Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : R. Sève, "Compliance Obligation and changes in Sovereignty and Citizenship", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The contribution describes "les changements de philosophie du droit que la notion de compliance peut impliquer par rapport à la représentation moderne de l’Etat assurant l’effectivité des lois issues de la volonté générale, dans le respect des libertés fondamentales qui constituent l’essence du sujet de droit." ("the changes in legal philosophy that the notion of Compliance may imply in relation to the modern representation of the State ensuring the effectiveness of laws resulting from the general will, while respecting the fundamental freedoms that constitute the essence of the subject of law").

The contributor believes that the definition of Compliance is due to authors who « jouer un rôle d’éclairage et de structuration d’un vaste ensemble d’idées et de phénomènes précédemment envisagés de manière disjointe.  Pour ce qui nous occupe, c’est sûrement le cas de la théorie de la compliance, développée en France par Marie-Anne Frison-Roche dans la lignée de grands économistes (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) et dont la première forme résidait dans les travaux bien connus de la Professeure sur le droit de la régulation. » ( "play a role in illuminating and structuring a vast set of ideas and phenomena previously considered in a disjointed manner.  For our purposes, this is certainly the case with the theory of Compliance, developed in France by Marie-Anne Frison-Roche in the tradition of great economists (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) and whose first form was in her well-known work on Regulatory Law").

Drawing on the Principles of the Law of the American Law Institute, which considers compliance to be a "set of rules, principles, controls, authorities, offices and practices designed to ensure that an organisation conforms to external and internal norms", he stresses that Compliance thus appears to be a neutral mechanism aimed at efficiency through a move towards Ex Ante. But he stresses that the novelty lies in the fact that it is aimed 'only' at future events, by 'refounding' and 'monumentalising' the matter through the notion of 'monumental goals' conceived by Marie-Anne Frison-Roche, giving rise to a new jus comune. Thus, "la compliance c’est l’idée permanente du droit appliquée à de nouveaux contextes et défis." ("Compliance is the permanent idea of Law applied to new contexts and challenges"). 

So it's not a question of making budget savings, but rather of continuing to apply the philosophy of the Social Contract to complex issues, particularly environmental issues. 

This renews the place occupied by the Citizen, who appears not only as an individual, as in the classical Greek concept and that of Rousseau, but also through entities such as NGOs, while large companies, because they alone have the means to pursue the Compliance Monumental Goals, would be like "super-citizens", something that the digital space is beginning to experience, at the risk of the individuals themselves disappearing as a result of "surveillance capitalism". But in the same way that thinking about the Social Contract is linked to thinking about capitalism, Compliance is part of a logical historical extension, without any fundamental break: "C’est le développement et la complexité du capitalisme qui forcent à introduire dans les entités privées des mécanismes procéduraux d’essence bureaucratique, pour discipliner les salariés, contenir les critiques internes et externes, soutenir les managers en place" ("It is the development and complexity of capitalism that forces us to introduce procedural mechanisms of a bureaucratic nature into private entities, in order to discipline employees, contain internal and external criticism, and support the managers in place") by forcing them to justify remuneration, benefits, and so on.

Furthermore, in the words of the author, "Avec les buts monumentaux, - la prise en compte des effets lointains, diffus, agrégés par delà les frontières, de l’intérêt des générations futures, de tous les êtres vivants - ,  on passe, pour ainsi dire, à une dimension industrielle de l’éthique, que seuls de vastes systèmes de traitement de l’information permettent d’envisager effectivement." ("With the Monumental Goals - taking into account the distant, diffuse effects, aggregated across borders, the interests of future generations, of all living beings - we move, so to speak, to an industrial dimension of ethics, which only vast information processing systems can effectively envisage").

This is how we can find a division between artificial intelligence and human beings in organisations, particularly companies, or in decision-making processes.

In the same way, individual freedom does not disappear with Compliance, because it is precisely one of its monumental goals to enable individuals to make choices in a complex environment, particularly in the digital space where the democratic system is now at stake, while technical mechanisms such as early warning will revive the right to civil disobedience, invalidating the complaint of "surveillance capitalism".

The author concludes that the stakes are so high that Compliance, which has already overcome the distinctions between Private and Public Law and between national and international law, must also overcome the distinction between Information and secrecy, particularly in view of cyber-risks, which requires the State to develop and implement non-public Compliance strategies to safeguard the future.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : R. Sève, "L'Obligation de Compliance  et les mutations de la souveraineté et de la citoyenneté", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître.

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : La contribution décrit "les changements de philosophie du droit que la notion de compliance peut impliquer par rapport à la représentation moderne de l’Etat assurant l’effectivité des lois issues de la volonté générale, dans le respect des libertés fondamentales qui constituent l’essence du sujet de droit.".

Le contributeur estime que la définition de la compliance tient à des auteurs qui « jouer un rôle d’éclairage et de structuration d’un vaste ensemble d’idées et de phénomènes précédemment envisagés de manière disjointe.  Pour ce qui nous occupe, c’est sûrement le cas de la théorie de la compliance, développée en France par Marie-Anne Frison-Roche dans la lignée de grands économistes (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) et dont la première forme résidait dans les travaux bien connus de la Professeure sur le droit de la régulation. ».

S'appuyant sur les Principles of the Law de l’American Law Institute, qui considère que la compliance est un « set of rules, principles, controls, authorities, offices and practices designed to ensure that an organisation conforms to external and internal norms», il souligne que la compliance apparaît alors un mécanisme neutre visant à l'efficacité par un passage vers l'Ex Ante. Mais il souligne que la nouveauté tient dans le fait de viser "seulement" des événements futurs, en "refondamentalisant" et en "monumentalisant" la matière par la notion de "buts monumentaux" conçue par Marie-Anne Frison-Roche, faisant apparaître un nouveau jus comune. Ainsi, "la compliance c’est l’idée permanente du droit appliquée à de nouveaux contextes et défis.". 

Il ne s'agit donc pas de faire des économies budgétaires mais bien plutôt de continuer à faire vivre la philosophie du Contrat social à des enjeux complexes, notamment les enjeux environnementaux. 

Cela renouvelle la place qu'y occupe le citoyen car il y apparaît non seulement comme individu, ce qui est dans la conception classique grecque et chez Rousseau, mais encore à travers des entités, notamment les ONG, tandis que les grandes entreprises, parce qu'elles ont seules les moyens de poursuivre les buts monumentaux de la compliance, seraient comme des "super-citoyens", ce dont l'espace numérique commence à développer l'expérience, au risque de disparition de l'individu lui-même par l'effet du "capitalisme de surveillance". Mais de la même façon que la pensée du Contrat social s'articule avec celle du capitalisme, la compliance se situe sans rupture fondamentale  dans un prolongement historique logique : "C’est le développement et la complexité du capitalisme qui forcent à introduire dans les entités privées des mécanismes procéduraux d’essence bureaucratique, pour discipliner les salariés, contenir les critiques internes et externes, soutenir les managers en place" en les forçant à justifier les rémunérations, les avantages, etc.

En outre, selon les termes de l'auteur, "Avec les buts monumentaux, - la prise en compte des effets lointains, diffus, agrégés par delà les frontières, de l’intérêt des générations futures, de tous les êtres vivants - ,  on passe, pour ainsi dire, à une dimension industrielle de l’éthique, que seuls de vastes systèmes de traitement de l’information permettent d’envisager effectivement.".

C'est ainsi que l'on peut trouver une répartition entre l'intelligence artificielle et les êtres humains dans les organisations, notamment les entreprises, ou dans les processus de décisions.

De la même façon, la liberté de l'individu ne disparaît pas par la Compliance car c'est précisément et au contraire l'un de ses buts monumentaux que de rendre les individus aptes à choisir dans un environnement complexe, notamment dans l'espace numérique où le système démocratique est désormais en jeu, tandis que des mécanismes techniques, comme le lancement d'alerte, vont renaître le droit à la désobéissance civile, invalidant le grief de "capitalisme de surveillance".

L'auteur conclut que les enjeux sont si grands que la Compliance qui a déjà dépassé les distinctions entre le droit privé et le droit public, entre le droit national et le droit international, doit aussi dépasser celle entre l'information et et le secret, notamment en raison des cyber-risques, ce qui requiert de l'Etat l'élaboration et la pratique de stratégies non-publiques de Compliance pour préserver l'avenir.

