27 octobre 2014

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Une famille à sa main, in La famille en mutation, Archives de Philosophie du droit, Tome 57, Dalloz, 2014, p.249-265.

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La famille est construite sur une idée de base qui est si puissante que le droit s'agence autour d'elle. Mais si le paradigme change, alors toutes les règles changent, avec la force de l'évidence.

Or, dans les années 1970, nous avons changé de paradigme. Antérieurement, pendant des millénaires, l'idée de base a été que la famille est un groupe. Selon le temps ou la période, le groupe a varié dans ses contours, les places attribuées et les pouvoirs conférés aux différents membres, mais l'idée de groupe était acquise. La famille comme groupe s'insérait dans le groupe social, gardé par l'État.

A partir des années 1970, la famille devient le projet élaboré par une personne libre et autonome. Ce projet conçu par une personne désirant construire la famille qui lui convient se concrétise par la rencontre que l'individu fait d'autres individus dont le projet de famille croise le sien. En naissent des familles sur-mesure et poreuse, où chacun entre et sort, suivant les fluctuations des affections, grâce à l'instrument contractuel. Cet ajustement des désirs correspond au modèle du marché. Concrètement le marché de la famille idéale pourvoit à la satisfaction de divers projets tous légitimes puisque voulus. Le lien en est l'affection, le centre en est l'enfant. Le marché offre des prestations nouvelles, que sont le conjoint idéal et plus encore l'enfant idéal, devenu joyau.

L'idée de marché a triomphé.

14 octobre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

La responsabilité est un thème philosophique majeur, qui fonde les sociétés et les personnes. Les personnes irresponsables sont-elles encore des personnes ? Si les animaux accédaient à la personnalité, il faudrait les déclarer aptes à la responsabilité. Classiquement, une personne est responsable parce qu'elle est coupable, conception avant tout religieuse de la responsabilité, qui met au centre la notion de faute. Plus pragmatiquement, c'est aujourd'hui l'engagement qui noue l'obligation de répondre, par exemple l'engagement contractuel d'un assureur. La responsabilité n'est plus alors individuelle mais collective et renvoie à un marché de la responsabilité ou à une prise en charge collective par les pouvoirs publics. Dans une description plus technique, une personne est responsable par sa faute, du fait d'une chose ou du fait d'une personne. Mais si les textes ont jusqu'ici peu bougé dans le Code civil, la jurisprudence a objectivisé le système, développant les deux dernières hypothèses, pour privilégier la fonction réparatrice des responsabilités, y compris pénales et administratives, même si la réparation est symbolique. Les conséquences de la responsabilité sont en effet très diverses. Il peut s'agir aussi bien du remord, qu'il est difficile de demander aux personnes morales mais qu'on exige de ses dirigeants, la punition pour laquelle le droit actuel développe une grande passion, tandis que la réparation devient un souci majeur et se transforme en prévention, dans une société du risque 0.

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12 octobre 2014

Publications

Certains évoquent la "régulation" comme solution pour rendre admissible les conventions de maternité pour autrui, appelées parfois "GPA". Ayant souvent travaillé sur l'idée, les objets et les techniques  du "droit de la régulation", j'écris cette étude pour affirmer qu'il n'est concevable d'appliquer le droit de la régulation en matière de convention de maternité pour autrui.

En effet, quelle que soit l'hypothèse, on ne peut réguler que des situations licites.

Or, les conventions de maternité pour autrui, même si on les imagine faite à titre gracieux, l'enfant étant remis dans un geste de "don magnifique" sont atteintes d'une illicéité absolue.

Celle-ci n'est pas entamée par les techniques de régulation auxquelles certaines songent, qu'il s'agisse d'une régulation "éthique", d'une régulation par des mécanismes ex ante (réglementation et autorité administrative) ou des mécanismes ex post (contrôle du juge). L'exemple britannique le montre.

Ainsi, la régulation est inapplicable et ne peut être appelée pour légitimer les conventions par lesquelles les femmes s'offrent, leur grossesse leur permettant d'offrir leur bébé à la naissance. En effet, le droit défend les personnes, ici les femmes et les enfants, présents et futurs, en les empêchant de se transformer ou d'être transformés en choses.

 

4 octobre 2014

Blog

Un couple divorce. L'enfant a sa résidence habituelle chez le père (ce que l'on continue le mécanisme de "garde").

