21 avril 2021

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : S. Merabet, "La morale by design", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 287-298.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Après s'être interrogé sur les rapports entre le Droit et la Morale, dont on a du mal à trouver des points de contact, l'auteur avance l'hypothèse que celle-ci pourrait trouver un espace de concrétisation dans la technologie de l'intelligence artificielle, alors même que beaucoup s'inquiètent des effets délétères de celle-ci. L'auteur considérant que la Compliance n'est qu'une méthode tandis que l'éthique serait la façon dont la morale est incorporée d'une façon assouplie dans le Droit, la technologie dite de l'Intelligence Artificielle pourrait donc exprimer la règle morale ("la compliance by design pourrait être l’outil adéquat pour permettre d’assurer l’effectivité des règles morales sans tomber dans les excès envisagés"). 

L'auteur prend appui sur des exemples pour estimer qu'ainsi la technologie pour d'une part exprimer la règle morale et d'autre part rendre celle-ci effective. La règle morale peut ainsi élaborée d'une façon équilibrée puisqu'elle l'est conjointement entre l'État et les opérateurs économiques, cette collaboration prenant la forme de principes généraux arrêtés par l'État des moyens choisis par l'entreprise. Son contenu serait également caractérisé par la recherche d'un "juste milieu", qui serait trouvé par cette répartition entre les principes moraux primaires dont l'expression serait le fait de l'État et les principes moraux secondaires dont l'expression serait déléguée aux entreprises.

Prenant donc ce qui seraient les principes de la Compliance, l'auteur les applique à l'Intelligence Artificielle, en montrant qu'on insère dans ces technologies non seulement le principe de neutralité mais encore les principes éthiques de non-malveillance, voire de bienveillance (principes premiers) que les entreprises déclinent ensuite en principes secondaires. Dès lors, "la compliance peut utilement être mise à profit pour convertir ces principes moraux fondamentaux en règles morales dérivées, source d’une plus grande effectivité.".

Aboutissant ainsi à une "morale by design", le système global dispose d'un outil d'effectivité supplémentaire. Cela suppose que les règles fondamentales et dérivées soient d'une qualité morale acquise car pour l'instant l'outil technologique ne peut assurer que leur effectivité et non pas la qualité morale des règles implémentées.  Dans la détermination des "règles morales d'application", l'entreprise dispose de marges de liberté, utilisées via les outils technologiques. 

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21 avril 2021

Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Décrire, concevoir et corréler les outils de la Compliance, pour en faire un usage adéquat", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Outils de la Compliance, coll. Régulations & Compliance, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 3-24.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L'article constitue l'introduction générale de l'ouvrage sur Les outils de la Compliance. Dans sa première partie il développe la problématique d'ensemble de ceux-ci. Dans sa seconde partie, il présente chacune des contributions, replacée dans la construction d'ensemble de l'ouvrage. 

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21 avril 2021

Publications

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Référence générale : Frison-Roche, M.-A. (dir.), Les outils de la Compliance, collection  "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021.

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Parallèlement, un ouvrage est publié en version anglaise Compliance Tools, co-édité entre le Journal of Regulation & Compliance et les éditions Bruylant.

Cet ouvrage vient à la suite d'un cycle de colloques organisés par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et des Universités qui lui sont partenaires.

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Consulter la collection Régulations & Compliance dans laquelle l'ouvrage est publié 

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Présentation générale de l'ouvrage : La dimension politique du Droit de la Compliance réside dans les buts monumentaux que celui-ci vise et qui le définissent. Ces buts sont internalisés dans des « opérateurs cruciaux », qui de gré ou de force doivent se structurer et agir pour les concrétiser des « buts monumentaux », tels que fixés par des Autorités publiques et pouvant coïncider avec les intérêts propres à l’entreprise. Celle-ci conçoit et contrôle la réorganisation Ex Ante que cela implique, sous la supervision des Autorités publiques. Les entreprises, même si leurs activités ne sont pas régulées, deviennent de ce fait transparentes et doivent donner à voir Les Outils de la Compliance déployés effectivement pour atteindre efficacement ces buts. C’est une transformation majeure de la vie économique dans tous les pays car les Outils de la Compliance sont adoptés partout et ont une portée mondiale.

Ceux-ci paraissent très divers mais leur unité est profonde et la faire ressortir a le bienfait pratique de produire un régime juridique aussi unifié que possible, tout en permettant leur adaptation pays par pays, secteur par secteur, entreprise par entreprise. .

Cet ouvrage vise à comprendre ces Outils de Compliance pour mieux anticiper l’appréciation qui en sera faite par les Régulateurs, Superviseurs et Juridictions, ainsi que les nouvelles conceptions qu’en auront les auteurs des textes qui chaque jour en imposent de nouveaux, tandis que les entreprises doivent aussi en imaginer des plus adéquats possibles.

L’ouvrage  appréhendant spécifiquement ceux sur lesquels on dispose de peu d’études alors qu’on les manie quotidiennement, comme la cartographie des risques ou les formations ou les droits, en laissant transparaître à travers des contributions plus transversales les outils plus familiers, comme les programmes de compliance, les sanctions, les lancements d’alerte ou les conventions judiciaires d’intérêt publics.

Un premier chapitre en opère une approche juridique et économique Une deuxième chapitre souligne le rôle de la cartographie des risques. Un troisième chapitre dessine le jeu des incitations. Un quatrième chapitre relève les expertises requises. Un cinquième chapitre insiste sur la prégnance géographique. Un sixième chapitre détaille la mesure de l’effectivité. Un septième chapitre explore la formation. Le huitième chapitre examine les outils technologiques. L’article  de conclusion débouche sur les droits.

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Lire la présentation générale de l'ouvrage, comprenant la table des matières et l'introduction

 

Lire les présentations de chacun des articles composant l'ouvrage :

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21 avril 2021

Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "La formation : contenu et contenant de la Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 227-244.

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📝lire l'article 

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article a été publié 

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation and Compliance) : Au premier titre, en tant que la formation est un outil spécifique de Compliance, elle est supervisée par les Régulateurs. Elle devient même obligatoire lorsqu'elle est contenue dans des programmes  de Compliance. Puisque l'effectivité et l'efficacité sont des exigences juridiques, quelle est alors la marge des entreprises pour les concevoir et comment en mesure-on le résultat ? 

Au second titre, tant que chaque outil de Compliance comprend, et de plus en plus, une dimension éducative, l'on peut reprendre chacun d'entre eux pour dégager cette perspective. Ainsi même les condamnations et les prescriptions sont autant de leçons, de leçons données, de leçons à suivre. La question est alors de savoir qui, dans ce Droit si pédagogique, sont les "instituteurs" ?

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21 avril 2021

Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Dresser des cartographies des risques comme obligation et le paradoxe des "risques de conformité"", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 53-62.

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance: Il y a peu d'études synthétiques ou théoriques sur le mécanisme de cartographie des risques alors qu'il est de fait l'outil central dans la Compliance, peut-être parce qu'il relèverait plus du management que du Droit. La cartographie des risques est décrite mais ne reçoit pas d'autres qualifications juridiques que d'être une "modalité", souffrant en cela d'un mal qui frappe l'ensemble de la Compliance, encore peu appréhendé par le Droit, concentré souvent pour l'instant dans l'Ex Post de la sanction alors que la Compliance est par nature de l'Ex Ante. L'on passe du désarroi à l'incompréhension en relevant l'existence de "risques de conformité" parmi les risques cartographiés, car si puisque tant affirment qu'il ne faudrait parler que de "Droit de la conformité", comme obéissance en Ex Ante au Droit, un sous-ensemble d'un outil aurait donc le même objet que l'ensemble du Droit que cet outil sert... Cette aporie ne peut être résolue que si l'on admet que le Droit de la Compliance se définit substantiellement par ses "buts monumentaux" qui excèdent l'obéissance à la réglementation.

En conséquence et si le Droit se saisit de la cartographie des risques, celle-ci peut apparaître tout d'abord qu'une obligation accessoire de l'obligation principale consistant par le fait d'atteindre les buts monumentaux. L'obligation accessoire de dresser les cartes est une obligation de résultat, tandis que l'obligation principale d'atteindre les buts est une obligation de moyens. Cette cartographie étant très diverse et n'étant visée que ponctuellement par des lois précises, elle peut aussi ne constituer qu'un fait juridique ou, par le jeu de diverses chartes, un engagement juridique unilatéral. Mais l'on peut avancer l'idée qu'elle est en train de devenir le socle d'une obligation juridique autonome à la charge d'entreprises en position de connaître certains risques, renvoyant à l'existence d'un droit subjectif de les connaitre et de les mesurer ("droit d'être inquiétés") dont les tiers qui vont les courir seraient titulaires, leur permettant ainsi de choisir de les courir, ou pas.

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31 mars 2021

Compliance : sur le vif

31 mars 2021

Conférences

Référence complète: Frison-Roche, M.-A., notes prises pour réaliser la conclusion ,Compliance et Arbitrage : un adossement,  dans le colloque :  Compliance et Arbitrage, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et le Centre de recherches sur la Justice et le Règlement des Conflits (CRJ) de l'Université Panthéon-Assas (Paris II), avec le soutien de la Cour Internationale d'Arbitrage, Paris, 31 mars 2021.

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Lire le programme de ce colloque

Lire la présentation de la conférence, notamment son résumé. 

 

Lire ci-dessous les notes prises pendant le déroulé du colloque pour en réaliser la synthèse⤵️

30 mars 2021

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète: Luguri, J. et Strahilevitz, L. J., Shining a Light on Dark Patterns, Journal of Legal Analysis, Vol. 13, Issue 1, 2021, 67p. 

Les étudiants de Sciences Po ont accès à l'article via le Drive de Sciences Po dans le dossier MAFR - Regulation & Compliance.

 

 

 

24 mars 2021

Compliance : sur le vif

23 mars 2021

Base Documentaire : Soft Law

Référence complète: Bayrou, F., Electricité: le devoir de lucidité, note n°4 du Haut-Commissariat au Plan, 23 mars 2021, 37 p.  

Lire la note 

Lire le résumé de la note que fait le Haut-Commissariat au Plan sur son site officiel

18 mars 2021

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète: Camy, J., Loi sur le devoir de vigilance et loi Sapin II: quelles obligations des entreprises?, JCP Entreprise, n°11, 17 mars 2021, p. 17-28

17 mars 2021

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Référence complète : Soc., 17 mars 2021, pourvoi n°18-25.597

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Lire l'arrêt. 

 

 

17 mars 2021

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les potentialités du Droit de la Compliance, conférence faite pour les étudiants de Muriel Fabre-Magnan, Paris I, 17 mars 2021.

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Cette conférence a été faite pour les étudiants de Paris I, qui suivent un cursus de Droit, spécialisés dans le Droit des obligations, et plus particulièrement dans le Droit de la Responsabilité.