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21 février 2025

Organisation de manifestations scientifiques

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche & G. Loiseau (dir.), Durabilité de l'Internet : le rôle des opérateurs du système des noms de domaine. Compliance et régulation de l'espace numérique, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne (André Tunc - IRJS), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 21 février 2025

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► Présentation générale du colloque : L'espace numérique s'est construit sur et comme un système. Son premier intérêt est de nature négative : il consiste à se prémunir contre la perspective d'une défaillance systémique, à ne pas s'effondrer. Comme tous les autres systèmes, ce "But Monumental" propre au système numérique justifie des moyens qui intègrent ce souci qui porte sur l'avenir. Comme pour tous les systèmes, il intègre et repose sur la technicité spécifique à ce système-là.

Or, l'espace numérique repose en grande partie sur l'invention, la technique et l'architecture des noms de domaines. Ceux-ci, système d'adressage, permettent d'entrer dans l'espace numérique et de pouvoir trouver les autres internautes. L'unicité et la solidité du système des noms de domaine, confié à une racine unique et à une décentralisation, permet cette communauté pour celui qui utilise l'espace et assure la durabilité technique requise et sans laquelle l'espace numérique serait compromis.

C'est donc, dans la double perspective technique et juridique, sous l'impératif de durabilité que l'architecture, le fonctionnement, les opérateurs et ce qu'ils font sous le contrôle des législateurs, régulateurs, juges et sujets de droit, sont examinés.

Cela permet de progresser en 4 temps.

En premier lieu, pour examiner la permanence dans le temps et dans l'espace du système des noms de domaine, en tant qu'il est le socle de l'Internet et du système numérique. De cette construction technique, les qualifications juridiques découlent, non seulement présentes mais encore futures, puisque le Web présente des solutions techniques nouvelles.

En deuxième lieu, cette durabilité technique est un impératif qui est intégré dans les opérateurs des noms de domaine eux-mêmes, qui sont intermaillés non seulement au niveau national mais encore au niveau mondial, ce croisement étant nécessaire pour la sécurité du système. L'État est présent à travers des techniques de droit public qui permet surveillance, contrôle, possible reprise.

En troisième lieu, il en découle sur les opérateurs assujettis des contraintes pour servir ce But Monumental de durabilité technique, ces contraintes engendrant elles-mêmes autant de pouvoirs qu'il leur est nécessaire pour atteindre utilement cette mission. Cette proportionnalité doit être le cœur de la méthode et des exigences requises. L'articulation entre contraintes et pouvoirs en découle également.

En quatrième lieu, cet impératif de durabilité technique, par nature global, laisse place à des impératifs de durabilité sociétale, plus localisé dans l'espace et dans le temps, lorsque les opérateurs des noms de domaines sont saisis par des auteurs légitimes de normes contraignantes, les législateurs en premier lieu, pour porter des soucis comme la protection des personnes impliquées dans l'espace numérique et dont les droits sont compromis ou qui sont en danger. 

Cette durabilité d'un second type, plus localisée et moins inhérente à l'architecture d'Internet, se justifie par la puissance des opérateurs concernés et par leur adhésion à des impératifs sociaux. Les contraintes et pouvoirs qui en résultent ne sont donc pas les mêmes.

Les 2 durabilités doivent alors s'articuler dans une conception à la fois téléologique et pragmatique.

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► Interviennent

🎤Pierre Bonis, Directeur général de l’Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic)

🎤Lucien Castex, Conseiller du Directeur général de l’Afnic pour la Gouvernance et la Recherche internet et société

🎤Marie-Anne Frison-Roche, Professeure de Droit de la Régulation et de la Compliance, Directrice du Journal of Regulation & Compliance (JoRC)

🎤Marianne Georgelin, Directrice juridique et Politique de registre de l’Afnic

🎤Claire Leveneur, Maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil

🎤Grégoire Loiseau, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

🎤Samir Merabet, Professeur à l'Université des Antilles

🎤Antoine Oumedjkane, Maître de conférences à l’Université de Lille

🎤Frédéric Sardain, avocat à la Cour, cabinet Jeantet

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Lire une présentation détaillée de la manifestation ci-dessous⤵️

21 novembre 2024

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Synthèse", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Dans l’espace de justice, les pratiques juridictionnelles au service du futur, in Cour de cassation, Cycle de conférences "Penser les pratiques juridictionnelles au service d’un espace de justice", 21 novembre 2024.

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🧮consulter le programme complet de cette manifestation

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 Présentation de la conférence : Le sujet abordé tient compte du fait que l’évènement vient quasiment en dernier dans ce cycle Penser les pratiques juridictionnelles au service d’un espace de justice. En effet, ont été précédemment traitées les « pratiques juridictionnelles » en ce qu’elles sont « au service d’un espace de justice » européen (février 2023), éclairé (mars 2023), attractif (juin 2023), interactif (septembre 2023), pacificateur (décembre 2023).

L’approche est ici différente et complémentaire. En effet, la problématique de la conférence part d’un constat : aujourd’hui l’on élabore devant des juges des prétentions qui portent directement sur le futur. Certes, dans son office classique le juge aborde l’avenir des situations litigieuses mais c’est aujourd’hui l’avenir des systèmes dans leur entièreté qui, à travers une dispute ou une demande, leur est parfois soumis. Plus encore, une solution systémique peut leur être demandée. De ce changement, la possible présence des générations futures est un signe parmi d’autres.

L’espace de justice peut paraître inadapté pour des procès à ce point gigantesques, et par leur objet et par leur retentissement.

Sans doute faut-il distinguer selon les juges, certains juges pouvant paraître plus familiers que d’autres des enjeux systémiques que le futur porte avec lui. Peut-être la prudence du juge doit-elle le guider dans l’usage qu’il fait de ses pouvoirs lorsqu’ils portent sur le futur, par exemple dans le maniement des sanctions, parce que le futur contient par nature une part d’inconnu, prudence fondamentale que le principe de la légalité des délits et des peines exprime.

Mais le futur n’est tout de même pas une page blanche et le juge, sans inventer celui-ci, peut, voire doit, contrôler la cohérence de ceux qui écrivent la loi, s’il est juge constitutionnel, de ceux qui écrivent les contrats et les engagements, s’il est juge civil et commercial. Pour remplir son office, au regard notamment de ce que les parties prenantes demandent, les juges doivent penser et traiter en dialogue ce nouvel objet systémique qui se présente aujourd’hui devant eux : le futur.

Pour l’appréhender, les juges puisent dans les pratiques juridictionnelles disponibles, en ajustent d’autres, les articulent entre elles, dans des méthodes renouvelées.

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🧮consulter ci-dessous le programme complet de cette manifestation⤵️

23 mai 2024

Interviews

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Avec l'émergence du contentieux systémique, "le juge intègre le futur"", entretien avec Floriane Valdayron, Journal Spécial des Sociétés (JSS), 23 mai 2024

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💬lire l'entretien

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► Présentation de l'entretien par le journal : "Une série de causes systémiques impliquées au coeur d'un cas particulier : voici en quelques mots les fondations du contentieux systémique. Cette notion émerge avec l'apparition de nouvelles structures dans la société, comme le numérique, ou bien de nouvelles consciences politiques face à des systèmes anciens, comme l'environnement. A la croisée du juridique, de la politique et de la société civile, ce phénomène pousse juridictions et magistrats à se spécialiser. Décryptage.".

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4 avril 2024

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le rôle du juge dans le déploiement du droit de la régulation par le droit de la compliance", in Conseil d'État et Cour de cassation, De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ? Regards croisés du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation - Colloque du 2 juin 2023, La Documentation française, coll. "Droits et Débats", 2024, pp. 173-182

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🎥cet article fait suite à l'intervention de clôture prononcée lors du colloque biannuel organisé par la Cour de cassation et le Conseil d'État, qui portait en 2023 sur le thème De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?, le 2 juin 2023

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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 Présentation de l'article de synthèse : Il est remarquable de constater l'unité de conception et de pratiques entre les professionnels qui évoluent plutôt dans l'ordre des juridictions administratives et les professionnels qui évoluent plutôt dans l'ordre des juridictions judiciaires : ils constatent tous et dans des termes semblables un mouvement essentiel : ce qu'est le Droit de la Régulation, comment celui-ci a opéré sa transformation en Droit de la Compliance, et comment dans l'un et plus encore dans l'autre le Juge y est au centre.

