Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Il faut distinguer la mondialisation et la globalisation. La mondialisation est simplement l’intensification des échanges économiques par l’abaissement des frontières et la rapidité des échanges, phénomène connu depuis l’Antiquité, et dont l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est aujourd’hui le gardien. La globalisation vise un phénomène radicalement nouveau, celui des échanges économiques sans aucune contrainte de temps ni de lieu, portant sur des biens sans corporalité puisqu’il s’agit d’information. C’est le cas de toutes les données personnelles, de toutes les informations et de toute la finance (car les instruments financiers peuvent être analysés comme des informations) qui grâce à la technologie circule hors de l’espace et en un instant. Dans ce qu’on peut appeler cette « réelle virtualité », les États et le droit ne savent pas comment se saisir normativement de cette nouvelle réalité, car jusqu’ici ils n’avaient appréhendé que des objets palpables dans des espaces clôturés par leurs frontières. La globalisation est donc un changement de donne radicale.
Pour y répondre on peut certes chercher hors du droit et des États, par exemple se fier au sens moral des acteurs et à l’autorégulation des secteurs par les acteurs, les acteurs étant eux-même autorégulés. Sauf à imaginer la constitution d’un État mondial, on s’oriente plutôt vers des institutions de droit public international, dont le FMI ou l'OMC peuvent être des modèles, ou la mise en réseau de toutes les autorités de régulation qui sont davantage technocratiques qu’étatiques, pour être en reflet de cette globalisation : il s'agit alors de tenter de la "réguler", c'est-à-dire de ne pas laisser occuper cet espace global, souvent virtuel, par ce qu’Alain Supiot appelle le « marché total », mais mettre celui-ci en équilibre avec d’autres principes, par exemple le service public, la prévention du risque ou les droits fondamentaux.C'est notamment l'enjeu de la "régulation du numérique".
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L’Autorité de Régulation des Communication Electroniques et de la Poste (ARCEP) est une Autorité Administrative Indépendante (AAI). Elle a succédé en 2005 à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), laquelle fut créée en 1996. L’ART fût la première autorité de régulation du genre, inaugurée sous l’impulsion du la vague de libéralisation des secteurs naguère en monopole .
L’ARCEP a une compétence plus vaste de celle de l’ART, régulant également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office général de l’Autorité de Concurrence. Ce régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements. L’ARCEP a compétence pour réguler ce qui transporte les informations (contenant) tandis que le a compétence pour réguler les informations transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde donc la dualité des régulateurs. Mais en premier lieu elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préférant avoir un seul régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent passer par divers contenants (par ex. télévision ou le téléphone). En second lieu Internet rend difficile le maniement de cette distinction. C’est pourquoi on évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités de régulation.
L’ARCEP surveille les marchés de gros, dans lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon transparente, non discriminatoire et publier une offre de référence. Il les prix et oblige à une orientation du tarif vers le coût, favorisant en aval c'est-à-dire (marché du détail) le dynamisme concurrentiel. Sur celui-ci, le régulateur veille à de transport et au réseau de distribution jusqu’au final (problématique de la . L’ARCEP a le pouvoir d’attribuer les fréquences aux opérateurs, lesquelles sont des et dont l’attribution peut être retirée à l’opérateur en cas de . Mais au-delà de ces dimensions très techniques, le régulateur exerce une fonction parce qu’il projette dans le une certaine conception qu’il a du secteur. Ainsi il peut estimer ou non que la fibre optique doit être ou non favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut adhérer à la théorie de la « » au nom de laquelle il va imposer aux propriétaires d’un réseau de l’ouvrir à des utilisateurs, même au prix d’investissements pour les accueillir, le régulateur fixant alors l’indemnisation d’un tel . L’adhésion à cette théorie, très discutée, n’est pas de nature technique mais politique.
L’ARCEP dispose du pouvoir précité de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris. L’autorité exerce un pouvoir deet d’un pouvoir de . L’ARCEP publie un rapport annuel, façon pour l’Autorité de , ce mode de étant mis en balance avec son .
Comme en 1996 pour les télécommunications, à partir de 2005 le régulateur a ouvert à la les activités , tout en veillant à la poursuite du postal. La Loi du 9 février 2010, tout en transformant la Poste en société anonyme a veillé à maintenir ses obligations de service public et les a même étendues en lui confiant des obligations d’aménagement du , montrant avec la régulation . Par ce contrôle, le régulateur exerce un pouvoir plus que technique.
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Le monopole désigne le pouvoir d’une personne de retirer d’un bien son utilité en excluant les autres. Le monopole désigne une situation sur le marché, le monopoleur étant l’opérateur unique sur le marché. Les juristes sont habitués au monopole conféré par la loi, par exemple celui qui fut le monopole pour EDF pour l’électricité. Dans ce cas, ce qui est fait peut être défait, et le législateur peut retirer ce privilège surtout si il est mieux placé dans la hiérarchie des normes que le législateur précédent. C’est ainsi que le législateur communautaire a retiré par des directives les monopoles légaux à la plupart des opérateurs qui en étaient titulaires dans les secteurs régulés, pour libéraliser ceux-ci.
Mais le monopole peut avoir une source économique. En effet, il peut arriver qu’un premier opérateur construise une structure, par exemple un réseau de transport filaire de télécommunications. Parce qu’il est seul, les agents sur le marché devant recourir à lui pour transporter leurs communications, son activité sera rentable. Mais à partir de là, si un second opérateur construisait une telle infrastructure, celle-ci serait inévitablement déficitaire pour insuffisance de demandeurs. C'est pourquoi aucun agent économique rationnel ne construira de second réseau. Ainsi, ce réseau demeurera unique. Il s’agit alors d’un monopole économiquement acquis que la volonté législative ne peut faire changer de nature. C’est pourquoi il est qualifié de « naturel ».
Puisque ce qui est ne peut être changé, le droit communautaire a pris acte de cette nature monopolistique de la majorité des réseaux et de la puissance corrélée de leur propriétaire ou de leur gestionnaire, mais a prévu corrélativement leur surveillance par un régulateur qui non seulement via l'ex post régler d’éventuels différents entre le gestionnaire de l’infrastructure, facilité essentielle naturelle, et celui qui veut y avoir accès, mais encore, par un pouvoir ex ante, négocier avec ce gestionnaire le rendement de son capital, ses engagement d’investissements dans le réseau, etc., ou d'une façon plus directe encore en lui imposant la façon dont il fixe les tarifs d'accès, etc.
Ces monopoles économiquement naturels sont donc plus puissants que les monopoles légaux, ce que les États et les juristes ont mis beaucoup de temps à comprendre, mais ce qui explique aussi la tendance inverse devenue fâcheuse des économistes à écrire les lois, dès l’instant que les textes doivent manier ce type de notions, ses rédacteurs se souciant peu et de l’ordre politique et des notions juridiques. Le fait que le Droit portant sur les situations régulées et les opérateurs supervisés ait été longtemps élaboré sous le seul angle du Droit, notamment celui du service public, ce qui était regrettable, ne justifie pas ce passage d'un extrême à l'autre.
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"Industrie de réseau" : voilà une expression facilement utilisée pour désigner des activités économiques qui supposent un "réseau de transport", ce qui englobe les télécommunications (qui transporte la voix, les images, les "données"), le chemin de fer (qui transporte les wagons, les personnes, les marchandises), l’électricité (qui transporte les électrons), la poste (qui transporte les lettres, les paquets), les autoroutes (sur lesquelles roulent les voitures et les camions), etc.
Il est également d'usage de leur oppose des activités de banque, de finance et d’assurance, qui se développent dans des entreprises (les banques, les compagnies d'assurances) ou sur des places (les marchés financiers).
Cette présentation, si usuelle soit elle, n’est pas très heureuse en ce qu'elle opposent les deux types d'activité. Cette "opposition" correspond sans doute davantage au fait que les premières activités économiques relèvent par tradition du droit public car elles étaient le fruit d’entreprises publiques sous tutelle de l ‘État et le contrôle du Conseil d’État, tandis que les secondes activités économiques, parce que les émetteurs de titres ou de contrats d’assurance sont des sociétés privées, relèvent du droit privé et du contrôle par l’ordre juridictionnel judiciaire.