Elle visait donc à montrer la teneur technique du Droit de la Compliance et ce qu'il peut devenir. 

Elle a été suivie d'un débat avec les étudiants. 

Résumé : Le Droit de la Compliance est une branche du Droit en train de naître. On peut être certain de son existence à travers le droit positif français, par l'examen technique des lois dites "Sapin 2" (2016) et "Vigilance" (2017). Il apparaît comme radicalement nouveau. C'est pourquoi il est ressenti comme une attaque, notamment américaine et l'on utilise le savoir juridique plutôt pour le contrer. Mais si l'on étudie les raisons historiques de son adoption aux Etats-Unis et les "buts monumentaux", à la fois négatifs (ce qui ne doit pas advenir dans le futur) et positifs (ce qui doit advenir dans le futur), l'on mesure que ce Droit, essentiellement Ex Ante pourrait bien être ce par quoi les Autorités politiques éparpillées mais légitimes et les grandes entreprises puissantes mais qui n'ont pas à nous gouverner pourraient faire alliance. Ainsi potentiellement le Droit de la Compliance pourraient être le pire, simple instrument d'obéissance ("conformité" mécanique par avance à toute règle) ou le meilleur : ce par quoi l'on pourrait faire quelque chose face aux problèmes mondiaux de fait, comme l'environnement, ou que nous accepterions de regarder en face, comme le sort d'autrui.

 

Consulter les slides ayant servi de base à cette conférence

10 mars 2021

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2021

Résumé de la dernière leçon : La Compliance, ne serait-ce que par ce terme même, est un mécanisme nouveau dans les systèmes juridiques européens, venant notamment en convergence du Droit de la concurrence, du Droit financier et du Droit du commerce international. L'on considère généralement qu'il provient du Droit financier et du Droit américain, qui développe ainsi d'une façon extraterritoriale ses conceptions juridico-financières. 

Est ainsi en train de naître un Droit de la Compliance

Il pourrait être celui qui disciplinerait l'économie numérique, laquelle croise étroitement l'économie bancaire et financière, qu'elle renouvelle.

Pour en mesurer l'importance et le développement, qui ne font que commencer, le plus probant est de commencer par sa manifestation incontestable en Droit français, à savoir la loi du 9 décembre 2016 de la loi dite "Sapin 2", suivant de peu la loi du 21 juin 2016 sur les abus de marché et suivie de peu par la loi du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés donneuses d'ordre.

 

Accéder aux slides servant de support à la leçon sur la régulation internalisée dans les opérateurs bancaires et financiers par l'émergence du Droit de la Compliance

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Approfondir grâce à la Bibliographie générale du cours de Droit de la Régulation bancaire et financière

 

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Parcourir les billets quotidiens d'actualité sur la Compliance. 

 

 

 

Utiliser les matériaux ci-dessous pour aller plus loin et préparer votre conférence de méthode:

9 mars 2021

Compliance : sur le vif

5 mars 2021

Auditions Publiques

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Appliquer la notion de "Raison d'être" à la profession du Notariat", audition par le Conseil supérieur du notariat (CSN), 5 mars 2021.

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🔴trois ans plus tard, cette démonstration fût reprise et approfondie dans une audition devant le Conseil Supérieur du Notariat à propos de la Compliance, sur laquelle un rapport était élaboré, les notions de raison d'être et de compliance étant intimement corrélées comme cela est montré ci-dessous : consulter la présentation de l'audition de 2024..

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Résumé de l'intervention débutant l'audition : L'on peut prendre "raison d'être" dans son sens courant et dans son sens plus juridique. Dans son sens courant, il est bien difficile de déterminer ce qu'est une "raison d'être". Le plus souvent on ne le traduit pas, en anglais on dira purpose , c'est-à-dire ce qui caractérise l'être humain par rapport à la machine, comme le souligna Alain Supiot, tandis que la langue japonaise le traduit comme Ikigaï, ce qui va animer la personne. L'on sent bien que le souffle de l'esprit passe dans cette notion, qui anime la personne, la porte dans une action qui ne sera pas mécanique, qui va la dépasser elle-même, la fait tout à la fois se distinguer des autres et se rapprocher de ses alter ego.... 

Mais le Droit a transformé cette notion, si proche de l'éthique, voire de l'art, par laquelle l'individu est "transporté dans le temps par une action partagée avec quelque uns, en un "conception juridique". Cette expression de "raison d'être" est aujourd'hui estampillée par le Droit. A travers une vision renouvelée de l'Entreprise, désormais portée par la législation.  En tant qu'une entreprise, selon une définition fortement développée par Alain Supiot est un "projet commun" qui vise une action commune concrétisant un projet conçu ensemble pour être réalisé dans le futur, l'organisation et les moyens n'étant que le reflet de cela. Dans cette définition de l'entreprise, centrée sur la "raison d'être", l'organisation, les moyens, les pouvoirs et les droits de chacun, les rouages internes et les intérêts extérieurs ne sont pas premiers, ils sont totalement imprégnés par cette "raison d'être". Dire la raison d'être, l'affirmer et savoir précisément ce qu'elle est dessine la régime applicable. C'est pourquoi la "raison d'être" a changé en 2019 le Droit des sociétés et le Droit financier. 

 Elle fût d'abord adoptée par le rapport que Nicole Notat et Dominique Senard remirent le 9 mars 2018 au Ministre de l'Economie et des Finances en réponse à la question posée par celui-ci : l'entreprise peut-elle contribuer à l'intérêt général ? Et la réponse tînt dans cette expression-là : pourquoi pas, si c'est la "raison d'être" de l'entreprise que de s'arracher à la seule préoccupation de se développer afin de devenir toujours plus riche, d'avoir aussi un projet qui inclut le souci d'autrui, d'un autrui qui n'ait pas pour seul souci l'appât du gain, d'avoir le souci d'un intérêt autre (les autres visant pour les auteurs de ce rapport "l'intérêt collectif" et non plus l'intérêt général), par exemple l'intérêt de la Terre, dont la temporalité excède celle de la vie humaine, si fortunée soit cette vie de l'actionnaire et si somptueuse soit la tombe de celui-ci. 

La "raison d'être" est donc une notion juridique. A ce titre le Droit des sociétés a changé et l'on en rend les mandataires sociaux responsables : ils doivent montrer qu'ils ont pris en charge d'autres intérêts. L'article 1833 du Code civil a été modifié dans ce sens. Pour pouvoir remplir les nouvelles obligations qu'engendre l'évolution de leur mandat fiduciaire, cela justifie un élargissement de leur "pouvoir" car il est plus difficile encore de faire le bien d'autrui en plus de que rendre riche les associés. Si en plus il faut se soucier de l'environnement et de l'égalité entre les femmes et les hommes ... Les études pleuvent non seulement sur la pertinence managériale et financière de l'approche (plutôt favorable) mais encore juridique (par exemple lorsqu'il y a une offre publique, l'offreur devrait-il démontrer qu'il ferait plus que le bonheur des investisseurs en se saisissant du contrôle de la société-cible ?). 

Parle de "raison d'être", c'est donc appliquer un régime juridique à une organisation. Il est fructueux de prendre l'expression au sérieux, c'est-à-dire au pied de sa lettre juridique, car si le Droit est toujours ancré dans le langage courant, les mots gagnent souvent en rigueur et précision par leur entrée dans l'espace juridique. Dans le Droit des sociétés, on a pu critiquer la notion en tant qu'elle diluait la notion d'intérêt social dans de l'insécurité juridique, mais cela permet aussi à l'organisation en cause d'avoir plus de liberté pour poser par sa volonté propre ce pour quoi elle consacre ses prérogatives. Puisque c'est l'entreprise elle-même qui va pose publiquement quelle est sa "raison d'être" (comme elle a posé son objet social) 

La "raison d'être" a été conçue pour une "entreprise", pour laquelle la "personnalité morale" a été définie comme n'étant qu'un instrument juridique qui lui permet d'accéder au commerce juridique, selon l'acception retenue par le rapport Notat-Senard. Le Droit va donc vers de plus en plus de "réalisme". 

Le notariat se prête particulièrement bien à la notion juridique de "raison d'être". Pour trois raisons. En premier lieu, parce que le Notariat est une profession et que les professions sont des organisations qui sont souvent animées par des projets communs, un esprit commun. C'est même précisément cela que le Droit de la concurrence leur reproche, cette "entente" autour d'une communauté de valeurs, cristallisée par des règles d'organisation (même si l'évolution de ce Droit dans le bon accueil de l'organisation des "groupes de sociétés", notamment face à un appel d'offre montre que cette branche du Droit évolue).

En deuxième lieu, une étude notariale est une entreprise. Pourquoi ne pas l'admettre, et même prendre appui sur cela ? Parce que le Droit des sociétés a si fortement évolué avec la loi Pacte, l'on pourrait considérer que structurellement une étude notariale est une "entreprise à mission". Ce qui doit conduire la profession à étudier de très près ce statut emprunté au Droit britannique, droit incontestablement libéral qui conçoit qu'une entreprise se développe et fasse un chiffre d'affaires, mais pas que. 

En troisième lieu, les entreprises à mission se développent dans une architecture institutionnelle par laquelle elles doivent donner à voir l'effectivité de la concrétisation de leur mission. Il a donc deux impératifs : dire exactement quelle est cette mission en amont et donner à voir à tous (et pas seulement à l'Etat) que cette mission, qui justifie de s'écarter du Droit commun de la rencontrer de l'offre et de la demande) est remplie : cela est confiée à la "profession", cadre institutionnel indispensable qui exerce un contrôle permanent (et non pas des contrôles ponctuels comme le font les Autorités de concurrence). 

 

Dès lors, si l'on observe que l'étude notariale a une activité économique de service, ce qui est le cas, elle est légitime comme toute entreprise à avoir une "raison d'être", voire à être une "entreprise à mission". Si en outre, elle appartient à une "profession", elle est alors imprégnée de la "raison d'être" de celle-ci, ce qui n'entame pas sa nature d'entreprise (I). Les professions ne se ressemblant pas et la "raison d'être" donnant à chacun son identité, il convient de prendre au sérieux celle du Notariat pour en tirer à l'avenir les conséquences techniques (II). 

 

Lire le plan de l'intervention ci-dessous.

 

24 février 2021

Base Documentaire : Jurisprudence

Référence complète: Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, Commission des sanctions, 24 février 2021, ING Bank France, procédure n°2020-02

 

Lire la décision

 

Dans cette décision, la Commission des sanctions de l'ACPR condamne la banque ING France à un blâme et une sanction pécuniaire de 3 millions d'euros en raison de l'insuffisance de ses mesures de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. 