Les juges, mais aussi les Régulateurs et les responsables européens l'expliquent et disent à partir d'exemples différents la transformation profonde que cela apporte pour le Droit, pour les entreprises en charge d'accroître l'effectivité systémique des règles par la pratique et la diffusion d'une culture de compliance.

Le Juge participant à cette transformation Ex Ante voit son office renouvelé, qu'il soit juge de droit public ou juge de droit privé, dans une unité accrue du système juridique.

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► Résumé de l'article : La querelle de mots qui nous épuise, entre "Compliance" et "conformité", masque l'essentiel, c'est-à-dire la grande nouveauté d'une branche du Droit qui assume une vision humaniste exprimant l'ambition de modeler l'avenir, afin que celui-ci ne soit pas catastrophique (prévention de l'effondrement des systèmes), voire qu'il soit meilleur (protection des êtres humains dans ces systèmes).

L'article décrit tout d'abord l'émergence du Droit de la Compliance, en prolongement du Droit de la Régulation et en dépassement de celui-ci. Cette nouvelle branche du Droit rend compte d'un monde nouveau, en porte les bénéfices et veut parer à ces dangers systémiques pour que les êtres humains en bénéficient et n'en soient pas broyés. Cette branche du Droit Ex Ante est en cela politique, souvent portée par des Autorités publiques, comme les Autorités de Régulation, mais dépasse aujourd'hui les secteurs, comme le montre sa pointe avancée qu'en est le devoir de Vigilance.

Les "Buts Monumentaux" dans lesquels s'ancre normativement le Droit de la Compliance implique une interprétation téléologique, mène à une "responsabilisation" des opérateurs cruciaux, non seulement les Etats mais encore les entreprises, en charge de l'effectivité des multiples nouveaux outils de compliance.

L'article montre ensuite que le juge est toujours plus au centre du Droit de la Compliance. En effet, les procès visent à responsabiliser les entreprises. Dans cette transformation, le juge a aussi pour fonctionner de demeurer le gardien de l'Etat de Droit, aussi bien dans la protection des droits de la défense que dans celle des secrets, l'efficacité n'étant pas ce qui définit la Compliance, qui ne serait être réduite à une pure et simple méthode d'efficacité, ce qui mènerait à être un instrument de dictature. C'est pourquoi le principe de proportionnalité est essentiel dans le contrôle que le juge opère des exigences issues de cette branche du Droit si puissante. 

Le juge est ainsi saisi d'un contentieux d'un type nouveau, de nature systémique, dans l'espace qui lui est propre et qu'il ne faut pas dénaturer : l'espace de justice. 

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📝lire l'article

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Mise à jour : 15 mars 2024 (Rédaction initiale : 30 novembre 2023 )

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-RocheNaissances d'une branche du Droit : le Droit de la Compliance, document de travail, novembre 2023.

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📕Ce document de travail a été élaboré pour constituer une contribution aux Mélanges offerts à Louis Vogel (remise en octobre 2024)

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 Résumé du document de travail : L’étude porte sur les différents mouvements qui ont fait naître le Droit de la Compliance, l’accent étant plus particulièrement mis sur le Droit de la Concurrence.

Après une réflexion préalable sur la construction du système juridique en branches du Droit, leur classement les unes par rapport aux autres, la difficulté rencontrée à ce propos par le Droit économique, et les différents mouvements qui en font naître une, diversité dont la branche garde par la suite la trace, l’étude est construite en 4 parties.

Pour rechercher ce qui a fait naître le Droit de la Compliance, la première partie convie à récuser la perspective étroite d’une définition qui se contente de définir celui-ci par le fait de « se conformer » aux réglementations applicables. Cela a pour effet d’accroître l’efficacité de celles-ci mais cela ne produit pas une branche du Droit, étant un outil d’efficacité comme un autre.

La deuxième partie de l’étude vise à éclaircir ce qui apparaît comme une « énigme », car l’on affirme souvent que cela viendrait d’une méthode souple, ou d’un texte américain, ou d’autant de réglementations qu’il y a d’occasions d’en prendre. Il apparaît plutôt qu’il s’est agi aux États-Unis au sortir de la crise de 1929, d’établir une autorité et des règles pour prévenir un nouvel effondrement atroce de système, tandis qu’il s’est agi en Europe, en 1978, en souvenir de l’usage des fichiers, d’établir une autorité et des règles pour prévenir une atteinte atroce aux droits humains. Un élément commun qui vise l’avenir (« plus jamais ça »), mais pas le même objet de rejet préventif. Cette différence des deux naissances explique l’unicité et la diversité des deux Droits de la compliance, les tensions qui peuvent exister entre les 2, l'impossibilité d'obtenir un Droit global.

La troisième partie analyse la façon dont le Droit de la concurrence a fait naître en son soin la conformité : une branche secondaire qui est gage de conformité à la réglementation concurrentielle. Notamment développée ainsi à travers le droit souple émis par les autorités de concurrence, il en résulte une sorte d’obéissance souple, une collaboration bien comprise de type procédurale par laquelle l’entreprise éduque, surveille, voire sanctionne, sans sortir du Droit de la Concurrence dont la conformité constitue l’annexe. L’on peut mesurer ici le chemin qui sépare une culture de conformité d’un Droit de la Compliance.

La quatrième partie vise à montrer que le Droit de la Concurrence et le Droit de la Compliance sont deux branches du Droit autonomes et articulées. Le Droit de la Compliance étant une branche du Droit construite sur des Buts Monumentaux, notamment la durabilité des systèmes et la préservation des êtres humains qui y sont impliqués pour qu’ils n’y soient pas broyés mais en bénéficient, l’enjeu actuel de la construction européenne est de construire à côté du plier concurrentiel le pilier du Droit de la Compliance. Les juridictions sont en train de le faire et de les articuler.

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

22 janvier 2024

Auditions Publiques

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, audition notamment par Maître Sophie Bonne et Maître Anne-Claire Ancelin, respectivement présidente et rapporteure de la Commission du Conseil Supérieur du Notariat (CSN), élaborant un rapport sur Compliance : un espace à conquérir ?, 22 janvier 2024, CSN, Paris..

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► Résumé de la présentation :  j'ai eu l'occasion d'étudier et de discuter des relations entre le notaire comme professionnel et le notariat comme structure de régulation d'une part et le Droit de la Compliance, d'autre part. 

Je l'ai fait lors des travaux du Conseil Supérieur du Notariat sur la raison d'être, dans une audition avec la Commission du CSN en charge de la réflexion à ce propos et et d'une façon plus générale à propos de l'articulation entre l'office du notariat et les mécanismes juridiques de régulation, car le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la Régulation. J'ai d'ailleurs à ce titre fait une masterclass sur le droit de la compliance lors du Congrès annuel de 2022 à ce sujet. 

M'appuyant sur ces premières réflexions et discussions, je peux articuler les propos suivants:

 

0. Observation préalable : l'intitulé semble sous-entendre que la compliance serait un espace nouveau, où le notariat serait étranger et qu'il faudrait "conquérir" cette terra incognita , le point d'interrogation permettant de suggérer que, si nouveau soit le Droit de la Compliance, c'est plutôt dans les professions agissant en Ex Ante qu'il est le moins "étranger" et que l'espace est donc déjà le plus "naturel".

L'enjeu est plutôt dans l'ambition que l'on peut en avoir : soit une ambition faible ("conformité"), soit une ambition forte ("Droit de la Compliance").

 

1. Un espace restreint aujourd'hui et plus encore demain si l'on réduit la Compliance à ce qui n'est que son outil : la conformitéCette réduction équivaut à un grand dommage, car les algorithmes sont aptes à prendre en charge la conformité, et font le faire le plus en plus, tandis que la compliance est maniée par les êtres humains. La conformité est, mais n'est que, un outil de la Compliance.

