15 mars 2023
Conférences
► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Pourquoi le Droit de la Compliance", in Roman Aydogdu et Hans De Wulf (dir.), Inauguration de la Chair Business Compliance, Faculté de Droit de Gent, Faculté de Droit de Liège, Fédération des Entreprises de Belgique (FEB); Bruxelles, 15 mars 2023.
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►Présentation de la conférence : dans le cadre du lancement de la Chair Business Compliance dirigée par Roman Aydogdu et Hans de Wulf, avant que ceux-ci n'en présentent les objectifs, j'ai pris comme thème général "Pourquoi la compliance", qui est tout autant une question (car cela semble si nouveau), une protestation (pourquoi les entreprises devraient faire le travail de l'État, cela ne devrait pas avoir lieu) et un accablement (comment faire pour donner à avoir que l'on respecte à tout instant, en tout lieu et en toute personne toutes les normes applicables, cela parait impossible).
C'est donc à ceux qui promeuvent et activent le Droit de la Compliance de l'expliquer, de le fonder et de dire Pourquoi il existe.
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📈Consulter les slides ayant servi de support à l'intervention
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1 septembre 2021
Compliance : sur le vif
► Un article publié le 14 juillet 2021 par The Wall Street Journal, "Brain Implant Lets Man ‘Speak’ After Being Silent for More Than a Decade", relaye l'information comme quoi il est désormais possible, à titre expérimental, d'implanter dans le cerveau un dispositif permettant à une personne privée par un accident neurologique de la parole de pouvoir s'exprimer de nouveau en inscrivant ses pensées directement sur un écran d'ordinateur, les mots pensés s'affichant en phrases sur celui-ci.
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Voilà plusieurs années de recherches dites "fondamentales", notamment de la part de Facebook, qui, notamment en subventionnant le professeur de neurosciences Stanislas Dehaene, dans une comparaison entre le développement d'apprentissage du cerveau et le développement du "deep learning", aboutissent à permettre à des personnes qui ont perdu l'usage de la voix à écrire directement sur les écrans sans ce medium vocal en allant directement de la pensée à l'écriture.
Cela conduit à trois réflexions, qui mettent le rapport entre le Droit et la Technologie au centre :
1. A première vue, la parole n'étant qu'un media entre la pensée et l'expression, il serait concevable d'en faire l'économie ;
2. L'on peut cependant faire le parallèle avec la technologie nouvelle de la "reconnaissance émotionnelle" par laquelle les pensées sont accessibles aux tiers, ce qui contrarie le droit fondamental de rendre ses pensées inaccessibles à autrui ;
Mais l'actualité a précisément montré que cette technologie qui permet de saisir les pensées véritables d'autrui malgré des expressions faciales feintes pose problème au regard du droit fondamental de mentir ou de se taire (v. à ce propos 📧 MaFR, "Compliance et Ethique. Des technologies peuvent être inadmissibles "en soi" et concevoir leur "usage éthique" n'est donc pas admissibles : cas pratique sur le contrôle des émotions des travailleurs").
3. En anticipant l'usage possible de cette nouvelle technologie et la réaction juridique face à cette potentialité, l'on peut pareillement se demander si en soi une telle implantation d'un outil de "captation des pensées directement dans le cerveau" pour obtenir leur "translation directe sur un écran" ne devrait pas être considéré comme l'équivalent d'une captation des pensées, tout aussi attentatoire au droit fondamental de chacun de garder ses pensées inaccessibles.
Là encore, le fait que dans un ou deux cas, cela ait permis de guérir une personne ne légitime pas la technologie en soi (v. sur les règles bioéthiques, telles que le Droit français les a transcrites dans l'article 16 du Code civil par la loi de 1994, Marais, A., Droit des personnes, 2021).
De la même façon, le fait que la personne concernée "consente" ne suffit pas à légitime ce qui peut être une atteinte per se à la dignité de la personne humaine si la technologie a pour effet de capter les pensées avec une perte de contrôle de la personne concernée. Pour l'instant, dans la description qu'en donnent les chercheurs selon l'article qui relate l'innovation, c'est l'émetteur qui contrôle la technologie mais l'élimination du média qu'est la parole ou l'écrit mérite d'être pensée dans la perte d'isolement de l'individu, isolement auquel la tradition occidentale a souvent associé la liberté.