 

Extrait de la décision récapitulant les manquements d'ING France à ses obligations de Compliance en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme:

"Au moment du contrôle sur place, la classification des risques d’ING France était incomplète et inefficace (grief 1) et son dispositif de suivi de ses relations d’affaires (grief 2) et de leurs opérations (grief 4) présentait de grave carences, de même que son organisation et ses procédures en matière de transferts de fonds (grief 3). L’actualisation de la connaissance des clients était insuffisante (grief 5), de même que la détection des PPE et la mise en place de mesures de vigilance appropriées pour cette catégorie de clientèle (grief 6). Pour la mise en œuvre de ses obligations de vigilance, de nombreuses insuffisances ont été relevées, qu’il s’agisse de manquements à l’obligation d’effectuer un examen renforcé (grief 7) ou de manquements à l’obligation d’adresser à Tracfin une DS, initiale (grief 8) ou complémentaire (grief 9). Enfin, la détection des personnes faisant l’objet d’une mesure de gel des avoirs n’était pas pleinement efficace (grief 10)".

23 février 2021

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Quentin B. et Voiron F., La victime dans la procédure de CJIP : entre strapontin et siège éjectable, AJ pénal, 2021, p.15 et s. 

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18 février 2021

Auditions Publiques

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► Référence complèteM.-A. Frison-Roche, audition par la Commission des Lois du Sénat sur la Proposition de Loi constitutionnelle relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, 27 septembre 2022.

Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Evaluation de la loi dite "Sapin 2" au regard d'une "Europe de la Compliance" et réponses aux diverses questions posées,  in  auditions menées par par la Mission d'évaluation de la Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, la loi dite "Sapin 2" dirigée par les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, Assemblée nationale, 18 février 2021.

L'Assemblée Nationale a confié à cette mission "d'établir un bilan approfondi des principaux apports de la loi "Sapin 2" et, si cela apparaît nécessaire, de proposer des pistes d'amélioration".

 

Se reporter à la présentation générale de la mission d'évaluation.

 

Se reporter à l'agenda de l'ensemble des auditions.

 

Regarder la video de l'intervention. 

 

Lire ci-dessous les points essentiels sur lesquels s'est appuyée la présentation préalable de quelques minutes, centrée sur les points de méthode au regard de la perspective européenne, avant que le temps ne soit utilisé pour répondre aux questions posées par Messieurs les députés Raphaël Gauvain et Olivier Marleix. 

 

17 février 2021

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2021

Résumé de la leçon : Après avoir vu précédemment les règles techniques qui gouvernent la sanction et la prévention des Abus de marché, il convient pour mieux comprendre les décisions et les conflits de revenir sur la tension permanente et peut-être définitive qui marque les principes et la place de la répression dans le Droit de la régulation bancaire et financière : dans le même temps qu'elle est un outil presque ordinaire de la Régulation, puisque la répression des abus de marché assure l'intégrité et le fonctionnement des marchés financiers, la répression ne peut et ne doit se soustraire à ce avec quoi elle entretient un lien de filiation : le Droit pénal. Dès lors et par exemple, alors qu'au premier titre, l' efficacité est son premier souci, au second titre, les droits de la défense et le souci des secrets demeurent, tandis que la nature régalienne du Droit pénal trace un cercle par nature national alors que la Régulation financière est au mieux mondiale, au moins européenne. 

Il convient de reprendre cette question à travers une perspective plus générale, notamment à travers le Droit pénal et le Droit européen, tel que celui-ci a été précédemment présenté.

En effet, dans le même temps et parce qu'il s'agit de mécanismes qui ne peuvent pas faire sécession avec le système juridique, sa structure et ses fondements, l'on pourrait penser que la répression en matière bancaire et financière est une déclinaison du Droit pénal général, qu'elle en emprunte et en respecte les principes généraux, concevant des infractions spéciales pour les besoins qui lui sont propres. Ainsi, tout ce qui caractérise le Droit pénal, l'élément intentionnel de l'infraction, le caractère restrictif de l'interprétation des textes, le principe de la personnalité des délits et des peines, le système procédural indissociable des règles substantielles (comme les charges de preuve ou le principe non bis in idem) devrait s'appliquer dans des infractions générales qui concernent le secteur, comme l'escroquerie ou l'abus de confiance comme dans les infractions plus particulières, comme l'abus de biens sociaux, voire des infractions spécifique comme le blanchiment d'argent.

Mais et tout d'abord, par souci d' efficacité, le droit a tout d'abord développé un système de répression qui a emprunté d'autres méthodes, imprégnées avant tout du souci d' efficacité. En outre, le droit a organisé une sorte de double jeu répressif, par un droit administratif répressif à la disposition des régulateurs, qui prend assez souvent distance par rapport au droit pénal classique, lequel continue pourtant de s'exercer.

Les tensions ne peuvent qu'apparaître. A l'intérieur du Droit pénal , dont les principes sont assouplis alors que la rigidité du Droit pénal est dans sa nature même, dans l'articulation du Droit pénal avec le Droit administratif répressif, guidé par le service efficace de l'ordre public de marché, les Cours constitutionnelles tentant de garder un équilibre à l'ensemble. 

Il faut sans doute prendre acte que contrairement aux principes classiques, le droit pénal financier n'est plus autonome du reste de la régulation , la répression devient objective, l' efficacité est son critère et ses objectifs sont systémiques. La loi dite "Sapin 2" le manifeste en internalisant tout le dispositif répressif dans les opérateurs eux-mêmes, devenant à la fois les assujettis et les agents d'effectivité de la Régulation.

 

 

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Utilisez les matériaux ci-dessous pour aller plus loin et préparer votre conférence de méthode:

11 février 2021

Base Documentaire : 08. Juridictions du fond

Référence complète : Ord. Tribunal judiciaire de Nanterre, 1re ch., 11 févr. 2021, société Total. 

Sur ce litige de compétence, la loi est intervenue depuis pour donner compétence au Tribunal judiciaire de Paris. 

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Le tribunal judiciaire de Nanterre

 

Exposé du litige : 

La SA Total, devenue la SE Total, première entreprise française en termes de bénéfices cumulés sur dix ans, avec un chiffre d'affaires de près de 210 milliards de dollars en 2018 et plus de 104 000 salariés, est la société de tête, cotée sur le marché Euronext Paris, d'un groupe de 1 191 sociétés au 31 décembre 2018 dont les activités, déployées dans 130 pays, comprennent l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le raffinage, la pétrochimie, la production d'électricité bas carbone et la distribution d'énergie sous diverses formes, dont les produits pétroliers et l'électricité, jusqu'au client final.

Elle est soumise à l'article L. 225-102-4 du code de commerce créé par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre et modifié par l'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 qui a instauré, pour chaque société qui emploie au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés elle-même et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, l'< obligation > d'élaborer, publier et mettre en oeuvre un plan comportant les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

La SE Total ayant publié le 15 mars 2018 son premier plan de < vigilance > inséré dans son document de référence pour l'année 2017, quatorze collectivités territoriales et cinq associations françaises ont, par courrier de leurs conseils du 22 octobre 2018, dénoncé ses insuffisances en matière de risques d'atteintes graves au système climatique directement induits par ses activités. En retour, par lettre du 14 janvier 2019, la SE Total soulignait la prise en compte adéquate de ces derniers.

Les échanges se poursuivaient mais n'aboutissaient, malgré l'organisation d'une réunion au siège de la SE Total le 18 juin 2019, à aucun règlement amiable du litige naissant. Aussi, par lettre de leur conseil du 19 juin 2019, les quatorze collectivités territoriales et cinq associations ont mis en demeure cette dernière de respecter les < obligations > édictées par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce en publiant dans un délai de trois mois un nouveau plan de < vigilance > conforme aux exigences légales.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 28 janvier 2020, l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire ont assigné la SE Total devant le tribunal judiciaire de Nanterre sur le fondement des articles L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil.

Dans ses dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SE Total demande in limine litis au juge de la mise en état au visa des articles L. 225-102-4 et L. 721-3 du code de commerce, 1252 du code civil et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement incompétent ;

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner les demanderesses à payer solidairement à la SE Total la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les demanderesses aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Me Denis Chemla.

En réplique, dans leurs dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 15 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, les demanderesses demandent au juge de la mise en état, au visa des articles L. 225-102-4, L. 225-102-5 et L. 721-3 du code de commerce, 1240, 1246 à 1252 du code civil, L. 211-3 et suivants et L. 211-20 du code de l'organisation judiciaire et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevables et bien fondées les concluantes ;

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement compétent ;

- en conséquence, débouter la SE Total de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la SE Total à payer aux associations et aux collectivités demanderesses au principal la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SE Total aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Maîtres Sébastien Mabile et François de Cambiaire.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'ordonnance sera contradictoire conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

À titre liminaire, le juge de la mise en état constate que, si la commune de Champneuville ne figure pas sur la première page des dernières écritures des demanderesses, celle-ci ne s'est pas désistée de son instance ou de son action. Le mandat de son conseil n'a pas non plus été révoqué au sens des articles 418 et 419 du code de procédure civile. Aussi demeure-t-elle partie au litige, analyse que partage la SE Total qui la vise dans ses dernières conclusions.

1°) Sur l'exception d'incompétence matérielle

Moyens des parties

Au soutien de son exception d'incompétence matérielle, la SE Total expose que, dans le silence de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, l'application des dispositions de droit commun emporte la compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître des actions fondées sur la violation des < obligations > relatives au plan de < vigilance > car :

- l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce donne compétence exclusive au tribunal de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, peu important la qualité des parties, dès lors que les faits allégués se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales. Elle précise que ce lien, entendu largement, ne suppose aucun acte de gestion au sens strict et que la règle de droit applicable au fond est sans incidence sur son application, constat qui prive de pertinence l'invocation, d'ailleurs infondée, de la nature civile de l'< obligation > édictée par l'article L. 225-102-4 du code de commerce ;

- le plan de < vigilance > 2018, établi sous l'autorité du conseil d'administration de Total et soumis au vote de l'assemblée de ses actionnaires lors de l'adoption des comptes annuels et du rapport de gestion conformément à l'article L. 225-100 du code de commerce, constitue, en son élaboration et en son adoption, un acte de gestion, les actions mises en oeuvre, comme celles souhaitées par les demanderesses qui touchent à sa stratégie globale, affectant directement son fonctionnement quotidien (gestion des ressources humaines, gouvernance, sécurité des salariés et du personnel, choix des fournisseurs).

Elle ajoute que les demanderesses ne disposent pas d'un droit d'option à raison de leur qualité de non-commerçant et que l'arrêt dit Uber rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 novembre 2020 n'est pas transposable en ce qu'il portait sur une action en concurrence déloyale et fondait le droit d'option sur l'existence d'un acte mixte par accessoire ici inexistant, l'édiction du plan de < vigilance > constituant un acte de gestion unilatéral. Elle précise que les « sociétés commerciales » constituent des actes de commerce par la forme et que le plan de < vigilance >, en ce qu'il touche à son fonctionnement, est un acte de commerce par la forme, qualification emportant compétence du tribunal de commerce par application de l'article L. 721-3, 3°, du code de commerce.

