Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Dans un système autorégulé (comme l'est un marché gouverné par la libre concurrence), l’équilibre s’opère spontanément par la rencontre de l’ensemble de l’offre avec l’ensemble de la demande, dès l’instant que l’information est donnée sur les prix. L’accroc que constitue une pratique anticoncurrentielle, entente ou abus de position dominante, qui empêche l’émergence du prix d’équilibre, est réparé d’une façon ponctuelle et ex post par l‘Autorité de concurrence.
Mais la Régulation intervient en cas de défaillance de marché : la Régulation a alors pour fonction première de construire des équilibres qui ne s'établissent et ne maintiennent pas spontanément. Il s’agira par exemple d’un équilibre entre une concurrence entre les banques d'une part et la prévention et la gestion du risque systémique d'une part, ce qui qui suppose une certaine coordination entre les banques, coordination proche de l'entente.
De la même façon, le Régulateur devra construire un équilibre entre le principe de concurrence, avec des prix exacts qui peuvent donc être élevés, et des tarifications sociales pour les populations en difficulté devant néanmoins accéder que le Politique aura posé comme étant un "bien commun", comme certains médicaments, voire l'électricité.
Ces équilibres instables doivent être tenus à long terme. C’est pourquoi le Régulateur, contrairement à l’Autorité de concurrence, n’intervient pas ponctuellement mais est présent en permanence, en quelque sorte intériorisé dans le secteur qu’il surveille et contrôle en permanence. Ces équilibres à long terme justifient les recours à des plans pluriannuels, notamment par des contrats par exemple en matière postale ou à propos des aéroports (contrat de régulation), le contrat permettant de stabiliser l’appréhension du futur.
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La régulation est née de la nécessité de prendre en compte la spécificité des secteurs, souvent en accompagnement de la libéralisation de ceux-ci.
Mais, en premier lieu, des biens de différents secteurs peuvent être substituables. Ainsi, l’on peut se chauffer aussi bien au gaz qu’à l’électricité, la concurrence intermodale rendant moins pertinente la segmentation de la régulation du secteur de l’électricité et la régulation du secteur du gaz, pour revenir à l'idée d'un secteur unique de "l'énergie", qui laisse pourtant la régulation de l'eau et du pétrole hors de son emprise. Pareillement, un contrat d’assurance-vie est à la fois un instrument de protection pour l’avenir, un produit relevant donc de la régulation assurantielle, mais aussi produit financier placé auprès des consommateurs par des entreprises de banque-assurance, relevant donc de la régulation bancaire et financière. Cette intimité de la régulation par rapport à la technicité interne de l’objet sur lequel elle porte ne peut être effacée.
L'interrégulation qui va se mettre en place est d'abord institutionnelle. C’est pourquoi, une alternative s’ouvre : soit on fusionne les autorités de régulation, et ainsi la Grande Bretagne par la Financial Services Authority (FSA) avait, dès 2000, fusionné la régulation financière et bancaire, ce que la France n’a pas fait (tandis que la France a fusionné la régulation des assurances et la régulation bancaire à travers l’ACPR). Ainsi, la première branche de l’alternative est la fusion institutionnelle, au risque de constituer des sortes de titans, voire de reconstituer l’État. Soit on établit des procédures de consultation et de travaux communes, pour faire naître des points de contact, voire une base de doctrine commune entre les régulateurs, comme c'est le cas dans l'Union européenne entre l'ESMA, l'EBA et l'EIOPA.
L’autre branche de l’alternative consiste à respecter ce rapport initial entre régulation et secteur et de prendre acte des liens entre les secteurs à travers la notion ici proposée de « inter-régulation ». Cela suppose alors de mettre en place des réseaux entre des autorités demeurées autonomes, mais qui s’échangent des informations, se rencontrent, collaborent sur des dossiers communs, etc. Cette interrégulation peut d’abord être horizontale lorsque des autorités de plusieurs secteurs collaborent, par exemple l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (l’ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (l'AMF), ou l’ARCEP et le CSA. Elle peut être aussi de type vertical lorsque les autorités de secteurs nationaux collaborent avec des autorités étrangères ou des autorités européennes ou internationales, comme le prévoit le processus Lamfalussy en matière financière (élargi aux secteurs de la banque et des assurances) ou le processus de Florence en matière de télécommunication ou le processus de Madrid en matière énergétique par lesquels les régulateurs nationaux européens se rencontrent et travaillent en commun. Cela peut prendre des formes institutionnelles plus achevées, comme en matière de télécommunication, avec le BEREC, ou en matière d'énergie avec l'ACER, avec et autour de la Commission européenne. La technique de la comitologie a généralisé cette formule institutionnelle.
L'interrégulation qui est ensuite notionnelle, un "droit commun" de la régulation s'élaborant, commun entre tous les secteurs. Ce "droit commun" (droit horizontal) est venu après la maturation des droits sectoriels de la régulation (droits verticaux). Il s'élabore de fait parce que les objets régulés se situent à la frontière de plusieurs secteurs, voire ignorent celle-ci : par exemple les produits financiers dérivés sur sous-jacent agricole ou énergétique. Plus encore, les "objets connecté" engendrent de l'interrégulation dans l'espace numérique. Ainsi, alors même qu'il est possible qu'Internet, donne lieu à une "interrégulation" avant de donner lieu à une régulation spécifique, celle-ci pouvant alors justifier que l'on se passe de la première. Cela n'est pas encore arrivé. Il faudrait que cette régulation propre au digitale soit mondiale. Il est donc possible qu'on en reste à un mécanisme d'interrégulation.
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Le monopole désigne le pouvoir d’une personne de retirer d’un bien son utilité en excluant les autres. Le monopole désigne une situation sur le marché, le monopoleur étant l’opérateur unique sur le marché. Les juristes sont habitués au monopole conféré par la loi, par exemple celui qui fut le monopole pour EDF pour l’électricité. Dans ce cas, ce qui est fait peut être défait, et le législateur peut retirer ce privilège surtout si il est mieux placé dans la hiérarchie des normes que le législateur précédent. C’est ainsi que le législateur communautaire a retiré par des directives les monopoles légaux à la plupart des opérateurs qui en étaient titulaires dans les secteurs régulés, pour libéraliser ceux-ci.
Mais le monopole peut avoir une source économique. En effet, il peut arriver qu’un premier opérateur construise une structure, par exemple un réseau de transport filaire de télécommunications. Parce qu’il est seul, les agents sur le marché devant recourir à lui pour transporter leurs communications, son activité sera rentable. Mais à partir de là, si un second opérateur construisait une telle infrastructure, celle-ci serait inévitablement déficitaire pour insuffisance de demandeurs. C'est pourquoi aucun agent économique rationnel ne construira de second réseau. Ainsi, ce réseau demeurera unique. Il s’agit alors d’un monopole économiquement acquis que la volonté législative ne peut faire changer de nature. C’est pourquoi il est qualifié de « naturel ».
Puisque ce qui est ne peut être changé, le droit communautaire a pris acte de cette nature monopolistique de la majorité des réseaux et de la puissance corrélée de leur propriétaire ou de leur gestionnaire, mais a prévu corrélativement leur surveillance par un régulateur qui non seulement via l'ex post régler d’éventuels différents entre le gestionnaire de l’infrastructure, facilité essentielle naturelle, et celui qui veut y avoir accès, mais encore, par un pouvoir ex ante, négocier avec ce gestionnaire le rendement de son capital, ses engagement d’investissements dans le réseau, etc., ou d'une façon plus directe encore en lui imposant la façon dont il fixe les tarifs d'accès, etc.
Ces monopoles économiquement naturels sont donc plus puissants que les monopoles légaux, ce que les États et les juristes ont mis beaucoup de temps à comprendre, mais ce qui explique aussi la tendance inverse devenue fâcheuse des économistes à écrire les lois, dès l’instant que les textes doivent manier ce type de notions, ses rédacteurs se souciant peu et de l’ordre politique et des notions juridiques. Le fait que le Droit portant sur les situations régulées et les opérateurs supervisés ait été longtemps élaboré sous le seul angle du Droit, notamment celui du service public, ce qui était regrettable, ne justifie pas ce passage d'un extrême à l'autre.
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L’Autorité de Régulation des Communication Electroniques et de la Poste (ARCEP) est une Autorité Administrative Indépendante (AAI). Elle a succédé en 2005 à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), laquelle fut créée en 1996. L’ART fût la première autorité de régulation du genre, inaugurée sous l’impulsion du la vague de libéralisation des secteurs naguère en monopole .
L’ARCEP a une compétence plus vaste de celle de l’ART, régulant également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office général de l’Autorité de Concurrence. Ce régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements. L’ARCEP a compétence pour réguler ce qui transporte les informations (contenant) tandis que le a compétence pour réguler les informations transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde donc la dualité des régulateurs. Mais en premier lieu elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préférant avoir un seul régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent passer par divers contenants (par ex. télévision ou le téléphone). En second lieu Internet rend difficile le maniement de cette distinction. C’est pourquoi on évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités de régulation.
L’ARCEP surveille les marchés de gros, dans lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon transparente, non discriminatoire et publier une offre de référence. Il les prix et oblige à une orientation du tarif vers le coût, favorisant en aval c'est-à-dire (marché du détail) le dynamisme concurrentiel. Sur celui-ci, le régulateur veille à de transport et au réseau de distribution jusqu’au final (problématique de la . L’ARCEP a le pouvoir d’attribuer les fréquences aux opérateurs, lesquelles sont des et dont l’attribution peut être retirée à l’opérateur en cas de . Mais au-delà de ces dimensions très techniques, le régulateur exerce une fonction parce qu’il projette dans le une certaine conception qu’il a du secteur. Ainsi il peut estimer ou non que la fibre optique doit être ou non favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut adhérer à la théorie de la « » au nom de laquelle il va imposer aux propriétaires d’un réseau de l’ouvrir à des utilisateurs, même au prix d’investissements pour les accueillir, le régulateur fixant alors l’indemnisation d’un tel . L’adhésion à cette théorie, très discutée, n’est pas de nature technique mais politique.
L’ARCEP dispose du pouvoir précité de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris. L’autorité exerce un pouvoir deet d’un pouvoir de . L’ARCEP publie un rapport annuel, façon pour l’Autorité de , ce mode de étant mis en balance avec son .
Comme en 1996 pour les télécommunications, à partir de 2005 le régulateur a ouvert à la les activités , tout en veillant à la poursuite du postal. La Loi du 9 février 2010, tout en transformant la Poste en société anonyme a veillé à maintenir ses obligations de service public et les a même étendues en lui confiant des obligations d’aménagement du , montrant avec la régulation . Par ce contrôle, le régulateur exerce un pouvoir plus que technique.
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"Industrie de réseau" : voilà une expression facilement utilisée pour désigner des activités économiques qui supposent un "réseau de transport", ce qui englobe les télécommunications (qui transporte la voix, les images, les "données"), le chemin de fer (qui transporte les wagons, les personnes, les marchandises), l’électricité (qui transporte les électrons), la poste (qui transporte les lettres, les paquets), les autoroutes (sur lesquelles roulent les voitures et les camions), etc.
Il est également d'usage de leur oppose des activités de banque, de finance et d’assurance, qui se développent dans des entreprises (les banques, les compagnies d'assurances) ou sur des places (les marchés financiers).
Cette présentation, si usuelle soit elle, n’est pas très heureuse en ce qu'elle opposent les deux types d'activité. Cette "opposition" correspond sans doute davantage au fait que les premières activités économiques relèvent par tradition du droit public car elles étaient le fruit d’entreprises publiques sous tutelle de l ‘État et le contrôle du Conseil d’État, tandis que les secondes activités économiques, parce que les émetteurs de titres ou de contrats d’assurance sont des sociétés privées, relèvent du droit privé et du contrôle par l’ordre juridictionnel judiciaire.
En effet et en réalité, les places financières constituent comme les réseaux des facilités essentielles et la régulation bancaire ressemble en bien des points à la régulation de l’énergie, toutes deux centrées sur le risque. Avoir ainsi à ce point donné place au concept autonome d’industries de réseaux est en pratique dommageable, notamment par le morcellement des connaissances et des compétences juridictionnelles.
Plus encore le développement du numérique qui constitue aujourd'hui un espace global peut-être synonyme de "globalisation", balaie cette distinction car le numérique ne se développe qu'appuyé sur un réseau (le web) et dans cet espace toutes les activités se déploient, notamment la banque et la finance, tandis que la question des données y devient un enjeu premier, les données n'étant plus l'apanage des "industries de réseaux".
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La théorie des facilités essentielles a été inventée aux États-Unis (essential facilities) par la Cour suprême dans un arrêt de 1911, à partir du seul droit de la concurrence.
La Cour a posé que le gestionnaire d’un réseau de transport dispose d’un monopole naturel puisqu’aucun autre agent économique ne viendra le dupliquer. Dès lors, de ce seul fait, il est en position dominante et a la puissance d’imposer ses prix à des entreprises qui n’ont pas d’autres solutions que de solliciter auprès de lui l’accès au moyen de transport. La Cour a estimé qu’il y avait abus de position dominante, soit qu’il y ait refus d’accès, soit qu’il y ait prix trop élevé pour cet accès, la sanction n’étant pas alors des dommages et intérêts mais une réparation en nature consistant à obliger le gestionnaire du réseau à ouvrir l’accès de celui-ci à un prix équitable à ses concurrents.
Ainsi la théorie des facilités essentielles, reprise en droit communautaire en 1978 puis en droit français, permit sur le seul fondement du droit de la concurrence et par l’ingéniosité juridictionnelle d’aboutir au même résultat ex post qu’un système de régulation ex ante des industries de réseaux.
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Il faut distinguer la mondialisation et la globalisation. La mondialisation est simplement l’intensification des échanges économiques par l’abaissement des frontières et la rapidité des échanges, phénomène connu depuis l’Antiquité, et dont l’Organisation mondiale du commerce (OMC) est aujourd’hui le gardien. La globalisation vise un phénomène radicalement nouveau, celui des échanges économiques sans aucune contrainte de temps ni de lieu, portant sur des biens sans corporalité puisqu’il s’agit d’information. C’est le cas de toutes les données personnelles, de toutes les informations et de toute la finance (car les instruments financiers peuvent être analysés comme des informations) qui grâce à la technologie circule hors de l’espace et en un instant. Dans ce qu’on peut appeler cette « réelle virtualité », les États et le droit ne savent pas comment se saisir normativement de cette nouvelle réalité, car jusqu’ici ils n’avaient appréhendé que des objets palpables dans des espaces clôturés par leurs frontières. La globalisation est donc un changement de donne radicale.
Pour y répondre on peut certes chercher hors du droit et des États, par exemple se fier au sens moral des acteurs et à l’autorégulation des secteurs par les acteurs, les acteurs étant eux-même autorégulés. Sauf à imaginer la constitution d’un État mondial, on s’oriente plutôt vers des institutions de droit public international, dont le FMI ou l'OMC peuvent être des modèles, ou la mise en réseau de toutes les autorités de régulation qui sont davantage technocratiques qu’étatiques, pour être en reflet de cette globalisation : il s'agit alors de tenter de la "réguler", c'est-à-dire de ne pas laisser occuper cet espace global, souvent virtuel, par ce qu’Alain Supiot appelle le « marché total », mais mettre celui-ci en équilibre avec d’autres principes, par exemple le service public, la prévention du risque ou les droits fondamentaux.C'est notamment l'enjeu de la "régulation du numérique".
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L’asymétrie est une notion clé de la régulation. En effet, un marché concurrentiel fonctionne bien lorsque les opérateurs sont dans des relations symétriques, c'est-à-dire qu’il n’existe pas d’obstacle structurel qui empêche un agent d’accroître sa puissance à ses seuls mérites (« concurrence par les mérites »). S’il existe une asymétrie, par exemple parce que un secteur était monopolistique et que le législateur vient juste de le déclarer ouvert à la concurrence, il existe une asymétrie, certes temporaire, entre les entreprises installées, les opérateurs historiques, et les entreprises désireuses d’entrer dans ce nouveau marché, les « nouveaux entrants ». Les opérateurs historiques, comme le secteur des télécommunications ou de l’énergie lorsqu’ils furent ouverts à la concurrence par des directive européennes, transposées par des lois nationales (en 1996 pour les télécommunication et le gaz, en 2000 pour l’électricité), bénéficient d’un tel avantage (que l’on désigne parfois comme avantage du grand-père, grandfather clause), notamment parce qu’ils ont tous les clients ou tout le savoir-faire ou tous les brevets, et que de fait, les potentiels concurrents ne peuvent pas entrer sur le marché. Il faut alors établir un régulateur lui aussi a priori temporaire pour établir au forceps la concurrence, par une régulation asymétrique.
La régulation asymétrique, particulièrement appliquée en Grande Bretagne à l’époque de la libéralisation des secteurs précités, signifie que le régulateur va systématiquement favoriser les nouveaux entrants, par exemple en dépossédant les opérateurs historiques à leur bénéfice pour leur faire place sur le marché. Aujourd’hui, dans le secteur des télécommunications, la concurrence, notamment sur les mobiles, est établie, mais le régulateur n’entend pas laisser sa place pour disparaitre et soutient aujourd’hui faire de la « régulation symétrique »… . Il agit alors plutôt comme une autorité de la concurrence spécialisée.
L’asymétrie peut être non pas temporaire mais définitive, lorsque l’inégalité entre opérateurs, indépendamment de leur mérite, ne vient pas d’un contexte de libéralisation mais d’une défaillance structurelle du marché. Par exemple, il existe des réseaux de transport, transports de personnes ou de marchandises, chemins de fer ou piste d’atterrissage pour les avions, réseaux de transmission de communication des données ou de la voix, tuyaux où circulent le gaz ou l’électricité etc., qui appartiennent à un seul opérateur car ils constituent des monopoles économiquement naturels. Dans ces conditions, les concurrents de celui qui détient ce monopole doivent néanmoins accéder dans des conditions équitables et efficaces à ce service et un régulateur doit nécessairement être établi pour l’effectivité de ce droit (v. Accès).
Par ailleurs, le prix Nobel de Joseph Stiglitz (2001) a été justifié par ses travaux sur l’asymétrie d’information sur certains marchés, notamment les marchés financiers sur lesquels les sociétés proposent des titres. A travers la théorie de l’agence, il ressort que les simples associés ou les investisseurs ordinaires ont moins d’information que les managers, alors même que ceux-ci ont pour fonction de prendre des décisions qui rapportent le plus aux premiers. Mais l’asymétrie d’information offre aux managers une « rente informationnelle » qui leur permet de s’offrir de très nombreux avantages et de transférer sur les autres les risques. Il faut donc des régulateurs, notamment des régulateurs bancaires et financiers, pour lutter contre l’asymétrie d’information. La transparence est l’un des moyens procéduraux pour lutter contre cette asymétrie. La crise financière et bancaire de 2008 a montré l’ampleur de cette asymétrie et de fait, l’incapacité des régulateurs à y remédier puisque par exemple, le gouvernement britannique a estimé en 2010 que c’était le régulateur financier lui-même qui était responsable de la crise pour n’avoir pas assez veillé aux conflits d’intérêts. D'une façon générale, la crise financière mondiale a souvent été qualifiée plus tard de crise avérée des régulateurs et de la régulation.
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Les États-Unis ont établi des autorités de régulation dès la fin du XIXème siècle : partant du principe du marché, ils ont tempéré celui-ci par la mise en place de régulateurs, après avoir constaté les défaillances de marché, par exemple en matière de transport, en cas de monopoles économiquement naturels ou de facilités essentielles. La tradition de l’Union européenne est inverse puisque les États, notamment l’État Français, ont estimé que des secteurs d’intérêt général, censés inaptes au schéma concurrentiel car ne correspondant pas au schéma de fonctionnement de la rencontre de l’offre et de la demande, et devant servir les missions de services publics, devaient être tenus par l’État, soit directement par des établissements publics, soit par des entreprises publiques sous tutelle des ministères.
L’évolution en Europe est venue du droit communautaire. En effet, après la seconde guerre mondiale, l’idée a été de construire un marché qui devait être" commun" aux pays européens afin qu’ils ne puissent plus à l’avenir se faire la guerre. Pour atteindre ce but, ont été levées les frontières entre eux grâce aux principes de libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. De la même façon a été interdite la défense par chacun des États de ses propres entreprises nationales par des aides d’État pour que toute entreprise même étrangère puisse pénétrer sur son territoire, afin que s’établisse un marché intérieur commun. Enfin, un droit de la concurrence était nécessaire pour interdire aux entreprises et aux États d’entraver le libre fonctionnement du marché, ce qui aurait ralenti voire stoppé la construction de ce marché intérieur, qui constituait un but essentiellement politique du traité de Rome.
Pour exécuter ce but politique, la Commission européenne et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, précédemment appelée Cour de justice des communautés - CJCE - européennes jusqu’au Traité de Lisbonne) ont interdit tout comportement d’entente ou d’abus de position dominante, même de la part des entreprises publiques, ainsi que tout soutien des États (sauf en cas de crise). De la même façon, dans une parfaite logique politique, mais aussi dans une parfaite contradiction avec les traditions nationales européennes, des textes européens, règlements ou directives, ont libéralisés des secteurs naguère monopolistiques, tout d’abord les télécommunications puis l’énergie. Ce fut le cas pour les télécommunications avec la directive de 1993, de la directive de 1996 pour l’électricité et de la directive de 1998 pour le gaz.
En raison de la hiérarchie des normes, les États, sauf à être poursuivis devant la Cour de justice par la Commission européenne en action pour manquement, ont été obligés de transposer par des lois nationales ces textes européens. Ainsi, de force, le droit communautaire, à la fois par le droit général de la concurrence, mais surtout pour réaliser son but politique de construction d’un marché intérieur unique et initialement pacificateur, a déclenché en Europe un système de régulation économique dans tous les secteurs d’industries de réseaux, système qui était pourtant étranger à la culture des États membres. Ce n’était pas le cas des régulations bancaires et assurantielles, secteurs qui depuis toujours ont été menacés par un risque systémique, et à ce titre régulés et supervisés par les banques centrales nationales depuis très longtemps.
Le Droit communautaire a depuis pendant 30 ans plongé dans les Droits nationaux en les méconnaissant, ce qui a pu être profitable aussi, et sur la base du Droit de la concurrence, la dimension politique du projet européen ayant été oubliée, sans doute au fur et à mesure que la Guerre elle-même s'effaçait des esprits.