La mère de l'enfant, alors âgée de 8 ans, ouvre à celle-ci un compte FaceBook.

Au bout de quelque temps, le père saisit le Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour obtenir la fermeture de ce compte.

Le juge ne le déboute pas, en estimant que cela ne relève pas de son office.

Au contraire, il y procède, en estimant  qu'il est de l'intérêt de cette enfant qu'elle ne dispose plus d'un compte FaceBook, en ce que celui-ci a contribué à la "désocialiser".

Cela justifie donc pour les juges de première instance, comme pour les juges d'appel dans leur arrêt du 2 septembre 2014, qu'un ordre soit donné à la mère de l'enfant de fermer immédiatement le compte.

25 septembre 2014

Blog

J'écoutais la radio dans le taxi en sortant de mon cours.

Les journalistes parlent sur toutes les ondes ce qui serait un "arrêt" rendu par la Cour de cassation. Celui-ci aurait admis l'efficacité en France de la procréation médicalement assistée (P.M.A.), lorsque l'une des femmes d'un couple lesbien l'a réalisée à l'étranger, sa conjointe voulant procéder par la suite à l'adoption de l'enfant.

Les journalistes affirment que l'arrêt est justifié par "l'intérêt supérieur de l'enfant" et qu'il "tire les conséquences de la loi du 17 mai 2013". Les journalistes expliquent que l'arrêt est conforme au Code civil et aux engagements internationaux de la France.

Cela suffit à écarter la prohibition du droit français de recourir à la P.M.A. par convenance, sans constat d'une stérilité médicalement constatée.

Rentrée à mon bureau, j'écoute les médias sur lesquels l'information repasse en boucle et je vais chercher le document.

Il ne s'agit en rien d'un arrêt, mais de deux avis, que les journalistes n'ont pas lus. En revanche, ils ont lu le "communiqué" que la Cour a diffusé dans toutes les salles de rédaction, qui exprime la philosophie de ce qui est présenté comme une décision. C'est de ce communiqué qu'est tirée cette sorte d' "auto-commentaire" que la Cour fait de ses avis, pourtant si laconiques, selon lequel sa position est conforme au droit interne et international de l'adoption.

En revanche, les deux avis, qui se réduisent à une phrase, ne contiennent aucune discussion et ne développent aucun motivation. Dans l'unique phrase, il est posé  : il suffit désormais que le droit de l'adoption soit respecté et que l'intérêt de l'enfant ne soit pas contrarié pour que le non-respect du droit français par la pratique des adultes ne fasse pas obstacle à l'établissement de la filiation de l'enfant.

Par un simple avis, à peine motivé, la Cour anéantit et la loi et sa propre jurisprudence.

Sous l'Ancien Régime, l'on connaissait les arrêts de règlement. Nous connaissons désormais les "avis de règlements".

 

Lire les avis de la Cour de cassation du 22 septembre 2014

Lire les conclusions de l'avocat général.

 

 

11 septembre 2014

Blog

La Cour européennes des droits de l'Homme a condamné la France par deux arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassées c/ France. Certains en ont immédiatement déduit que la France devait transcrire sur l'état civil une filiation entre l'enfant issu d'un contrat de maternité pour autrui (que beaucoup appellent G.P.A.) et les personnes qui l'ont commandité (qui se désignent eux-mêmes comme "parents d'intention" et que d'autres appellent "acheteurs de bébé").

Pour l'instant, l'Etat français n'a pas fait appel.

Mais a-t-on prêté attention à l'arrêt rendu moins de 15 jours plus tard, à propos de l'Etat belge ?

Dans l'arrêt du 8 juillet 2014, D. et autres c/ Belgique, la Cour semble prendre le contrepied de ce qu'elle a elle-même dit. Il faut dire que cela n'est pas la même section qui a rendu la décision. Mais ici, la décision est définitive.

L'arrêt, qui ici rejette la requête formée contre l'Etat belge par le couple ayant commandé le bébé à une jeune ukrainienne, est au contraire extrêmement sévère pour les commanditaires et pour l'enfant !

Comment comprendre cela ?

Alors que les arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassée c/ France, rendus une autre section de la même Cour ont condamné l'Etat français en donnant satisfaction au couple qui avait commandé le bébé à une jeune californienne ...

Une Cour schizophrène ?