Enfin, la SE Total explique que, identiques aux demandes principales, poursuivant exactement les mêmes fins et également liées à son fonctionnement, les demandes dites complémentaires n'affectent pas la détermination de la compétence faute de relever de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les règles opposées touchant exclusivement à la concentration territoriale des juridictions spécialisées dans la réparation du préjudice écologique.

En réplique, les demanderesses exposent que le tribunal judiciaire est, faute d'attribution spéciale de compétence à une autre juridiction, compétent sur le fondement de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire à raison de la nature civile du devoir de < vigilance >, cette nature découlant des objectifs de la loi (régulation des activités des entreprises envers les tiers), de sa consécration par le Conseil constitutionnel le 23 mars 2017, des travaux parlementaires et des effets et de l'objet (prévention des risques en matières environnementale, d'atteinte aux droits humains et d'atteintes à la santé et à la sécurité des personnes qui sont autant de matière relevant la compétence exclusive du tribunal judiciaire) de la norme de comportement dont le plan de < vigilance > est le support.

Subsidiairement, elles contestent tout lien direct du plan de < vigilance > avec la gestion de la SE Total. Soulignant la nécessité d'interpréter cette notion strictement à raison du caractère dérogatoire de la compétence commerciale, elles soutiennent que ce lien suppose l'accomplissement, ici absent, d'un acte par les organes de gestion de la société et que les engagements pris par la SE Total impliquent toutes les composantes de la société ainsi que toutes les parties prenantes et ont des conséquences dommageables pour les tiers qui excèdent celles des actes de gestion.

Elles invoquent en outre un droit d'option tiré de leur qualité de non-commerçant et de la nature mixte des actes pris en application des < obligations > tenant au devoir de < vigilance >. Et, s'appuyant sur l'arrêt Uber, elles opposent un droit d'option général fondé sur leur qualité indépendamment de l'existence d'un acte mixte.

Enfin, elles prétendent que leurs demandes complémentaires, en ce qu'elles sont fondées distinctement et de manière autonome sur l'article 1252 du code civil, relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Appréciation du juge de la mise en état

En application de l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige conformément à son article 55, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public.

Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

L'article L. 225-102-4, II, du code de commerce précise que l'action qu'il ouvre à toute personne justifiant d'un intérêt à agir relève de la « juridiction compétente ». Les seuls éléments pertinents tirés des travaux parlementaires invoqués par les parties, qui ne mentionnent jamais une juridiction dont la compétence serait exclusive, résident dans :

- la précision apportée en ces termes par le député Dominique Potier dans le rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : « Le plan de < vigilance > est rendu public et annexé au rapport mentionné à l'article L. 225-102 du code de commerce. Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander, éventuellement en référé, à la juridiction civile ou commerciale d'enjoindre à la société d'établir le plan de < vigilance >, d'en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en oeuvre » (p. 69). La suppression de cette référence n'a été motivée que par la nécessité de faire jouer les règles normales d'attribution de compétence pour éviter l'exclusion « d'autres juridictions potentiellement compétentes selon les cas particuliers » (p. 36, 71 et 75) ;

- le tableau comparatif dressé en page 57 du rapport (n° 74) au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre présenté par le sénateur Christophe-André Frassa qui révèle que le texte du projet de loi comprenait la même option entre la « juridiction civile ou commerciale » qui a été remplacée par les termes généraux « juridiction compétente ». Cette substitution n'est pas expliquée autrement par l'avis fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) que par l'absence de nécessité « de déroger aux règles de compétence juridictionnelle de droit commun en précisant que seules les juridictions civiles ou commerciales sont compétentes » (p. 27), l'avis n° 2627 fait au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) précisant pour sa part qu'il était inutile d'alourdir le texte par une précision relative à la juridiction compétente (p. 25).

Aussi, quoique ces éléments ne soient pas en faveur de la compétence exclusive invoquée par la SE Total et laissent ouverte la possibilité d'une compétence concurrente du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, les travaux parlementaires ne permettent de faire aucun départage clair et renvoient, comme la lettre du texte, aux règles de compétence d'attribution de droit commun.

Aux termes des articles L. 211-3 et 4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction, et a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements.

Ainsi, le tribunal judiciaire a plénitude de juridiction au sens où tout litige non attribué expressément à une autre juridiction relève de sa compétence. Il se distingue du tribunal de commerce qui est une juridiction d'exception dont la compétence d'attribution est au contraire nécessairement explicitement prévue par la loi et est d'interprétation stricte. Et, si, demanderesse à l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce, la SE Total doit prouver que le litige relève de sa compétence exclusive, les collectivités territoriales et associations demanderesses, défenderesses à l'incident, peuvent se satisfaire d'une compétence concurrente.

En application de l'article L. 721-3 du code commerce, les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il est acquis que, aucune des demanderesses n'ayant la qualité de commerçant, le 1° est sans pertinence dans le litige.

Bien qu'elle consacre l'essentiel de son argumentation à l'application du 2°, la SE Total soulève incidemment la compétence exclusive du tribunal de commerce sur le fondement du 3° (§ 96 de ses écritures) au motif que le plan de < vigilance > est un acte de commerce par la forme en ce qu'il est lié au fonctionnement de la société.

Ce moyen manque en droit car l'élaboration d'un plan de < vigilance >, peu important son impact effectif sur l'organisation interne de la SE Total et sa stratégie commerciale, est décorrélée de toute production ou fourniture de marchandises et étrangère à toute spéculation sur la valeur du travail d'autrui ou d'un produit quelconque : elle n'est pas un acte de commerce par nature défini aux articles L. 110-1 et 2 du commerce (négoce, industrie, services portant sur des activités de spectacles ou des opérations financières, intermédiaires ou des marchandises, activités maritimes). Elle n'est pas non plus un acte de commerce par la forme telle la lettre de change visée par l'article L. 110-1, 10°, du code de commerce. Et, le fait que la SE Total, société par actions, soit commerciale par la forme par application de l'article L. 210-1 du code de commerce n'implique en rien que tous ses actes soient commerciaux par accessoire. Le plan de < vigilance > est un acte unilatéral légalement obligatoire et de nature civile ainsi que le confirme, outre son objet, la qualification retenue dans les travaux parlementaires de la loi.

Le caractère civil de l'< obligation > litigieuse n'impliquant aucune compétence exclusive du tribunal judiciaire en l'absence de prévision légale ou réglementaire spéciale conformément à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et les effets de l'acte critiqué n'étant pas érigés par la loi en critère de détermination de la compétence d'attribution d'une juridiction judiciaire, le seul chef de compétence pertinent est l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce.

L'article L. 721-3 du code de commerce a été créé à droit constant (art. 86 de la loi d'habilitation n° 2004-1343 du 9 déc. 2004 de simplification du droit) par l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 abrogeant l'article L. 411-4 du code de l'organisation judiciaire antérieurement créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 pour combler rétroactivement (art. 127, III) le vide laissé par l'abrogation involontaire de l'article 631 du code de commerce issu de la loi de la loi du 17 juillet 1856. Quoique la nature de cette dernière intervention législative impliquât une codification à droit constant, l'article L. 721-3, 2°, n'a pas repris les termes exacts de l'article auquel il redonnait vie en ne retenant que les « contestations relatives aux sociétés commerciales » sans référence à l'existence d'une contestation entre associés.

Le droit positif a alors connu, sur le fondement de cette modification législative, un double élargissement de la compétence commerciale aux litiges portant sur une cession de titres d'une société commerciale peu important la nature civile ou commerciale de la cession, qui n'a pas à être une cession de contrôle, et la qualité de non-commerçant de la partie défenderesse (en ce sens, Com. 27 oct. 2009, n° 08-20.384). Dans ce cadre, il est acquis que relèvent de la compétence du tribunal de commerce les actions portant sur des faits qui se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales.

Cette notion a été entendue extensivement en jurisprudence et en doctrine pour recouvrir toutes les situations qui mettent en cause l'existence ou l'application du pacte social (expression utilisée par Com. 6 déc. 1966). Sont ainsi couverts les différends relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d'une société commerciale ainsi qu'à la constitution du capital social et à la qualité d'associé (souscription d'actions et cessions de parts). Le fonctionnement de la société commerciale a lui-même été défini dans un sens large pour ne pas se limiter aux litiges portant sur la nomination, la révocation et la responsabilité des dirigeants sociaux mais pour intégrer tous les contentieux en lien direct avec la gestion, qui ne s'exprime pas nécessairement dans un acte de gestion, de la société (en ce sens, Com. 27 oct. 2009 déjà cité et Com. 14 nov. 2018, n° 16-26.115 et les commentaires doctrinaux produits en pièces 11 et 13 en demande à l'incident, le critère organique opposé par les demanderesses - p. 22 de leurs écritures et pièce 15 - n'étant en revanche pas posé et étant contraire à l'extension opérée au titre des cessions de titres).

C'est à l'aune de cette acception large, qui est de droit positif malgré le principe d'interprétation stricte de la compétence de la juridiction d'exception, que doit être apprécié le lien entre les < obligations > imposées à la SE Total par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce.

En vertu de cette disposition, toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de < vigilance >.

Le plan comporte les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité.

Le plan de < vigilance > et le compte rendu de sa mise en oeuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Ainsi que l'ont relevé le juge des référés du tribunal judiciaire et la cour d'appel de Versailles confirmant sa décision dans un litige très voisin dont les parties débattent (Ord. du 20 janv. 2020, n° 19/02833, et arrêt du 10 déc. 2020, n° 20/01692), par-delà les arguments formels tirés, d'une part, de l'insertion des dispositions nouvelles à la section 3 « Des assemblées d'actionnaires » du chapitre V « Des sociétés anonymes » du titre II « Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales du Livre II « Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique » et, d'autre part, de l'inclusion du plan de < vigilance > dans le rapport de gestion prévu par l'article L. 225-100 du code de commerce en particulier pour encadrer sa publicité, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > affectent directement et significativement l'activité de la SE Total, et partant, sa gestion en lui imposant :

- d'élaborer des « procédures d'évaluation » des risques dans ses relations avec ses filiales, sous-traitants et fournisseurs, un « mécanisme d'alerte et de recueil de signalements » et un « dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité ». L'exécution de ces < obligations > complémentaires commande la création de postes dédiés et d'instruments de suivis, de contrôle et de dialogue régulièrement mis à jour avec les partenaires identifiés : elle affecte directement la gestion quotidienne de son personnel (tâches et temps de travail) par la SE Total et les activités de ses salariés ainsi que ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs ;

- des actions d'atténuation ou de prévention de risques préalablement cartographiés qui ont une incidence directe sur les choix stratégiques de la SE Total qui ne peuvent plus être opérés dans une stricte logique économique mais en intégrant des éléments antérieurement conçus comme exogènes : désormais gérée, en application de l'article 1833 du code civil, « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), elle doit intégrer dans ses orientations stratégiques des risques d'atteintes aux droits humains et à l'environnement et, de fait, au regard de la nature de son activité, procéder à des abandons ou des réorientations substantielles.