 

2. La Compliance se définit par les Buts Monumentaux 

  1. Les Buts monumentaux sont fixés par les Autorités politiques et publiques et ne peuvent être fixés que par elles ; le déploiement des moyens peuvent être déploient par d'autres que l'administration

 

3. Pragmatiquement, les buts monumentaux unifient la "masse réglementaire"

4. Tendre, dans une trajectoire, vers eux nécessite des êtres humains qui se coordonnent et agissent ensemble (ensemble du modèle concurrentiel)

5. Ils constituent la Compliance comme une branche ex ante du Droit

6. Ils placent le Droit de la Compliance en déploiement du Droit de la Régulation

7. Le Notariat est alors tout d'abord un "agent d'effectivité de la conformité", se dotant pour cela notamment des outils algorithmiques

8. Le Notariat est aussi une profession humaniste qui aide l'Etat, les entreprises et les parties intéressées à tendre vers la protection des êtres humains, pour qu'ils ne soient pas broyés par les systèmes devenus plus menaçants (but monumental négatif) et qu'ils en bénéficient (but monumental positif)

9. En cela, le Notariat, comme le Juge et l'Avocat, doit être consolidé dans sa structure, et doit aussi se présenter, au niveau du professionnel, au niveau de l'étude, au niveau de la profession structurée

10. Le Notariat doit aussi conforter sa gouvernance dans ce nouveau système de Compliance qui est en lien avec l'Etat de Droit et la Démocratie

 

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► Voir dans mes travaux ceux qui peuvent présenter un intérêt au regard de cette audition ⤵️

🕴️M.-A. Frison-Roche, 🖥️Appliquer la notion de "Raison d'être à la profession du Notariat, 2021

🕴️M.-A. Frison-Roche,🎤La compliance pour les études notariales : aspects théoriques et pratiques, Congrès des notaires , 2022

🕴️M.-A. Frison-Roche,📝Notariat et régulation font bon ménage, 2015

🕴️M.-A. Frison-Roche, 💬La profession investit le Droit de la Compliance et détermine sa Raison d'Etre, 2023

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Penser et manier la Vigilance par ses Buts Monumentaux de Compliance, mars 2023.

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022.

🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧L'invention de la vigilance : un terme nouveau pour une Responsabilité en Ex Ante, 2021. 

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Synthèse : Le rôle du juge dans le déploiement du droit de la régulation par le droit de la compliance, à paraître 

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la compliance, 2016.

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27 octobre 2023

Base Documentaire : 01. Conseil constitutionnel

► Référence complète : Cons. const., 27 octobre 2023, n°2023-1066 QPC, Association Meuse nature environnement et autres

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🏛️lire la décision

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4 octobre 2023

Conférences

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 Référence complèteM.-A. Frison-Roche, "L'avenir du Droit de la compliance, in Cour de cassation, La Nuit du Droit 2023, 4 octobre 2023. 

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🎥 Regarder la video

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🧮lire le programme complet de la manifestation

La Cour de cassation construit une présentation de 4 thèmes successifs en ce qu'ils engagent l'avenir du Droit : la filiation, l'intelligence artificielle, l'environnement et la compliance.

La présentation de ce qu'est la Compliance et le rôle essentiel qu'y joue le Juge est faite par le Président de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Puis le Parquet général interroge Monsieur le Conseiller d'État Fabien Raynaud sur l'importance des "causes systémiques" dans le Droit de la compliance et le dialogue des juges que cela implique, prenant appui sur le cas Youporn, actuellement examiné par les juges.

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 Présentation générale de l'intervention : En tant que mes travaux ont été fondateurs pour le Droit de la Compliance, j'ai été pour ma part interrogée sur l'avenir du Droit de la Compliance, auxquels s'était référé Fabien Raynaud à propos du traitement juridictionnel des sujets environnementaux, lorsqu'ils présentent une dimension systémique. 

J'ai repris à la fois la définition même du Droit de la Compliance, qu'il ne faut confondre avec la simple, mécanique, voire dangereuse "conformité", et le grand avenir de cette branche du Droit que nous voyons naître sous nos yeux, ce qui est tout à fait extraordinaire ! L'environnement en est un exemple, mais tout l'espace numérique peut trouver une façon d'être régulé par le Droit de la Compliance notamment parce que le Droit de la Compliance porte sur l'Information, se déployant comme  prolongement du Droit de la Régulation, comme le mécanisme de la Vigilance qui porte sur la structuration des chaînes de valeur. Il implique une alliance, entre les entreprises cruciales, les parties prenantes, l'Etat, et le juge.

Dans ce mouvement extraordinairement puissant qu'est le Droit de la Compliance, le Juge est et sera au centre.

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7 septembre 2023

Publications

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Droit de la compliance et climat. Pour prévenir le risque et construire l'équilibre climatiques", in M. Torre Schaub, A. Stevignon et B. Lormeteau (dir.), Les risques climatiques à l'épreuve du droit, Mare & Martin, coll. "Collection de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne", 2023, pp.73-83

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertexte

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► Résumé de l'article : Le Droit de la Compliance commence à se manifester en matière climatique et l'on parle de Droit de la compliance climatique, mais la question climatique n'est elle-même que l'exemple le plus parfait de ce pour quoi le Droit général de la Compliance est fait. Il s'agit en effet d'une branche du Droit nouvelle, d'un Droit global ayant la prétention d'apporter en Ex Ante des solutions ici et maintenant pour des sujets globaux, afin qu'à l'avenir des catastrophes systémiques ne se réalisent pas : ce sont ces "Buts monumentaux" qui donnent sens, cohérence et simplicité au Droit de la Compliance.

Celui-ci, lié à l'État de Droit, permet de dépasser le choix souvent présenté entre l'efficacité de la protection de la planète et le renoncement aux libertés, notamment la liberté d'entreprendre et la liberté des personnes, de la protection de leurs données.

Le Climat est ainsi exemplaire des Buts Monumentaux du Droit de la Compliance (I). Le risque systémique qu'il constitue désormais est analogue aux risques systémiques bancaire ou numérique et appelle donc l'application des instruments juridiques identiques, anciennement mis en place pour la banque, inventés récemment pour le numérique. Le Droit de la Compliance, en ce qu'il prolonge le Droit de la Régulation, en se dégageant de la condition préalable du Secteur et du Territoire, est en effet la branche qui permet de mettre en place des solutions juridiques nouvelles, soit de force (convention judiciaire d'intérêt public, programmes de compliance, etc.), soit de gré (engagements, chartes globales, etc.).

S'opère ainsi une alliance entre Autorités politiques, publiques, et opérateurs économiques cruciaux (II), que la montée en puissance de la "raison d'être" exprime et dont l'enjeu technique est la collecte d'informations qu'il faut corréler. Les scientifiques mettant en commun une information, bien public, apportée par les entités publiques et privées. Les juridictions sont alors au centre d'un Droit dont l'objet est l'Avenir. 

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15 mars 2023

Conférences

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Pourquoi le Droit de la Compliance", in Roman Aydogdu et Hans De Wulf (dir.), Inauguration de la Chair Business Compliance, Faculté de Droit de Gent, Faculté de Droit de Liège, Fédération des Entreprises de Belgique (FEB); Bruxelles, 15 mars 2023. 

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Présentation de la conférence : dans le cadre du lancement de la Chair Business Compliance  dirigée par Roman Aydogdu et Hans de Wulf, avant que ceux-ci n'en présentent les objectifs, j'ai pris comme thème général "Pourquoi la compliance", qui est tout autant une question (car cela semble si nouveau), une protestation (pourquoi les entreprises devraient faire le travail de l'État, cela ne devrait pas avoir lieu) et un accablement (comment faire pour donner à avoir que l'on respecte à tout instant, en tout lieu et en toute personne toutes les normes applicables, cela parait impossible).

C'est donc à ceux qui promeuvent et activent le Droit de la Compliance de l'expliquer, de le fonder et de dire Pourquoi il existe.

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📈Consulter les slides ayant servi de support à l'intervention

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8 février 2023

Publications

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 Référence complèteM.-A. Frison-Roche, "Instaurer l'insécurité juridique comme principe, outil de prévention des crises systémiques catastrophiques totales", in G. Cerqueira, H. Fulchiron & N. Nord (dir.), "Insécurité juridique" : l'émergence d'une notion ?, Société de législation comparée, coll. "Colloques", vol. 53, 2023, pp. 153-167. 