En effet et en réalité, les places financières constituent comme les réseaux des facilités essentielles et la régulation bancaire ressemble en bien des points à la régulation de l’énergie, toutes deux centrées sur le risque. Avoir ainsi à ce point donné place au concept autonome d’industries de réseaux est en pratique dommageable, notamment par le morcellement des connaissances et des compétences juridictionnelles.
Plus encore le développement du numérique qui constitue aujourd'hui un espace global peut-être synonyme de "globalisation", balaie cette distinction car le numérique ne se développe qu'appuyé sur un réseau (le web) et dans cet espace toutes les activités se déploient, notamment la banque et la finance, tandis que la question des données y devient un enjeu premier, les données n'étant plus l'apanage des "industries de réseaux".
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Presque toutes les énergies sont des produits dont le circuit économique est régulé, d’une façon plus ou moins homogène. Ainsi, le gaz et l’électricité sont souvent régulés par les mêmes autorités, comme en France, régulation confiée à une autorité qui en 2000 fut d’abord la Commission de régulation de l’électricité pour devenir la Commission de régulation de l’énergie (CRE), étendant sa compétence au gaz. Les énergies renouvelables, par exemple l’énergie photovoltaïque (panneaux solaires), ou l’énergie par le vent (éoliennes) ou l’énergie par l’eau (barrages) font davantage l’objet de plans étatiques entre les mains de l’administration traditionnelle. Quant au pétrole, il n’est actuellement régulé que par le biais d’une entente entre pays arabes producteurs, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), qui lisse avec les effets pervers que l'on sait en partie les mouvements du marché.
L’énergie est un secteur régulé car tout à la fois il est constitué de ressources rares (sauf l’hypothèse de l’énergie renouvelable, pour cela actuellement privilégiée et élevée au rang de politique européenne) alors même que l’énergie est le support de tous les marchés de biens et services puisqu'il ne peut y avoir d’activité économique sans un système énergétique efficace et fiable sur le long terme.
L’activité énergétique se décompose en quatre moments de la chaîne de valeur : la production (en général, libre), le transport (en général monopolistique parce que constituant un monopole économiquement naturel), la distribution, et les opérations d’achats et de ventes. Les entreprises qui peuvent détenir une position dominante sur l’ensemble de la chaîne ont la puissance de fixer les prix et ce souvenir des maîtres de forge a conduit l’État français après la seconde guerre mondiale à nationaliser la chaîne au sein d’une entreprise publique concernant l’électricité (EDF) et le gaz (GDF, devenue aujourd'hui ENGIE après sa concentration avec Suez), ne laissant libre que la production d’électricité. Ce système d’intégration verticale, étroitement lié à l’idée de service public a permis au "champion national" tout à la fois de fournir de l’électricité à bas prix pour les consommateurs et de disposer de l’argent nécessaire pour assurer la construction de centrales nucléaires. Mais il est vrai que, comme tout monopole, l’entreprise et son propriétaire étatique ont constitué, au détriment du contribuable, des rentes. Au nom de la théorie du marché qui rabote les rentes, le droit communautaire a successivement libéralisé les systèmes d’électricité et du gaz, qui sont passés d’un système monopolistique à un système régulé, mais dont l’organisation est similaire. En effet, dans les deux cas, la chaîne de valeur précitée a été segmentée et chaque segment ouvert à la concurrence. La production est ouverte et le poids des opérateurs historiques demeure considérable, notamment celui d’EDF même si la financiarisation de l’énergie la modère, notamment par le trading d’électricité, admis par le Régulateur. En matière de gaz, la concurrence est de fait plus active, par exemple entre Total et Engie ou leurs concurrents internationaux, le marché étant global puisque le gaz peut se stocker, au contraire de l’électricité.
En ce qui concerne le transport, activité qui repose sur la maîtrise d'une infrastructure essentielle, le droit communautaire tolère encore que les sociétés qui en sont gestionnaires demeurent la propriété des opérateurs historiques dont elles sont les filiales, dès l’instant qu’il y a bien une séparation comptable entre ses producteurs et ses gestionnaires, consolidée par une distinction de personnalité morale. Le gestionnaire de réseau est un opérateur crucial, puisque toute l’énergie est une industrie de réseau. Il a donc de multiples obligations de service public, notamment de satisfaire le droit d’accès des acheteurs et des vendeurs d’énergie. Il est fréquent que des litiges adviennent entre ceux-ci et le gestionnaire de réseau, litiges qui sont alors portés devant le régulateur, la CRE tranchant le différent, sa décision pouvant être attaquée devant la Cour d’appel de Paris. L’activité de distribution est en matière énergétique étroitement liée à l’activité de transport, et on ne trouve pas en la matière, à propos de l’accès au compteur, les mêmes difficultés que l’on trouve à propos de l’accès à la boucle locale en télécommunication.
En outre, les actes de ventes et d’achats en matière énergétique ne relèvent pas d’une logique concurrentielle puisqu’en France c’est encore le Gouvernement qui fixe le prix de vente de l’électricité et du gaz, alors que le pétrole est laissé au prix résultant d'une entente entre producteurs dominants du marché. La France a connu la saga de la possibilité pour les consommateurs de quitter le système du prix règlementé pour adopter le prix libre, le Parlement par la loi du 10 Juillet 2008 ayant choisi de quitter les prix libres pour revenir aux prix règlementés s’ils s’avèrent plus favorable au consommateur.
On voit donc que la régulation énergétique a pour finalité l’ouverture à la concurrence mais également la gestion optimale de ces ressources rares, rares alors même qu’elles sont indispensables. C’est pourquoi la question du nucléaire y est centrale, pour les pays qui en ont fait le choix et continuent à le faire. La question de la transition énergétique est aujourd'hui une question majeure majeure du Droit de la régulation énergétique, dont le socle est désormais la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte. On voit ici à quel point régulation, politique industrielle et innovation sur le long terme sont liées.
Enfin, l’énergie suscite une activité tout à la fois à très long terme et à très haut risque. C’est pourquoi elle ne supporte pas le simple mécanisme du marché concurrentiel. Il faut penser ce secteur à l’instar du secteur bancaire car il se caractérise par des risques systémiques, le système ne pouvant pas s’autoriser par exemple une explosion nucléaire.La crise énergétique californienne équivaut à une crise financière. L’énergie requiert des planifications décennales et des investissements considérables. Les États sont requis.
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Formellement, le système juridique avait construit les autorités de régulation sous la forme d'Autorité Administrative Indépendantes (AAI).
L'enjeu étant de construire d'une façon institutionnelle et consubstantielle leur indépendance, le Législateur a conféré un nouveau statut : celui d'Autorité Publique Indépendante (API). Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), la Haute Autorité de Santé (HAS) ou l'HADOPI sont classés parmi les API et non pas seulement parmi les AAI.
Il faut donc y voir deux catégories juridiques distinctes, les AAI d'une part et les API d'autre part.
Ainsi les deux lois du 20 janvier 2017 portent, pour mieux les encadrer, à la fois sur les AAI et sur les API, mais la lecture des travaux préparatoires montre que les deux catégories montrent qu'ils sont traités d'une façon assez commune. Plus encore si l'on consulte les sites de certaines autorités de régulation elles-mêmes, comme l'HADOPI, par exemple, celle-ci se présente comme une "Autorité Publique Indépendante" mais définit cette catégorie juridique comme étant celle qui vise les Autorités Administratives Indépendantes .....
Il apparaît ainsi que la catégorie des Autorités Publiques Indépendantes est surtout marqué par le symbole d'une dignité plus forte que celle de la catégorie des Autorités Indépendantes "simplement" Administratives. Du point de vue technique, les deux catégories se distinguent essentiellement du point de vue budgétaire, l'autonomie financière étant le nerf de l'indépendance. C'est ainsi que le budget de l'AMF repose sur l'ampleur des opérations de marché, par des mécanismes de taxe qui ne sont pas insérées dans la LOLF. L'indépendance ne va pas jusqu'à l'autonomie, l'API ne négociant pas son budget avec le Parlement, puisque une Autorité Publique Indépendante n'est pas une Autorité Constitutionnelle.