De fait, sans que l'incident ne soit le lieu de l'examen de la suffisance des mesures prises, le document de référence 2018 de la SE Total (extraits en pièce 13) témoigne des modifications adoptées par cette dernière dans son organisation interne et son fonctionnement (élaboration de guides et d'un code de conduite, création d'outils d'autoévaluation et d'analyse des risques, conclusions d'accords dans le cadre d'une « organisation dédiée » en matière de droits humains ; création d'un pôle spécifique pour intégrer les enjeux climatiques dans la stratégie du groupe et évolution des critères de rémunération variable du président-directeur général pour prendre en compte le respect des objectifs fixés en la matière qui impose par ailleurs des actions stratégiques et des investissements propres ; normalisation de l'activité des fournisseurs...). Et, aux termes de leur assignation, les demanderesses entendent imposer à la SE Total, à travers la modification de son plan de < vigilance >, des réductions de sa production de gaz et de pétrole qui sont de nature à modifier radicalement son activité commerciale.

Ainsi, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > sont en lien direct avec la gestion de la SE Total, critère qui fonde la compétence du tribunal de commerce. Pour autant, ce constat ne commande pas à lui seul l'incompétence du tribunal judiciaire, la loi ne précisant pas que la compétence définie par l'article L. 721-3 du code de commerce, en particulier en 2°, soit exclusive. Ce caractère demeure ainsi à déterminer et touche à la question du droit d'option invoqué par les demanderesses.

Celles-ci s'appuient à ce titre sur l'arrêt Uber rendu par la Cour de cassation le 18 novembre 2020 (n° 19-19.463). Le litige, introduit devant le tribunal d'instance, opposait des chauffeurs de taxis parisiens et le syndicat de leurs sociétés coopératives à la société Uber à qui ils imputaient des actes de concurrence déloyale tenant à la création et à la commercialisation d'une application UberPop permettant la mise en relation des particuliers entre eux, les uns pouvant bénéficier des véhicules détenus par d'autres. Sur appel interjeté contre le jugement du tribunal d'instance qui avait écarté sa compétence au profit du tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce, la cour d'appel de Paris, retenant au même visa un droit d'option général appartenant à tout demandeur non-commerçant (qu'elle qualifie de « principe fondamental » en p. 98), a infirmé le jugement par arrêt du 16 mai 2019. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre cet arrêt au motif, qui mérite une citation intégrale à raison de sa généralité également soulignée par le sommaire de l'arrêt largement publié, que « après avoir rappelé que la compétence des juridictions consulaires peut être retenue lorsque les défendeurs sont des personnes qui n'ont ni la qualité de commerçant ni celle de dirigeant de droit d'une société commerciale dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en lien direct avec la gestion de cette société, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que, toutefois, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce et qu'ayant constaté que les demandeurs n'avaient pas la qualité de commerçant, il en déduit qu'ils disposaient d'une option de compétence leur permettant de saisir valablement le juge civil d'une action en concurrence déloyale dirigée contre une société commerciale et deux de ses salariés ».

Contrairement à ce que soutient la SE Total, qui occulte par ailleurs le fait que tous les arrêts antérieurement rendus en la matière impliquaient des demandeurs commerçants et qu'ils ne statuaient pas sur le caractère exclusif de la compétence du tribunal de commerce, le fait que le litige porte sur des actes de concurrence déloyale ne fait pas obstacle à sa transposition au débat car la théorie de l'acte mixte, qui fonde une option de compétence au profit du demandeur non-commerçant et qui a été utilisée pour étendre la compétence commerciale aux personnes non-commerçantes défenderesses, n'a pu être mobilisée par la Cour : elle ne vaut qu'en matière contractuelle pour les actes conclus entre un commerçant et un non-commerçant. Or, un acte de concurrence déloyale est un fait juridique. Et, si la concurrence déloyale a pu intégrer la compétence du tribunal de commerce en ce qu'elle était un accessoire d'un acte de commerce, il est désormais acquis que le plan de < vigilance > n'en est pas un. En outre, ce fondement prétorien n'a de sens que lorsque la compétence est fondée sur l'article L. 721-3, 1°, du code de commerce en ce qu'il se réfère exclusivement à la qualité des parties à l'acte. Il n'en a plus sur le fondement de son 2°, plus objectif et indifférent à cette dernière puisqu'il s'appuie exclusivement sur l'objet du litige.

Par ailleurs, le fait que ce litige porte sur des faits de concurrence déloyale quand celui dont est saisi le tribunal relève de l'article L. 225-102-4 du code de commerce n'est en rien décisif. En effet, le II de ce texte prévoit une action en cessation de l'illicite qui est, au même titre que la réparation, une fonction de la responsabilité civile délictuelle. Le cadre juridique est ainsi le même, constat qui n'est pas de nature à induire des compétences distinctes en application des articles [L. 225-102-4 et L. 225-102-5] qui soumettent tous deux dans les mêmes termes à « la juridiction compétente » l'action qu'ils ouvrent. Et, l'option a été retenue alors que le litige présentait, à raison des faits de concurrence déloyale dans lesquels certains auteurs ont vu des actes objectivement commerciaux par accessoire, une commercialité nettement plus marquée que l'actuelle instance.

Le fondement d'une telle option, posée en toute généralité par la Cour de cassation, découle en réalité de la nature de la juridiction commerciale et de l'esprit qui a présidé à sa création, et qui demeure pour partie, ainsi que de l'objet de la contestation relative à la société commerciale.

Le tribunal de commerce, ainsi qu'il a été rappelé, est une juridiction d'exception inspirée de créations régionales puis instituée à Paris au XVIe siècle à l'initiative du chancelier Michel de l'Hospital pour satisfaire le besoin « d'une justice des marchands, rendue par les marchands, pour les marchands ». Si la compétence commerciale a été élargie, notamment à l'occasion de la loi du 15 mai 2001, et adaptée aux évolutions du commerce, cette idée persiste ainsi qu'en témoigne la structure du tribunal de commerce, juridiction consulaire composée de magistrats non-professionnels élus : il est une juridiction de pairs dont la compétence est essentiellement justifiée par la plus grande rapidité corrélée à un moindre coût du traitement des affaires ainsi que par la connaissance technique des usages et habitudes du commerce et du fonctionnement concret des sociétés commerciales dont sont dotés ses membres.

Or, si le plan de < vigilance > affecte incontestablement le fonctionnement de la SE Total, il excède très largement, par sa raison d'être et les risques dont il est destiné à prévenir la réalisation, le strict cadre de la gestion de la société commerciale. Ainsi, personne ne conteste, et les travaux préparatoires de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 l'affirment, que les dispositions de l'article L. 225-102-4 du code de commerce ont été votées car il n'était plus possible de tolérer « que se perpétuent les formes les plus manifestes d'esclavage moderne, les comportements les plus irrespectueux de la dignité des travailleurs et que l'on espérait disparus avec le XIXe siècle, l'exploitation la plus irresponsable des ressources naturelles et de l'environnement », et que, à défaut d'« incarner le "Grand soir" de la responsabilité environnementale », la loi nouvelle « poursui[vait] l'objectif plus modeste, mais aussi plus réaliste, d'ouvrir la voie et de montrer au monde que l'action est possible, que l'économie n'a pas entièrement, comme d'aucuns le prétendent, pris le pouvoir sur la politique » (introduction du rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre). Il est ainsi certain, au regard de la nature des atteintes à cartographier, surveiller et prévenir, au-delà du cercle déjà étendu des travailleurs oeuvrant directement ou indirectement pour la SE Total, que le plan de < vigilance > d'une telle entreprise touche directement la Société en son ensemble, impact qui constitue sa raison d'être, et relève de la responsabilité sociale de la SE Total, de manière plus évidente encore que l'action objet de l'arrêt Uber.

La lettre de l'article L. 225-102-4 du code de commerce révèle que la préservation des droits humains et de la Nature en général ne peut se contenter d'un « management assurantiel » et ouvert évoqué dans les travaux parlementaires et de la normalisation par le marché qu'induit la présentation du plan de < vigilance > en assemblée d'actionnaires mais commande un contrôle judiciaire. Et, celui-ci ne peut passer que par un contrôle social fort permis par la publicité du plan de < vigilance > et par une définition lâche de l'intérêt à agir, l'action étant très largement ouverte (« toute personne justifiant d'un intérêt à agir »). Ici, les associations et collectivités territoriales demanderesses ne mettent pas en oeuvre un intérêt de nature commerciale mais exclusivement la part de l'intérêt général qu'elles représentent et qui est précisément celle qui déborde de la dimension commerciale de la gestion de la SE Total. Sur celle-ci, l'exclusivité de la compétence du tribunal de commerce n'est, à raison des critères qui en fondent l'intervention, pas justifiée, constat qui explique sans doute la référence faite dans les travaux parlementaires à l'alternative entre juridictions civile et commerciale qui a été abandonnée au profit d'une formule neutre ne l'excluant pas.

Dès lors, la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l'absence de prévision d'une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l'engagement direct de la responsabilité sociale de la SE Total très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d'option, qu'elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu'elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.

En conséquence, l'exception d'incompétence opposée par la SE Total sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens relatifs aux demandes complémentaires.

2°) Sur les demandes accessoires

Succombant à l'incident, la SE Total, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux demanderesses la somme de 6 000 € à charge pour elles de se la répartir à parts égales.

Les dépens seront en revanche réservés à l'examen des demandes au fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort mise à disposition des parties au greffe le jour du délibéré,

Rejette l'exception d'incompétence matérielle opposée par la SE Total ;

Rejette la demande de la SE Total en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SE Total à payer à l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire la somme globale de six mille euros (6 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elles de se répartir ce montant à parts égales ;

Réserve à l'examen du litige au fond par le tribunal les demandes des parties au titre des dépens ;

Conformément aux articles 780 et 781 du code de procédure civile, l'affaire et les parties sont renvoyées à l'audience de mise en état du 11 mars 2021 à 10 heures pour conclusions au fond de la SE Total et fixation d'une date prévisible de clôture et de plaidoiries [...].LE TRIBUNAL JUDICIAIRE : EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Total, devenue la SE Total, première entreprise française en termes de bénéfices cumulés sur dix ans, avec un chiffre d'affaires de près de 210 milliards de dollars en 2018 et plus de 104 000 salariés, est la société de tête, cotée sur le marché Euronext Paris, d'un groupe de 1 191 sociétés au 31 décembre 2018 dont les activités, déployées dans 130 pays, comprennent l'exploration et la production de pétrole et de gaz, le raffinage, la pétrochimie, la production d'électricité bas carbone et la distribution d'énergie sous diverses formes, dont les produits pétroliers et l'électricité, jusqu'au client final.

