des infractions. Il en conclut que les instruments de mesure de "l'efficacité" de la compliance.
L'article est très critique à la fois sur la notion même, parlant d'une "autorégulation réglementée" et sur la façon dont la compliance fonctionne, évoquant une "perversion de la compliance", puisque cela ne marche pas, et concluant sur la "vanité" de la criminal compliance....
Dans ce dossier voir aussi :
EECKHOUDT Marjorie, Propos introductifs.
BONNEAU Thierry, Les conflits d'intérêts dans le règlement Agence de notation du 16 septembre 2009.
KRALL Markus, Gouvernance et conflits d'intérêts dans les agences de notation financière.
GARRETT Brandon L., Le délinquant d'entreprise comme bouc émissaire.
26 mai 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Le Fur, A.-V., La rationalité des sanctions, une exigence démocratique en faveur de leur efficacité, D.2016, chron., p.1091-1101.
Les étudiants de Sciences po peuvent accéder à cet article via le drive dans le dossier MAFR - Régulation
3 février 2016
Base Documentaire : 03. Conseil d'Etat
Référence complète : C.E., sous-section 6 et 1 réunies, Président de l'Autorité des marchés financiers (AMF).
5 avril 2015
Publications
Droit et Marché à première vue ne sont pas sur le même plan, l'un étant une construction, une invention humaine, l'autre étant des marchés. Mais depuis le XVIIIième en Europe, l'on a pareillement institué, donc inventé le "Marché".
Ces deux institutions ont un rapport dialectique, puisque c'est par le droit que le Marché a été construit. La puissance des institutions dépend de ceux qui les construisent mais surtout de la foi de ceux qui les contemplent. Or, si le Droit a construit le Marché, aujourd'hui la foi se tourne vers le Marché et la croyance d'une loi qui lui sera proche et naturelle le rend universel, transportant avec lui sa "petite loi" juridique qu'est le contrat et le juge qui y est inclus, l'arbitre.
Plus encore, parce tout cela n'est qu'affaires humaines et donc affaires de pouvoir, la place de l'Institution qui fût celle de la puissance, tirée de sa source, par exemple le Peuple Constituant, est en train de descendre en-dessous de ce qui est là, c'est-à-dire le fait. En effet, que peut-on contre un fait ? Seul Dieu, et donc une Assemblée parlementaire par exemple qu'il est aisé de destituer, peut prétendre lutter contre un fait. Or, le Marché est aujourd'hui présenté comme un fait, tandis que ce qui le gouvernent seraient des phénomènes naturels, comme l'attraction entre l'offre et la demande, le fait d'offre ce qui attire, le fait de demander ce que l'on désire. Dès lors, seul Dieu, souvent brandi avec grande violence, peut prétendre encore dire quelque chose contre cela.
Aujourd'hui, Droit et Marché sont face à face. Curieusement les juristes sont assez taisant, peut-être sidérés de la destitution du Droit. Mais c'est la question de la Loi première qui est en jeu. Dans l'esprit occidental, depuis la pensée grecque l'on a pensé le sujet et la personne comme étant première, c'est-à-dire posée sans condition. Si on pose comme loi première l'efficacité de la rencontre des offres et des demandes, le monde a changé. Un monde sans Personne, avec des êtres humains plus ou moins attrayant, plus ou moins demanding , le monde des puissances ayant remplacé le monde de la volonté égale de tous. La technique devient la préoccupation première. Le droit qui était "art pratique" et les lois faites pour l'homme, devient une technique et les juristes se devront alors d'être neutres.
Depuis quelques décennies, Droit et Marché sont donc face-à-face (I), mais le Marché semble en passe de dominer parce qu'il est en train de quitter le statut inférieur d'institution pour accéder à celui, universel, de fait (II). L'enjeu devient alors de mesurer les effets d'une telle évolution et de déterminer, si le Droit devait s'effacer, quelles normes viendrait le remplacer (III).
27 mars 2015
Publications
La question du coût de la régulation est une question récurrente.
On peut s'en plaindre concrètement, lorsque les entreprises protestent à propos du "coût de la régulation" ou qu'on le prenne comme objet d'études, à travers le calcul coût/avantage.
Une question pratique de grande importance est de savoir s'il s'agit d'une "question juridique" ou non.
La "juridicité" d'une question se définit par le fait qu'en discuter a un effet sur la solution d'un litige devant un juge. Cette définition concrète, partant du pouvoir du juge, liant la nature de la règle (ici la balance entre le coût et l'avantage) à l'efficacité de sa décision devant le juge, à sa prise en considération par celui-ci dans la décision qu'il prendra, a été proposé en France par Carbonnier. Elle s'oppose à une définition du droit par la source, par l'auteur de la règle, qui repère le droit par exemple à travers la loi, puisque celle-ci est adoptée par le Législateur, source répertoriée du droit.
La première définition, plus sociologique, plus souple, donnant la part belle au juge, correspond mieux à un droit qui donne plus de place à l'Ex post et au juge. Il est logique qu'on en trouve davantage de manifestations dans les systèmes de Common Law.
Or, la question du coût/avantage est actuellement débattue devant la Cour suprême des États-Unis, à propos de la dernière réglementation environnementale, adoptée par l'Environment Protection Agency (EPA). Elle est une question de droit. Elle est sous l'empire du juge.
Car c'est sous cet angle que le Président Barack Obama en novembre 2014 a demandé une régulation très coûteuse, et c'est sous son impulsion que l'Environmental Protection Agency a conçu des textes. En effet, la pollution de certaines centrales électriques est la cause d'asthme et il a posé en impératif de santé publique de lutter par une Régulation qui se traduit par un coût direct sur les producteurs. Les régulations adoptées en 2012 leur coutent 9 millions $, celles à venir pouvant se traduire par des milliards portant directement sur les entreprises. Le Président a insisté en affirmant que la santé des enfants n'avait pas de prix.
En contestant celles de 2012 devant la Cour suprême, dans le cas Michigan v/ EPA, c'est les autres que les Etats conservateurs et les entreprises ont en tête car c'est le principe qui est posé : un Régulateur a-t-il le droit d'adopter des mesures très "coûteuses" lorsque l'avantage, si acquis soit-il, est de faible ampleur au regard des coûts ? La Cour suprême qui, ayant choisi de traiter le cas, a écouté le 25 mars 2015, les arguments des uns et des autres.
Il s'agit d'intégrer dans la notion constitutionnelle de "nécessité de la loi" le calcul "coût/avantage". C'est un point essentiel car la notion de "nécessité de la loi" est une notion commune aux Constitutions de nombreux pays.
Or, non seulement les juges dits "conservateurs", comme le juge Antonio Scalia, a pris position a estimé qu'il était fou de pas "considérer" le coût des nouvelles régulations par rapport aux bienfaits attendus sur la santé, mais encore le juge Stephen Breyer, dit "progressiste", a estimé "irrationnel" que le Régulateur environnemental ne se soit pas arrêté à un tel déséquilibre entre le coût et l'avantage.
Il est vrai que Justice Breyer avant d'être juge était professeur de droit de la concurrence à Harvard.
L'arrêt sera rendu en juin.
17 décembre 2014
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Lachnit, E., Compliance Programmes in Competition Law: Improving the Approach of Competition Authorities, vol. 10/5, Utrecht Law Review, 2014.
Les étudiants de Sciences po peuvent lire cet article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation & Compliance"