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Pour le bien du consommateur et l’efficacité des systèmes, les réseaux doivent couvrir un territoire le plus vaste possible, par exemple l’Europe. Pour cela, il faut que s’opère un maillage entre les différents réseaux afin que par exemple les voyageurs ou bien les ondes électriques ou électroniques, puissent passer de l’un à l’autre. Cette aptitude est désignée par le terme d’interconnexion.
Cette interconnexion est particulièrement délicate aux frontières entre les pays et c’est pourquoi les régulateurs ont souvent des pouvoirs spécifiques et plus importants en ce qui concerne l’interopérabilité des réseaux transfrontaliers. Ainsi, pour prendre l’exemple de l’agence européenne de télécommunications, mise en place en 2010, cette simple agence ne dispose pas de véritable pouvoir de régulation, s’assimilant davantage à un simple observatoire rassemblant et diffusant les données, sauf en ce qui concerne les interconnexions transfrontalières.
S'il n'y a pas d'interconnexion, il ne peut y avoir y avoir de système commun. Celui-ci peut es mettre en place par les normes. Un exemple classique est celui pris de l’écartement des rails de chemin de fer, différents entre la France et l’Allemagne, qui interdisait l’interconnexion des chemins de fer des deux pays, à quoi la normalisation des matériaux et des constructions a mis un terme.
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La régulation est née de la nécessité de prendre en compte la spécificité des secteurs, souvent en accompagnement de la libéralisation de ceux-ci.
Mais, en premier lieu, des biens de différents secteurs peuvent être substituables. Ainsi, l’on peut se chauffer aussi bien au gaz qu’à l’électricité, la concurrence intermodale rendant moins pertinente la segmentation de la régulation du secteur de l’électricité et la régulation du secteur du gaz, pour revenir à l'idée d'un secteur unique de "l'énergie", qui laisse pourtant la régulation de l'eau et du pétrole hors de son emprise. Pareillement, un contrat d’assurance-vie est à la fois un instrument de protection pour l’avenir, un produit relevant donc de la régulation assurantielle, mais aussi produit financier placé auprès des consommateurs par des entreprises de banque-assurance, relevant donc de la régulation bancaire et financière. Cette intimité de la régulation par rapport à la technicité interne de l’objet sur lequel elle porte ne peut être effacée.
L'interrégulation qui va se mettre en place est d'abord institutionnelle. C’est pourquoi, une alternative s’ouvre : soit on fusionne les autorités de régulation, et ainsi la Grande Bretagne par la Financial Services Authority (FSA) avait, dès 2000, fusionné la régulation financière et bancaire, ce que la France n’a pas fait (tandis que la France a fusionné la régulation des assurances et la régulation bancaire à travers l’ACPR). Ainsi, la première branche de l’alternative est la fusion institutionnelle, au risque de constituer des sortes de titans, voire de reconstituer l’État. Soit on établit des procédures de consultation et de travaux communes, pour faire naître des points de contact, voire une base de doctrine commune entre les régulateurs, comme c'est le cas dans l'Union européenne entre l'ESMA, l'EBA et l'EIOPA.
L’autre branche de l’alternative consiste à respecter ce rapport initial entre régulation et secteur et de prendre acte des liens entre les secteurs à travers la notion ici proposée de « inter-régulation ». Cela suppose alors de mettre en place des réseaux entre des autorités demeurées autonomes, mais qui s’échangent des informations, se rencontrent, collaborent sur des dossiers communs, etc. Cette interrégulation peut d’abord être horizontale lorsque des autorités de plusieurs secteurs collaborent, par exemple l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l’ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (l'AMF), ou l’ARCEP et le CSA. Elle peut être aussi de type vertical lorsque les autorités de secteurs nationaux collaborent avec des autorités étrangères ou des autorités européennes ou internationales, comme le prévoit le processus Lamfalussy en matière financière (élargi aux secteurs de la banque et des assurances) ou le processus de Florence en matière de télécommunication ou le processus de Madrid en matière énergétique par lesquels les régulateurs nationaux européens se rencontrent et travaillent en commun. Cela peut prendre des formes institutionnelles plus achevées, comme en matière de télécommunication, avec le BEREC, ou en matière d'énergie avec l'ACER, avec et autour de la Commission européenne. La technique de la comitologie a généralisé cette formule institutionnelle.
L'interrégulation qui est ensuite notionnelle, un "droit commun" de la régulation s'élaborant, commun entre tous les secteurs. Ce "droit commun" (droit horizontal) est venu après la maturation des droits sectoriels de la régulation (droits verticaux). Il s'élabore de fait parce que les objets régulés se situent à la frontière de plusieurs secteurs, voire ignorent celle-ci : par exemple les produits financiers dérivés sur sous-jacent agricole ou énergétique. Plus encore, les "objets connecté" engendrent de l'interrégulation dans l'espace numérique. Ainsi, alors même qu'il est possible qu'Internet, donne lieu à une "interrégulation" avant de donner lieu à une régulation spécifique, celle-ci pouvant alors justifier que l'on se passe de la première. Cela n'est pas encore arrivé. Il faudrait que cette régulation propre au digitale soit mondiale. Il est donc possible qu'on en reste à un mécanisme d'interrégulation.
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Dans un système autorégulé (comme l'est un marché gouverné par la libre concurrence), l’équilibre s’opère spontanément par la rencontre de l’ensemble de l’offre avec l’ensemble de la demande, dès l’instant que l’information est donnée sur les prix. L’accroc que constitue une pratique anticoncurrentielle, entente ou abus de position dominante, qui empêche l’émergence du prix d’équilibre, est réparé d’une façon ponctuelle et ex post par l‘Autorité de concurrence.
Mais la Régulation intervient en cas de défaillance de marché : la Régulation a alors pour fonction première de construire des équilibres qui ne s'établissent et ne maintiennent pas spontanément. Il s’agira par exemple d’un équilibre entre une concurrence entre les banques d'une part et la prévention et la gestion du risque systémique d'une part, ce qui qui suppose une certaine coordination entre les banques, coordination proche de l'entente.
De la même façon, le Régulateur devra construire un équilibre entre le principe de concurrence, avec des prix exacts qui peuvent donc être élevés, et des tarifications sociales pour les populations en difficulté devant néanmoins accéder que le Politique aura posé comme étant un "bien commun", comme certains médicaments, voire l'électricité.
Ces équilibres instables doivent être tenus à long terme. C’est pourquoi le Régulateur, contrairement à l’Autorité de concurrence, n’intervient pas ponctuellement mais est présent en permanence, en quelque sorte intériorisé dans le secteur qu’il surveille et contrôle en permanence. Ces équilibres à long terme justifient les recours à des plans pluriannuels, notamment par des contrats par exemple en matière postale ou à propos des aéroports (contrat de régulation), le contrat permettant de stabiliser l’appréhension du futur.
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Dans son principe, le droit de la concurrence ne protège ni les concurrents ni les consommateurs. La Commission européenne rappelle toujours cette règle fondamentale, le consommateur étant la mesure du bon fonctionnement du marché et son souci ultime mais non nécessairement immédiat. Le droit de la régulation quant à lui, droit d’équilibre qui met en balance le principe de concurrence avec un autre principe peut poser la protection du consommateur comme principe autonome en équilibre du souci concurrentiel. En effet, la régulation peut ex ante fixer les prix à un prix inférieur au prix de marché, notamment en matière de télécommunications ou d’énergie, pour développer une demande, et continuer à établir dans ces deux secteurs des tarifs sociaux, ce que le système concurrentiel ne pourrait admettre. En outre, toujours grâce à ce pouvoir ex ante que manient les régulateurs, tandis que les autorités de concurrence sont des organismes ex post, sont organisées d'une façon préalable les informations du consommateur notamment quant à la qualité du produit qu’il consomme. Cela est particulièrement net en matière de régulation bancaire et financière.
En effet, les textes obligent les banques à informer leurs clients des produits financiers qu’ils envisagent d’acquérir et des risques que ceux-ci présentent. En cela, la protection du consommateur apparaît comme un but servi par la régulation, en balance avec la libre concurrence dans laquelle le consommateur a vocation à s’informer par lui-même sur le marché en contact avec les offreurs. En matière bancaire et financière, l’information du consommateur est actuellement un enjeu particulièrement important parce qu’en informant le consommateur-investisseur sur les risques, la régulation lui redonne confiance, par la transparence, dans le système. Par cette mise en balance entre concurrence et risque, la régulation injecte de la confiance dans le secteur bancaire et financier, qui repose sur celle-ci.