Elle est soumise à l'article L. 225-102-4 du code de commerce créé par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre et modifié par l'ordonnance n° 2017-1162 du 12 juillet 2017 qui a instauré, pour chaque société qui emploie au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés elle-même et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, l'< obligation > d'élaborer, publier et mettre en oeuvre un plan comportant les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

La SE Total ayant publié le 15 mars 2018 son premier plan de < vigilance > inséré dans son document de référence pour l'année 2017, quatorze collectivités territoriales et cinq associations françaises ont, par courrier de leurs conseils du 22 octobre 2018, dénoncé ses insuffisances en matière de risques d'atteintes graves au système climatique directement induits par ses activités. En retour, par lettre du 14 janvier 2019, la SE Total soulignait la prise en compte adéquate de ces derniers.

Les échanges se poursuivaient mais n'aboutissaient, malgré l'organisation d'une réunion au siège de la SE Total le 18 juin 2019, à aucun règlement amiable du litige naissant. Aussi, par lettre de leur conseil du 19 juin 2019, les quatorze collectivités territoriales et cinq associations ont mis en demeure cette dernière de respecter les < obligations > édictées par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce en publiant dans un délai de trois mois un nouveau plan de < vigilance > conforme aux exigences légales.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 28 janvier 2020, l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitry-Le-François et la région Centre - Val de Loire ont assigné la SE Total devant le tribunal judiciaire de Nanterre sur le fondement des articles L. 225-102-4 du code de commerce et 1252 du code civil.

Dans ses dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SE Total demande in limine litis au juge de la mise en état au visa des articles L. 225-102-4 et L. 721-3 du code de commerce, 1252 du code civil et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement incompétent ;

- en conséquence, renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

- condamner les demanderesses à payer solidairement à la SE Total la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les demanderesses aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Me Denis Chemla.

En réplique, dans leurs dernières écritures d'incident notifiées par la voie électronique le 15 janvier 2021, auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, les demanderesses demandent au juge de la mise en état, au visa des articles L. 225-102-4, L. 225-102-5 et L. 721-3 du code de commerce, 1240, 1246 à 1252 du code civil, L. 211-3 et suivants et L. 211-20 du code de l'organisation judiciaire et 789, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de :

- déclarer recevables et bien fondées les concluantes ;

- déclarer le tribunal judiciaire de Nanterre matériellement compétent ;

- en conséquence, débouter la SE Total de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner la SE Total à payer aux associations et aux collectivités demanderesses au principal la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SE Total aux entiers dépens de l'instance, dont recouvrement direct au profit de Maîtres Sébastien Mabile et François de Cambiaire.

Les parties ayant régulièrement constitué avocat, l'ordonnance sera contradictoire conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

À titre liminaire, le juge de la mise en état constate que, si la commune de Champneuville ne figure pas sur la première page des dernières écritures des demanderesses, celle-ci ne s'est pas désistée de son instance ou de son action. Le mandat de son conseil n'a pas non plus été révoqué au sens des articles 418 et 419 du code de procédure civile. Aussi demeure-t-elle partie au litige, analyse que partage la SE Total qui la vise dans ses dernières conclusions.

1°) Sur l'exception d'incompétence matérielle

Moyens des parties

Au soutien de son exception d'incompétence matérielle, la SE Total expose que, dans le silence de l'article L. 225-102-4 du code de commerce, l'application des dispositions de droit commun emporte la compétence exclusive du tribunal de commerce pour connaître des actions fondées sur la violation des < obligations > relatives au plan de < vigilance > car :

- l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce donne compétence exclusive au tribunal de commerce pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, peu important la qualité des parties, dès lors que les faits allégués se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales. Elle précise que ce lien, entendu largement, ne suppose aucun acte de gestion au sens strict et que la règle de droit applicable au fond est sans incidence sur son application, constat qui prive de pertinence l'invocation, d'ailleurs infondée, de la nature civile de l'< obligation > édictée par l'article L. 225-102-4 du code de commerce ;

- le plan de < vigilance > 2018, établi sous l'autorité du conseil d'administration de Total et soumis au vote de l'assemblée de ses actionnaires lors de l'adoption des comptes annuels et du rapport de gestion conformément à l'article L. 225-100 du code de commerce, constitue, en son élaboration et en son adoption, un acte de gestion, les actions mises en oeuvre, comme celles souhaitées par les demanderesses qui touchent à sa stratégie globale, affectant directement son fonctionnement quotidien (gestion des ressources humaines, gouvernance, sécurité des salariés et du personnel, choix des fournisseurs).

Elle ajoute que les demanderesses ne disposent pas d'un droit d'option à raison de leur qualité de non-commerçant et que l'arrêt dit Uber rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 novembre 2020 n'est pas transposable en ce qu'il portait sur une action en concurrence déloyale et fondait le droit d'option sur l'existence d'un acte mixte par accessoire ici inexistant, l'édiction du plan de < vigilance > constituant un acte de gestion unilatéral. Elle précise que les « sociétés commerciales » constituent des actes de commerce par la forme et que le plan de < vigilance >, en ce qu'il touche à son fonctionnement, est un acte de commerce par la forme, qualification emportant compétence du tribunal de commerce par application de l'article L. 721-3, 3°, du code de commerce.

Enfin, la SE Total explique que, identiques aux demandes principales, poursuivant exactement les mêmes fins et également liées à son fonctionnement, les demandes dites complémentaires n'affectent pas la détermination de la compétence faute de relever de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, les règles opposées touchant exclusivement à la concentration territoriale des juridictions spécialisées dans la réparation du préjudice écologique.

En réplique, les demanderesses exposent que le tribunal judiciaire est, faute d'attribution spéciale de compétence à une autre juridiction, compétent sur le fondement de l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire à raison de la nature civile du devoir de < vigilance >, cette nature découlant des objectifs de la loi (régulation des activités des entreprises envers les tiers), de sa consécration par le Conseil constitutionnel le 23 mars 2017, des travaux parlementaires et des effets et de l'objet (prévention des risques en matières environnementale, d'atteinte aux droits humains et d'atteintes à la santé et à la sécurité des personnes qui sont autant de matière relevant la compétence exclusive du tribunal judiciaire) de la norme de comportement dont le plan de < vigilance > est le support.

Subsidiairement, elles contestent tout lien direct du plan de < vigilance > avec la gestion de la SE Total. Soulignant la nécessité d'interpréter cette notion strictement à raison du caractère dérogatoire de la compétence commerciale, elles soutiennent que ce lien suppose l'accomplissement, ici absent, d'un acte par les organes de gestion de la société et que les engagements pris par la SE Total impliquent toutes les composantes de la société ainsi que toutes les parties prenantes et ont des conséquences dommageables pour les tiers qui excèdent celles des actes de gestion.

Elles invoquent en outre un droit d'option tiré de leur qualité de non-commerçant et de la nature mixte des actes pris en application des < obligations > tenant au devoir de < vigilance >. Et, s'appuyant sur l'arrêt Uber, elles opposent un droit d'option général fondé sur leur qualité indépendamment de l'existence d'un acte mixte.

Enfin, elles prétendent que leurs demandes complémentaires, en ce qu'elles sont fondées distinctement et de manière autonome sur l'article 1252 du code civil, relèvent de la compétence exclusive du tribunal judiciaire.

Appréciation du juge de la mise en état

En application de l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 applicable au litige conformément à son article 55, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance, les parties n'étant plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge.

Conformément aux articles 73 et 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure, constituées par tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours, doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir peu important que les règles invoquées au soutien de l'exception soient d'ordre public.

Et, en vertu des articles 75 et 76 du même code, s'il est prétendu que la juridiction saisie est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée, le juge pouvant, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

L'article L. 225-102-4, II, du code de commerce précise que l'action qu'il ouvre à toute personne justifiant d'un intérêt à agir relève de la « juridiction compétente ». Les seuls éléments pertinents tirés des travaux parlementaires invoqués par les parties, qui ne mentionnent jamais une juridiction dont la compétence serait exclusive, résident dans :

- la précision apportée en ces termes par le député Dominique Potier dans le rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : « Le plan de < vigilance > est rendu public et annexé au rapport mentionné à l'article L. 225-102 du code de commerce. Toute personne justifiant d'un intérêt à agir peut demander, éventuellement en référé, à la juridiction civile ou commerciale d'enjoindre à la société d'établir le plan de < vigilance >, d'en assurer la communication au public et de rendre compte de sa mise en oeuvre » (p. 69). La suppression de cette référence n'a été motivée que par la nécessité de faire jouer les règles normales d'attribution de compétence pour éviter l'exclusion « d'autres juridictions potentiellement compétentes selon les cas particuliers » (p. 36, 71 et 75) ;

- le tableau comparatif dressé en page 57 du rapport (n° 74) au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre présenté par le sénateur Christophe-André Frassa qui révèle que le texte du projet de loi comprenait la même option entre la « juridiction civile ou commerciale » qui a été remplacée par les termes généraux « juridiction compétente ». Cette substitution n'est pas expliquée autrement par l'avis fait au nom de la Commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) que par l'absence de nécessité « de déroger aux règles de compétence juridictionnelle de droit commun en précisant que seules les juridictions civiles ou commerciales sont compétentes » (p. 27), l'avis n° 2627 fait au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire sur la proposition de loi relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) précisant pour sa part qu'il était inutile d'alourdir le texte par une précision relative à la juridiction compétente (p. 25).

Aussi, quoique ces éléments ne soient pas en faveur de la compétence exclusive invoquée par la SE Total et laissent ouverte la possibilité d'une compétence concurrente du tribunal judiciaire et du tribunal de commerce, les travaux parlementaires ne permettent de faire aucun départage clair et renvoient, comme la lettre du texte, aux règles de compétence d'attribution de droit commun.

Aux termes des articles L. 211-3 et 4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction, et a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements.

Ainsi, le tribunal judiciaire a plénitude de juridiction au sens où tout litige non attribué expressément à une autre juridiction relève de sa compétence. Il se distingue du tribunal de commerce qui est une juridiction d'exception dont la compétence d'attribution est au contraire nécessairement explicitement prévue par la loi et est d'interprétation stricte. Et, si, demanderesse à l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce, la SE Total doit prouver que le litige relève de sa compétence exclusive, les collectivités territoriales et associations demanderesses, défenderesses à l'incident, peuvent se satisfaire d'une compétence concurrente.

En application de l'article L. 721-3 du code commerce, les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Il est acquis que, aucune des demanderesses n'ayant la qualité de commerçant, le 1° est sans pertinence dans le litige.