Les effets de la globalisation et de la crise financière ont constitué un nouveau tournant dans le Droit communautaire qui, depuis 2010, se construit non plus pour modifier les Droits nationaux - et les détruire en partie - mais pour construire un Droit communautaire nouveau et ne devant ni au Droit de la concurrence ni aux Droits nationaux : un Droit communautaire de la Régulation, qui fait place aux droits des personnes et tente de construire dans le temps un système robuste aux crises. C'est ainsi que par des textes de l'Union européenne de 2014 se construit à la fois une Union bancaire et un droit nouveau des Abus de marché qui vise à établir un droit commun de l'intégrité des marchés financiers.
L'un des enjeux est ce qui pourrait ou devrait être la réconciliation entre les deux Europe, l'Europe économique et toujours peu sociale d'une part et l'Europe des droits de l'Homme, laquelle repose sur la Convention européenne des droits de l'Homme. Cela n'est pas à l'ordre du jour.
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Les industries de réseaux sont construites sur les infrastructures de transport, par exemple afférentes à des ondes de télécommunication ou bien le transport de données, ou du gaz ou de l’électricité, qui constituent des facilités essentielles.
Ces infrastructures essentielles sont surveillées par les régulateurs non seulement pour que les opérateurs y aient concrètement un droit d’accès mais encore pour que se construise en Europe un maillage complet de ces infrastructures, pour aboutir par exemple à un système ferroviaire européen.
Ces infrastructures existent également en matière bancaire, financière et assurantielle, qu’il serait vain d’opposer trop facilement aux industries de réseaux, car les places financières reposent sur de gigantesques systèmes informatiques, des chambres de compensation internalisées, qui sont elles-mêmes des infrastructures essentielles, méritant une régulation.
Est alors en articulation la solidité optimale des infrastructures, dont le Régulateur a la charge définitive dans un contrôle permanente sur celui qui les gère, qu'il s'agisse de l’État ou d'un opérateur - que celui-ci soit un opérateur public ou un opérateur privé-, et le dynamisme concurrentiel du secteur que le système peut en outre également confier au même régulateur.
C'est notamment le cas en Régulation financière, qui vise l’optimisation des places, qui sont en concurrence entre elles, et leur sécurité respective, qui constitue elle-même un avantage compétitif, commun à l'ensemble des opérateurs.
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L’autorégulation désigne un système apte à définir ses équilibres par ses seules forces ou, s'il y a un dysfonctionnement en son sein, de les rétablir également par ses seules forces. Ainsi, le marché concurrentiel des biens et des services ordinaires est autorégulé. En effet, puisqu’il n’y a pas de barrières à l’entrée et qu’il y a une information sur les produits et sur les prix, associée à une mobilité des consommateurs atomisés, ceux-ci font jouer la concurrence entre les offreurs, ce fonctionnement permanent élaborant le juste prix. Si un agent fixe un prix abusivement haut, un tiers extérieur au marché entrera sur celui-ci pour proposer aux consommateurs un prix plus bas, le nouvel entrant convoitant cette rente, et les consommateurs, par nature infidèles, changeant ainsi de fournisseur.L’essentiel est donc le libre échange, l’absence de barrière à l’entrée des marchés et l’absence d’éviction d’une entreprise par une autre, l'éviction étant la pratique anticoncurrentielle la plus grave. Ainsi, le droit de la concurrence repose sur le postulat d’un marché autorégulé. Dans ces conditions, ce n’est que d’une façon ponctuelle que des comportements anticoncurrentiels, ententes et abus de position dominante à titre principal, peuvent être constatés. Ils sont alors sanctionnés ex post par l’autorité de la concurrence qui, par des sanctions appropriées, en quelque sorte « répare » le marché
La régulation est conçue sur un postulat inverse puisqu’elle postule que le marché dont il s’agit n’a pas eu la force de créer ni de maintenir ses équilibres propres, soit parce que la libéralisation est trop récente, soit parce qu’il y a de façon définitive un monopole économiquement naturel, soit parce qu’il y a une asymétrie d’information,etc. Dès lors, il ne peut jamais y avoir d’autorégulation. On ne peut d’une façon plus simple et plus nette dessiner la frontière entre concurrence et régulation. Il est vrai que des autorités de concurrence ont cherché à promouvoir la notion de « régulation concurrentielle » et que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) a repris ce vocabulaire, en particulier dans l’Ordonnance du 13 novembre 2008 venue l’appliquer en portant modernisation de la « régulation de la concurrence ». En France, l’Autorité de la Concurrence a pris l'habitude d'intituler son rapport annuel "Régulation", ce qui exprime la prétention de cet organise à pratiquer ce qu'elle qualifie de "régulation horizontale"", intervenant directement dans l’organisation des structures et des comportements. Nous quittons alors la notion traditionnelle et américaine de régulation comme marque de libéralisme, n'intervenant qu'en cas de défaillance structurelle de marché, pour revenir vers la traditionnelle tendance française à l’économie administrée. Le doute vient du fait qu'aucune défaillance structurelle ne justifie une telle emprise générale de l’État sur les marchés ordinaires.
On peut encore soutenir que la régulation peut se faire d’une façon autre que par l’ajustement des intérêts entre les offreurs et les demandeurs, non plus d’une façon exogène, notamment par des prescriptions d’ordre public de régulateur, mais par des prescriptions endogènes des acteurs, par exemple via des « codes de bonne conduite » ou des « chartes déontologiques ». Il faut alors distinguer une conception morale de l’autorégulation d’une conception sociologique de l’autorégulation. La conception morale vise l’idée que des opérateurs d’un même secteur ont intériorisé des normes de comportements qui ne sont pas naturels, mais qui leur ont été inculquées par imprégnation, par sens moral, à travers la déontologie. La déontologie met alors en avant les professions, notamment les professions libérales, en ce que celles-ci sont aptes à prendre distance par rapport aux valeurs de marché, essentiellement l’argent, pour leur préférer des valeurs morales, essentiellement la protection du faible, ou bien celle de l’environnement, ou encore le souci des générations futures. Les autorités de concurrence récusent la pertinence de cette autorégulation déontologique, revendiquée notamment par les professions libérales comme celle des avocats ou des médecins. La Commission européenne notamment a tendance à les soumettre au droit ordinaire des entreprises sur un marché concurrentiel du droit ou de la prestation de santé. De la même façon les banques sont traitées en droit européen comme des entreprises "ordinaires" et non pas comme des opérateurs en charge d'un service public (financer l'économie, se soucier de l'inclusion sociale), encore moins exprimant une morale professionnelle propre.
Nous vivons aujourd’hui à la fois une certaine désespérance face à la prétention de l’autorégulation déontologique, car les banques prétendaient s’y adonner et les informations apportées par la crise financière conduisent à prendre quelque distance par rapport à ce discours moral, tandis qu’en même temps on nous appelle à un renouveau de ce sens moral dans les affaires et dans le capitalisme. La responsabilité sociétale peut en constituer un renouveau.
Enfin, l’autorégulation peut être de type sociologique lorsqu’un secteur est composé de personnes qui se connaissent toutes, qu’elles travaillent dans les entreprises, dans l’administration ou chez le régulateur. Le cas est d’autant plus répandu que cela correspond à l’organisation de la société en réseau. Il s’agit effectivement d’une autorégulation par effet de club. Le danger de cette autorégulation n’est plus alors dans le risque d’un discours moralisateur relevant davantage du marketing mais dans celui d’une compromission presque inconsciente du régulateur, ainsi capturé, par habitude ou par amitié. Le système de régulation doit alors là aussi chercher à briser cette autorégulation, dangereuse pour l’impartialité du régulateur.
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Les garanties de procédure dont bénéficie la personne sont principalement le droit d'action, les droits de la défense et le bénéfice du principe du contradictoire.
Alors que les droits de la défense sont des droits subjectifs qui sont des avantages données à la personne risquant de voir sa situation affectée par la décision que l'organe qui est formellement ou fonctionnellement qualifiée juridiquement comme étant un "tribunal", peut prendre, le principe du contradictoire est plutôt un principe d'organisation de la procédure, dont la personne peut tirer profit.
Ce principe, comme le terme l'indique, est - comme le sont les droits de la défense - de nature à engendre tous les mécanismes techniques qui le servent, y compris dans le silence des textes, impliquent une interprétation large de ceux-ci.
Le principe du contradictoire implique que le débat entre tous les arguments, notamment toutes les interprétations possibles, soit possible. C'est à titre exceptionnel et justifié, par exemple en raison de l'urgence ou d'une exigence justifiée de secret (secret professionnel, secret de la vie privée, secret industriel, secret défense, etc.) que le mécanisme contradictoire est écartée, parfois pendant un temps seulement (technique du contentieux différé par l'admission de la procédure sur requête).
Cette participation au débat doit être pleinement possible au débatteur, notamment l'accès au dossier, la connaissance de l'existence de l'instance, l'intelligibilité des termes du débat, non seulement les faits, mais encore la langue (traducteur, avocat, intelligibilité du propos), mais encore discussion sur les règles de droit applicables). Ainsi lorsque le tribunal relève d'office des règles de droit, il doit les soumettre au débat contradictoire avant d'en faire éventuellement application.
L'application du principe du contradictoire croise souvent les droits de la défense, mais en ce qu'il est lié à la notion de débat, il se développe d'autant plus que la procédure est de type accusatoire.
Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
L’Europe est un projet politique.
Ce projet a été conçu à la sortie de la seconde guerre mondiale dans le but que n’advienne plus jamais de guerre entre les pays européens. Pour cela Jean Monnet eut l’idée de construire comme première marche un marché économique, la seconde marche devant être un gouvernement politique. Cette seconde étape reste encore aujourd’hui à établir, la Constitution européenne ayant échoué.
L’Europe est donc au milieu du gué puisque le droit communautaire a construit les 3 libertés de circulation et le droit de la concurrence, mais nous n’avons pas de politique économique ni de gouvernance des marchés. C’est ainsi qu’il n’existe pour aucun des secteurs régulés de régulateur européen, alors même que beaucoup affirment par exemple la nécessité d’un régulateur bancaire et financier européen. La crise financière que les États-Unis ont exporté en Europe a engendré le bénéfice secondaire de jeter les bases de l'Union bancaire et une coordination européennes des marchés financiers est en train de se mettre en place.
Mais historiquement, l’Europe a exercé sa puissance et son poids sur les États membres par son seul droit de la concurrence et le principe de libertés de circulation et d'installation sans y associer ou y substituer une régulation européenne, ni que les États membres puissent y opposer efficacement leur système traditionnel de régulation centralisée, se traduisant par exemple par le mécanisme de tutelle étatique sur des entreprises monopolistiques publiques.
Plus encore, dans un mouvement perçu tout d'abord comme une grande agression mais plus conforme à la perspective de construction d'une "Europe de la Régulation", à travers les directives de libéralisation, tout d'abord concernant les télécommunications, puis l'électricité, puis le gaz, dans l’énergie ou les télécommunications, l’Europe a imposé aux États les lignes directrices des nouveaux systèmes de régulation, qui demeurent nationaux. C’est spontanément que les Régulateurs nationaux se sont dans chacun des secteurs mis en réseaux pour s’échanger des informations, pour accroître leur efficacité. Il demeure que tant que l’Europe ne parviendra pas à établir un gouvernement économique, parce qu’il n’existera pas une Europe politique, il sera difficile de soutenir qu’il existe une Europe de la régulation, dans la mesure où la régulation est un triangle entre l’économie, le droit et la politique, et que cette dernière pointe manque le plus souvent au niveau européen, par exemple dans les choix technologiques à opérer dans les secteurs.
Le mouvement a été historiquement très différemment en finance. Il n'est pas venu de l'Europe, mais des États-Unis et n'a pas pris une forme contraignante. Les pays, notamment la France, voulut obtenir la confiance d'investisseurs étrangers, ont décidé à la fin des années 1960, d'opter pour le modèles de régulateurs indépendants : la COB a été conçue sur le modèle américain de la SEC.
Ce n'est qu'en contrecoup de la crise financière, elle-même d'origine bancaire, que l'Europe est apparue dans ces secteurs. L'Europe est en devenir. Elle se présente en prenant pour socle la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette évolution peut produire un rééquilibre des institutions et des matières, la BCE venant en équilibre de la Commission Européenne, laquelle restant centrée sur le Droit de la concurrence.
Mais il y a "deux Europes". La première, décrite ci-dessus" est économique, ou d'économie politique. La seconde est l'Europe des droits de l'Homme, construite par l'effet de la même catastrophe constituée par la seconde guerre mondiale sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). Elles s'articulent étroitement, mais parfois avec difficulté, dans le Droit de la Régulation.
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Dans un marché concurrentiel, l’information circule spontanément par les prix qui sont communiqués par les vendeurs sur les biens qu’ils offrent, les demandeurs se renseignant sur la qualité des produits. Certes il peut arriver qu’il y ait conjoncturellement une défaillance par un comportement d’entente ou d’abus de position dominante qui perturbe la pertinence de ces informations, ce que l’autorité de concurrence sanctionnera et rectifiera ex post. Mais les marchés peuvent être atteints de défaillance structurelle de marché. Il en est notamment ainsi lorsqu’il y a une asymétrie d’information. Dans un tel cas, la régulation et son chef d’orchestre permanent qu'est le régulateur, va capter l’information et la faire circuler.
L’information est cruciale, particulièrement sur les marchés financiers car les instruments financiers sont eux-mêmes des informations sur la valeur économique des sociétés qui les émettent. Le régulateur doit veiller non seulement à ce que cette information soit exactement communiquée au marché, mais encore à ce qu’elle soit partagée entre tous les acteurs du marché. C’est pourquoi tous les systèmes de régulation financière prévoient la sanction du manquement d’initié, par lequel le titulaire d’une information qu’il ne partage pas avec les autres (information privilégiée) l’utilise pour se procurer sur le marché un avantage que les autres n’obtiennent pas.
Les textes sur les abus de marché, sur les manquements ou délits d’initié ou sur les diffusions de fausses informations sur les marchés financiers sont de plus en plus sévères car, dans une économie de la connaissance, l’information est le matériau de la confiance dans l’industrie financière et dans les banques et garantit le dynamisme du système. Cela justifie que certains sont allés jusqu’à y voir un bien commun, c'est-à-dire une valeur à laquelle chacun peut avoir accès. Le mouvement est encore plus puissant en matière de santé puisque l’information sur les produits et les actes de santé est aujourd’hui un bien global en raison même des dangers de cette activité médicale bienfaitrice et régulée.
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La notion d'agence, parfois confondue avec celle de régulateur, désigne un mode de déconcentration de l’État. S’éloignant d’une organisation jacobine, celui-ci a dévolu des responsabilités régaliennes à des organismes, souvent éloignés géographiquement de la capitale politique. Ces agences illustrent une décentralisation technique car elles sont en charge de tâches opérationnelles et d’expertises particulières, par exemple en matière d’emploi, d’environnement ou de santé. Ce modèle, très courant dans les pays scandinaves, est souvent associé à des organisations fédérales, comme aux États-Unis. Il est éloigné du modèle français qui demeure construit sur un État centralisé. La France n'a développé que quelques agences (par ex. France Trésor, ou encore les Agences Régionales de Santé.
Dans une toute autre perspective et il s'agit alors d'une homonymie, la théorie financière américaine a développé la notion d’agence (agency) pour désigner notamment la relation entre le mandataire social (agent) et l'actionnaire (principal), celui-ci donnant pouvoir au premier d’agir en son nom pour servir son intérêt. L’asymétrie d’information et le conflit d’intérêts marquent cette relation, ce qui a conduit cette théorie à développer de multiples garde-feux, relayés par le droit de la régulation, notamment celui de la régulation financière.
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Le droit pénal est une branche très particulière du droit.
Le droit pénal ne peut donc s’appliquer qu’à travers l’office du juge, étant indissociable de la procédure pénale, alors que les autres branches de droit substantiel (droit civil, droit public, droit commercial, etc.) s’appliquent en dehors de la procédure qui leur correspond (procédure civile, contentieux administratif, procédure commerciale, etc.), voire gagnent à s’appliquer sans procès.
Parce qu’il est une exception, le droit pénal est cantonné constitutionnellement, par les principes de légalité des délits et des peines, d’interprétation stricte, d’interprétation in favorem. Parce qu’il a une logique qui lui est propre, il constitue au sein du système juridique une branche du droit dite « autonome », ne tenant pas compte des autres branches. Plus encore, il prime sur elles, les décisions pénales ayant une autorité absolue, le criminel tenant le civil en état.
Mais le droit économique et plus encore le droit de la régulation a remis totalement en cause cette puissante conception classique.
En effet le droit de la régulation, de nature téléologique, vise à concrétiser son but : mettre en équilibre le principe de concurrence et d’autres soucis, comme l’accès aux biens communs ou la prévention des risques systémiques.
Dans cette conception à la fois très dynamique et très systémique, le droit n’est qu’un instrument. Il n’est recherché que dans son aptitude à produire l’effet recherché. Le droit pénal alors dès lors à la fois mis en valeur et tombera de son piédestal.
En effet, le pouvoir de sanction, notamment les amendes et les interdictions, sont considérés comme le cœur nécessaire et ordinaire de ce qui doit être une régulation efficace. Ainsi les lois ont accru les montants encourus.
Mais parce que l’enjeu est l’efficacité au regard des buts, le droit pénal devenant un instrument, il perd donc son autonomie. Son interprétation se fait au regard des règles autres dont il assure l’efficacité, règles de droit public, de droit des sociétés, de droit civil, de droit probatoire, etc. Plus encore, parce qu’il doit être efficace, son interprétation cesse d’être stricte : la téléologie implique souvent une interprétation large.
Son intimité avec l’Etat se dissout et l’émergence d’un droit pénal des marchés s’impose, dont les contours suivent les marchés eux-mêmes. Ainsi, la répression des abus de marché est organisée à l’échelle de l’Europe et le plus souvent en décalque du droit américain. Un droit pénal mondial se met en place. Il s’applique hors du procès, notamment par la transaction, qui coule le droit pénal dans le contrat.
Pour s’appliquer plus largement, la preuve change de nature, admet les présomptions
Le droit pénal se dissout dans le droit de la répression, qui se conçoit mieux dans un droit administratif répressif, s’appliquant objectivement à des manquements. Le passage de l’un à l’autre, la cohabitation de l’un avec l’autre, se font avec difficulté, comme le montre la saga Non bis in idem.
Quel que soit le pays, les cours constitutionnelles, dont l’office est de défendre les droits et libertés des personnes, ont tendance à défendre la conception classique du droit pénal tandis que les régulateurs ont tendance à défendre la conception régulatoire de la sanction objective des manquements.
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La comptabilité est une sorte de photographie de la "valeur" de la société, de son patrimoine, mettant en balance son actif et son passif mais intégrant aussi son activité passée mais éventuellement son activité future. La comptabilité, instrument d'information, devient un outil non seulement pour le dirigeant, l'actionnaire, les co-contractants, mais aussi pour l'investisseur présent ou futur, c'est-à-dire le marché.
La comptabilité classique, d’origine Allemande, valorisait l’actif de l’entreprise à son coût historique (par exemple le prix d’achat des biens), mais les nouvelles normes comptables, sous l’influence britannique et à travers les propositions de l’International Accounting Standards Board (IASB), ont voulu rapprocher la notion de valeur et celle de marché. En effet, un bien a une valeur correspondant au prix qu’en donnera un potentiel acheteur et non pas au prix que son actuel propriétaire a versé pour l'acquérir ou en avoir la maîtrise. Cette notion de fair value ou de market value a conduit à évaluer les actifs à leur valeur liquidative. On s’est de ce fait rapproché de prix plus exacts, en phase avec la notion même de prix concurrentiel mais également extrêmement variable avec les marchés, les marchés financiers étant eux-mêmes déconnectés de l’économie réelle par la spéculation. De ce fait, des affaiblissements de marchés ont affaibli les bilans et un effet de domino jouant entre les bilans et les marchés, notamment à propos des banques, a grandement contribué à la crise financière de 2008. Cependant, alors que l’activité financière ne peut pas se penser hors une comptabilité jouant un rôle central dans l’information et dans la confiance des investisseurs, le socle de la comptabilité actuelle, indissociable de la régulation du marché bancaire et financier, n’a pas été pour l’instant remplacé.
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Le secteur aérien a été le premier des secteurs régulés dans les années 1920. Cela tient au fait que le transport aérien suppose que les personnes puissent voyager d’un espace étatique à un autre, ce qui justifia précocement un système multilatéral de conventions internationales entre États, relevant du droit international public, chacun d’eux conservant sa part de souveraineté et sa compagnie nationale (par ex. Air France).
Mais le principe de concurrence a rendu l’organisation plus complexe par les mécanismes d’open sky qui permettent à une compagnie aérienne de proposer à l’étranger ses services, la régulation doit s'ouvrir davantage à la concurrence. En outre, la régulation se soucie davantage des risques aériens, en adoptant des normes mondiales de sécurité s’imposant à l’ensemble des opérateurs, dans la conduite et les procédures d’entretien des matériels.
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L'Autorité Administrative Indépendante (AAI) est la forme juridique que le Législateur a le plus souvent choisi pour établir des autorités de régulation. L'AAI est seulement sa forme juridique mais le système juridique continental, comme est le Droit français, allemand, italien, etc., y ont attaché une grande importance, suivant en cela la tradition formaliste du droit public. Les Autorités de régulation sont donc avant tout définies comme des autorités administratives indépendantes.
L’élément essentiel est dans le dernier adjectif : le caractère "indépendant" de l’organisme. Cela signifie que cet organe qui n’est pourtant qu’administratif, donc ayant vocation à être placé dans la hiérarchie l’exécutif, n’obéit pas au Gouvernement. En cela, on a très souvent présenté les régulateurs comme des électrons libres, ce qui a posé le problème de leur légitimité, puisqu’ils ne pouvaient plus puiser en amont dans la légitimé du Gouvernement. Cette indépendance pose également la difficulté de leur responsabilité, de la responsabilité de l’État du fait de leurs agissements, et de la reddition de compte (accountability) quant à l’usage qu’ils font de leurs pouvoirs. En outre, l’indépendance des régulateurs est parfois mise en doute si c’est le gouvernement qui conserve le pouvoir de nommer les dirigeants de l‘autorité de régulation. Enfin, l’autonomie budgétaire du régulateur est cruciale pour assurer son indépendance, les autorités ayant le privilège de bénéficier d’un budget -qui n’est pas inséré dans la LOLF- étant cependant très peu nombreuses. On les qualifie alors non plus d' "autorité administrative indépendante" mais d'Autorité Publique Indépendante", le Législateur faisant la distinction entre les deux (loi du 20 janvier 2017).
Le deuxième point concerne le second adjectif : à savoir qu’il s’agit d’un organe "administratif". Cela correspond à l’idée traditionnelle selon laquelle la régulation est le mécanisme par lequel l’État intervient dans l’économie, selon l’image d’une sorte de déconcentration des ministères, dans le modèle scandinave de l’agence. Si l’on se laisse enfermer dans ce vocabulaire, on en conclut que cet organisme administratif rend une décision administrative qui fait l’objet d’un recours devant un juge. Ainsi en premier lieu, il s’agirait d’un recours de premier instance et non pas d’un jugement puisque l’autorité administrative n’est pas un tribunal. En second lieu, le juge naturel du recours devrait être le juge administratif puisqu’il s’agit d’une décision administrative rendue par une autorité administrative. Mais, l’Ordonnance du 1ier décembre 1986 sur la concurrence et la libéralisation des prix, parce qu’elle entendait précisément briser cette idée d’une économie administrée pour imposer la liberté des prix l’idée du libéralisme économique, a imposé que les attaques faites contre les décisions de régulateurs économiques prenant la forme d’AAI soient portées devant la Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire. Certains grands auteurs ont même alors pu en déduire que la Cour d’appel de Paris était devenue une juridiction administrative. Mais aujourd’hui, le système procédural est devenu d’une extrême complexité car suivant les AAI et suivant les différentes sortes de décisions adoptées, elles relèvent d’un recours soit devant la Cour d’appel de Paris, soit devant le Conseil d'État. Si l’on observe les lois successives qui modifient le système, on constate qu’après cette grande position de principe de 1986, le juge administratif reprend petit à petit sa place dans le système, notamment dans la régulation financière. Doit-on par logique en conclure que l’on revient à un esprit de régulation définie comme une police administrative et à une économie administrée par l’État ?
Enfin, le troisième terme est le nom lui-même : « l’autorité ». Il signifie en premier lieu d'une entité dont le pouvoir tient avant dans son "autorité". Mais il marque qu'il n'est pas une juridiction, qu'il prend des décisions unilatérales. C’était sans compter la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le juge judiciaire ! En effet, l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme pose que toute personne a droit à un tribunal impartial en matière civile et pénale. Or, la notion de « matière pénale » ne se coïncide pas avec la notion française formelle de droit pénal mais vise la notion factuelle, large et concrète, de répression. Ainsi, par un raisonnement qui va à rebours, un organisme, quelque soit la qualification qu’un État lui aura formellement conférée, qui a une activité de répression, agit "en matière pénale". De ce seul fait, au sens européen, il est un tribunal. Cela déclenche automatiquement une série de garanties fondamentales de procédure, au bénéfice de la personne qui risque d’être l’objet d’une décision de sa part. Une série de jurisprudence, aussi bien de la Cour de cassation, du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel a conforté cette juridictionnalisation des AAI.
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Le contrat est l'instrument juridique principal et naturel du marché concurrentiel. Il paraît étranger à la régulation qui, proche de la "réglementation", paraît davantage s'exprimer dans des actes juridiques publics unilatéraux.
Mais cette division s'estompe car le contrat est un instrument efficace en ce qu'il rend acquise l'acceptation du destinataire de la norme, devenant ainsi l'instrument privilégié des politiques publiques. Le Régulateur va l'utiliser d'autant plus que d'une part, par le contrat, les opérateurs lui apportent de l'information et que d'autre part, les opérateurs ayant de fait la puissance de lui désobéir un rapport contractuel de convergence d'intérets est pragmatiquement plus efficace. C'est pourquoi le contrat est une figure juridique majeure de la Régulation.
Le mécanisme de l'autorégulation va plus loin, puisque la Régulation elle-même y est construite sur des engagements contractuels, dispensant de règles et de régulateur exogènes.
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L’Ex Ante, expression usuelle dans les théories économiques, correspond à l’expression plus traditionnelle en Droit d’a priori, et désigne l’appréhension d’une situation avant que celle-ci ne se constitue. Par exemple, une loi ou une règlementation est un acte ex ante, qui régira les situations postérieures à l’adoption du texte, ou de la décision, ou du règlement général d’une autorité. Il n'y a pas de rétroactivité. A l’inverse, l’ex post, expression usuelle en économie et qui correspond en Droit à l’a posteriori, désigne une réaction d’un organisme face à une situation ou à un comportement constatés. Ainsi toutes les décisions individuelles de sanctions, ou tous les règlements de litiges ou de médiation relèvent de l’ex post. Par exemple, les actes juridictionnels relèvent de l’ex post.
On reconnaît usuellement le droit de la concurrence en ce qu’il se développe dans l’ex post, puisque le marché est établi et que l’autorité de concurrence réagit en cas de pratique anticoncurrentielle, susceptible d’être sanctionnée, donc en ex post. A l’inverse, parce qu’il s’agit de construire la concurrence ou de maintenir en permanence des équilibres non naturels dans des secteurs, la régulation utilise des outils que l’on pourrait dire « sur page blanche », essentiellement des règlementations, c'est-à-dire de l’ex ante. Cela explique que le terme anglais regulation désigne simplement la règlementation, qui n’est certes qu’un outil de la régulation (qui doit se traduire correctement par regulatory system) mais qui exprime parfaitement l’ex ante qui distingue la régulation par rapport à la concurrence.
Cette opposition est fondamentale car non seulement elle éclaire la distinction entre concurrence et régulation, mais encore elle dicte la répartition et l’ampleur des pouvoirs. En effet, pour simplement réagir ex post, il suffit de disposer d’un pouvoir de sanction, d’un pouvoir de punir, d’ordonner des réparations, de trancher des différents. L’intervention ex ante exige des pouvoirs beaucoup plus considérables puisque l’autorité de régulation dicte des comportements pour construire des marchés et des secteurs. Cette ampleur des pouvoirs liés à l’ex ante explique que le titre de régulateur soit envié, et que même les autorités de concurrence se présentent parfois comme des régulateurs de la concurrence, comme s’ils la construisaient au-delà de la défendre, notamment par l’adoption de mesures conservatoires. La confusion est souvent faite voire entretenue par l’oxymore de régulation concurrentielle, ce qui en France conduisit la loi du 4 aout 2008 de modernisation de l’économie (LME) à confier à l’autorité de la concurrence le contrôle des concentrations, alors qu’il s’agit d’un pouvoir ex ante. Cela a été accru en France par la loi du 6 août 2015 qui a conféré à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle, tendant à transformer celle-ci en autorité de régulation horizontale, alors que la compétence de celle-ci n'est pas limitée à un secteur et qu'elle n'est pas en charge d'en construire.
Cela montre la fragilité de la distinction entre l’ex ante et l’ex post . En effet, il peut être critiquable que les autorités de concurrence cherchent à s'approprier des pouvoirs ex ante pour les exercer sur l'ensemble des marchés, alors même que ceux-ci ne justifient pas l'emprise d'une régulation, mais il est vrai qu'il exerce un continuum entre l'ex ante et l'ex post. Ce continuum s'exerce dans les deux sens. Dans le sens de l'ex ante vers l'ex post, c'est le Régulateur lui-même qui, après avoir pris les normes en ex ante, en assure lui-même l'effectivité par la surveillance permanente et la sanction des manquements aux règles.