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La Régulation suppose que l'on passe d'une conception politique des actes (c'est-à-dire décision collective exprimée par l’État) ou civiliste (c'est-à-dire volonté exprimée par un individu ou plusieurs dans un contrat) à une vision économique des organisations marchandes dont l'action est l'expression du marché. Si l'on se fie à l'ajustement de l'offre et de la demande, c'est-à-dire à la rencontre des désirs et des intérêts, il y aura « autorégulation », ce à quoi correspond la « loi du marché », renvoyant au droit de la concurrence. L'acte des opérateurs n'est que le reflet de cette sorte de loi naturelle, en action.
La Régulation est alors plus complexe car elle intègre cette rationalité économique des acteurs et des systèmes dans lesquels ils sont des agents (homo economicus) mais elle vise autre chose que cette rationalité mécanique, soit en raison d’une défaillance du marché (par exemple en cas de monopole naturel) soit parce que l'auteur de la norme, par exemple l’État ou le Régulateur veut obtenir plus que ce que le marché peut donner (par ex. l’accès de tous à des biens communs, comme la santé, même pour des demandeurs insolvables).
Dans ce cas, sont élaborées des règlementations, interventions ex ante désignées en anglais par le terme regulation. La règlementation est adéquate si elle incite des agents économiques à adopter des comportements qui concrétisent le but recherché par l’auteur de la règlementation.
Le Droit de la Régulation va alors s'appuyer sur la science économique pour produire les bonnes "incitations", laissant les agents - producteurs, offreurs, demandeurs, consommateurs, contribuables, parties prenantes les plus diverses - libres de faire des choix, mais les incitant à faire des choix qui produiront d'une façon isolée ou d'une façon globale ou croisée, immédiatement ou à terme, un résultat correspondant à celui qui a été voulu dès le départ par celui qui a conçu la norme. En cela, le Droit de la Régulation est hautement stratégique, qu'il soit de nature technique, visant à pallier une défaillance de marché ou plus politique. En cela, il est aussi de nature libérale, puisque ce ne sont pas des ordres formulés à des assujettis, mais des espaces de libertés construits au bénéfices de personnes.
Cette utilisation stratégique du droit nécessite alors le détour nécessaire par l'analyse économique du droit, c'est à dire l'analyse du droit dans ses effets économiques. Elle suppose chez ceux qui utilisent la norme, non seulement le Législateur mais encore le Juge, une connaissance des mécanismes économiques, par exemple la théorie des incitations, des contrats incomplets ou de l'économie comportementale, trois théories libérales sur lesquelles s'appuie ces interventions Ex Ante des autorités publiques et que prolongent les jugements des Cours.
C'est pourquoi l'Analyse économique du droit constitue une discipline à part entière. Elle a été créée aux États-Unis par Ronald Coase (Prix Nobel d’économie en 1991). Elle peut être simplement descriptive et révéler quels effets économiques a produit le Droit. Cette conception, qui est notamment celle de Richard Posner, fait de l’analyse économique du droit un outil d'expertise pour le décideur politique qui peut en tenir compte pour éventuellement modifier la règlementation, et pour le juge, qui peut en tenir compte pour interpréter celle-ci. Une conception plus radicale de l'analyse économique du droit, dite "normative", consiste à soutenir que les conclusions de l'analyse obligeraient le décideur et le juge à adopter l'interprétation "efficiente" désignée par l'analyse économique sans être légitime à en adopter d'autres.
De nature philosophique, l'enjeu est décisif car dans le premier cas le droit et les juristes - notamment le Législateur et le Juge - ont encore une existence autonome, dans le second cas ils n'existent plus vraiment, ne sont plus que la forme contraignante et explicite de la "loi du marché" dont la nature est a-juridique. Le Droit est alors la voie d'exécution et de pure et simple efficacité d'une Loi qui est lui serait extérieure, celle du Marché.
Les systèmes de Common Law ont parfois tendance à verser dans l'excès normatif consistant à confondre ce qui n'est qu'une description de choix et à adopter ce qui serait une "décision" prise par les économistes eux-mêmes : le Droit n'existe plus alors en tant que système normatif, n'étant plus que ce qui donne force exécutoire et sécurité juridique à ce qui devient véritablement normatif, la valeur économique de l'ajustement de l'offre et de la demande. Les systèmes de Civil Law intègrent l'Analyse Économique du Droit d'une façon plus conforme à la pensée des fondateurs ou de théoriciens actuels comme Cass. Sunstein, en permettant aux Législateurs et aux Cours d'intégrer la dimension économique des situations sans que leur raisonnement économique n'implique la solution à retenir, car les choix demeurent dans le Droit, qui expriment des valeurs, et dans des systèmes juridiques, qui sont gouvernées par des notions et règles juridiques propres, en distance de l’Économie.
Même sous sa simple forme descriptive, l'analyse économique du droit est généralement rejetée en France en ce qu'elle méconnaitrait le rôle du droit en ce qu'il porte des valeurs morales. C’est en réalité méconnaître sa fonction simplement descriptive, instructive et utile, et le fait qu'elle ouvre au contraire l'amplitude du choix rationnel offert aux décideurs politiques. Plus encore, la régulation n'est pas seulement une discipline technique, elle est aussi une question politique et philosophique. L’analyse économique descriptive lui est plus adéquate que l’analyse économique normative du droit, laquelle prétend vassaliser, voire détruire les autres disciplines, qui sont substantiellement méconnues.
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Une entreprise publique s'est longtemps caractérisée par le fait qu’une personne publique, par exemple l’État ou une collectivité publique locale, détient la majorité de son capital, ce qui est avant un critère juridique formel. Le droit de l'Union européenne, plus concret, l’a appréhendée plus directement. purement et simplement comme une entreprise, c'est-à-dire organisation ayant une activité économique sur un marché, indifféremment de la nature privée ou publique du capital de la société, instrument juridique par lequel l’entreprise entre dans le commerce juridique, est sous "l'influence déterminante" d'une personne publique, non seulement d'une façon active (alliance au sein des organes ou par des contrats) mais encore passive (garanties, etc.).
Le Droit de la concurrence analysant les personnes par leurs activités, l'on pourrait dire qu'il a « mis au pas » les entreprises publiques en méconnaissant la nature particulière de cet actionnaire public (la figure de "l’État-actionnaire) puisqu’il veut n’y voir qu’un actionnaire ordinaire, là où le sujet de droit public s’identifie comme défendant l’intérêt général. Cette banalisation n'est pas définitive : par la nationalisation des banques comme remède à la crise financière en Grande Bretagne ou aux États-Unis, l’État revendique de nouveau qu’une entreprise publique n’a pas la même fin qu’une entreprise privée, car la première, comme son actionnaire, poursuit l’intérêt général à travers sa mission intrinsèque de service public, tandis que l’entreprise privée, à travers son actionnaire ordinaire, poursuit la maximisation des profits, fin en miroir avec celle poursuivie par l'attente de dividendes par l'actionnaire ordinaire.
Il y a là une rupture idéologique fondamentale entre la Régulation exercée par les entreprises elles-mêmes, en tant qu'elles sont publiques (et supervisées par la tutelle de l’État), et la Régulation exercée par un régulateur sur l’ensemble des entreprises dans l’indifférence imposée de leur actionnariat.
Cette différence continue d'être comme une plaie entre les différents modèles de Régulation et plus généralement entre les conceptions de relations et modalités de relation entre l'Etat et l'économie de marché.
Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Dans la tradition continental, notamment en France et en Allemagne, l’intérêt général est servi par l’État. Dans la tradition britannique et américaine plus libérale, l’intérêt général n’étant que l’addition des intérêts individuels, le marché étant ainsi apte à servir celui-ci. Cette affirmation, essentielle pour la façon dont s'articulent le droit de la concurrence et le service public, est mise en doute dans la culture continentale, notamment en France.