Bien qu'elle consacre l'essentiel de son argumentation à l'application du 2°, la SE Total soulève incidemment la compétence exclusive du tribunal de commerce sur le fondement du 3° (§ 96 de ses écritures) au motif que le plan de < vigilance > est un acte de commerce par la forme en ce qu'il est lié au fonctionnement de la société.

Ce moyen manque en droit car l'élaboration d'un plan de < vigilance >, peu important son impact effectif sur l'organisation interne de la SE Total et sa stratégie commerciale, est décorrélée de toute production ou fourniture de marchandises et étrangère à toute spéculation sur la valeur du travail d'autrui ou d'un produit quelconque : elle n'est pas un acte de commerce par nature défini aux articles L. 110-1 et 2 du commerce (négoce, industrie, services portant sur des activités de spectacles ou des opérations financières, intermédiaires ou des marchandises, activités maritimes). Elle n'est pas non plus un acte de commerce par la forme telle la lettre de change visée par l'article L. 110-1, 10°, du code de commerce. Et, le fait que la SE Total, société par actions, soit commerciale par la forme par application de l'article L. 210-1 du code de commerce n'implique en rien que tous ses actes soient commerciaux par accessoire. Le plan de < vigilance > est un acte unilatéral légalement obligatoire et de nature civile ainsi que le confirme, outre son objet, la qualification retenue dans les travaux parlementaires de la loi.

Le caractère civil de l'< obligation > litigieuse n'impliquant aucune compétence exclusive du tribunal judiciaire en l'absence de prévision légale ou réglementaire spéciale conformément à l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire, et les effets de l'acte critiqué n'étant pas érigés par la loi en critère de détermination de la compétence d'attribution d'une juridiction judiciaire, le seul chef de compétence pertinent est l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce.

L'article L. 721-3 du code de commerce a été créé à droit constant (art. 86 de la loi d'habilitation n° 2004-1343 du 9 déc. 2004 de simplification du droit) par l'ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 abrogeant l'article L. 411-4 du code de l'organisation judiciaire antérieurement créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 pour combler rétroactivement (art. 127, III) le vide laissé par l'abrogation involontaire de l'article 631 du code de commerce issu de la loi de la loi du 17 juillet 1856. Quoique la nature de cette dernière intervention législative impliquât une codification à droit constant, l'article L. 721-3, 2°, n'a pas repris les termes exacts de l'article auquel il redonnait vie en ne retenant que les « contestations relatives aux sociétés commerciales » sans référence à l'existence d'une contestation entre associés.

Le droit positif a alors connu, sur le fondement de cette modification législative, un double élargissement de la compétence commerciale aux litiges portant sur une cession de titres d'une société commerciale peu important la nature civile ou commerciale de la cession, qui n'a pas à être une cession de contrôle, et la qualité de non-commerçant de la partie défenderesse (en ce sens, Com. 27 oct. 2009, n° 08-20.384). Dans ce cadre, il est acquis que relèvent de la compétence du tribunal de commerce les actions portant sur des faits qui se rattachent par un lien direct à la gestion des sociétés commerciales.

Cette notion a été entendue extensivement en jurisprudence et en doctrine pour recouvrir toutes les situations qui mettent en cause l'existence ou l'application du pacte social (expression utilisée par Com. 6 déc. 1966). Sont ainsi couverts les différends relatifs à la constitution, au fonctionnement ou à la dissolution d'une société commerciale ainsi qu'à la constitution du capital social et à la qualité d'associé (souscription d'actions et cessions de parts). Le fonctionnement de la société commerciale a lui-même été défini dans un sens large pour ne pas se limiter aux litiges portant sur la nomination, la révocation et la responsabilité des dirigeants sociaux mais pour intégrer tous les contentieux en lien direct avec la gestion, qui ne s'exprime pas nécessairement dans un acte de gestion, de la société (en ce sens, Com. 27 oct. 2009 déjà cité et Com. 14 nov. 2018, n° 16-26.115 et les commentaires doctrinaux produits en pièces 11 et 13 en demande à l'incident, le critère organique opposé par les demanderesses - p. 22 de leurs écritures et pièce 15 - n'étant en revanche pas posé et étant contraire à l'extension opérée au titre des cessions de titres).

C'est à l'aune de cette acception large, qui est de droit positif malgré le principe d'interprétation stricte de la compétence de la juridiction d'exception, que doit être apprécié le lien entre les < obligations > imposées à la SE Total par l'article L. 225-102-4, I, du code de commerce.

En vertu de cette disposition, toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en oeuvre de manière effective un plan de < vigilance >.

Le plan comporte les mesures de < vigilance > raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité.

Le plan de < vigilance > et le compte rendu de sa mise en oeuvre effective sont rendus publics et inclus dans le rapport de gestion mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 225-100.

Ainsi que l'ont relevé le juge des référés du tribunal judiciaire et la cour d'appel de Versailles confirmant sa décision dans un litige très voisin dont les parties débattent (Ord. du 20 janv. 2020, n° 19/02833, et arrêt du 10 déc. 2020, n° 20/01692), par-delà les arguments formels tirés, d'une part, de l'insertion des dispositions nouvelles à la section 3 « Des assemblées d'actionnaires » du chapitre V « Des sociétés anonymes » du titre II « Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales du Livre II « Des sociétés commerciales et des groupements d'intérêt économique » et, d'autre part, de l'inclusion du plan de < vigilance > dans le rapport de gestion prévu par l'article L. 225-100 du code de commerce en particulier pour encadrer sa publicité, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > affectent directement et significativement l'activité de la SE Total, et partant, sa gestion en lui imposant :

- d'élaborer des « procédures d'évaluation » des risques dans ses relations avec ses filiales, sous-traitants et fournisseurs, un « mécanisme d'alerte et de recueil de signalements » et un « dispositif de suivi des mesures mises en oeuvre et d'évaluation de leur efficacité ». L'exécution de ces < obligations > complémentaires commande la création de postes dédiés et d'instruments de suivis, de contrôle et de dialogue régulièrement mis à jour avec les partenaires identifiés : elle affecte directement la gestion quotidienne de son personnel (tâches et temps de travail) par la SE Total et les activités de ses salariés ainsi que ses relations avec ses sous-traitants et fournisseurs ;

- des actions d'atténuation ou de prévention de risques préalablement cartographiés qui ont une incidence directe sur les choix stratégiques de la SE Total qui ne peuvent plus être opérés dans une stricte logique économique mais en intégrant des éléments antérieurement conçus comme exogènes : désormais gérée, en application de l'article 1833 du code civil, « dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » (rédaction issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019), elle doit intégrer dans ses orientations stratégiques des risques d'atteintes aux droits humains et à l'environnement et, de fait, au regard de la nature de son activité, procéder à des abandons ou des réorientations substantielles.

De fait, sans que l'incident ne soit le lieu de l'examen de la suffisance des mesures prises, le document de référence 2018 de la SE Total (extraits en pièce 13) témoigne des modifications adoptées par cette dernière dans son organisation interne et son fonctionnement (élaboration de guides et d'un code de conduite, création d'outils d'autoévaluation et d'analyse des risques, conclusions d'accords dans le cadre d'une « organisation dédiée » en matière de droits humains ; création d'un pôle spécifique pour intégrer les enjeux climatiques dans la stratégie du groupe et évolution des critères de rémunération variable du président-directeur général pour prendre en compte le respect des objectifs fixés en la matière qui impose par ailleurs des actions stratégiques et des investissements propres ; normalisation de l'activité des fournisseurs...). Et, aux termes de leur assignation, les demanderesses entendent imposer à la SE Total, à travers la modification de son plan de < vigilance >, des réductions de sa production de gaz et de pétrole qui sont de nature à modifier radicalement son activité commerciale.

Ainsi, l'élaboration et la mise en oeuvre du plan de < vigilance > sont en lien direct avec la gestion de la SE Total, critère qui fonde la compétence du tribunal de commerce. Pour autant, ce constat ne commande pas à lui seul l'incompétence du tribunal judiciaire, la loi ne précisant pas que la compétence définie par l'article L. 721-3 du code de commerce, en particulier en 2°, soit exclusive. Ce caractère demeure ainsi à déterminer et touche à la question du droit d'option invoqué par les demanderesses.

Celles-ci s'appuient à ce titre sur l'arrêt Uber rendu par la Cour de cassation le 18 novembre 2020 (n° 19-19.463). Le litige, introduit devant le tribunal d'instance, opposait des chauffeurs de taxis parisiens et le syndicat de leurs sociétés coopératives à la société Uber à qui ils imputaient des actes de concurrence déloyale tenant à la création et à la commercialisation d'une application UberPop permettant la mise en relation des particuliers entre eux, les uns pouvant bénéficier des véhicules détenus par d'autres. Sur appel interjeté contre le jugement du tribunal d'instance qui avait écarté sa compétence au profit du tribunal de commerce sur le fondement de l'article L. 721-3, 2°, du code de commerce, la cour d'appel de Paris, retenant au même visa un droit d'option général appartenant à tout demandeur non-commerçant (qu'elle qualifie de « principe fondamental » en p. 98), a infirmé le jugement par arrêt du 16 mai 2019. La Cour de cassation rejetait le pourvoi formé contre cet arrêt au motif, qui mérite une citation intégrale à raison de sa généralité également soulignée par le sommaire de l'arrêt largement publié, que « après avoir rappelé que la compétence des juridictions consulaires peut être retenue lorsque les défendeurs sont des personnes qui n'ont ni la qualité de commerçant ni celle de dirigeant de droit d'une société commerciale dès lors que les faits qui leur sont reprochés sont en lien direct avec la gestion de cette société, c'est à bon droit que l'arrêt énonce que, toutefois, lorsque le demandeur est un non-commerçant, il dispose du choix de saisir le tribunal civil ou le tribunal de commerce et qu'ayant constaté que les demandeurs n'avaient pas la qualité de commerçant, il en déduit qu'ils disposaient d'une option de compétence leur permettant de saisir valablement le juge civil d'une action en concurrence déloyale dirigée contre une société commerciale et deux de ses salariés ».

Contrairement à ce que soutient la SE Total, qui occulte par ailleurs le fait que tous les arrêts antérieurement rendus en la matière impliquaient des demandeurs commerçants et qu'ils ne statuaient pas sur le caractère exclusif de la compétence du tribunal de commerce, le fait que le litige porte sur des actes de concurrence déloyale ne fait pas obstacle à sa transposition au débat car la théorie de l'acte mixte, qui fonde une option de compétence au profit du demandeur non-commerçant et qui a été utilisée pour étendre la compétence commerciale aux personnes non-commerçantes défenderesses, n'a pu être mobilisée par la Cour : elle ne vaut qu'en matière contractuelle pour les actes conclus entre un commerçant et un non-commerçant. Or, un acte de concurrence déloyale est un fait juridique. Et, si la concurrence déloyale a pu intégrer la compétence du tribunal de commerce en ce qu'elle était un accessoire d'un acte de commerce, il est désormais acquis que le plan de < vigilance > n'en est pas un. En outre, ce fondement prétorien n'a de sens que lorsque la compétence est fondée sur l'article L. 721-3, 1°, du code de commerce en ce qu'il se réfère exclusivement à la qualité des parties à l'acte. Il n'en a plus sur le fondement de son 2°, plus objectif et indifférent à cette dernière puisqu'il s'appuie exclusivement sur l'objet du litige.