6 juin 2014

Base Documentaire : Doctrine

19 mai 2014

Publications

Référence complète : Abécassis, Éliette et Frison-Roche, Marie-Anne, Monsieur le Législateur, n'organisez pas l'effacement pour l'enfant de sa mère ou de son père, Huffington Post, 19 mai 2014

Une proposition de loi d'origine parlementaire a pour objet d'établir le statut du "beau-père" et d'organiser l'autorité parentale. Dans son article 11, il est prévu, à la lumière de l'exposé des motifs que lorsque les parents sont séparés, si l'un meurt, le juge peut prendre en considération l'impératif de "stabilité de l'enfant" pour le confie à son "beau-parent", son "parent social", plutôt qu'à l'autre parent, même si celui-ci avait l'autorité parentale. Cet effacement du parent de l'enfant, alors même que celui-ci vient de perdre l'autre parent, au profit de celui que l'on imagine comme un "parent social" est destructeur de l'enfant. L'enfant n'est plus qu'un jouet, à disposition des "droits" des beaux-parents. Les parents sont rétrogradés à être "parents biologiques". C'est inadmissible. Il faut absolument que le Législateur ne recopie pas une telle disposition qui lui est ainsi proposée.


Lire l'article,

27 février 2014

Base Documentaire : Doctrine

Chénedé, F., Les arrêts Mennesson et Labassée ou l'instrumentalisation des droits de l'homme, Recueil Dalloz, 2014, (31), pp. 1797-1805.

 

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive dossier " Bibliographie_Maternité de substitution"

 

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 17 octobre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Le cours a trait à la troisième Grande Question du Droit qui porte sur le juge. Il se concentre plus particulièrement sur la fonction politique et sociale de celui-ci, la question plus technique du procès et du jugement faisant l’objet du cours ultérieur. En ce qui concerne la fonction politique et sociale du juge, celui-ci apparaît tout d’abord comme un instrument de rappel à la légalité. En cela, il est un instrument de réalisation de la loi, d’autant plus s’il s’agit d’un juge pénal ou administratif, où l’intérêt général et l’ordre public interviennent. L’autre fonction du juge est de mettre fin au litige entre les personnes, ce qui est l’office traditionnel du juge civil. Mais l’intérêt général est également présent dans le droit privé et l’on cherche aujourd’hui en toute matière à développer les modes alternatifs de règlement des litiges.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 8 novembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Le système probatoire est construit sur la détermination de qui prouve, quoi prouver, comment prouver et quelle recevabilité s’impose aux moyens de preuve. Une fois exposé le système probatoire, peut être étudiée la quatrième question du droit : la personne. Est ici analysée son aptitude à être responsable, la responsabilité ayant pu être analysée comme ce par quoi l’être humain est hissé au niveau de la personnalité. L’on distingue la responsabilité pour faute et la responsabilité pour la garde d’une chose ou d’une personne. Jadis centré sur la personne du responsable, le droit se soucie désormais davantage des victimes.

14 mars 2013

Base Documentaire : Doctrine

19 juin 1999

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, L’injustice racontée aux enfants. De la littérature au droit, in L’avenir du droit, Mélanges François Terré, Dalloz-PUF-Jurisclasseur, 1999, pp.199-208.

Marcel Aymé écrivit une nouvelle : "Classes A et B". Il y narre un conte dans lequel des enfants, certes coupables d’une espiéglerie, sont pourtant victimes d’une injustice de la part du professeur, car celui-ci décrète un enfant coupable, sans preuve, par pur préjugé. Un tel écrit peut être analysé selon la méthode du mouvement "Droit et littérature".

Accéder à l'article.

 

Lire le résumé de l'article ci-dessous.

13 février 1930

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Certains doutent encore que la jurisprudence puisse être "source de droit"...

Il suffit de lire "l'arrêt Jand'heur" pour mesurer le pouvoir créateur d'une jurisprudence.

Par cet arrêt de principe, auquel le système juridique français accroche pas formellement de force obligatoire, les Chambres réunies de la Cour de cassation ont posé, par une interprétation littérale de l'article 1384,al.1 du Code civil, qu'il n'est pas nécessaire d'être fautif pour être responsable.

Il faut mais il suffit d'être "gardien" de la chose qui cause à autrui un dommage.

Ainsi, pour que la petite fille renversée par un camion puisse voir ses soins médicaux pris en charge financièrement, les juges ont établi le système de la responsabilité "du fait des choses", qui est une responsabilité sans faute.