Plus encore, dans le sens de l'ex post vers l'ex ante, du fait que, comme le montre la théorie des jeux et particulièrement sur les marchés bancaires et financiers, les agents sont anticipateurs, une décision de sanction ou de règlement des différents est interprétée comme un signal, par exemple de sévérité ou d’avertissement, de tendance, une sorte d’acte de doctrine de l’autorité, que les opérateurs ont intégré dans leurs comportements futurs. Ainsi, l’acte ex post devient de l’ex ante cognitif.
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Dans le schéma traditionnel, l’administration n’a pas besoin d’être indépendante, puisque tous ont le sens de l’intérêt général. Dans le système de régulation, qui renvoie à une théorie du soupçon, le régulateur doit nécessairement être indépendant et du gouvernement et des opérateurs, car les deux recherchent leurs intérêts particuliers (leur fonction d‘utilité propre).
L’indépendance se définit comme la condition matérielle et psychologique qui permet à celui qui en bénéficie de décider en impartialité, c'est-à-dire sans devoir suivre des ordres formulés par un tiers, ni même être influencé par lui. Pour satisfaire cette exigence, le régulateur prend en France la forme de l'Autorité administrative indépendante, avec des conditions de nomination des membres, de fonctionnement de l’institution et d’attribution du budget minutieusement établies par la loi.
L’indépendance des régulateurs européens est même plus forte qu’aux États-Unis, puisqu’ils ne sont pas insérés dans un système de check and balance et qu’à ce titre personne ne les tient.
On a pu reprocher l’association de leur puissance, à laquelle l'indépendance contribue, et de leur irresponsabilité.
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En Europe, le droit communautaire interdit aux États d'apporter aux entreprises des aides, celles-ci étant analysés comme des moyens au bénéfice du pays dont l’État se soucie (et parfois a tort de n'avoir que souci), ayant pour effet et peut-être pour objet de maintenir ou de construire des frontières entres les peuples, contrariant en cela le projet politique européen premier d'un espace commun de paix et d'échanges entre les peuples de l'Europe. C'est pourquoi cette prohibition n'existe pas aux États-Unis, puisque le Droit Antitrust n'a pas pour but de construire un tel espace, lequel est déjà disponible pour les entreprises et pour la population.
Cette différence essentielle entre les deux zones modifie les politiques industrielles car le gouvernement fédéral américain peut aider des secteurs là où les États-membres ne le peuvent pas. La prohibition européenne des aides d’État ne peut pourtant être remise en cause car elle est associée au projet politique de l'Europe. Cela semble une aporie puisque l'Europe en est handicapée face aux États-Unis.
L'aide est prohibée en ce que, quelques formes qu'elle prenne, elle fausse l'égalité des chances entre les opérateurs en concurrence sur les marchés, et constitue un obstacle fondamental à la construction d’un marché intérieur européen unifié. A partir de ce principe simple, s'est développée une branche du droit technique et spécifique car les États continuent d'apporter leur soutien et de très multiples règles et cas viennent découper en autant d'exceptions et de nuances cette règle, tandis que s'est construit au fil des ans un système probatoire y afférant. Ainsi la notion d'entreprise publique a pu demeurer malgré ce principe d'interdiction.
Mais s'il y a une crise d'une telle nature ou ampleur que le marché ne parvient pas par ses seuls forces à surmonter ou/et que l'Union européenne poursuit elle-même des objectifs a-concurrentiels, il faut qu’une régulation exogène intervienne, laquelle peut alors prendre la forme d’une aide d’État légitime. Il advient ainsi une sorte de synonymie entre aide d’État et Régulation.
C’est pourquoi les institutions européennes ont posé que des aides d’État deviennent licites lorsqu’elles interviennent soit dans des secteurs stratégiques, comme dans la production énergétique dans lequel l’État doit conserver son pouvoir sur les actifs, par exemple lorsqu'il s'agit du secteur de la défense. Loin de s'amenuiser cette hypothèse s'accroît. Le Droit de l'Union européenne admet également que l’État intervienne en prêtant aux opérateurs financiers menacés de défaillance ou déjà défaillants, l’État ayant pour fonction de lutter contre le risque systémique, directement ou à travers sa Banque centrale. L'aide peut venir de la Banque centrale européenne elle-même aidant les États dans leur émission de dettes souveraines, la Cour de justice ayant admis en 2015 la conformité aux traités des programmes de politique monétaire non-conventionnels. En 2010, le commissaire européen à la concurrence a ainsi souligné que les aides publiques sont des outils indispensables aux États pour faire face aux crises, avant que des règlements ne viennent en 2014 prendre le relais pour jeter les bases de l'Union bancaire européenne.
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L’environnement exprime le souci que l’homme a désormais de la nature, soit en elle-même, soit parce qu'en la détruisant il se détruit lui-même. Les intérêts sont donc croisés et cumulés : la nature est protégée en elle-même, pour lui et pour les générations à venir.
Est née une branche du droit, le "Droit de l’environnement", dont on ne saurait dire s'il appartient au droit public ou au droit privé. Il fut jusqu’à il y a peu conçu comme une police administrative, à base de déclarations, d’autorisations, de classements des exploitations génératrices de pollution, et d’organisation du traitement des déchets. Nous sommes en train de basculer dans la régulation environnementale, comme le montre les nouveaux textes du Droit communautaire, conçus par la Commission européenne qui lient régulation de l’énergie et régulation de l’environnement.
Il s’agit en effet sur le long terme de planifier et d’organiser un environnement sain, et cela grâce à des énergies renouvelables, non plus tant à base de contraintes ou d’interventions ponctuelles mais bien plutôt à partir d’incitations et de mécanismes de marché tel que celui des quotas de CO2 (attribution des quotas aux entreprises par l’État puis émergence des prix par rencontre de l’offre et de la demande grâce au marché), cette construction d’équilibres à long terme sur et à partir du marché étant le signe de la régulation.
Le "souci environnemental" s'est également noué avec la régulation financière, de deux façons. En première lieu, les techniques financières sont un moyen d'élaborer des outils pour l'environnement, comme le sont les marchés de CO2, mais encore les obligations spécifiques de ce qui serait une compliance environnementale pour les sociétés cotées, ce qui engendre pour les Régulateurs financiers des missions nouvelles. En second lieu, les enjeux environnementaux sont eux-mêmes financiarisés, comme s'ils identifient de nouveaux risques et révèlent des nouvelles incertitudes : à ce titre les Régulateurs bancaires et financiers les apprécient.
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L’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) pose que toute personne a droit à un tribunal impartial.
Dans la mesure où le régulateur est en France le plus souvent une Autorité administration indépendante (AAI ) et que celle ci est assimilée à un tribunal, le régulateur est astreint à respecter à la CEDH. Cela participe de juridictionnalisation de la régulation.
Ainsi, lorsqu’il y a procédure de sanction ou règlement des différents c’est un véritable procès qui s’instaure, et les entreprises, aidées de leurs avocats, doivent bénéficier de l’accès au dossier, du principe du contradictoire, des droits de la défense, du droit de participer au débat à l’audience. Dans ces garanties fondamentales de procédure figurent également l’obligation pour le régulateur de motiver ses décisions, ce qui facilite le contrôle qu’exerce sur lui les juridictions de recours, et de créer par accumulation des décisions une sorte de jurisprudence des régulateurs eux-mêmes.
Ainsi, les droits de l’homme par la procédure ont pénétré dans les Autorités de régulation. Cela renvoie à un des enjeux qui se met en place, à savoir l’équilibre qui doit s’établir entre les lois du marché et les prérogatives non économiques des individus.