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📝lire l'article 

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🚧lire le document de travail sur la base duquel la conférence a été faite, l'article ayant été par la suite complété

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🎤regarder la conférence du 22 mars 2021 qui s'est tenue à la Cour de cassation et pour laquelle cette réflexion a été globalement menée

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 Résumé de l'article : "whatever it takes". Mario Draghi, par cette formule visait en 2015 l'objectif de défense de la monnaie européenne, lorsque l'Euro risquait de s'effondrer sous la danse des spéculateurs enrichis de son effondrement. On a rarement fait formule plus violemment politique et plus fortement normative. Elle a participé à le faire surnommer comme dans le jeu vidéo "Super Mario". La formule a été reprise en 2020 par le Président de la République Française face aux désordres financiers engendrés par la crise sanitaire ayant engendré de semblables calculs. Elle excède le seul "coût financier". Par cette formule, le président de la Banque Centrale Européenne, a posé que la situation de crise économique était telle en Europe que tout pour y mettre fin y serait déployé par l'Institution, sans aucune limite ; que tous ceux qui par leurs comportements, même appuyés sur leurs prérogatives juridiques, en l'espèce les spéculateurs, parce qu'ils détruisaient le système économique et financier, allaient buter sur cela et seraient eux-mêmes balayés par la Banque Centrale car la mission de celle-ci, en ce qu'elle est d'une façon absolue la sauvegarde de l'Euro lui-même, allait prévaloir "quoi qu'il en coûte". A un moment, le maître se lève. Si la position royale est la position assise lorsque, pondéré, il écoute et juge, c'est en se levant qu'il montre son acceptation d'être aussi le maître parce qu'il est en charge de plus et qu'il fera usage de tout pour gagner. 

Plus largement, l'on peut songer à dessiner le concept positif de l'insécurité juridique (ce qui ne peut que plaire aux hégéliens), accroît la sécurité juridique : ainsi cela permet d'associer aux hypothèses d'insécurité juridique un régime juridique plus clair. En effet, plutôt que de mettre sous le tapis le Droit, ce qui explique bien des tensions entre le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat d'une part et le Législateur et le Gouvernement d'autre part concernant "l'Etat d'urgence", l'on pourrait disposer des conditions dans lesquelles l'insécurité juridique permet d'écarter ou de limiter des règles. 

L'idée proposée est donc que dans des "situations extraordinaires", l'insécurité juridique serait une dimension, voire un principe admissible. Et développant ce premier point il est proposé que l'hypothèse d'une "crise économique" justifie une dimension, voire un principe d'"insécurité juridique". Mais cette première affirmation est à éprouver. En effet, une crise économique, notion qu'il convient de définir, si elle doit avoir un effet si majeur de retournement, est-elle une "situation" si extraordinaire que cela ? En outre, pour traiter cette situation extraordinaire que constitue une "crise économique", quelle dose d'insécurité juridique serait juridiquement admissible, voire pourrait être juridiquement revendiquée ? Voire pourrait-on concevoir un renversement de principe qui conduirait le Droit applicable à une crise économique sous l'égide de l'insécurité juridique ? Dans un tel cas, la question qui se pose alors est de déterminer les conditions et les critères de la sortie de la crise économique, voire de déterminer les éléments de perspective d'une crise économique, qui pourrait justifier par avance l'admission d'injection d'insécurité juridique. Le Droit a avant tout maîtriser sur le temps futur.

Il convient donc de déterminer juridiquement la crise économique comme constituant une situation exceptionnelle, avant de souligner que le Droit de la régulation et de la compliance, parce que d'une part nous passons de crise en crise et que d'autre part tout le système vise à éviter et à gérer par avance la crise future ou à exclure celle-ci, notamment en matière sanitaire ou climatique (la façon dont la crise sanitaire a été gérée a été de "décréter" l'ouverture par l'Etat d'une crise économique) posant l'insécurité juridique non plus comme une lointaine exception, une défaillance à combattre mais un levier permettant prise sur l'avenir. 

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Mise à jour : 28 décembre 2022 (Rédaction initiale : 10 juillet 2022 )

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 Référence générale : Frison-Roche, M.-ARégulation et Compliance, expression des missions d'un Ordre, document de travail, juillet 2022.

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🎤 Ce document de travail a été élaboré pour servir de base à une intervention dans le Congrès annuel de l'Ordre des Géomètres-Expert le 15 septembre 2022 

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🎥Regarder la courte présentation de cette intervention 

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🎥Regarder l'intégralité de cette conférence prononcée le 15 septembre 2022 sur la base de ce document de travail 

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 Résumé du document de travail : Les ordres professionnels ne doivent pas se penser comme des exceptions, si légitimes soient-elles, par rapport à un principe, qui serait le jeu concurrentiel, mais comme l'expression d'un principe. Ce principe est exprimé par deux branches du Droit dont l'importance ne cesse de croître dans le Droit européen, branches libérales qui se fondent sur une conception de la vie économique et de l'entreprise tournée avant tout vers le futur : le Droit de la Régulation et le Droit de la Compliance, deux branches du Droit à la fois liées et distinctes.

En effet et c'est l'objet de la première partie, il est vrai que le Droit de la Concurrence conçoit les ordres professionnels comme des exceptions puisque ces "corporations" constituent des ententes structurelles. Le Droit interne français à la fois consolide les ordres en les adossant à l'Etat qui leur subdéléguerait ses pouvoirs mais les embarque dans la remise en cause par l'Union européenne des Etats et leurs outils. Le plus souvent la tentation est alors de rappeler avec une sorte de nostalgie les temps où les ordres étaient le principe mais, sauf à demander comme une restauration, le temps ne serait plus. 

Une approche plus dynamique est possible, en accord avec l'évolution plus générale du Droit économique. En effet l'Ordre professionnel est l'expression d'une profession, notion relativement peu exploitée, sur laquelle il exerce la fonction de "Régulateur de second niveau", les Autorités publiques exerçant la fonction de "Régulateur de premier niveau". Le Droit de la Régulation bancaire et financière est construit ainsi et fonctionne de cette façon, au niveau national, européen et mondial. C'est de cela qu'il convient de se réclamer. 

Les Ordres professionnels ont alors pour fonction primordiale de diffuser une "culture de Compliance" dans les professionnels qu'ils supervisent et au-delà de ceux-ci (clients et parties prenantes). Cette culture de Compliance s'élabore au regard des mission qui sont concrétisés par les professionnels eux-mêmes. 

C'est pourquoi la seconde partie du document de travail porte sur l'évolution juridique de la notion de "mission" qui est devenue centrale en Droit, notamment à travers la technique de l'entreprise à mission. Or les points de contact sont multiples entre la raison d'être, l'entreprise à mission et le Droit de la Compliance, dès l'instant que l'on définit celui-ci par les buts concrets et très ambitieux que celui-ci poursuit : les Buts Monumentaux. 

Chaque structure, par exemple l'Ordre des Géomètres-Experts, est légitime à fixer le But Monumental qu'il poursuit et qu'il inculque, notamment le territoire et le cadre de vie, rejoignant ce qui unit tous les Buts Monumentaux de la Compliance : le souci d'autrui. L'Ordre des Géomètres-Experts est adéquat parce qu'il est dans un rapport plus flexible, à la fois plus resserré et plus ample, avec le territoire que l'Etat lui-même. 

En inculquant cela aux professionnels, l'Ordre professionnel développe chez le praticien une "responsabilité ex ante", qui est un pilier du Droit de la Compliance, constituant à la fois une charge et un pouvoir que le professionnel exerce et dont l'Ordre professionnel doit être le superviseur.

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

21 septembre 2022

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Compliance, the new legal way for human values: towards an Ex Ante Responsibility", in Evolução do Direito no século XXI. Seus princípios e valores: ESG, Liberdade, Regulação, Igualdade e Segurança Jurídica. Homenagem ao Professor Arnoldo Wald, vol. 2, Direito Privado, São Paulo, Editora IASP, 2022, pp. 977-983

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 Résumé de l'article :  For the first time, the future is the first question for the Humanity. The classical legal conception of Tort Law concerns the Past, the philosophical conception of Hans Jonas, a Responsability for the Future, an Ex-Ante Responsability must become a legal notion. 

Traditionally, the Legislator takes decision for the Future and the Judges takes ones for the Past, but now in front of the possible disparition of human beings on this planet, global and catastrophic perspective, all legal perspectives need to be used, breaking the classical repartition, in the priority of the future.  To do something, the Responsability must be put on everyone in a legal force, not only on the classical subject of Law and because of past behaviors, but because the operators, States, firms, or individuals, are "in position" to do so. 

This new "Ex-Ante Responsibility" is an essential part of the Compliance Law, very new branche of Law, with an extraterritorial effect, to find immediate and active solutions for the future. Because the issue is global, international Arbitration is in position to apply the conception, because international arbitrators are the global judges.

This new conception of legal Ex-Ante Responsibility, declared by courts, expressed human values, such as the concerns for the others, in concordance withe the humanist tradition of European and American Law, Compliance being not at all to obey regulations but to concretise an alliance a Monumental Goal, here for the preservation of human beings in the future, and the powers and the legal duties of corporate and people to do so. 

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📝lire l'article (en anglais)

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1 septembre 2022

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Place et rôle des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 339-352.

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📝lire l'article  

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Cette réflexion a un objet très précis : la place des entreprises privées, au regard du thème général qui unit les contributions : "l'épreuve que constitue une crise". La crise constitue une "épreuve", c'est-à-dire qu'elle apporte des preuves. Prenons-là comme telle.

En effet, lors de la crise sanitaire, il apparait que les entreprises ont aidé les Autorités publiques à résister au choc, à endurer et à sortir de la crise. Elles l'ont fait de force mais elles ont aussi pris des initiatives dans ce sens. De cela aussi, il faut tirer des leçons pour la prochaine crise qui viendra. Il est possible que celle-ci soit déjà commencé sous la forme d'une autre crise global et systémique : la crise environnementale. Au regard de ce qu'on a pu observer et de l'évolution du Droit, des normes prises par les Autorités mais aussi par les nouvelles jurisprudences, que pourra-t-on attendre des entreprises face à celle-ci, de gré et de force ? 

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31 mars 2022

Publications

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► Référence complète : M.A. Frison-Roche, M.-A., "La responsabilité ex ante, pilier du droit de la compliance", D.2022, chronique MAFR - Droit de la Compliance Recueil Dalloz, 2022, p.621-624.

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► Résumé de l'article : Le droit doit aider à faire face au futur, lequel peut être totalement catastrophique en matière climatique et numérique. Le juge est le mieux placé pour cela, sans pour autant « gouverner », s’appuyant sur les engagements pris les entreprises, les gouvernements et les législateurs. Sur le droit commun de la responsabilité, des décisions juridictionnelles obligent ces différentes entités à être cohérents dans les engagements qu’ils ont pris, les obligeant à agir à l’avenir, la « conformité » à la réglementation ne pouvant suffire. Cette responsabilité ex ante, fondant les pouvoirs, constitue ainsi un pilier du droit de la compliance, montrant la part que la RSE et « l’entreprise à mission » y prend.  

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📝Lire l'article.

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📚Consulter les autres articles publiés dans la Chronique Droit de la Compliance assurée dans le Recueil Dalloz

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27 février 2022

Compliance : sur le vif

21 avril 2021

Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Dresser des cartographies des risques comme obligation et le paradoxe des "risques de conformité"", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les outils de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2021, p. 53-62.

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les outils de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance: Il y a peu d'études synthétiques ou théoriques sur le mécanisme de cartographie des risques alors qu'il est de fait l'outil central dans la Compliance, peut-être parce qu'il relèverait plus du management que du Droit. La cartographie des risques est décrite mais ne reçoit pas d'autres qualifications juridiques que d'être une "modalité", souffrant en cela d'un mal qui frappe l'ensemble de la Compliance, encore peu appréhendé par le Droit, concentré souvent pour l'instant dans l'Ex Post de la sanction alors que la Compliance est par nature de l'Ex Ante. L'on passe du désarroi à l'incompréhension en relevant l'existence de "risques de conformité" parmi les risques cartographiés, car si puisque tant affirment qu'il ne faudrait parler que de "Droit de la conformité", comme obéissance en Ex Ante au Droit, un sous-ensemble d'un outil aurait donc le même objet que l'ensemble du Droit que cet outil sert... Cette aporie ne peut être résolue que si l'on admet que le Droit de la Compliance se définit substantiellement par ses "buts monumentaux" qui excèdent l'obéissance à la réglementation.

En conséquence et si le Droit se saisit de la cartographie des risques, celle-ci peut apparaître tout d'abord qu'une obligation accessoire de l'obligation principale consistant par le fait d'atteindre les buts monumentaux. L'obligation accessoire de dresser les cartes est une obligation de résultat, tandis que l'obligation principale d'atteindre les buts est une obligation de moyens. Cette cartographie étant très diverse et n'étant visée que ponctuellement par des lois précises, elle peut aussi ne constituer qu'un fait juridique ou, par le jeu de diverses chartes, un engagement juridique unilatéral. Mais l'on peut avancer l'idée qu'elle est en train de devenir le socle d'une obligation juridique autonome à la charge d'entreprises en position de connaître certains risques, renvoyant à l'existence d'un droit subjectif de les connaitre et de les mesurer ("droit d'être inquiétés") dont les tiers qui vont les courir seraient titulaires, leur permettant ainsi de choisir de les courir, ou pas.

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17 mars 2021

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les potentialités du Droit de la Compliance, conférence faite pour les étudiants de Muriel Fabre-Magnan, Paris I, 17 mars 2021.

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Cette conférence a été faite pour les étudiants de Paris I, qui suivent un cursus de Droit, spécialisés dans le Droit des obligations, et plus particulièrement dans le Droit de la Responsabilité.

Elle visait donc à montrer la teneur technique du Droit de la Compliance et ce qu'il peut devenir. 

Elle a été suivie d'un débat avec les étudiants. 

Résumé : Le Droit de la Compliance est une branche du Droit en train de naître. On peut être certain de son existence à travers le droit positif français, par l'examen technique des lois dites "Sapin 2" (2016) et "Vigilance" (2017). Il apparaît comme radicalement nouveau. C'est pourquoi il est ressenti comme une attaque, notamment américaine et l'on utilise le savoir juridique plutôt pour le contrer. Mais si l'on étudie les raisons historiques de son adoption aux Etats-Unis et les "buts monumentaux", à la fois négatifs (ce qui ne doit pas advenir dans le futur) et positifs (ce qui doit advenir dans le futur), l'on mesure que ce Droit, essentiellement Ex Ante pourrait bien être ce par quoi les Autorités politiques éparpillées mais légitimes et les grandes entreprises puissantes mais qui n'ont pas à nous gouverner pourraient faire alliance. Ainsi potentiellement le Droit de la Compliance pourraient être le pire, simple instrument d'obéissance ("conformité" mécanique par avance à toute règle) ou le meilleur : ce par quoi l'on pourrait faire quelque chose face aux problèmes mondiaux de fait, comme l'environnement, ou que nous accepterions de regarder en face, comme le sort d'autrui.

 

Consulter les slides ayant servi de base à cette conférence

18 juin 2020

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Le Droit rêvé de la Compliance, document de travail, juin 2020. 

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Ce document de travail, "Le Droit rêvé de la Compliance", sert de base à un article, "La compliance", inséré dans l'ouvrage collectif à paraître sous la direction de Jean-Baptiste Racine, Le Droit économique du XXIème siècle, dans la collection Droit & Economie, LGDJ-Lextenso, 2020.

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Personne ne peut savoir ce que sera le Droit du XXIième siècle. Prétendre le connaître, c'est juste ne pas réaliser son ignorance. Pourquoi alors écrire à ce propos, puisque le futur est toujours surprenant ?

L'on ne peut écrire que sur la part d'inconnu du Droit de demain. Si l'avenir ensuite se calque sur ce qui fût écrit, alors tant mieux pour le prophète, hommage pouvant, par exemple, ainsi être rendu à Pierre Godé!footnote-1813 qui décrivit en 1999 ce qu'allait être 10 ans plus tard ce "Droit de l'avenir" constitué par le Droit de l'environnement!footnote-1804. Si l'avenir dément l'auteur ou que ses contours ne suivent en rien les lignes de l'écrit, cela n'est pas pour autant grave car l'écriture du Droit, même si elle a pour spécificité d'être en partie prescriptive en ce qu'elle a le pouvoir d'écrire le futur, plume normative qui arrondit les lettres!footnote-1805,  elle participe de toute écriture : être avant tout celle d'un rêve.  