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8 septembre 2019
Blog
2 août 2018
Publications
► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Oui au principe de la volonté, Non aux consentements purs, document de travail pour une contribution aux Mélanges dédiés à Pierre Godé, 2018, accessible à http://mafr.fr/fr/article/oui-au-principe-de-la-volonte-non-aux-consentement/
Les Mélanges Pierre Godé, dont Marie-Anne Frison-Roche est l'éditeur au sens britannique du terme, ont été publiés hors-commerce par LVMH en exemplaires limités, numérotés et illustrés.
Quelques exemplaires sont disponibles dans des salles de travail d'Université qui ont rendues destinataires de l'ouvrage.
► Résumé : Pierre Godé a consacré sa thèse à défendre la liberté de l'être humain, liberté que la personne exerce en manifestant sa volonté. Cette volonté se manifeste, même tacitement, par cette trace que constitue le "consentement". Dans une société politique et économique libérale, c'est-à-dire fondée sur le principe de la volonté de la personne, le consentement doit toujours être défini comme la manifestation de la volonté, ce lien entre le consentement et la volonté étant insécable (I). Mais par une perversion du libéralisme le "consentement" est devenu un objet autonome de la liberté de la personne, consentement mécanique qui a permis de transformer les êtres humains en machines, machines à désirer et machines à être désirées, dans un univers de "consentements purs", où nous ne cessons de cliquer, consentant à tout sans plus jamais vouloir. Ce consentement qui a été scindé de la volonté libre de la personne est le socle et d'un marché de l'Humain et des démocraties illibérales, menaces contre les êtres humains (II). L'avenir du Droit, auquel croyait Pierre Godé, est de continuer à ambitionner de protéger l'être humain et, sans contrer la volonté libre de celui-ci comme avait été tenté de le faire le mouvement du Droit de la consommation, de renouer avec un mouvement libéral du Droit et de lutter contre ces systèmes de consentements purs (III).
Et s'il me plaît à moi, d'être battue ?
Le Médecin malgré lui, Molière, acte I
🔻Lire l'article ci-dessous
2 décembre 2017
Blog
Le journal Le Monde dans son édition du 2 décembre 2017 raconte un cas, sans doute inédit, que le journaliste a lui-même lu dans une revue de médecine. Aussi repris par d'autres journaux, comme L'express.
Mais prenons le cas d'une façon plus juridique.
Et que l'on soit en système juridique de Common Law ou en système de Civil Law, un cas inédit est toujours une occasion de réfléchir.
LE CAS
En l'espèce, arrive à l’hôpital de Miami un homme de 70 ans. Il n'a plus conscience, non pas du fait de son âge mais en raison de l'alcool et n'a pas de papier d'identité. L'équipe médicale s'apprête à le réanimer, ce qui est techniquement est l'acte qui s'impose. Mais sur sa peau est tatouée la mention : "ne pas réanimer", le mot "pas" étant souligné et la mention étant signée.
LA QUESTION
Que doit faire le médecin ?
L'ANALYSE JURIDIQUE DU CAS POUR RÉPONDRE A LA QUESTION
La difficulté tient dans l'analogie à faire ou non entre un tatouage et d'autres modes d'expression de la volonté d'une personne.
En effet, lorsqu'une personne "parle", ou "écrit", elle exprime un "consentement", qui lui-même traduit en principe une volonté libre et éclairée. C'est le socle de la relation entre le médecin et le patient.En conséquence de quoi, si le patient exprime sa volonté de n'être pas réanimé, le médecin suivra cette expression de la volonté faite par le consentement.
Pourquoi l'analogie entre un tatouage et ce schéma pose problème ?
- à première vue, l'on peut dire que l'être humain s'exprime par d'autres mots que la parole et l'écrit. Ainsi, il y a de la jurisprudence pour dire que mettre une croix est une "signature" valable dès l'instant que le lien peut être fait entre "consentement" et la "volonté" est fait.
De la même façon, dans nos temps moderne, où l'écrit recule, pourquoi ne pas s'exprimer par le chant ? par une vidéo ? par un jeu où un avatar serait en train de mourir ? Pourquoi non ?
Car il n'y a pas de liste close sur la façon d'exprimer sa libre façon d'exprimer sa volonté, sur le mode d'expression de consentir.
Mais
Le problème vient justement du fait que ce lien entre cette expression ici exposée et ce qui est absolument être la source, à savoir une libre volonté maintenue de mourir, n'est pas acquis.
En effet, c'est la qualité de la volonté , exprimée d'une façon ou d'une autre, qu'il s'agit d'apprécier :
LA SOLUTION JURIDIQUE
Il n'y a pas de solution déjà arrêtée que l'on pourrait recopier,, tel l'élève sage. Il faut donc remonter plus haut, dans les normes fondamentales.
Il y en a deux : l'obligation du médecin de sauver les êtres humains (c'est son premier principe) ; la liberté de l'être humain de mourir (c'est sa première liberté).
Le cas met donc face à face deux principes fondamentales : la liberté de l'être humain d'une part (mourir), ce pour quoi les médecins sont faits (sauver).
Mais ici, il est acquis qu'il n'y a pas de doute sur le fait que les médecins étaient devant une personne qui allait mourir s'ils ne réanimaient pas. Alors qu'il y a un doute sur le fait que la personne dans l'expression qui est recueillie exprime véritablement sa volonté.
Il est incontestable que la question est donc une question probatoire.
C'est donc le principe qui est factuellement certain, face au principe qui est factuellement incertain, qui doit l'emporter.
La personne devait être réanimée.
QUE S'EST-IL PASSE EN L’ESPÈCE ?
Les médecins, dépassés et sans doute craignant une action en responsabilité, ont saisi le service de "l'éthique". Qui a dit que c'est "comme" un véritable message exprimant la volonté du patient. Celui-ci, non réanimé, est donc mort.
CONCLUSION : il faudrait apprendre aux médecins à faire des cas pratiques au regard des principes de droit.
2 juillet 2015
Interviews
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., GPA. Si l'on admet qu'un enfant peut être donné, alors il est traité comme une chose, Interview avec Carole Barjon, L'Obs, 2 juillet 2015.
25 novembre 2014
Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014
Classiquement le droit protégea les êtres humains en les recouvrant du masque de la personnalité, posant ainsi les poser comme libres et égaux en droit. Le premier choc qui conduisit à démasquer juridiquement l'être humain afin de le protéger directement fût le constat après la seconde guerre mondiale que le nazisme avait pu se construire aussi sur le droit et précipiter les êtres humains dans l'abîme. Les droits étant alors affectés directement aux êtres humains, dont la titularité de droits ne pouvait plus être déniée puisqu'ils sont êtres humains, la concrétude apparut, c'est-à-dire le corps. Intervînt le second choc, à savoir les biotechnologies, rendant aptes à dégager des produits et éléments du corps sans blesser ou tuer. Mais si la personne est hors-marché, son corps l'est-il ? Cette concrétisation va conduire le droit à revenir sur des distinctions jusqu'ici relativement sommaires, comme celle faite entre le mineur et le majeur, ou encore entre l'homme et la femme. A partir d'une identité sexuelle, le critère biologique de l'identité, puis de la filiation, sont en train d'être remis en cause.
Cela accompagne ou traduit ce qui peut être un retournement juridique de situation, dont il n'est pas acquis qu'il soit favorable à tous les êtres humains. En effet, la pensée juridique de l'être humain se reconstruit sur la volonté, à partir de l'idée classique de la libre disposition de soi-même. Mais la personne juridique étant devenue "concrète", elle pourrait disposer de son corps dès l'instant qu'elle y consent. Le contrat devient la façon d'exprimer sa liberté. Il est aussi le mode de construction des marchés. Sont alors en train de se constituer des marchés des corps et des personnes désirés, le marché fonctionnant sur le désir. La Loi du désir, loi universelle, pourrait-elle transformer les uns en producteurs et les autres en consommateurs d'êtres humains, à travers notamment la prestation de gestation pour autrui ? Le transhumanisme, créant "l'être humain nouveau" achève-t-il la réification de l'être humain ?