Dans ce contexte historique, philosophique et culturel, la Régulation peut avoir pour fonction de mettre en balance le principe de concurrence qui se contenterait des intérêts particuliers de ceux qui ont les moyens d’être acteurs du marché du fait de leur solvabilité et de leur connaissance, et l’intérêt général qui se soucie et de l’intérêt du faible (en argent, en connaissance, en aptitudes techniques) et de l’intérêt du groupe social à long terme.
Cet intérêt général s’est longtemps exprimé à travers la notion française de service public. Il transparait encore dans la théorie de la régulation lorsque c’est le Politique qui impose que la concurrence fasse place à une considération qui lui est contraire, par exemple l’accès à un bien global tel que la santé ou l’éducation.
Aujourd'hui, par les notions de Compliance et, jouxtant celle-ci, de Responsabilité sociétaire des entreprises, il est possible que l'intérêt général soit la notion sur laquelle les "entités d'intérêt public" puissent se retrouver, pour servir un intérêt qui dépasse les personnes qui composent, dirigent et servent ces entités, qu'elles soient publiques (État) ou privées (grands groupes internationaux, opérateurs cruciaux).
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Les agences de notation sont des entreprises privées qui évaluent le risque de défaut de paiement des débiteurs. A ce titre, la notation d'un emprunteur influe sur la valeur du titre d'emprunt qu'il a émis et qui circule sur les marchés. C'est pourquoi l'activité des agences de notation est déterminante pour la sécurité des instruments financiers et le bon fonctionnement des marchés financiers, mais également pour tout le système mondial du crédit. Par exemple une notation AAA constitue pour les investisseurs un gage de sécurité . Les agences de notation participent à la confiance faite aux marchés financiers et au système bancaire. Elles constituent donc des opérateurs cruciaux puisque chacun se fie à elles, se dispensant de ce seul fait de rechercher eux-mêmes les informations sur les titres ou sur ceux qui les émettent, la finance ayant fait une large place aux agences de notations internationales.
L'activité de notation est par ailleurs une activité économique, concentrée dans peu d'entreprises au seul nombre de trois (deux américaines et une française). On a souvent souligné qu'elles sont en conflit d’intérêts. Certains expliquent ainsi qu'elles aient, plus particulièrement à propos des subprime et de la titrisation, donné des informations non fiables qui ont empêché les marchés de s’auto-discipliner et ont participé à la propagation mondiale des risques et des défaillances.
L'histoire difficile entre les agences de notation, simples entreprises ou entreprises cruciales ou entreprises en charge d'un service public, justifiant une régulation propre mise en place à la suite de la crise financière, montre à quel point l’information est un bien commun. Cela a justifié l'intervention du régulateur financier au titre de la protection du consommateur. Faut-il aller plus loin ? Certains ont évoqué l'idée de nationaliser l'activité pour la confier à des institutions étatiques ou à tout le moins publiques. Cela n'est plus à l'ordre du jour, les agences de notation notant les débiteurs paradoxaux que sont les États, ce qui leur mettrait en conflit d'intérêts.
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La théorie des facilités essentielles a été inventée aux États-Unis (essential facilities) par la Cour suprême dans un arrêt de 1911, à partir du seul droit de la concurrence.
La Cour a posé que le gestionnaire d’un réseau de transport dispose d’un monopole naturel puisqu’aucun autre agent économique ne viendra le dupliquer. Dès lors, de ce seul fait, il est en position dominante et a la puissance d’imposer ses prix à des entreprises qui n’ont pas d’autres solutions que de solliciter auprès de lui l’accès au moyen de transport. La Cour a estimé qu’il y avait abus de position dominante, soit qu’il y ait refus d’accès, soit qu’il y ait prix trop élevé pour cet accès, la sanction n’étant pas alors des dommages et intérêts mais une réparation en nature consistant à obliger le gestionnaire du réseau à ouvrir l’accès de celui-ci à un prix équitable à ses concurrents.
Ainsi la théorie des facilités essentielles, reprise en droit communautaire en 1978 puis en droit français, permit sur le seul fondement du droit de la concurrence et par l’ingéniosité juridictionnelle d’aboutir au même résultat ex post qu’un système de régulation ex ante des industries de réseaux.
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La notion de "biens communs" renvoie à une conception politique en ce qu'ils visent des biens objectivement marchands comme les biens culturels ou les prestations médicales mais dont la collectivité va poser que chacun doit y avoir accès alors même que l'individu n’a pas les moyens d’en payer le prix exact. C’est alors le contribuable - présent ou futur - ou les partenaires sociaux qui en supporteront le coût, voire certaines entreprises par le mécanisme de "responsabilité sociétale".
Cette protection des biens communs peut être faite par l’État, au nom de l'intérêt du groupe social dont il a la charge et dont il exprime la volonté, à travers notamment la notion d'intérêt général. Dans ce cadre aujourd'hui restreint que représente l’État, une telle référence se heurte au principe de concurrence. Cela est particulièrement net en Europe, qui repose sur une Union construite sur un ordre juridique autonome et intégré dans les États-membres dans lequel la concurrence continue d'avoir valeur de principe et bénéficie du mécanisme de la hiérarchie des normes. L'évolution du droit européen a mis en équilibre le principe de concurrence avec d'autres principes, comme celui de la gestion des risques systémiques, par exemple sanitaires, financiers ou environnementaux et la création de l'Union bancaire montre que le principe de concurrence n'est plus faîtier dans le système européen.
Mais l'on en reste encore à une conception économique et financière de l'Europe que la définition du Droit de la Régulation, lorsqu'on le restreint à la gestion des défaillances de marché alimente. Il est concevable que l'Europe évolue un jour vers une conception plus humaniste de la Régulation, celle-là même que les États européens pratiquent et défendent, notamment à travers la notion de service public. Les services publics concrétisent l'accès de chacun à des biens communs, comme l'éducation, la santé ou la culture.
Paradoxalement, alors même que le Droit ne se met guère en place à l'échelle mondiale, c'est à ce niveau-là que la notion juridique de "biens communs" s'est développée.
Lorsqu'on se réfère à des biens que l'on dit "biens globaux", on vise alors des biens qui sont communs à l'humanité, comme les océans ou les civilisations. C'est tout à la fois le cœur de la nature et le coeur de l'être humain, ce qui plonge le plus dans le passé et le futur. Paradoxalement, la notion de "biens globaux" est plus encore politique en substance mais faute de gouvernement politique mondial, leur protection effective est difficile, leur consécration politique ne pouvant être effective que nationalement ou que simplement déclaratoire internationalement. C’est pourquoi, cet équilibre à leur bénéfice ne s’opère pour l’instant qu’à l’échelle nationale, ce qui renvoie à la difficulté de la régulation de la mondialisation.
Ainsi, les "biens communs" existent juridiquement davantage sous leur face noire : les "maux globaux", contre lesquels un "Droit global" se met effectivement en place. La notion des "maux globaux" constitue une sorte de miroir des biens communs. On observe alors que les pays qui développent des discours juridiques de régulation des maux globaux et des biens globaux déploient de ce fait un droit national unilatéral mondial. C'est le cas des États-Unis, notamment en régulation financière ou plus largement à travers le Droit de la Compliance en train de naître. Les entreprises y ont leur rôle à jouer, notamment à travers les Codes de conduite et la Responsabilité sociétale.
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L'expression est ici laissée en langue anglaise car elle constitue une séquence figée et n'est pas traduisible. Elle renvoie en bloc au mécanisme institutionnel et politique fondamental du système américain. Les théoriciens et les praticiens de la Régulation s'y réfèrent souvent comme étant le bon cadre politique et institutionnel sur lequel doit s'appuyer une organisation économique de Régulation. Cela signifierait une nécessité de réformer les systèmes politiques construits sur un autre mode de séparation des pouvoirs.
Cela conforte le fait que le système de régulation n'est pas neutre, il est le reflet d’une organisation politique, issue d'une conception philosophique concernant notamment du rôle de l’État et de la place de l’individu.
Le choc entre les deux conceptions philosophiques et politiques explique que la régulation économique ait eu du mal à être acceptée en France pendant une longue période. En effet, selon le schéma politique français issu de la Révolution, il existe deux pouvoirs : l’exécutif et le législatif, le judiciaire n’étant qu’une autorité. L’exécutif est construit sur le principe hiérarchique dont la tête est constituée par le gouvernement, toute administration relevant finalement d’un ministre. Il s’agit donc d’un système vertical, qui a pour lui le mérite de la simplicité.Les autorités de régulation ont été imposées par des directives européennes à partir des années 90, sous la forme d’organes pouvant être de nature administrative et relevant à ce titre de l’État mais devant être nécessairement indépendants du gouvernement dès l’instant qu’opéraient sur le marché des entreprises publiques qui elles aussi obéissaient au gouvernement à travers la théorie de l’État-actionnaire.
Il s’agit de la règle européenne fondamentale de l’impossibilité du cumul de l’Etat régulateur/opérateur, situation constitutive d'un conflit d'intérêts. L’État français entendant demeurer propriétaire d’opérateurs publics, notamment EDF, a préféré lâcher la maîtrise de la régulation en créant des autorités administratives indépendantes (AAI).
Dès lors, le modèle vertical de la hiérarchie de l’exécutif a été perturbé puisque ces autorités ne relèvent plus (à l’instar d’électrons libres) de celui-ci. Pour que celles-ci rendent néanmoins des comptes, on a accru le contrôle juridictionnel sur les autorités à travers les recours. De la même façon, à travers des rapports publics remis au Parlement, les AAI se sont mises à rendre directement des comptes à celui-ci. Le modèle politique devient horizontal.
Cela renvoie alors à une toute autre tradition : celle des États-Unis. En effet, aux États-Unis, le pouvoir exécutif (la Maison Blanche) a face à lui aussi bien le Parlement (le Congrès) qu’un pouvoir judiciaire très puissant (la Cour Suprême) ; aucun n’a prise sur les autres, chacun toutefois pouvant demander des comptes aux autres. C’est le système dit de Check and Balance. Notamment parce que la Régulation a été institutionnellement conçue par des économistes qui, via le courant Law and Economics, ont perçu ce qu'ils considèrent comme le droit le plus adéquat comme étant le droit américain, devant s'imposer presque "par nature".
Ainsi, à travers ce petit coin dans la porte qu’est la réforme institutionnelle introduite par la régulation, le système politique français évolue vers ce système américain de check and balance,étant observé que les États-Unis ont été les premiers historiquement à mettre en place des régulateurs. Ce rapprochement des systèmes peut s'opérer d'autant plus qu'en Europe les organes en charge du contrôle du contrôle de constitutionnalité ne cessent de monter en puissance. Ainsi, en France, depuis la réforme constitutionnelle du 23 Juillet 2008, le Conseil Constitutionnel peut apprécier la constitutionnalité des lois non plus seulement avant leur promulgation mais alors même qu’elles sont entrées dans l’ordre juridique, ce qui conduit à soutenir qu'il est en train de devenir une "Cour suprême" sur le modèle américain.
Les modèles politiques demeurent très différents, notamment parce que le Parlement français n'a pas la même puissance de blocage que celle dont dispose le Congrès américain et que le Conseil constitutionnel n'a pas la même puissance doctrinale que la Cour suprême américaine, ce qui laisse en France la place à un système présidentiel quasiment sans balance, face auquel font face les Régulateurs et le système de l'Union européenne, l'Europe devenue de plus en plus une Europe de la Régulation.
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Le but pour lequel un mécanisme, une solution une institution ou une règle sont adoptés, institués ou élaborés, sont en principe extérieurs à ceux-ci. La connaissance de ce but est un outil pour mieux les comprendre et n'est que cela.
Au contraire, dans le Droit de la Régulation, le but est le cœur même. Pa définition, le Droit de la Régulation est un ensemble d'instruments qui s'articulent pour prendre leur sens par rapport à un but. Plus encore, ces instruments ne sont légitimes à représenter une contrainte que parce qu'ils concrétisent un but lui-même légitime. L'interprétation du Droit de la Régulation se fait à partir des buts poursuivis : le raisonnement est téléologique.
Cette nature téléologique explique que l'efficacité n'est plus un simple souci - comme pour les mécanismes juridiques ordinaires, mais bien un principe du Droit de la Régulation. Elle explique l'accueil, notamment à travers le Droit de l'Union Européenne de la théorie de l'effet utile. Ce lien entre les règles, qui ne sont que des moyens, et les buts, renvoie au principe de proportionnalité, qui impose qu'on ne déploie de contraintes et d'exceptions qu'autant qu'il est nécessaire, la proportionnalité étant la forme économique moderne du principe classique de nécessité.
Parce que le but est le centre, il doit être exprimé par l'auteur de la norme de Régulation, et ce d'autant plus s'il est de nature politique et ne se limite pas à pallier les défaillance techniques des marchés. Ce but peut alors être très varié : la gestion des risques systémiques, mais aussi la considération des droits fondamentaux des personnes, la préservation de l'environnement, la santé publique, la civilisation, l'éducation, etc. Le silence du législateur qui se limite à édicter des règles alors que celles-ci ne sont que des instruments, sans expliciter le but alors que celui-ci est une décision politique, est une faute dans l'art législatif.
Plus encore, afin que celui qui applique la loi, notamment le Régulateur et le Juge, ne dispose pas de marge d'interprétations excessive et ne se substituent pas au pouvoir politique, il faut que l'auteur de la norme ne vise qu'un seul but : celui qui applique la norme sera ainsi contraint. Ou, s'il en vise plusieurs, il faut alors qu'il les articule les uns par rapport aux autres, en les hiérarchisant par exemple. S'il ne le fait pas, celui qui applique la norme de Régulation devra lui-même choisir le but et exercer un pouvoir dont il n'est pas titulaire.
Cette désignation expresse d'un but a été fait pour l'Union Bancaire, Régulation et Supervision européenne dont le but premier est de prévenir le risques systémique et de résoudre les crises. De la même façon, le but de la Régulation des infrastructures essentielles est d'assurer un accès des tiers au réseau. De la même façon, lorsqu'il s'agit d'une régulation transitoire mise en place à la suite d'une libéralisation, le but est de mettre en place la concurrence dont le principe a été déclaré par la loi de libéralisation. Lorsque cela n'est pas nettement posé, il y a défaillance dans l'art législatif.
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La compliance est une notion née principalement aux États-Unis et qu'il est difficile de traduire en langue française, le terme de "conformité" n'étant pas tout à fait adéquat. La compliance n'est pas seulement l'obligation de certains professionnels, comme les prestataires de services d'investissement (PSI) de se conformer à leurs obligations professionnelles, pas plus qu'elle ne va jusqu'à l'obligation générale de se conformer à l'ensemble des lois et réglementations, cette obligation générale de se soumettre au Droit qui vise toute personne et qui caractérise la puissance même du Droit.
La compliance est bien plutôt l'internalisation dans certaines entreprises d'obligations spécifiques, issues des systèmes de régulation. Ainsi la compliance consiste à internaliser dans des opérateurs les systèmes de régulation eux-mêmes. Pour s'assurer de l'efficacité de cette internalisation, les entreprises en cause deviennent transparentes, le Régulateur, voire le juge pénal, pouvant en permanence et en Ex Ante vérifier le bon fonctionnement de l'entreprise pour la mise en œuvre des règles. La supervision de l'entreprise permet ainsi l'effectivité de l'internalisation de la régulation dans l'entreprise.
L’entreprise est alors contrainte, y compris par le droit pénal, à utiliser sa puissance pour atteindre des buts qui lui sont à priori extérieurs, comme la lutte contre le blanchiment d’argent, la lutte contre le terrorisme international, voire la protection des droits humains. L’État édicte ainsi les buts et l’entreprise les met en œuvre, l’Etat ayant la légitimité pour le faire mais étant trop faible, notamment parce qu’enfermé dans ses frontières, l’entreprise ayant la puissance pour le faire.
Cela implique que la compliance ne vise qu’une catégorie très particulière et juridiquement nouvelle d’entreprises : les entreprises ayant une activité internationale et ayant la puissance de se structurer pour atteindre ses buts. Le Droit construit un devoir de se structurer dans ce sens : la compliance est indissociable de la gouvernance.
Mais ces entreprises ainsi nouvellement contraintes par la prise en considération par le Droit de la globalisation ne demeurent pas passives. Elles participent activement à la création normative que comporte la compliance et, notamment par des chartes éthiques et des codes de conduites, revendiquent l’émission de normes de comportement pour tous les personnes qui dépendent d’elles, en interne et en externe, diffusant en leur sein une culture nouvelle de compliance, dans laquelle le respect du sens est essentiel et dépasse les différences techniques entre les systèmes juridiques. L’émergence d’un Droit global peut prendre cette voie.
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La mondialisation se distingue de la globalisation en ce que la mondialisation désigne l’accélération des échanges économiques sans se confondre avec la disparition de l'espace et du temps à laquelle aboutit les mécanismes aujourd'hui conjugués de la finance et du numérique. Le vocabulaire français est en cela plus riche que le vocabulaire anglais qui ramasse les deux phénomène sous le même terme de "globalisation".
Dans sa première acception, stricte, la mondialisation n'est pas un phénomène nouveau, il a pris simplement une nouvelle ampleur : la mondialisation est une intensification des échanges des biens et des personnes. Elle n'est pas une disparition des circulations, des rencontres et des échanges, ce qui constitue au contraire la "globalisation.
Le libre échange mondial suppose que les frontières ne puissent être opposées à la circulation des marchandises et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a été mise en place à cette fin, les accords de Marrakech de 1994 conférant à cette organisation un très grand pouvoir, puisque deux États en conflit voient leur différent tranché par un organe de règlement des différents, dont le rapport est endossé par l’OMC elle-même. L’État dont les entreprises ont été victime d’une barrière tarifaire ou non tarifaire illégitime, peut infliger lui-même par une sorte de justice privée, des mesures de rétorsions à l’État coupable. Le mécanisme de l'OMC concerne bien les marchandises et non pas les mécanismes financiers, lesquels n'ont pas même besoin qu'on lève les frontières et autres barrières puisque leur immatérialité a déjà anéanti les limites et relèvent donc de la "globalisation".
La mondialisation installe donc la loi du marché à l’échelle mondiale, même si ce système ne s'est pas encore juridicisé au point d'établir un droit de la concurrence mondial proprement dit, l'absence de barrière à l'entrée ne consistant que le premier principe de celui-ci. Mais il n’y existe pas non plus de régulation, c'est-à-dire que pour l’instant, le principe de libre ajustement de l’offre - même étrangère - et de la demande des consommateurs nationaux n’est pas mise en équilibre avec d’autres principes, comme le service public, la prévention des risques, la préservation des biens communs, etc.
On attend donc toujours, non seulement au sens politique mais encore au sens technique, la mise en place d’une régulation de la mondialisation. Cela est particulièrement demandé en régulation environnementale, l'esquisse d'une organisation mondiale de l’environnement n'ayant pas prospéré. L'on peut craindre que ce qu'il est convenu d'appeler la "régulation de la mondialisation", c'est-à-dire un tel équilibre, ne viennent pas des seules autorités publiques, faute d'un État mondial et d'un ordre public international public suffisamment puissant et cohérent. Mais il pourrait venir des opérateurs cruciaux mondiaux, à travers les mécanismes de compliance et de responsabilité sociétale.
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La Loi du 8 décembre 2009 a créé l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires, l'ARAF. La Loi du 6 août 2015 (dite "Loi Macron") a étendu ses compétences sur les questions routières, ce qui justifia la modification de son appellation, désormais l'Autorité des activité Ferroviaires et de la Route, l'ARAFER.
Cette autorité de régulation a pour fonction d’accompagner la libéralisation de l’activité économique du transport ferroviaire tout d'abord du fret, puis des voyageurs, pour mettre fin au monopole de l’opérateur historique, la SNCF. Ce régulateur est nécessaire pour que des nouveaux entrants puissent lutter contre la puissance d’un opérateur historique, parce qu'il s'agit d'une industrie de réseaux et que le transport constitue un monopole économiquement naturel. La loi de 2009 a transféré la propriété du réseau à un établissement public, Réseau Ferré de France (RFF) distinct de l'opérateur public principal, mais la loi de 2015 a créé un "groupe public ferroviaire" doté d'un holding de tête ayant des pouvoirs opérationnel, redonnant des pouvoirs à la SNCF, notamment à travers les gares. Le Régulateur a formulé un avis réservé à ce propos.
Le régulateur assure l’accès non discriminatoire des opérateurs en concurrence à ces facilités essentielles. L’ARAFER est une AAI, composée de 7 membres, nommés pour six ans. Elle dispose de larges pouvoirs d’investigation, peut être consultée sur tout projet de loi sur le transport ferroviaire et sur les programmes d’investissement dans le réseau. Elle a également un pouvoir de sanction sur les opérateurs.
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L’Autorité de régulation des Communication Électroniques et des Postes (ARCEP) est une autorité administrative indépendante (AAI). Elle a succédé en 2005 à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), laquelle fut créée en 1996. L’ART fût la première autorité de régulation du genre, inaugurant sous l’impulsion du droit de l’Union européenne la vague de libéralisation des secteurs naguère monopolistiques. L’ARCEP a une compétence plus vaste de celle de l’ART, régulant également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office général de l’Autorité de Concurrence. Ce régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements.
L’ARCEP a compétence pour réguler ce qui transporte les informations (contenant) tandis que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a compétence pour réguler les informations transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde donc la dualité des régulateurs. Mais en premier lieu elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préférant avoir un seul régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent passer par divers contenants (par ex. télévision ou le téléphone) comme aux Etats-Unis (Federal Communication Commission - FCC). En second lieu Internet rend difficile le maniement de cette distinction. C’est pourquoi on évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités françaises de régulation.
L’ARCEP surveille les marchés de gros, dans lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon non discriminatoire et publier une offre de référence. Il contrôle les prix et oblige à une orientation du tarif vers le coût, favorisant en aval c'est-à-dire (marché du détail) le dynamisme concurrentiel. Sur celui-ci, le régulateur veille à l’accès au réseau de transport et au réseau de distribution jusqu’au consommateur final (problématique de la boucle locale). L’ARCEP a le pouvoir d’attribuer les fréquences aux opérateurs, lesquelles sont des ressources rares, dont l’attribution peut être retirée à l’opérateur en cas de manquement. Mais au-delà de ces dimensions très techniques, le régulateur exerce une fonction politique parce qu’il projette dans le futur une certaine conception qu’il a du secteur. Ainsi il peut estimer ou non que la fibre optique doit être ou non favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut adhérer à la théorie de la « neutralité du net » au nom de laquelle il va imposer aux propriétaires d’un réseau de l’ouvrir à des utilisateurs, même au prix d’investissements pour les accueillir, le régulateur fixant alors l’indemnisation d’un tel droit d’accès. L’adhésion à cette théorie, très discutée, n’est pas de nature technique mais politique.
L’ARCEP dispose du pouvoir précité de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris. L’autorité exerce un pouvoir de règlement des différends et d’un pouvoir de sanction. L’ARCEP publie un rapport annuel, façon pour l’Autorité de rendre des comptes, ce mode de responsabilité étant mis en balance avec son indépendance.
Comme en 1996 pour les télécommunications, à partir de 2005 le régulateur a ouvert à la concurrence les activités postales, tout en veillant à la poursuite du service public postal. La Loi du 9 février 2010, tout en transformant la Poste en société anonyme a veillé à maintenir ses obligations de service public et les a même étendues en lui confiant des obligations d’aménagement du territoire, montrant l’interrégulation avec la régulation environnementale. Par ce contrôle, le régulateur exerce un pouvoir plus politique que technique.
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En Europe, le droit communautaire interdit aux États d'apporter aux entreprises des aides, celles-ci étant analysés comme des moyens au bénéfice du pays dont l’État se soucie (et parfois a tort de n'avoir que souci), ayant pour effet et peut-être pour objet de maintenir ou de construire des frontières entres les peuples, contrariant en cela le projet politique européen premier d'un espace commun de paix et d'échanges entre les peuples de l'Europe. C'est pourquoi cette prohibition n'existe pas aux États-Unis, puisque le Droit Antitrust n'a pas pour but de construire un tel espace, lequel est déjà disponible pour les entreprises et pour la population.
Cette différence essentielle entre les deux zones modifie les politiques industrielles car le gouvernement fédéral américain peut aider des secteurs là où les États-membres ne le peuvent pas. La prohibition européenne des aides d’État ne peut pourtant être remise en cause car elle est associée au projet politique de l'Europe. Cela semble une aporie puisque l'Europe en est handicapée face aux États-Unis.
L'aide est prohibée en ce que, quelques formes qu'elle prenne, elle fausse l'égalité des chances entre les opérateurs en concurrence sur les marchés, et constitue un obstacle fondamental à la construction d’un marché intérieur européen unifié. A partir de ce principe simple, s'est développée une branche du droit technique et spécifique car les États continuent d'apporter leur soutien et de très multiples règles et cas viennent découper en autant d'exceptions et de nuances cette règle, tandis que s'est construit au fil des ans un système probatoire y afférant. Ainsi la notion d'entreprise publique a pu demeurer malgré ce principe d'interdiction.
Mais s'il y a une crise d'une telle nature ou ampleur que le marché ne parvient pas par ses seuls forces à surmonter ou/et que l'Union européenne poursuit elle-même des objectifs a-concurrentiels, il faut qu’une régulation exogène intervienne, laquelle peut alors prendre la forme d’une aide d’État légitime. Il advient ainsi une sorte de synonymie entre aide d’État et Régulation.
C’est pourquoi les institutions européennes ont posé que des aides d’État deviennent licites lorsqu’elles interviennent soit dans des secteurs stratégiques, comme dans la production énergétique dans lequel l’État doit conserver son pouvoir sur les actifs, par exemple lorsqu'il s'agit du secteur de la défense. Loin de s'amenuiser cette hypothèse s'accroît. Le Droit de l'Union européenne admet également que l’État intervienne en prêtant aux opérateurs financiers menacés de défaillance ou déjà défaillants, l’État ayant pour fonction de lutter contre le risque systémique, directement ou à travers sa Banque centrale. L'aide peut venir de la Banque centrale européenne elle-même aidant les États dans leur émission de dettes souveraines, la Cour de justice ayant admis en 2015 la conformité aux traités des programmes de politique monétaire non-conventionnels. En 2010, le commissaire européen à la concurrence a ainsi souligné que les aides publiques sont des outils indispensables aux États pour faire face aux crises, avant que des règlements ne viennent en 2014 prendre le relais pour jeter les bases de l'Union bancaire européenne.
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L’environnement exprime le souci que l’homme a désormais de la nature, soit en elle-même, soit parce qu'en la détruisant il se détruit lui-même. Les intérêts sont donc croisés et cumulés : la nature est protégée en elle-même, pour lui et pour les générations à venir.
Est née une branche du droit, le "Droit de l’environnement", dont on ne saurait dire s'il appartient au droit public ou au droit privé. Il fut jusqu’à il y a peu conçu comme une police administrative, à base de déclarations, d’autorisations, de classements des exploitations génératrices de pollution, et d’organisation du traitement des déchets. Nous sommes en train de basculer dans la régulation environnementale, comme le montre les nouveaux textes du Droit communautaire, conçus par la Commission européenne qui lient régulation de l’énergie et régulation de l’environnement.
Il s’agit en effet sur le long terme de planifier et d’organiser un environnement sain, et cela grâce à des énergies renouvelables, non plus tant à base de contraintes ou d’interventions ponctuelles mais bien plutôt à partir d’incitations et de mécanismes de marché tel que celui des quotas de CO2 (attribution des quotas aux entreprises par l’État puis émergence des prix par rencontre de l’offre et de la demande grâce au marché), cette construction d’équilibres à long terme sur et à partir du marché étant le signe de la régulation.
Le "souci environnemental" s'est également noué avec la régulation financière, de deux façons. En première lieu, les techniques financières sont un moyen d'élaborer des outils pour l'environnement, comme le sont les marchés de CO2, mais encore les obligations spécifiques de ce qui serait une compliance environnementale pour les sociétés cotées, ce qui engendre pour les Régulateurs financiers des missions nouvelles. En second lieu, les enjeux environnementaux sont eux-mêmes financiarisés, comme s'ils identifient de nouveaux risques et révèlent des nouvelles incertitudes : à ce titre les Régulateurs bancaires et financiers les apprécient.
Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
L’asymétrie est une notion clé de la régulation. En effet, un marché concurrentiel fonctionne bien lorsque les opérateurs sont dans des relations symétriques, c'est-à-dire qu’il n’existe pas d’obstacle structurel qui empêche un agent d’accroître sa puissance à ses seuls mérites (« concurrence par les mérites »). S’il existe une asymétrie, par exemple parce que un secteur était monopolistique et que le législateur vient juste de le déclarer ouvert à la concurrence, il existe une asymétrie, certes temporaire, entre les entreprises installées, les opérateurs historiques, et les entreprises désireuses d’entrer dans ce nouveau marché, les « nouveaux entrants ». Les opérateurs historiques, comme le secteur des télécommunications ou de l’énergie lorsqu’ils furent ouverts à la concurrence par des directive européennes, transposées par des lois nationales (en 1996 pour les télécommunication et le gaz, en 2000 pour l’électricité), bénéficient d’un tel avantage (que l’on désigne parfois comme avantage du grand-père, grandfather clause), notamment parce qu’ils ont tous les clients ou tout le savoir-faire ou tous les brevets, et que de fait, les potentiels concurrents ne peuvent pas entrer sur le marché. Il faut alors établir un régulateur lui aussi a priori temporaire pour établir au forceps la concurrence, par une régulation asymétrique.
La régulation asymétrique, particulièrement appliquée en Grande Bretagne à l’époque de la libéralisation des secteurs précités, signifie que le régulateur va systématiquement favoriser les nouveaux entrants, par exemple en dépossédant les opérateurs historiques à leur bénéfice pour leur faire place sur le marché. Aujourd’hui, dans le secteur des télécommunications, la concurrence, notamment sur les mobiles, est établie, mais le régulateur n’entend pas laisser sa place pour disparaitre et soutient aujourd’hui faire de la « régulation symétrique »… . Il agit alors plutôt comme une autorité de la concurrence spécialisée.
L’asymétrie peut être non pas temporaire mais définitive, lorsque l’inégalité entre opérateurs, indépendamment de leur mérite, ne vient pas d’un contexte de libéralisation mais d’une défaillance structurelle du marché. Par exemple, il existe des réseaux de transport, transports de personnes ou de marchandises, chemins de fer ou piste d’atterrissage pour les avions, réseaux de transmission de communication des données ou de la voix, tuyaux où circulent le gaz ou l’électricité etc., qui appartiennent à un seul opérateur car ils constituent des monopoles économiquement naturels. Dans ces conditions, les concurrents de celui qui détient ce monopole doivent néanmoins accéder dans des conditions équitables et efficaces à ce service et un régulateur doit nécessairement être établi pour l’effectivité de ce droit (v. Accès).
Par ailleurs, le prix Nobel de Joseph Stiglitz (2001) a été justifié par ses travaux sur l’asymétrie d’information sur certains marchés, notamment les marchés financiers sur lesquels les sociétés proposent des titres. A travers la théorie de l’agence, il ressort que les simples associés ou les investisseurs ordinaires ont moins d’information que les managers, alors même que ceux-ci ont pour fonction de prendre des décisions qui rapportent le plus aux premiers. Mais l’asymétrie d’information offre aux managers une « rente informationnelle » qui leur permet de s’offrir de très nombreux avantages et de transférer sur les autres les risques. Il faut donc des régulateurs, notamment des régulateurs bancaires et financiers, pour lutter contre l’asymétrie d’information. La transparence est l’un des moyens procéduraux pour lutter contre cette asymétrie. La crise financière et bancaire de 2008 a montré l’ampleur de cette asymétrie et de fait, l’incapacité des régulateurs à y remédier puisque par exemple, le gouvernement britannique a estimé en 2010 que c’était le régulateur financier lui-même qui était responsable de la crise pour n’avoir pas assez veillé aux conflits d’intérêts. D'une façon générale, la crise financière mondiale a souvent été qualifiée plus tard de crise avérée des régulateurs et de la régulation.