Lévi-Strauss soutenait qu'enseigner se définit comme rêver à voix haute. Enseigner et décrire le Droit d'un siècle que l'on ne connaitra pas donne plus encore la liberté de le rêver. Cette liberté s'accroît lorsque l'objet est une branche du Droit en train de naître, état du balbutiant "Droit de la Compliance" dont certains soutiennent encore , comme on le fît pour le Droit de la Régulation, qu'il n'existe pas. La main peut alors à sa guise en tracer les traits beaux ou hideux : quel visage aura le Droit de la Compliance, dès l'instant  qu'on suppute qu'il existera ?

Il pourra aussi bien être un cauchemar (I) qu'un rêve heureux (II).

C'est à nous de choisir dans quelle catégorie cette branche du Droit va s'épanouir. Car ce dont l'on peut être certain, c'est de cet épanouissement. C'est certes déjà prendre parti que de présupposer l'existence même du Droit de la Compliance. Non pas seulement de le considérer éventuellement avec hostilité car être ennemi de quelque chose ou de quelqu'un c'est déjà reconnaître leur existence. Avant cela, deux objections font radicalement barrage à l'existence même du Droit de la Compliance et leur ombre demeure dans l'avenir de celui-ci!footnote-1809.

En premier lieu, l'on affirme que la Compliance ne relèverait pas du Droit, mais par exemple de la seule éthique puisqu'elle consisterait à bien se tenir dans des entreprises qui se soucient de l'intérêt d'autrui ou de la planète, par exemple par une prise en charge spontanée de l'environnement ; la Compliance étant une cristallisation de la responsabilité sociale, celle pour laquelle l'on a sa conscience, l'on exprime sa raison d'être et l'on ne rend pas de comptes juridiques!footnote-1807.  Ou bien elle consisterait à mettre en place technologiquement des outils de captation d'information technique par des méthodes de stockage et traitement des données. La Compliance est alors une sous-catégorie de la "Régulation par la donnée"!footnote-1814, conception mécanique dans laquelle le Droit n'est pas davantage présent. Dans ces deux perspectives, le Droit de la Compliance ne peut pas exister, pas plus demain qu'il n'existerait aujourd'hui. Ces deux conceptions radicales, confiant entièrement les mécanismes de Compliance à tous sauf à des juristes, n'ont pas de sens car il suffit de constater le développement des jugements et des lois pour mesurer le phénomène juridique déjà présent!footnote-1808

En second lieu, il y aurait bien des mécanismes de Compliance mais insuffisants à constituer une branche du Droit. En effet l'on trouverait de la Compliance en Droit des sociétés, en Droit du travail, en Droit financier, en Droit bancaire, en Droit pénal, en Droit administratif, en Droit européen, en Droit international, etc. 

Ces branches classiques, depuis si longtemps constituées, suivant le point de vue adopté, gagneraient en modernité ou seraient menacées de décadence par cette sorte de prolongement que sera la Compliance. Il y aurait ainsi autant de "petits droits de la Compliance" qu'il y a de branches du Droit. Ces nouveaux développements internes seraient comme un nouveau bourgeon, sur lequel il faudrait apporter des soins - si l'arbre en reprend vigueur - ou mauvaise herbe à éradiquer - si le jardin à la française en perd sa perspective .

Ainsi la matière étant éparpillée en autant que de juristes spécialistes, souvent pénalistes ou spécialistes de droit bancaire et financier, puis demain tous les spécialistes de toutes les branches du Droit, cela pourrait constituer l'obstacle le plus radical à ce que le Droit de la Compliance se constitue en lui-même. En effet, l'on en reviendrait à confondre la Compliance et la "modernisation" du Droit lui-même en son ensemble, puisqu'il ne s'agirait que de parfaire chacune des branches classiques du système juridique.

Si l'on garde dans ce demi-sommeil qu'est toute projection dans l'avenir l'espoir d'une branche du Droit constituée, l'on doit écarter ces deux perspectives d'anéantissement, soit dans l'absence totale de Droit soit dans le recouvrement par tout le Droit. Pour écarter les esprits chagrins qui ne voient aucun avenir à la Compliance et ne garder que ses ennemis dans l'espace de cet article, prenons comme conjecture que le Droit de la Compliance existera au XXIième siècle. Sous quelle forme et par quelles voies, dans la paume de quelles institutions, à l'ombre de quel système juridique ? Puisqu'il s'agit de se projeter sur l'écran noir de nos nuits de juristes rêveurs, ne prenons l'état actuel qu'en tant que film-annonce. Comme celui élaboré par le génie qui par Le mépris non seulement fît descendre dans les flammes de l'enfer le cinéma devenu industrie de consommation dont nous gavent les producteurs mais nous offrit la vision de son avenir. De quoi ce que nous voyons aujourd'hui est-il le film-annonce ? Nous avons laissé aller notre imagination puisque les films-annonces sont des oeuves autonomes par rapport au film qui les suit.

Nous n'avons pas idée de ce qui va advenir et ce que nous regardons des brèves et violentes images actuelles du Droit de la Compliance, dont le cinéma fait plutôt un héros du lanceur d'alerte!footnote-1811 et un personnage de peu d'importance  étriqué et ridicule du compliance officer!footnote-1812nous y aide peu. Mais si l'on force les traits des linéaments présents, l'alternative de ce Droit dans l'enfance est donc celui d'un cauchemar  (I) ou d'une solution idyllique pour des difficultés qui vont s'accroître (II).

Tout dépendra de la conception que l'on retiendra du Droit de la Compliance. Parce que le scénario n'est pas écrit, parce que le Droit de la Compliance est un Droit politique, qu'il se définit par les ambitions que nous pouvons prétendre avoir en fixant des "buts monumentaux" que nous allons atteindre, prétention qui en fera une branche majeure du Droit de demain, ou bien nous pouvons abandonner toute prétention, baisser la tête et les bras, et récuser toute prétention. C'est alors que la puissance du Droit de la Compliance, qui n'en sera pas moins grande, se retournera contre nous, êtres humains, comme dans un cauchemar. 

 
 
1

Mélanges Pierre Godé, ouvrage hors commerce, 2019. 

3

C'est notamment l'idée du mouvement d'analyse de Law & Literature  qui pose qu'en racontant le passé d'une façon ou d'une autre, en l'inventant donc, le Droit, et notamment le Juge, invente le futur et se faisant l'écrit, le crée. Sur ce mouvement qui fût puissant aux Etats-Unis, v. Cabrillac, R. et Frison-Roche, M.-A., Droit et Littérature, à paraître. 

4

V. infra I. Le Droit de la Compliance comme pieuvre cauchemardesque. 

5

Sur le fait que la "responsabilité sociétale" permet de ne pas être juridiquement responsable, v. Supiot, A., Du nouveau au self-service normatif: la responsabilité sociale des entreprises, 2004 ; ce n'est pas le sujet du présent article et cette question ne sera pas développée ici. 

6

V. par exemple, Remplacer la Régulation par la norme par la Régulation par la Donnée, 2020. 

7

V. par exemple Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016 (monographie) ; Le Droit de la Compliance, 2020 (ouvrage). 

8

Sur ce que le cinéma fait du lanceur d'alerte, avec la mise à disposition des bandes-annonces et d'extraits des films, v. Frison-Roche, M.-A., l'introduction de l'article L'impossible unicité de la catégorie des lanceurs d'alerte, 2019. 

9

Frison-Roche, M.-A., ... (retrouver sur LinkedIn). 

24 avril 2020

Publications

This interview was conducted in French with Olivia Dufour, for an article published in French in the digital publication Actualité Juridique.

Its subject is  the confrontation between the current health crisis situation and the Compliance Law. 

 

Summary. After defining Compliance Law, distinguishing the procedural and poor definition and the substantial and rich definition, the starting point is to admit the aporia: the type of health crisis caused by Covid-19 will be renewed and it is imperative to prevent it, even to manage it, then to organize the crisis exit. Public Authorities are legitimate to do so, but because this type of crisis being global and the State being consubstantially linked to borders, States are hardly powerful. Their traditional International Law shows their  limits in this current crisis and one cannot hope that this configulration will improve radically.

In contrast, some companies and markets, notably the financial markets, are global. But the markets are not legitimate to carry out such missions and counting on the generosity of certain large companies is far too fragile in front of the "monumental goal" that is the prevention of the next health crisis, crisis which must never happen.

How to get out of this aporia?

By Compliance Law, basis of, in a literal and strong sense, the "Law of the Future". 

We need to be inspired by the Banking and Financial Compliance Law. Designed in the United States after the 1929 crisis to tend towards the "monumental goal" of the absence of a new devastating crisis in the country and the world,  this set of new legal mechanisms gave duty and power of supervision, regulation and compliance to market authorities and central bankers. These are independent of governments but in constant contact with them. Today, they claim to have as first priority the fight against climate change. Now and for the future, they must also be given the responsibility and the powers to prevent a global health disaster, similar to a global ecological disaster, similar to a global financial disaster. This does not require a modification of the texts because their mandate consists in fighting instability. Stability must become a primary legal principle, of which the fight against monetary instability was only a first example. By the new use that central banks must make of it by preventing and managing health crises, Compliance Law will ensure that the future will be not catastrophic.

14 mai 2019

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., participation à la table-ronde L'officier public ministériel est-il soluble dans la blockchain?, conférence-débat organisée par  Le Club du Droit & le Conseil supérieur du Notariat, 14 mai 2019, Paris.

 

Consulter la présentation générale du colloque.

 

Consulter le document de travail sur la base duquel l'intervention a été faite.

 

Lire le compte-rendu qui en a été fait dans la presse. 

 

Dans cette table-ronde, un professeur d'économie expose la dimension technologique et économique de la blockchain. 

Puis est abordée la dimension juridique, dont l'exposé m'était plus particulièrement confié.

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A ce titre, après avoir replacé la question technique dans ce que doit garder le Droit, à savoir la distinction entre la Personne et les choses, ce que la technologie présentée aujourd'hui comme un ensemble de choses "intelligentes" et "décidantes" remettant en cause...., l'intervention porte sur 4 points (qui sont développés dans le document de travail).

En premier lieu, avant de porter une appréciation sur ce qui est adéquat et sur l'avenir il faut distinguer les fonctions techniques de conservation des actes, de duplication des actes et d'élaboration des actes, la distinction entre negotium et instrumentum n'étant en rien effacée par la technologie des blockchains.

En deuxième lieu, dès l'instant qu'il y a une altération substantielle de l'acte instrumentaire parce qu'un nouveau negotium a eu lieu, parce que les mentions doivent mesurer la reproduction de la réalité de ce qui fut décidé par les parties, l'on n'est plus dans l'acte de conserver et de dupliquer à l'identique, mais dans l'acte d'élaboration. Or, dans l'acte de conservation et de duplication, la blockchain peut être un atout technologique très précieux, en ce qu'à supposer sa fiabilité acquise, l'erreur étant exclue, c'est comme si l'on pouvait produire des originaux indéfiniment. La fiabilité est telle que la distinction entre original et copie n'aurait plus lieu d'être. Mais pour l'élaboration de l'instrumentum au regard du negotium , comment une machine pourrait-elle "dresser" un acte, c'est-à-dire en vérifier son rapport d'exactitude par rapport à la réalité ? Elle ne le peut pas. Seul un être humain le met, l'Etat ayant "déconcentré" son pouvoir de dresser uniléralement des actes (en cela, les notaires sont issus de la même idée de déconcentration....) en exigeant qu'ils vérifient la conformité à la réalité pour que l'incontestabilité soit ensuite attachée aux mentions.

En troisième lieu, il apparaît alors que la blockain est un outil de conservation et de duplication, mais que l'intermédiation d'un tiers de confiance humain vérifiant l'exactitude des mentions est nécessaire si l'on veut par sécurité que ce qui est dit dans l'acte écrit, puis conservé, puis dupliqué, soit la reproduction de la réalité. S'opère alors un choix de politique économique, souvent lié à la culture des pays. L'on peut considérer que le coût de l'intermédiation est élevé et qu'il faut mieux assumer le risque de l'inexactitude des mentions (quant aux parties, à la réalité de leur consentement, à la consistance de l'objet, à l'ampleur des obligations, etc.) et s'assurer ainsi un marché liquide. Le réajustement des actes par rapport à la réalité des choses se fait alors par la crise, qui réinjecte l'information, l'exemple en étant la crise des prêts immobiliers financiarisés des subprimes. C'est le choix anglais et américains. L'on peut préférer la sécurité par l'intermédiation en ralentissant le marché. C'est le choix du droit romano-germanique. Ces options demeurent ouvertes. La technologie du blockchain n'interfère pas, parce qu'elle ne doit pas viser l'établissement des actes. Si elle devait la viser, alors on aurait choisi la liquidité à la sécurité. Ou en termes plus généraux, l'on aurait choisi la Concurrence contre la Régulation. Mais plus que jamais le souci Ex Ante des risques systémiques (et le fossé entre la réalité et les actes qui doivent la transcrire est un risque systémique majeur) est premier. 

En quatrième lieu, en ayant ainsi un tableau des fonctionnalités, l'on voit que les notaires peuvent avoir grand usage des blockchains. Sans laisser des machines établir des actes, ils peuvent les utiliser comme le furent des coffreforts et des photocopieuses, avec une fiabilité et une mise en commun que seul le numérique et la capacité de calcul peuvent offrir à travers cette nouvelle technologie. Plus encore, l'articulation de l'amont (élaboration) et de l'aval (conservation et duplication) étant de nouveau reconnue comme la plus efficace, les officiels ministériels sont les mieux placés, en tant qu'ils dressent des actes instrumentaires dont ils ont vérifié les mentions et après avoir conseillé les parties, à conserver et à dupliquer ceux-ci.

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21 novembre 2018

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Pébereau, M. (dir.), Réformes et transformations, PUF, novembre 2018, 606 p.

 

Présentation de l'ouvrage : Un chômage structurel de 9 %, une dette publique approchant 100 % du PIB, une compétitivité déclinante, des déficits commerciaux quasi structurel : depuis trop longtemps, les indices d'un recul des performances économiques de la France s'accumulent, mettant en danger son modèle social et sa place dans le monde. Une réaction paraît s'être produite à la faveur de la dernière élection présidentielle et les premières mesures opérées par le gouvernement d'Emmanuel Macron et d'Édouard Philippe ont fait la preuve que la réforme était possible. Mais le processus qui doit permettre à la France d'affronter sereinement les défis de la mondialisation et des révolutions technologiques est encore long.

Fruit des communications tenues tout au long de l'année 2017 devant l'Académie des sciences morales et politiques, les vingt-six études réunies dans ce volume n'évitent aucun sujet brûlant : droit du travail, fiscalité, retraite, éducation, etc. Rédigées par les meilleurs spécialistes, sans complaisance ni idéologie, elles posent un diagnostic informé sur nos problèmes et proposent des remèdes pour corriger les handicaps les plus criants en anticipant les enjeux à venir.

La France n'est pas dépourvue de forces vives qui ne demandent qu'à servir, une fois libérées des schémas obsolètes dans lesquels nous les tenons enfermées. Aux citoyens de solliciter et soutenir les efforts de transformation nécessaires. Aux hommes politiques de les engager. La seule ambition de cet ouvrage est de les y aider.

Ce cycle de réflexions de l'Académie des sciences morales et politiques sur les réformes et transformations a été proposé et animé par Michel Pébereau, président de l'Académie en 2017.

 

Consulter la table des matières.

Lire la quatrième de couverture.

 

Consulter l'article de Marie-Anne Frison-Roche, Le système juridique français constitue-t-il un atout ou un handicap pour nos entreprises et nos territoires ?.

 

 

Consulter la présentation du cycle de conférences (2017).

7 décembre 2017

Interviews

Référence complète : FRISON-ROCHE, M.-A., Il faut construire un dispositif européen de compliance, voilà l'avenir !, in Actualité/Entretien, Petites Affiches, propos recueillis par Olivia DUFOUR, n° 244, 7 déc. 2017, pp. 4-6.

 

Entretien donné à propos de la sortie de l'ouvrage Régulation, Supervision, Compliance.

Réponse aux questions suivantes :

  • Quels sont les buts que vous assignez à la Compliance ?

 

  • Que signifient ces deux concepts que vous introduisez : service public mondial et buts monumentaux ?

 

  • Que devient l’État face à une entreprise globale ?

 

  • Que pensez-vous du lanceur d'alerte ?

 

  • Comment est affectée la relation entre l'Europe et les États-Unis ?

 

  • Par la Compliance, les entreprises ne vont-elles pas gouverner le monde ?

 

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Lire l'entretien.