4 janvier 2016

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Confiance

par Marie-Anne Frison-Roche

ComplianceTech©

La confiance a longtemps été le socle même des systèmes monétaires, bancaires, financiers et assurantiels. L’industrie bancaire et financière repose sur la confiance que les consommateurs, ici les investisseurs, accordent aux titres qu’ils acquièrent. En effet, les biens émis sur le marché n’ont pas de corporalité et leur valeur ne dépend que de la confiance que l’acheteur insère dans la valeur que les autres investisseurs eux-mêmes accordent au titre. C’est pourquoi on affirme que le marché financier est intersubjectif. Ce caractère très subjectif des marchés bancaires et financiers n’est pas partagé avec les marchés des biens et services parce que sur ceux-ci, les biens ont une existence corporelle qui est palpable par le consommateur. Et il n’est pas besoin de faire confiance au vendeur de pommes pour savoir que la pomme existe, et il faut peu de temps pour la mordre et en connaitre le gout. Le titre financier ne peut avoir ces vertus.

Cette subjectivisation des marchés bancaires et financiers a engendré la nécessité de régulateur charismatique, et ce sont sur ces seuls marchés que l’on trouve des banquiers centraux – gourous - dont Alan Greenspan a longtemps été le parangon, puisqu'on admet aujourd'hui le rôle de "régulateur" des banquiers centraux. Ainsi, le comportement des personnes, l’image qu’ils donnent à voir, leur réputation, les anticipations de leurs comportements, etc., sont essentielles et la théorie économique des jeux s’est largement développée à propos des marchés bancaires et financiers. De la même façon, sur ces secteurs-là, la régulation et la supervision s'articulent, la personnalité des personnes qui dirigent les établissements systémiques étant contrôlés.

Mais la question de la confiance peut être posée en termes plus généraux, ce qui suppose la question du lien entre la régulation, la supervision et la référence même à un "secteur". La difficulté principale - et elle est assez générale - tient au fait que la confiance est volatile et que la crainte la fait perdre, la peur étant auto-réalisatrice. Comme l’a montré la crise financière de 2008, l’enjeu majeur est alors la restauration par la régulation de la confiance sur les marchés, en premier lieu bancaires et financiers (sans laquelle les consommateurs cesseraient de consommer les produits proposés par les marchés). Plus encore, la panique, engendrée par la disparition de la confiance, peut aller jusqu’à la perte de celle-ci envers l’État, comme dans le cas de la crise grecque en 2010, et faire que les consommateurs retirent leurs dépôts des banques, faisant s’écrouler le système.

La restauration de la confiance est extrêmement difficile car les textes juridiques et le Droit d'une façon plus générale sont malhabiles à faire naître des sentiments : on ne décrète pas la confiance. Les différents États cherchent les solutions de régulation, soit en accroissant les exigences prudentielles (modèle européen) soit en surveillant étroitement l’usage des fonds par les banques (règle Volcker pour les États-Unis), soit en organisant par avance la distribution des actifs par une banque qui tomberait en faillite ce qui éliminerait l’effet systémique du domino (idée britannique du testament des banques, organisée par le régulateur ou la banque centrale). D'une façon plus générale, c'est le régulateur qui injecte de la confiance. C’est pourquoi ils doivent être autonomes des gouvernements parce que ceux-ci sont souvent techniquement en conflit d'intérêts et plus généralement trop capturés par leur opinion publique.

 

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