4 août 2014
Publications
Ce Working Paper sert de base à un article dans les Archives de Philosophie du Droit, dont le tome paru en octobre 2014 a pour thème Une famille en mutation. Lire l'article.
La famille est construite sur une idée de base qui est si puissante que le droit s'agence autour d'elle. Mais si le paradigme change, alors toutes les règles changent, avec la force de l'évidence.
Or, dans les années 1970, nous avons changé de paradigme. Antérieurement, pendant des millénaires, l'idée de base a été que la famille est un groupe. Selon le temps ou la période, le groupe a varié dans ses contours, les places attribuées et les pouvoirs conférés aux différents membres, mais l'idée de groupe était acquise. La famille comme groupe s'insérait dans le groupe social, gardé par l'État.
A partir des années 1970, la famille devient le projet élaboré par une personne libre et autonome. Ce projet conçu par une personne désirant construire la famille qui lui convient se concrétise par la rencontre que l'individu fait d'autres individus dont le projet de famille croise le sien. En naissent des familles sur-mesure et poreuse, où chacun entre et sort, suivant les fluctuations des affections, grâce à l'instrument contractuel. Cet ajustement des désirs correspond au modèle du marché. Concrètement le marché de la famille idéale pourvoit à la satisfaction de divers projets tous légitimes puisque voulus. Le lien en est l'affection, le centre en est l'enfant. Le marché offre des prestations nouvelles, que sont le conjoint idéal et plus encore l'enfant idéal, devenu joyau. L'idée de marché a triomphé.
Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 8 novembre 2011 )
Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011
Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 25 octobre 2011 )
Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011
Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 20 septembre 2011 )
Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011
14 mars 2013
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Catto, M.X., La gestation pour autrui : d’un problème d’ordre public au conflit d’intérêts ?, Revue des droits de l'Homme, mars 2013.
La thèse de l'auteur est de dire que le Droit peut se détacher de la nature physique, physiologique et construire sa propre réalité. Ainsi, la filiation serait une construction juridique pure. On pourrait ainsi dire qu'elle est établie entre l'enfant et ceux qui en ont eu le projet. Vouloir maintenir ce lien entre l'enfant et la femme du ventre duquel il est certain serait une "conception naturaliste du droit" qui ne s'impose pas.
16 septembre 2010
Base Documentaire : 02. Cour de cassation
En 2009, des organisateurs avaient utilisé des cadavres chinois, disséqués et plastinés, pour exposer des postures, notamment sportives. La Cour d’appel de Paris avait interdit l’exposition car la preuve n’avait pas été rapportée que les personnes avaient de leur vivant donné leur consentement. La Cour de cassation, par un arrêt du 16 septembre 2010, a approuvé la solution, mais adopte un tout autre fondement : non plus subjectif (le consentement, la volonté), mais objectif (la dignité humaine). Cela est radicalement différent.
9 juillet 2008
Base Documentaire : Doctrine
28 juin 2000
Publications
Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Volonté et obligation, in L’obligation, Archives de philosophie du droit, t.44, Sirey, 2000, pp.129-151.
Lire le résumé de l'article ci-dessous.
4 juillet 1957
Base Documentaire : Doctrine
Il s'agit du travail de référence en matière de qualification, même s'il aborde la question de la qualification sous un angle particulier, à savoir le pouvoir que les personnes ont d'infléchir l'appréciation par le droit d'une situation, ce qui a pour effet de la soumettre à tel ou tel régime juridique.
François Terré montre que pour les personnes, notamment les contractants, le déclenchement du régime juridique n'est plus alors l'effet de la qualification, mais l'objet recherché par la volonté individuelle, qui choisira telle ou telle qualification afin d'atteindre le régime juridique qui convient à la personne ou de se soustraire à celui qui ne lui convient pas.
La qualification est alors un "biais" pour atteindre un résultat, ici la satisfaction de l'intérêt personnel.Mais le système juridique peut refuser une telle flexibilité au nom de l'ordre public.
François Terré montre l'efficacité de la volonté pour disposer des éléments objectifs qui constituent la structure d'une qualification, afin que ce mécanisme satisfasse les buts recherchés par les personnes, le caractère objectif de cette structure n'entravant pas cette utilisation par les parties de la qualification pour obtenir le résultat qu'elles ont posé.