Par ailleurs, le fait que ce litige porte sur des faits de concurrence déloyale quand celui dont est saisi le tribunal relève de l'article L. 225-102-4 du code de commerce n'est en rien décisif. En effet, le II de ce texte prévoit une action en cessation de l'illicite qui est, au même titre que la réparation, une fonction de la responsabilité civile délictuelle. Le cadre juridique est ainsi le même, constat qui n'est pas de nature à induire des compétences distinctes en application des articles [L. 225-102-4 et L. 225-102-5] qui soumettent tous deux dans les mêmes termes à « la juridiction compétente » l'action qu'ils ouvrent. Et, l'option a été retenue alors que le litige présentait, à raison des faits de concurrence déloyale dans lesquels certains auteurs ont vu des actes objectivement commerciaux par accessoire, une commercialité nettement plus marquée que l'actuelle instance.

Le fondement d'une telle option, posée en toute généralité par la Cour de cassation, découle en réalité de la nature de la juridiction commerciale et de l'esprit qui a présidé à sa création, et qui demeure pour partie, ainsi que de l'objet de la contestation relative à la société commerciale.

Le tribunal de commerce, ainsi qu'il a été rappelé, est une juridiction d'exception inspirée de créations régionales puis instituée à Paris au XVIe siècle à l'initiative du chancelier Michel de l'Hospital pour satisfaire le besoin « d'une justice des marchands, rendue par les marchands, pour les marchands ». Si la compétence commerciale a été élargie, notamment à l'occasion de la loi du 15 mai 2001, et adaptée aux évolutions du commerce, cette idée persiste ainsi qu'en témoigne la structure du tribunal de commerce, juridiction consulaire composée de magistrats non-professionnels élus : il est une juridiction de pairs dont la compétence est essentiellement justifiée par la plus grande rapidité corrélée à un moindre coût du traitement des affaires ainsi que par la connaissance technique des usages et habitudes du commerce et du fonctionnement concret des sociétés commerciales dont sont dotés ses membres.

Or, si le plan de < vigilance > affecte incontestablement le fonctionnement de la SE Total, il excède très largement, par sa raison d'être et les risques dont il est destiné à prévenir la réalisation, le strict cadre de la gestion de la société commerciale. Ainsi, personne ne conteste, et les travaux préparatoires de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 l'affirment, que les dispositions de l'article L. 225-102-4 du code de commerce ont été votées car il n'était plus possible de tolérer « que se perpétuent les formes les plus manifestes d'esclavage moderne, les comportements les plus irrespectueux de la dignité des travailleurs et que l'on espérait disparus avec le XIXe siècle, l'exploitation la plus irresponsable des ressources naturelles et de l'environnement », et que, à défaut d'« incarner le "Grand soir" de la responsabilité environnementale », la loi nouvelle « poursui[vait] l'objectif plus modeste, mais aussi plus réaliste, d'ouvrir la voie et de montrer au monde que l'action est possible, que l'économie n'a pas entièrement, comme d'aucuns le prétendent, pris le pouvoir sur la politique » (introduction du rapport n° 2628 fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république sur la proposition de loi (n° 2578), relative au devoir de < vigilance > des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre). Il est ainsi certain, au regard de la nature des atteintes à cartographier, surveiller et prévenir, au-delà du cercle déjà étendu des travailleurs oeuvrant directement ou indirectement pour la SE Total, que le plan de < vigilance > d'une telle entreprise touche directement la Société en son ensemble, impact qui constitue sa raison d'être, et relève de la responsabilité sociale de la SE Total, de manière plus évidente encore que l'action objet de l'arrêt Uber.

La lettre de l'article L. 225-102-4 du code de commerce révèle que la préservation des droits humains et de la Nature en général ne peut se contenter d'un « management assurantiel » et ouvert évoqué dans les travaux parlementaires et de la normalisation par le marché qu'induit la présentation du plan de < vigilance > en assemblée d'actionnaires mais commande un contrôle judiciaire. Et, celui-ci ne peut passer que par un contrôle social fort permis par la publicité du plan de < vigilance > et par une définition lâche de l'intérêt à agir, l'action étant très largement ouverte (« toute personne justifiant d'un intérêt à agir »). Ici, les associations et collectivités territoriales demanderesses ne mettent pas en oeuvre un intérêt de nature commerciale mais exclusivement la part de l'intérêt général qu'elles représentent et qui est précisément celle qui déborde de la dimension commerciale de la gestion de la SE Total. Sur celle-ci, l'exclusivité de la compétence du tribunal de commerce n'est, à raison des critères qui en fondent l'intervention, pas justifiée, constat qui explique sans doute la référence faite dans les travaux parlementaires à l'alternative entre juridictions civile et commerciale qui a été abandonnée au profit d'une formule neutre ne l'excluant pas.

Dès lors, la plénitude de juridiction du tribunal judiciaire combinée à l'absence de prévision d'une compétence exclusive du tribunal de commerce ainsi que l'engagement direct de la responsabilité sociale de la SE Total très au-delà du lien effectivement direct avec sa gestion prise en lien avec la qualité de non-commerçant des demanderesses fondent à leur bénéfice un droit d'option, qu'elles exercent à leur convenance, entre le tribunal judiciaire, qu'elles ont valablement saisi, et le tribunal de commerce.

En conséquence, l'exception d'incompétence opposée par la SE Total sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les moyens relatifs aux demandes complémentaires.

2°) Sur les demandes accessoires

Succombant à l'incident, la SE Total, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux demanderesses la somme de 6 000 € à charge pour elles de se la répartir à parts égales.

Les dépens seront en revanche réservés à l'examen des demandes au fond.

PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état statuant par ordonnance contradictoire rendue en premier ressort mise à disposition des parties au greffe le jour du délibéré,

Rejette l'exception d'incompétence matérielle opposée par la SE Total ;

Rejette la demande de la SE Total en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SE Total à payer à l'association Notre Affaire à tous, l'association Sherpa, l'association Zéa, l'association Éco Maires - Association Nationale des Maires et des Élus Locaux pour l'Environnement et le Développement Durable, l'association France Nature Environnement, la commune d'Arcueil, la commune de Bayonne, la commune de Bègles, la commune de Bize-Minervois, la commune de Correns, la commune de Champneuville, l'établissement public territorial Est Ensemble, la commune de Grenoble, la commune de la Possession, la commune de Mouans-Sartoux, la commune de Nanterre, la commune de Sevran, la commune de Vitr

y-Le-François et la région Centre - Val de Loire la somme globale de six mille euros (6 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elles de se répartir ce montant à parts égales ;

Réserve à l'examen du litige au fond par le tribunal les demandes des parties au titre des dépens ;

Conformément aux articles 780 et 781 du code de procédure civile, l'affaire et les parties sont renvoyées à l'audience de mise en état du 11 mars 2021 à 10 heures pour conclusions au fond de la SE Total et fixation d'une date prévisible de clôture et de plaidoiries [...].

9 février 2021

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Devoir de vigilance des entreprises : vers un Droit de la responsabilité ex ante ?, conférence-débat, Faculté de droit, Université d'Oslo, Norvège, 9 février 2021. 

La conférence-débat est modérée par Catherine Banet, Professeure associée, Institut Scandinave de Droit maritime, Unité pour le Droit de l'énergie, Université d'Oslo.

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  • Voir la vidéo complète de la conférence

 

  • Voir la présentation de la conférence sur LinkedIn. 

 

 

 

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Résumé de la conférence :  

 

8 février 2021

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., L'invention de la vigilance : un terme nouveau pour une Responsabilité en Ex Ante, Document de travail, février 2021. 

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Ce document de travail sert de base à une conférence donnée à Oslo le 9 février 2021.

Pour aller plus loin, ➡️La Responsabilité Ex Ante2022

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Lire ci-dessous le document de travail⤵️

2 février 2021

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : T. Sachs, J. Tricot, "La loi sur le devoir de vigilance : un modèle pour (re)penser la responsabilité des entreprises", Droit & Société, n° 106, 2020, p. 683-698.

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► Résumé de l'article (fait par les auteurs) : Grâce à une ingénierie juridique très sophistiquée, les entreprises multinationales se jouent des frontières entre sociétés commerciales et entre États, parvenant ainsi à échapper à toute responsabilité. L’impuissance des États, qui devraient alors déléguer aux acteurs eux-mêmes le soin de développer des instruments de responsabilité sociale des entreprises, est-elle une fatalité ? Alors que certains voudraient confier la fabrication des normes de gouvernance aux acteurs, la loi sur le devoir de vigilance pourrait constituer un modèle d’une articulation originale et équilibrée entre hétéronomie et autonomie normative. Cet article entend mettre en lumière les caractéristiques de ce modèle, au moyen d’une confrontation de la loi sur le devoir de vigilance avec la loi Sapin 2 qui se présente comme son pendant tout en mobilisant d’autres leviers, ceux de la compliance.

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🗒️Les étudiants inscrits au cours de Marie-Anne Frison-Roche peuvent accéder au texte de ces articles. 

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11 janvier 2021

Interviews

Référence complète: Frison-Roche, M.-A., "Utilisons la puissance des GAFAMs au service de l'intérêt général!", interview réalisé par Olivia Dufour, Actu-juridiques Lextenso, 11 janvier 2021

Lire l'interview

 

Présentation de l'interview par Olivia Dufour:

Marie-Anne Frison-Roche, professeur de Droit de la Régulation et de la Compliance,  a remis au Gouvernement en 2019 un rapport sur la gouvernance d’Internet.

Pour cette spécialiste, confier un pouvoir disciplinaire aux GAFAMs est la seule solution efficace. Et la suppression du compte twitter de Donald Trump n’est pas de nature à remettre en cause cette analyse.

 

Les trois questions posées par Olivia Dufour sont :

  • La suppression du compte Twitter de Donald Trump suscite une forte émotion sur les réseaux sociaux, et pas seulement chez ses partisans. Qu’en pensez-vous ?

 

  • Il n’empêche que cet incident suscite l’inquiétude. Ne donne-t-on pas trop de pouvoirs à ces entreprises privées ? Cela repose la question en France de la pertinence du dispositif Avia…

 

  • Il faudrait donc se résoudre par défaut à confier nos libertés à des mastodontes privés et opaques ?

 

Lire les réponses détaillées apportées à ces trois questions

 

Pour aller plus loin, notamment sur la logique qui guide le dispositif Avia, voir: