Matières à Réflexions

1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 

 Référence complète : S. Lochmann, "Les agences de notation ESG et l'effectivité de la compliance face à la compétitivité internationale", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 401-412.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Cet article a pour objet de montrer que les marchés, ceux qui y apportent des financements et ceux qui y puisent ceux-ci ayant besoin d'information sur la dimension environnementale, sociale et de gouvernance des entreprises impliquées, les agences de notations ESG sont des entreprises qui concourent à la performance globale du système et convergent aux buts monumentaux qui animent le Droit de la Compliance.

Dans cette perspective et prenant comme exemple concret Moody's, l'article expose tout d'abord le rôle joué par une agence de notation ESG et sa méthodologie d'évaluation, notamment les critères retenus la façon dont les entreprises informent les marchés et les parties prenantes en la matière, notamment à propos du climat, convergeant en cela avec les Autorités publiques et avec les différents textes internationaux, traités et textes de droit souple qui se succèdent. 

Cette convergence entre l'activité des agences de notation ESG et le Droit de la compliance en ce qu'il s'organise normativement autour de Buts Monumentaux est particulièrement marqué dans l'organisation d'une "transition juste", l'activité de l'agence s'insérant dans la construction des textes européens. Il apparaît ainsi que l'écosystème de l'investissement ESG est en pleine évolution, impliquant une pleine collaboration entre tous les participants de l'industrie du financement pour un financement durable et, in fine, la permanence de la démocratie. 

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1 septembre 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : F. Marty, "L'apport des programmes de conformité à la compétitivité internationale : une perspective concurrentielle", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, coll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p. 381-400.

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : L'auteur analyse économiquement la question de savoir si les programmes de conformité mis en place pour le respect des règles de concurrence le sont dans le seul but d'éviter la sanction ou bien participent aussi au but d'accroître la performance économique internationale des entreprises qui s'y soumettent. 

L'auteur expose que les entreprises intègrent par duplication des normes extérieures pour minimiser le risque de sanctions, développant une "culture de compliance", ce qui produit un accroissement de leur compétitivité et de l'effectivité du système juridique et économique. En outre, cela diminue le coût de l'investissement, ce qui accroît l'attractivité de l'entreprise.

En cela, cette présentation reposant sur le postulat de la rationalité des entreprises et des investisseurs, les programmes de conformité peuvent relever de l'autorégulation. La duplication du droit qu'ils opèrent s'opèrent en grande partie selon des méthodes de type "procédural". 

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7 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

 

6 juillet 2022

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. d'Avout, "L'arbitrabilité sous condition : réflexions au départ de l'antitrust", in C. Lemaire & F. Martucci (dir.), Liber Amicorum Laurence Idot. Concurrence et Europe, vol. I, préf. C. Lemaire & F. Martucci, avant-propos B. Lasserre, Concurrences, 2022, pp. 177-192

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "À travers l'arbitrabilité, l'on répond en principe de façon binaire à la question de l'admissibilité du règlement privatisé d'un litige. Ce concept juridique permet-il également de restreindre les marges de manœuvre des arbitres internationaux dans l'exercice de leur mission juridictionnelle, par une admission de l'arbitrage subordonnée au respect d'un régime juridique donné (loi étatique, convention internationale, etc.) ? Une réponse positive peut être formulée dans certains cas, moyennant l'étude des liens entre la règle d'arbitrabilité et le contrôle étatique subséquent des sentences arbitrales. Lorsque le contrôle de compatibilité des sentences est effectué non seulement au regard de principes mais aussi de certaines règles internationalement impératives, telles celles du droit de la concurrence, l'on peut conclure en amont à la subordination de l'arbitrabilité du litige au respect de ces règles. Une corrélation ou un lien causal, apparaît ainsi (ou est susceptible d'apparaître), dans certains secteurs économiques sensibles, entre la définition par les collectivités publiques des litiges susceptibles d'être arbitrés, l'encadrement consécutif de la mission du juge privé choisi par les parties et le contrôle, ultérieur par les juges étatiques, de l'admissibilité du produit de cette justice privée. Ce lien causal exprime une arbitrabilité de type conditionnel qui, loin de fragiliser le règlement privatisé des litiges internationaux, oeuvre au contraire à l'insertion cohérente de l'arbitrage dans le système plus général du contentieux transnational.".

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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5 juillet 2022

Interviews

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., entretien avec Olivia Dufour, « La Cour suprême a déclenché la bombe de la sécession. Que faire ? »5 juillet 2022.

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 Lire l'entretien 

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💬 Entretien mené à propos du sens, de la valeur et de la portée système de l'arrêt Dobbs v. Jackson rendu par la Cour suprême des Etats-Unis le 24 juin 2022.

 Présentation de l'interview par Olivia Dufour : Alors que l'arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022 de la Cour suprême des Etats-Unis sur l'avortement n'en finit pas de susciter l'émotion, déjà d'autres droits fondamentaux menacent de perdre leur qualité de droit constitutionnel fédéral. A commencer par le mariage homosexuel. Mais ce n'est pas la seule conséquence de cette nouvelle jurisprudence ultra-conservatrice. Pour le professeur Marie-Anne Frison-Roche, ce qui s'apparente à un "suicide institutionnel" de la part de la Cour a déclenché un mouvement de sécession. En d'autres termes, les Etats-Unis sont en passe de se désunir. Pour autant, rien n'est perdu. Explications. 

Les questions posées étaient les suivantes : 

Actu-Juridique : L'arrêt de la Cour suprême américaine sur l'avortement a beaucoup ému en France. En réalité, cela ne semble être que le début d'un mouvement de fond. Qu'en est-il ❓ ?  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Qu'est-ce que cette conception originaliste qui semble désormais être celle de la Cour suprême 'arrêt de la Cour suprême américaine sur l'avortement a beaucoup ému en France. En réalité, cela ne semble être que le début d'un mouvement de fond. Qu'en est-il ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : On comprend donc que l'avortement n'ayant pas été envisagé au XIX siècle, il ne peut pas être protégé par la Constitution au XXIème siècle❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Cela engendre donc un séisme dépassant de loin les seules conséquence d'un revirement de jurisprudence ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : C'est donc en vertu de cette logique que le port d'arme est qualifié, contrairement au droit à l'avortement, de droit constitutionnel à valeur fédérale ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Est-ce également cette nouvelle logique qui a présidé à l'arrêt du 30 juin 2022 sur la lutte contre les gaz à effet de serre ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : En quoi l'arrêt sur l'avortement peut-il bouleverser les Etats-Unis ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Actuellement, l'opinion semble à la fois sidérée et impuissante, faut-il se résoudre à voir prospérer cette nouvelle jurisprudence ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : En France, cet arrêt a suscité la crainte que l'avortement ne soit remis en cause ici aussi et certains réclament l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution. Est-ce une bonne idée ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Mais alors que faire pour protéger le droit à l'IVG en France ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique : Revenons aux Etats-Unis, comment empêcher que la Cour suprême ne revienne sur le caractère fédéral de nombreux droits ? Le Congrès pourrait-il intervenir ❓  

🔑Réponse MaFR

 

Actu-Juridique :Une telle situation pourrait-elle se produire en Europe ❓  

🔑Réponse MaFR

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5 juillet 2022

Aventures de l'Ogre Compliance

29 juin 2022

Interviews

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Droit à l’avortement : « Le processus de sécession est dans la décision » , Entretien avec Laurence Neuer, Le Point, 29 juin 2022.

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💬 Lire l'entretien

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29 juin 2022

Compliance : sur le vif

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Seuls les droits subjectifs techniques ne sont pas touchés par l'arrêt Dobbs: c'est sur eux qu'il faut construire une nouvelle théorie de l'entreprise, 29 juin 2022.

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Introduction de l'article : Tout d'abord il y a deux types de réaction possible face à un événement critiquable. Elles peuvent se cumuler mais chacune prend de l'énergie. Soit critiquer l'événement condamnable (puisqu'il est critiquable, renforçant ainsi la mauvaise opinion que l'on a de lui) ; soit en limiter la portée (puisqu'il est critiquable, autant faire en sorte qu'il ait le moins d'effet possible).

Que l'arrêt Dobbs v/ Jackson rendu le 24 juin 2022 par la Cour suprême des Etats-Unis soit critiquable, tout le monde en est à peu près d'accord. Des centaines de commentaires vont dans ce sens ; des milliers de réactions vont dans ce sens. L'on peut continuer à le critiquer. Cela renforce l'opinion que l'on a déjà. Cela prend de l'énergie.

Peut-être vaut-il mieux utiliser son énergie à limiter la portée de cet arrêt. Mettre son énergie dans cet effort-là. Or cet effort en requiert beaucoup. Donc puisqu'il est acquis que cet arrêt est critiquable, concentrons-nous sur les moyens pratiques d'en limiter la portée.

L'on songe à modifier le Droit français en inscrivant le droit à l'avortement dans la Constitution (I). Mais si l'on revient aux Etats-Unis, car l'arrêt de la Cour suprême n'a pas de portée sur le Droit constitutionnel français, il faut mesurer que tous les droits subjectifs "politiques" non-ancrés dans "l'histoire américaine" sont touchés par l'arrêt du 24 juin 2022, la portée de l'arrêt allant bien au-delà du droit à l'avortement (II). La Cour est donc délivrée de la totalité de sa propre jurisprudence, ce que ne sont pas les cours constitutionnelles européennes, et c'est en cela que l'arrêt est catastrophique car non seulement il touche tous les droits subjectifs "politiques", mais il efface toute la jurisprudence de la Cour concernant les droits subjectifs "politiques" que l'on pourrait dire "nouveaux" (III). Plus encore, trois jours après, la Cour suprême a rendu un arrêt concernant un droit politique ancré dans l'histoire américaine, le droit à la liberté d'expression, qu'elle a interprété très largement, pour bloquer le licenciement d'un enseignant sportif d'une école publique qui faisait des prières sur le terrain de sport, procédant ainsi à un revirement de jurisprudence. La Cour ne serait donc pas non plus liée par sa jurisprudence sur les droits subjectifs politiques ancrés historiquement, pouvant les interpréter d'une façon conservatrice, sans "conserver" l'interprétation "progressiste" que la Cour en avait faite (IV). La solution serait donc de travailler sur ce qui reste : les droits subjectifs non-politiques : or, ce sont des droits auxquels les juristes conservateurs, qui dominent la Cour, sont attachés parce qu'ils sont liés à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre. Ils seront en mauvaise position pour les restreindre. Cela désigne ceux qui vont devoir, et pouvoir, défendre les femmes, et plus généralement les êtres humains, aux Etats-Unis : les entreprises (V).

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Lire les développements de l'article ⤵️

 

27 juin 2022

Compliance : sur le vif

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Une alliance entre les entreprises et les Régulateurs (= Droit de la Compliance) peut limiter la portée catastrophique de l'arrêt de la Cour suprême, 27 juin 2022. 

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Nul ne conteste l'importance de l'arrêt rendu par la Cour suprême. La critique en est presque unanime.

Reconnaissons aussi ses mérites : il est clairement et solidement motivé. Plus une décision est catastrophique et plus il est important qu'elle exprime clairement son sens, sa valeur et sa portée : c'est ce qu'a fait la Cour suprême. Celle-ci aurait pu avancer masquée. Non seulement elle a décidé franchement mais l'opinion de Justice Clarence Thomas a formulé clairement la portée de l'arrêt.

Il faut en savoir gré à la Cour car cela permet de réfléchir dès maintenant à ce qui va permettre de contrer la portée systémique contenue clairement dans l'arrêt (I). Gémir et protester ne fait qu'accroître son effet systémique catastrophique (II). Il faut plutôt techniquement réfléchir à accroître la catégorie des droits subjectifs de nature non-politique (IV) et faire intervenir les entreprises en ce, par le Droit de la Compliance, elles sont en charge de concrétiser des droits subjectifs de nature politique (V), la portée globale du Droit de la Compliance montrant une nouvelle fois toute sa puissance et son considérable intérêt (VI).

I. UN ARRET QUI A LE MERITE DE LA CLARTE, Y COMPRIS DANS SA PORTEE

En effet, l'arrêt distingue clairement les droits subjectifs (c'est-à-dire les prérogatives dont sont titulaires les personnes) qui ont une dimension politique et ceux qui n'en ont pas. Pour les premiers, il estime que les auteurs de la Constitution ont voulu que ce soit la volonté des Etats fédérés qui prévalent et que la Cour ne peut pas les déposséder de ce pouvoir politique.

Ainsi le droit subjectif à l'avortement est un droit subjectif de nature politique. C'est donc à chaque Etat des Etats-Unis de décider s'il le donne ou s'il ne le donne pas, puisque ce qui fait naître ce droit subjectif est une décision politique. Par exemple la Californie va continuer à le donner et le Missouri ne va pas le donner. Et la Cour suprême ne s'en mêlera pas. C'est pourquoi, immédiatement, le gouverneur de Californie a réaffirmé que le droit à l'avortement serait effectivement protégé dans l'Etat de Californie et que l'Etat du Missouri a annoncé son abrogation dans le Missouri.

Mais le droit subjectif à l'avortement n'est qu'un exemple. La portée de cet arrêt est immense car tous les droits subjectifs de nature politique sont concernés et Justice Clarence l'a dit clairement. Ainsi le droit au mariage qui bénéficie aux homosexuels est un droit subjectif de nature politique. Les Etats vont pouvoir l'attribuer ou ne pas l'attribuer, le conserver ou le retirer. La jurisprudence de la Cour suprême qui avait élevé ce droit à une valeur fédérale, ôtant un tel pouvoir aux Etats, est d'ores et déjà caduque.

Il n'en sera différemment que si les Constituant ont expressément visé dans le texte même de la Constitution un droit subjectif : par exemple le droit de vote ou le droit de porter des armes. C'est pourquoi l'arrêt de la Cour suprême qui déclare contraire à la Constitution la loi de l'Etat de New-York limitant le port d'arme était avant-coureur de cet arrêt plus général, car c'est le même raisonnement.

C'est donc l'ensemble des droits subjectifs qui font être revus.

C'est clair et c'est net.

Merci à la Cour de n'avoir pas dissimulé la portée catastrophique de son arrêt, d'en avoir donné le sens, la valeur et la portée.

La portée en est catastrophique parce que systémique : les Etats vont - et ils le font déjà - se séparer suivant la conception politique qu'ils ont de tel ou tel sujet (les armes, les femmes, les discriminations, le travail, les étrangers, etc.) et la population vivant aux Etats-Unis va migrer entre les Etats : les Etats vont se désunir.

Le processus de Sécession est dans l'arrêt.

Sans doute l'arrêt a-t-il été adopté pour cela.

II. LES GEMISSEMENTS ET LES CRITIQUES ACCROISSENT LA PORTE CATASTROPHIQUE DE L'ARRET

L'on peut gémir sur le sort des victimes de cet arrêt, et elles sont très nombreuses. L'on peut vouer aux gémonies les auteurs de cet arrêt.

Mais cela ne sert à rien (c'est vrai que cela soulage).

Car plus la critique des auteurs et la frayeur des victimes sera grande et plus la sécession va s'opérer rapidement : c'est ce que veulent ceux qui ont inspiré cet arrêt, puisque les victimes vont migrer dans les Etats qui protègent les droits de nature politique, les autres vont migrer dans les Etat qui les annihilent, les Etats-Unis vont s'isoler du monde extérieur (notamment dans sa relation avec l'Europe).

Il faut plutôt réfléchir à quoi faire pour arrêter cet effet systémique.

Il y a deux voies pour cela : réfléchir sur ce que sont les "droits subjectifs de nature politique" pour dégager ceux qui ne le sont pas et qui ne sont donc pas dans la main des Etats fédérés (III) ; concernant les "droits subjectifs de nature politique", mettre en valeur que, par le Droit de la Compliance défini substantiellement par ses Buts Monumentaux, les entreprises cruciales ont pour fonction de défendre par leurs propres forces les droits subjectifs des personnes, en incorporant la dimension politique de ceux-ci, en alliance avec les Autorités publiques (IV). C'est là que l'on redécouvre, comme en matière de climat, que la nature globale du Droit de la Compliance, est son atout le plus précieux et qu'il faut arrêter de critiquer son "effet extraterritorial".

 

III. LA VOIE PAR LA NOTION MEME DE "DROITS DE NATURE NON POLITIQUE", NE RELEVANT DONC PAS DU POUVOIR POLITIQUE EXCLUSIF DES ETATS

Si les droits subjectifs de nature politique ne sont plus protégés par la Cour suprême, sauf à être écrits noir sur blanc dans la Constitution américaine ou avoir été dans l'esprit des pères-fondateurs, a contrario les droits subjectifs de nature non-politique peuvent continuer de l'être par la Constitution quand bien même ils n'ont pas été dans l'esprit des pères fondateurs (car l'on peut penser que les deux conditions sont cumulatives).

En effet, c'est en raison de cette "nature politique" que les Etats fédérés ont le pouvoir de les dessiner à leur guise, de les attribuer ou non, de les récuser, etc. Mais s'il s'agit de droits subjectifs de nature non politique, alors les Etats fédérés n'ont pas un pouvoir politique exclusif sur eux : cette règle juridique de principe relève de la tautologie.

Avoir affirmé que le droit à l'avortement était un droit de nature politique était soutenable mais n'était pas indiscutable. si cela n'avait pas été discuté, c'est parce qu'on ne connaissait pas encore le raisonnement qui désormais va conduire la Cour suprême.

Puisqu'elle a, par son arrêt fondateur, donné la summa divisio, qui doit la tenir et valoir pour elle précédent et guide pour le futur, l'enjeu est de sortir le plus possible de droits subjectifs de la catégorie des droits subjectifs de dimension "politique" pour les faire rentrer dans la catégorie des droits subjectifs de dimension "non politique".

L'on peut penser que par nature un droit subjectif n'est pas de nature politique (il doit être présumé comme tel) et que c'est celui qui prétend qu'un droit subjectif est de nature politique qui doit démontrer cette nature-là.

Avant même cet exercice de charge de preuve, qu'il sera bon de rappeler à chaque fois néanmoins, il faut dès maintenant mettre en catégorie les droits subjectifs selon cette summa divisio.

Il faut le faire rapidement et immédiatement prendre branche du Droit par branche du Droit, décomposer et lister pour soutenir que les droits subjectifs en cause ne sont pas politiques.

La Cour suprême, en raison de sa composition, va avoi tendance à classer comme non politiques, les droits subjectifs qui lui plaisent, afin de leur conférer une protection constitutionnelle (comme les droits subjectifs en matière de contrat et en matière de concurrence) et à classer comme politiques les droits subjectifs qui ne lui plaisent pas, afin de permettre aux Etats dominés par les conservateurs de détruire toute protection (face à quoi elle pourra dire que, désolé, elle ne peut s'en mêler, comme les droits subjectifs en matière de droit des personnes).

Or, comme cela a été souligné (M.-A. Frison-Roche, et J.-C. Roda, Droit de la concurrence, Précis Dalloz, 2022), les droits subjectifs en Droit de la concurrence sont très souvent de nature politique. La Cour suprême qui va vouloir les protéger - car elle est très pro-entreprises, va être amenée à élargir la catégorie des droits subjectifs qualifiés de non-politiques à des prérogatives qui le sont en réalité. Cela sera également le cas pour les prérogatives concernant les licenciements, etc., et tout ce qui tourne autour de la liberté contractuelle. Ainsi, via le Droit économique, la catégorie même des "droits subjectifs à dimension non-politique" ayant valeur constitutionnelle peut s'accroître et par ricochet bénéficier aux personnes dans des situations non directement économiques.

Cet exercice de mise en catégories. Une question technique et il faut construire immédiatement un corpus clair pour que face à cela, qui est clairement acquis, il y est une classification qui entrave cette stratégie juridique.

Par ailleurs, l'on peut agir au sein même de cette catégorie des droits subjectifs de nature politique.

IV. LA VOIE PAR L'AFFIRMATION DE LA PRISE EN CHARGE DES "DROITS DE NATURE POLITIQUE" PAR LES ENTREPRISES : LE DROIT DE LA COMPLIANCE

Le Droit de la Compliance est défini, dans sa définition riche, comme ce qui vise à concrétiser les droits fondamentaux des personnes. En cela, ceux-ci constituent le But Monumental du Droit de la Compliance, qui constitue la définition même de cette nouvelle branche du Droit.

🔴M.-A. Frison-Roche, Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in Les outils de la compliance, 2021

🔴M.-A. Frison-Roche, Les buts monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance, in Les buts monumentaux de la compliance2022.

Dans ce sens, les entreprises, soit par force parce que les Autorités publiques l'exigent, soit de gré parce que cela correspond à leurs valeurs et à leurs propres finalités (éthique, RSE, entreprises à mission) ont pour mission de rendre effectifs les droits des personnes.

Ce sont elles qui peuvent et doivent intervenir pour édicter, défendre et concrétiser les droits des personnes, non seulement leurs employés et les personnes dont elles répondent, mais encore les parties prenantes.

 

V. L'ALLIANCE ENTRE LES ENTREPRISES CRUCIALES ET LES AUTORITES PUBLIQUES

Pour cela, les entreprises, qui ne sont pas légitimes à régenter le monde, doivent faire alliance avec les Autorités publiques, notamment les autorités de régulation et de supervision.

Les Autorités publiques de régulation et de supervision ont elles-mêmes développé des activités d'information et de pédagogie, au cœur de leur activité régulatrice, qui peut ainsi converger avec l'activité de Compliance des entreprises.

En effet, puisque les droits subjectifs de nature politique sont méconnus, c'est en termes de "culture commune" et d'éducation que la question doit être prise.

🔴M.A. Frison-Roche, La formation, contenu et contenant du Droit de la Compliance, 2021.

 

VI. LA PORTEE PAR NATURE GLOBALE (DITE "EXTRATERRITORIALE") DU DROIT DE LA COMPLIANCE

Cette intervention des entreprises est d'autant plus adéquate que le Droit de la Compliance en a fait depuis la naissance de cette branche du Droit des sujet de droit en tant qu'elles sont "en position" de faire quelque chose.

Or, ici, c'est exactement le cas : les entreprises sont en position de faire quelque chose, et pas seulement les entreprises américaines. Toutes les "entreprises cruciales" peuvent agir.

Elles vont pouvoir agir d'une façon globale, en alliance avec les Autorités publiques qui les supervisent.

Et l'on va enfin reconnaître que l'effet extraterritorial du Droit de la Compliance, que l'on a tant critiqué à propos d'un sujet pourtant limité (les embargos) est ce qui rend cette branche du Droit si adéquate pour le mouvement dramatique que l'arrêt de la Cour suprême vient d'enclencher.

Cela montre que le mouvement amorcé pour renouveler le rapport avec le principe de Souveraineté vient de trouver un puissant accélérateur, en se détachant, non pas des Autorités publiques, mais des Etats.

🔴M.-A. Frison-Roche, Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, 2022.

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15 juin 2022

Publications

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A.., La dynamique des Buts Monumentaux du Droit de la Compliance, in M.-A. Frison-Roche (dir.), Les buts monumentaux de la Compliance, série "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2022, p.1-19.

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► Résumé de l'article :  Cet article constitue la postface du livre Les buts monumentaux de la Compliance.

Il a pour objet de montrer la cohérence du livre, en ce que les Buts Monumentaux eux-mêmes donnent par leur normativité une unicité au Droit de la Compliance, ce qui confère à celui-ci simplicité et force. 

Restituant chacune des contributions et les articulant toutes dans une démonstration d'ensemble, il met en valeur cette unicité des mécanismes de Compliance qui rejoignent la fonction première du Droit : la protection des êtres humains, maintenant et à l'Avenir.

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 lire l'ensemble des présentations des contributions de Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage :

📝 Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance

📝 Définition du Principe de Proportionnalité et Définition du Droit de la Compliance 

📝 Rôle et place des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise 

📝 Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale

📝Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance

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Cet article est en libre-accès.

Lire l'article⤵️

4 mai 2022

Base Documentaire : Soft Law

► Référence générale : Haut Comité juridique de la place financière de Paris, Rapport sur l'extraterritorialité du Droit de l'Union européenne, mai 2022.

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📓Lire le rapport

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14 avril 2022

Publications

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 Référence complète :  Frison-Roche, M.-A., Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance, in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Les buts monumentaux de la Compliance, collection "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, à paraître.

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 lire le document de travail sur lequel cet article est basé

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 Résumé de l'article : L'on peut définir cette branche du droit comme l'ensemble des procédés obligeant les entreprises à donner à voir qu'elles respectent l'ensemble des réglementations qui s'appliquent à elles. L'on peut aussi définir cette branche par un cœur normatif : les "buts monumentaux". Ceux-ci permettent de rendre compte du droit positif nouveau, rendu ainsi plus clair, accessible et anticipable. Ils reposent sur un pari, celui du souci de l'autre que les êtres humains peuvent avoir en commun, forme d'universalité. 

Par les Buts Monumentaux, apparaît une définition du Droit de la Compliance qui est nouvelle, originale et spécifique.  Ce terme nouveau de "Compliance" désigne en effet une ambition nouvelle : que ne se renouvelle pas à l'avenir une catastrophe systémique. Ce But Monumental a été dessiné par l'Histoire, ce qui lui donne une dimension différente aux États-Unis et en Europe. Mais le cœur est commun en Occident, car il s'agit toujours de détecter et de prévenir ce qui pourrait produire une catastrophe systémique future, ce qui relève de "buts monumentaux négatifs", voire d'agir pour que l'avenir soit différent positivement ("buts monumentaux positifs"), l'ensemble s'articulant dans la notion de "souci d'autrui", les Buts Monumentaux unifiant ainsi le Droit de la Compliance. 

En cela, ils révèlent et renforcent la nature toujours systémique du Droit de la compliance, comme gestion des risques systémiques et prolongement du Droit de la Régulation, en dehors de tout secteur, ce qui rend disponibles des solutions pour les espaces non-sectoriels, notamment l'espace numérique. Parce que vouloir empêcher le futur (faire qu'un mal n'advienne pas ; faire qu'un bien advienne) est par nature politique. Le Droit de la Compliance concrétise par nature des ambitions de nature politique, notamment dans ses buts monumentaux positifs, notamment l'égalité effectif entre les êtres humains, y compris les êtres humains géographiquement lointains ou futurs. 

Les conséquences pratiques de cette définition du Droit de la Compliance par les Buts Monumentaux sont immenses. A contrario, cela permet d'éviter les excès d'un "droit de la conformité" visant à l'effectivité de toutes les réglementations applicables, perspective très dangereuse. Cela permet de sélectionner les outils efficaces au regard de ces buts, de saisir l'esprit de la matière sans être enfermé dans son flot de lettres. Cela conduit à ne pas dissocier la puissance requise des entreprises et la supervision permanente que les autorités publiques doivent exercer sur celles-ci. 

L'on peut donc attendre beaucoup d'une telle définition du Droit de la Compliance par ses Buts Monumentaux. Elle engendre une alliance entre le Politique, légitime à édicter les Buts Monumentaux, et les opérateurs cruciaux, en position de les concrétiser et désignés parce qu'aptes à le faire. Elle permet de dégager des solutions juridiques globales pour des difficultés systémiques globales a priori insurmontables, notamment en matière climatique et pour la protection effective des personnes dans le monde désormais numérique où nous vivons. Elle exprime des valeurs pouvant réunir les êtres humains.

En cela, le Droit de la Compliance construit sur les Buts Monumentaux constitue aussi un pari. Même si l'exigence de "conformité" s'articule avec cette conception d'avance de ce qu'est le Droit de la Compliance, celui-ci repose sur l'aptitude humaine à être libre, alors que la conformité suppose davantage l'aptitude humaine à obéir. 

C'est pourquoi le Droit de la Compliance, défini par les Buts Monumentaux, est essentiel pour notre avenir, alors que le droit de la conformité ne l'est pas.

 

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📝 lire la présentation générale du livre, Les Buts Monumentaux de la Compliance, dans lequel l'article est publié.

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 Lire les présentations des autres contributions de Marie-Anne Frison-Roche dans cet ouvrage : 

📝 Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance,

📝 Rôle et place des entreprises dans la création et l'effectivité du Droit de la Compliance en cas de crise 

📝 Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale

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Mise à jour : 4 avril 2022 (Rédaction initiale : 4 octobre 2021 )

Publications

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 Référence complèteM.-A. Frison-Roche, L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques portés devant le juge, document de travail, oct. 2021 et avril 2022.

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 Ce document de travail sert de base à une intervention introductive🎤L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques, dans une conférence plus générale, coordonnée et modérée, 🧱L'office du juge et les causes systémiques, qui fait partie d'un cycle général portant sur Penser l'office du juge, et se tiendra le 9 mai 2022 dans la Grand Chambre de la Cour de cassation.  

Il a été élaboré en octobre 2021 pour construire la conférence à partir de cette hypothèse selon laquelle parmi la diversité des "causes" apportées aux juges par les justiciables, certaines constituent une catégorie spécifique : les "causes systémiques", justifiant un traitement à la fois spécifique (en ce qu'elles sont systémiques, appelant notamment des solutions procédurales communes à toutes et se distinguant du traitement des causes non-systémiques) et un traitement commun au-delà de la diversité des juges qui en connaissent (juges judiciaire et administratif, juge pénal et non-pénal, juge français et non-français, juge de l'ordre juridique internet et juge de l'Union européenne, etc.). Ce thème spécifique des "causes systémiques", l'hypothèse de l'existence de celles-ci, a été enrichi en avril 2022. 

Ce document de travail ne vise pas à traiter l'ensemble du sujet, à savoir à la fois déterminer cette catégorie des "causes systémiques" et les conséquences qu'il faut en tirer sur l'office du juge, puisque c'est l'objet même de la conférence construite sur plusieurs interventions : il vise la première partie du sujet, à savoir l'existence même de cette catégorie processuelle nouvelle qui serait les "causes systémiques", laissant pour d'autres travaux les conséquences pratiques à en tirer dans le traitement processuel qu'elles appellent.

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📝Ce document de travail sert également de base à un article à paraître

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Résumé du document de travail : xx

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Lire ci-dessous les développements⤵️

9 février 2022

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Prévention et sanction des Abus de Marchés, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 9 février 2022.

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 Résumé de la leçon sur les Abus de marché : Dans une conception classique et du Droit et du "libre marché", le principe est la liberté d'action de la personne. Même si l'exercice de cette liberté, voire d'un droit subjectif peut causer un dommage, par exemple un dommage concurrentiel, c'est en quelque sorte le prix légitime d'une société libre et concurrentielle. Ainsi dans une conception libérale, seul l'abus est sanctionné, c'est-à-dire l'exercice fautif que l'on fait de sa liberté ou de son droit, allant parfois jusqu'à l'exigence d'une faute qualifiée.

Mais les secteurs bancaires et financiers ne sont pas gouvernés par le principe de libre concurrence. Ils sont gouvernés par le principe de régulation, le principe de concurrence n'y a qu'un rôle adjacent. Cela ne pourra qu'engendrer de graves difficultés lorsque le Droit de la concurrence et le Droit bancaire et financier font s'appliquer d'une façon cumulée ou confrontée sur une même situation.

Les marchés financiers sont construits sur le principe de régulation qui pose le principe de transparence et de partage d'une information exacte : c'est ainsi que l'intégrité des marchés financiers est assurée, l'Autorité des Marchés financiers en étant le gardien.

La prévention et la sanction des "abus" de marché est donc non pas une part résiduelle du Droit financier, mais un pilier de celui-ci, contrairement au Droit des marchés ordinaires concurrentiels, sur lesquels l'opacité et le non-partage des informations est la règle. 

Cela explique l'état du droit des "abus de marché", dont l'effectivité de la prohibition est essentielle pour le bon fonctionnement ordinaire des marchés financiers. Leur prohibition nationale a été harmonisée par le Droit de l'Union européenne, à travers des textes dont les signes reprennent l'appellation anglaise : Market abuses (ainsi le nouveau Règlement communautaire sur les abus de marché est dit Règlement MAR (Market Abuses Regulation) et la directive qui l'accompagne MAD (Market Abuses Directive).

Il sanctionne un certain nombre de comportements, qui portent atteinte à l'intégrité des marchés, 

Mais il n'exprime plus des exceptions par rapport à un principe : des fautes par rapport à des libertés ou à des droits. Il exprime des moyens par rapport à des principes dont la sanction des abus ne constitue que la concrétisation de principes dont ils sont la continuité même : l'efficacité du marché, son intégrité, sa transparence, l'information de l'investisseur.

C'est pourquoi la sanction des abus de marché ne sont pas du tout un phénomène périphérique par rapport à la Régulation des marchés financiers et à l'activité et au fonctionnement des bancaires, comme l'est le Droit pénal : elle est au contraire à la fois ordinaire et centrale. Cette différence des deux ordres publics va se retrouver dans la question lancinante de la sanction pénale et de la sanction administrative des mêmes abus de marché (par exemple "manquement d'initié" et "délit d'initié", qui ont tendance à se cumuler dans des techniques de répression qui seront l'objet de la prochaine leçon. 

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🔎 ​Accéder aux slides servant de support à la leçon sur les abus de marché

🔎 Revenir aux bases avec le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

🔎 Approfondir par la Bibliographie générale de Droit de la Régulation bancaire et financière

🔎 Revenir à la présentation générale du cours 

🔎 Se reporter au plan général du cours 

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Utiliser les matériaux ci-dessous pour aller plus loin et pour préparer votre conférence de méthode ⤵️

Mise à jour : 5 février 2022 (Rédaction initiale : 10 octobre 2021 )

Publications

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, document de travail, oct. 2021 et février 2022.

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🎤 Ce document de travail a servi de base à une conférence, dans le colloque Effectivité de la Compliance et Compétitivité internationale, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et le Centre de recherche en Droit et en Économie de l'Université Panthéon-Assas (Paris II), se tenant le 4 novembre 2021, Salle des Conseils, Université Panthéon-Assas (Paris II). 

Il a été mis à jour en février 2022, car portant en grande partie sur le mécanisme du lancement d'alerte, tel que notamment organisé par la loi française du 9 décembre 2016, dite "Sapin 2", pour tenir compte des changements dans le mécanisme légal apporté par la loi du ... février 2022 transposant la directive européenne du 23 octobre 2019. 

🚧Il est corrélé à un second document de travail ayant pour thème : Le principe de Proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, également préparé pour ce colloque.

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📝Ce document de travail mis à jour constitue aussi la base d'un article, Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, qui sera publié

📕dans sa version française dans l'ouvrage Les buts monumentaux de la Compliancedans la collection 📚Régulations & Compliance

 📘dans sa version anglaise dans l'ouvrage Compliance Monumental Goalsdans  la collection 📚Compliance & Regulation

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► Introduction et Résumé du document de travail : Les "outils de la compliance" sont très divers 📎!footnote-2327. S'il a été choisi de traiter ici plus particulièrement le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance, ces mécanismes-là plutôt que d'autres, et de les réunir tous deux bien qu'issus de lois différentes 📎!footnote-2328  - le lancement d'alerte étant issu de la loi dite "Sapin 2" de 2016, recopié du Droit américain tandis que l'obligation de vigilance, apparue dans la loi dite "Vigilance" de 2017 est une invention du législateur français désormais recopiée par d'autres -, c'est parce qu'ils présentent  une unité au regard du sujet spécifique ici retenu, à savoir "la compétitivité internationale", - compétitivité internationale des entreprises et compétitivité internationale de la zone économique et du système juridique dont elles relèvent économiquement, les deux étant indissociables  📎!footnote-2325 - : cette unicité vient du fait que ce sont deux mécanismes qui font sortir de l'information. 

Sur ordre de ces deux Lois, l'entreprise va non seulement cesser d'ignorer ce qu'elle recouvrait peut-être du mouchoir que Tartuffe lui tendait ou qu'une conception traditionnelle du Droit des sociétés lui permettait légitimement d'ignorer mais encore elle va désormais elle-même rechercher la vérité plus profondément et au loin, incitant ceux qui la détiennent à la lui transmettre (lanceurs d'alerte), allant elle-même au plus près de là où il y a un risque (devoir de vigilance, voire obligation de vigilance). En cela, sous une forme subjective, le personnage du lanceur d'alerte, et une forme objective, l'obligation de regarder, l'unité est très forte. 

Il ne s'agit pas ici d'examiner si cette révolution que le Droit de la Compliance provoque dans le système juridique est d'une part légitime 📎!footnote-2324 et d'autre part effective, mais d'essayer de mesurer ce qu'il en est au regard de la "Compétitivité internationale". 

Est-ce que ces deux mécanismes nouveaux, qui accroissent l'information sur ce qui se passe, handicapent l'entreprise en compétition avec des entreprises qui n'y sont pas soumises (c'est souvent présenté ainsi 📎!footnote-2331) ? ; est-ce que cela est neutre ? Ou est-ce que cela pourrait leur est favorable ?

Au-delà des généralités comme quoi il serait toujours profitable de respecter le Droit, comme il serait toujours coûteux de risquer une condamnation pour ne pas l'avoir fait, c'est plutôt par un examen de l'instrument technique pris en tant que tel et sous le seul angle économique que l'on peut avancer.

Le Droit de la Compliance sera donc ici examiné à travers ses deux instruments techniques précités pour mesurer si leur effectivité doit avoir aussi pour coût une compétitivité moindre des entreprises qui doivent les respecter et les mettre en oeuvre. S'il devait en être ainsi, dans un martyr de la vertu, l'on peut encore dans un second temps l'assumer, parce que les Autorités publiques, voire les entreprises, peuvent exprimer la prétention de défendre un certain modèle de société. Ce modèle de société devant être défendu "à tout prix", ou à tout le moins pouvant justifier un "certain prix". Mais même la première partie de l'assertion, - selon laquelle les mécanismes de l'alerte et de la vigilance sont économiquement défavorables pour les entreprises qui les mettent en place face à des compétiteurs internationaux non-astreints -, n'est pas acquise.

On entend certes souvent la plainte selon laquelle les Autorités publiques fixent, par ce qui serait un mélange de naïveté et de suffisance, des prétentions immenses, comme la protection des êtres humains, la solidarité, la transition énergétiques, l'évitement de la crise climatique tandis que ce serait les entreprises qui signeraient la facture correspondant à un tel menu.

Le principal reproche n'est pas le coût en soi mais le fait que le bénéfice ainsi produit bénéficie à tous alors que le coût n'est supporté que par quelque uns, les charges de compliance étant supportées par des opérateurs en compétition avec d'autres opérateurs qui non seulement ne contribuent pas à cette charge mais encore bénéficient des effets produits, par exemple en matière climatique. D'une façon générale, l'action contrainte de quelques entreprises assujetties produit des bénéfices communs bénéficiant à d'autres qui n'ont pas fait d'investissements, alors que tous sont compétiteurs.

Le Droit de la Compliance favorise donc des comportements de passagers clandestins, dans ce véhicule normatif au sein duquel un siège a donc été offert par le système juridique local aux entreprises étrangères en compétition avec les entreprises locales. 

Plus encore, cela dépasserait la distorsion de concurrence, si souvent dénoncée, pour aller vers le suicide concurrentiel. En effet, il n'y a pas seulement le fait de subir un coût que les autres ne subissent pas (distorsion de concurrence), il s'agit encore de fournir aux autres des informations sur soi-même, des informations sur ses faiblesses, ce dont bénéficient les autres, autres qui restent quant à eux opaques. Il faudrait alors dénoncer un système juridiquement masochiste... C'est en cela que l'on pourrait à tout le moins parler d'un "suicide concurrentiel". 

Mais ce constat ne doit pas être opéré d'une façon à ce point générale et abstraite. 

En effet, si l'on en reste ici à ce qui est commun au lancement d'alerte et à la vigilance, deux mécanismes juridiques qui suscitent et organisent l'émergence et la transmission adéquate de l'information pour l'exploitation pertinente de celle-ci, il faut distinguer d'une part la détection de l'information et d'autre part le partage de l'information. Si l'on détaille la façon dont le lancement d'alerte est organisé (I), la perspective de compétitivité est plutôt concernée non pas par l'extraction de l'information, mais plutôt par la façon dont elle est partagée. En effet, l'entreprise au sein de laquelle le législateur a imposé une possibilité de lancement d'alerte, l'entreprise découvrant ainsi des failles qu'elle ignorait, la puissance de l'entreprise en est au contraire confortée, ce qui la renforce dans la compétition internationale.

Certes si cela est su à l'extérieur, ce partage de l'information entre l'interne et l'externe peut constituer une faiblesse, sauf à ce que les tiers accordent à l'entreprise une récompense pour une telle démocratie interne, ce qui ne semble pas avéré. Mais la perspective de cet effet négatif externe constitue une incitation pour l'entreprise à régler elle-même, et précocement, toute difficulté qui vient à sa connaissance avant qu'elle ne soit portée à la connaissance de tous, ce qui rejoint le But Monumental de la Compliance : cela validait en 2016 le choix législatif d'une alerte d'abord en interne, c'est-à-dire confidentielle, puis dans un second temps seulement la possibilité de faire une alerte externe lorsque les responsables internes n'avaient pas agi d'une façon efficiente.

Le fait que la législation évolue en 2022 pour ne plus imposer l'alerte interne avant l'alerte externe a pu paraître pour beaucoup la principale modification de la loi : en réalité, elle ne modifie pas cette incitation sur l'entreprise à favoriser l'alerte interne, au contraire. La mise en place d'une option, l'informé pouvant dès le départ choisir entre l'alerte interne ou l'alerte externe incite l'entreprise à l'inciter à préférer la première à la seconde. Ce n'est qu'en cas d'échec de l'un et/ou de l'autre que la façon de la "divulgation publique", c'est-à-dire la communication aux médias, est possible. 

La perspective est opposée lorsqu'on examine le devoir de vigilance. S'il s'agit toujours pour l'entreprise d'extraire de l'information qu'elle ne connaissait pas, la différence fondamentale est que l'information pertinente dont il s'agit n'est pas directement en son sein, mais soit dans ses filiales soit dans les entreprises auxquelles elle a "donné des ordres", c'est-à-dire, pour s'exprimer plus trivialement encore, chez des tiers qui souvent dépendent d'elle et dont elle répond personnellement.

La perspective peut alors s'inverser.

En effet, dans la perspective de la compétitivité internationale, il ne s'agit plus de veiller à ne pas diminuer la compétitivité internationale de l'entreprise quant à l'information extraite, en cantonnant celle-ci à l'intérieur de l'entreprise (comme dans le lancement d'alerte) ; tout au contraire, il s'agit d'activer la puissance que recèle le devoir de vigilance pour extraire des informations dans des entités qui sont pourtant sous un autre ciel juridique que celui dont relève l'entreprise obligée par le devoir de vigilance (II).

Dès lors, le devoir de vigilance, puisqu'il implique de par la Loi, pour l'entreprise assujettie, toute la puissance nécessaire afin de remplir le devoir imposé 📎!footnote-2329, permet à cette entreprise d'obtenir des informations, voire d'imposer, notamment par une clause contractuelle📎!footnote-2465 à son tour au nom de sa propre responsabilité personnelle des obligations de compliance à des partenaires économiques qui sont pourtant sujets de droit de systèmes juridiques qui ne prévoient pas de telles contraintes. Le contrat aura au passage transformé le devoir général en obligation particulière.

 

C'est ainsi que la compétitivité internationale est accrue grâce aux pouvoirs que leur confère le système juridique par des obligations qui leur donnent des pouvoirs de capter des informations en leur sein et au-delà d'elles-mêmes, pouvoirs qui excèdent largement les frontières juridiques des systèmes de droit dont elles sont les sujets. 

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Lire ci-dessous les développements⤵️

1

Les oppositions qui se sont exprimées face à la loi du 23 mars 2017 sur la vigilance ont été formulées le plus souvent sur ce thème. 

2

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2023.

25 janvier 2022

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : Feeley, M. et Langford, M. (ed), The Limits of the Legal Complex Nordic Lawyers and Political Liberalism (ed), Oxford University Press, 2022.  

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📗Cet ouvrage peut être consulté en libre accès sur le site de l'éditeur.

27 novembre 2021

Conférences

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., présidence de la session "The temporal dimension: Imminence and Intertemporally", in colloque Climate Change Cases before National and International Courts Cross-fertilization and Convergence, 27 novembre 2021, Paris. 

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Lire le programme complet du colloque (en anglais)

 

Résumé de la présentation du panel : The specific topic of our panel is the “temporal dimension” of the judicial cases of Climate change.

We shall listen to two great experts on this topic, which is Time.

Listening the other previous speakers, I understand how this topic is important, because Climate Change requires an immediate action and it create a political issue, because everyone comes before courts.

A basis and fundamental problem, because the times are not adjusted. 

let's come back to basic notions, to have three times : “past, present, future”.

 

The issue of Climate Change is in the Future, the necessity of Action is in the Present and the basis temporal question is to know if Courts are the bodies adequate to responde ; maybe it is inevitable that Judge must be recreate their office because the time of the classical judicial office is the Past.

Immediately, this simple et huge problem appears : in a classical repartition, the judge is the legal character to intervenir for the Past, the present (maybe is for you and me), and the future is the time for the State, and more precisely for the Parliament.

But the climate change is a huge topic, not in the past, not in the present, but in the future.

Therefore a gap exists between the time of the topic and the time of the court before the case is explained for obtaining a solution : how to give a good answer ? Judge maybe must travel in time, from past to future …. Maybe, he must, but might he?

Classically, the judge can anticipate a very next future, but not the more distant and systemic future. Climate change belongs to the second one.

This is why the title of this panel is non only about the necessity to take in consideration the “imminence” but also the “intertemporally” : maybe court are the sole able to create this intertemporality between Past and Future, and by this way to obtain from States and companies to do something immediately !

 

By two legal ways. 

 

Courts can stay in Past, supervising States, if they dispose of effective legal decisions taken by States in the past about Climate Change (essentially Paris Agreement, for instance transposed in the French legal system by a formal law). This is why an efficient judicial solution would be the possibility for the courts to oblige State to implement their more or less committment they had taken in the past for the future (as the Conseil d’Etat did in the Commune de Grande-Synthe Cas Law).

Even for that, the courts must adopt a creative notion of what is a commitment from a State through a Law... ; as they must do about private companies comitment (in their codes of conduct or soft law of corporate social responsability). 

 

But what to do if States didn’t take such commitment ?

Some can allege Courts are not Parliaments and are not legitimate to rule for the future … It is a political issue, a very classical one but very accurate for Climate change (where States and companies are face to courts...) and maybe  And as our colleague said, judicial system is quite technically weak to concretize human rights.

 

Therefore, the second way, more innovative, est the new use of Tort Law : no more a liability Ex Post, but a responsibility Ex Ante. In every legal system, even in Civil Law systems, Tort Law is conceived by courts (for instance in French Law). 

If the new reasoning is conveived in Ex Ante, Tort Law must be a set of legal tools to reach the monumental tools to reach the "Monumental Goal" (being by nature future) which is the Climate Change stopping. 

In this teleological reasoning, the admissibility and the choice remedies, must be adapted to obtain what is central : the effectivity and the efficiencicy. 

In this sens, the judgement between two parties (which was an Ex Post act) may be conceived as an systemic efficient action (which was an Ex Ante act), because it must be. 

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10 novembre 2021

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Kemfouet, E.-D.,  Énergies renouvelables, transition énergétique et enjeux climatiques en droit africain, Revue Africaine de Droit de l’Environnement (African Journal of Environmental Law),n°6, nov. 2021.

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Lire le volume. 

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Émile-Derlin KEMFOUET

4 novembre 2021

Conférences

► Référence complète : Frison-Roche, M.A., Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la  compétitivité internationale,  in Benzoni, L., Deffains, B. et Frison-Roche, M.-A. (dir.) , Effectivité de la Compliance et Compétitivité internationale, Colloque coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et le Centre de recherche sur l'Économie et le Droit (CRED) de l'Université Panthéon-Assas), 4 novembre 2021. 

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► Cette intervention est thématique et s'articule avec celles plus générales réalisée en introduction par Bruno Deffains notamment sur la portée nécessairement mondiale de la Compliance et en conclusion par  Laurent Benzoni  sur La Compliance, comme nouveau pilier potentiel de la politique industriellel'ensemble du colloque ayant été conçu par nous trois.

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📅 Lire le programme du colloque 

 

📅 Ce colloque s'insère dans le cycle de colloques 2021 organisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et ses partenaires autour des Buts Monumentaux de la Compliance

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🚧  Lire le document de travail ayant servi de base à la conférence

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Consulter les slides servant de base à la conférence

 

► Résumé de la conférence : En premier lieu et indépendamment de l'exposé technique proprement qui, s'appuyant sur les slides, est centré sur les deux techniques centrées sur l'information que sont le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance, il est rappelé que les techniques elles-mêmes se conçoivent différemment suivant que l'on appréhende le Droit de la Compliance comme un process mécanique et totalement contraignant de respecter totalement toutes les réglementations applicable et de le démontrer par avance, sous peine de sanctions terribles, ce qui est à la fois totalement effrayant et sans sens puisque ce que contient ladite réglementation applicable n'est pas pertinent, auquel cas la perspective de compétitivité revient à des notions de coûts et de considérations elles-aussi procédurales de prévisibilité et de sécurité juridique ; ou si l'on appréhende le Droit de la Compliance comme une branche du Droit nouvelle et substantielle Ex Ante élaboré pour détecter et prévenir les crises systémiques qui sont devant nous, dont la crise climatique est hélas l'épigone et qui requiert avant tout de l'action, une action d'une telle ampleur qui requiert l'alliance des forces, celle des Etats, des entreprises, des juridictions et des personnes, dans un renouvellement des concepts notamment juridiques, et dans l'indifférence des territoires, ce qui met immédiatement la Compliance à sa bonne hauteur : le monde, parce que la crise qui scientifiquement s'annonce est mondiale, le thème dit de "l'extraterritorialité" étant désormais mal-nommé. De la nouvelle conception des choses, l'obligation de vigilance, dont on a dit pourtant tant de mal lorsqu'elle fut imposée en France en 2017, est la pointe avancée, bientôt reprise en Europe et dont la portée doit être naturellement mondiale, parce que le Droit de la Compliance est consubstantiellement mondial. 

Si l'on reprend plus techniquement les techniques juridiques de Compliance et qu'on les confronte à la Compétitivité des entreprises, il faut que celles-ci n'y nuisent pas parce que le Droit de la Compliance, en raison de ses ambitions immenses, ne peut fonctionner que par une alliance entre des volontés politiques aux grandes prétentions (sauver la planète) et les entités qui sont aptes à concrétiser celles-ci (les opérateurs économiques cruciaux) les outils de Compliance conçus par les Lois ne nuisent pas aux entreprises qui les mettent en place en favorisant leurs compétiteurs.

À partir de ce principe, l'on peut porter une appréciation sur ces deux techniques de captation d'information que sont le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance qui, à ce titre, leur donne une unicité et les place dans la compétition mondiale pour l'information.

Si l'on prend tout d'abord le lancement d'alerte, il apparaît que le premier bénéficiaire de celui-ci est l'entreprise elle-même puisqu'elle découvre une faiblesse et peut donc y remédier. C'est pourquoi qu'au-delà du principe de protection du lanceur d'alerte par l'accès de celui-ci au statut légal conçu par la loi dite "Sapin 2é, il est critiquable que toutes les incitations ne sont pas utilisées pour que le titulaire d'une telle information la transmette au manager et que la même loi continue d'exiger l'absence de contrepartie, la figure "héroïque du lanceur d'alerte et le refus de sa rémunération privant l'entreprise d'un moyen d'information et d'amélioration. Il est regrettable que la loi de transposition de la Directive européenne maintienne cette conception inefficace. Mais la législation française a au contraire développé la bonne incitation quant à la personne à laquelle l'information est transmisse car en obligeant à transmettre d'abord au manager, puis en externe si celui-ci ne fait rien, l'incitation est ainsi faite au responsable interne d'agir et de faire fin au dysfonctionnement, ce qui accroît la compétitivité de l'entreprise. 

Plus encore même si cela paraît contre-intuitif, l'obligation de vigilance accroît fortement la compétitivité des entreprises qui y sont soumises. En effet la Loi en les obligeant à prévenir et à lutter contre les atteintes aux droits humains et à l'environnement les a tacitement donné tous les pouvoirs nécessaires pour le faire, notamment le pouvoir de capter des informations sur des entreprises tierces, y compris (voire surtout) celles qui ne sont pas soumises à des obligations de transparence. En cela, les entreprises, en tant qu'elles sont responsables personnellement, détiennent un pouvoir de supervision sur d'autres, pouvoir qui permet de mondialisation le Droit de la Compliance et qui, au passage, accroît leur propre puissance. C'est pourquoi l'obligation de vigilance est à bien des égard une aubaine pour les entreprises qui y sont soumises.  La reprise du mécanisme par la prochaine Directive européenne, elle-même indifférente au territoire, ne fera que renforcer ce pouvoir global sur des entreprises éventuellement étrangères.

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► La conférence et le document de travail servent de base à un article dans un ouvrage :

📕 dans sa version française Les Buts Monumentaux de la Compliancedans la collection 📚   Régulations & Compliance

 📘  dans sa version anglaise Compliance Monumental Goals dans  la collection 📚   Compliance & Regulation

 

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22 octobre 2021

Compliance : sur le vif

22 octobre 2021

Publications

 

► Référence complète : Frison-Roche, M.-A.Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, document de travail, octobre 2021

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🎤 Ce document de travail avait été élaboré pour servi de base à l'intervention de clôture du colloque Effectivité de la Compliance et Compétitivité internationale, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et le Centre de recherche en Droit et en Économie de l'Université Panthéon-Assas (Paris II), se tenant le 4 novembre 2021, Salle des Conseils, Université Panthéon-Assas (Paris II). 

🚧Il était corrélé à un premier document de travail ayant pour thème l'Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationale, élaboré également pour ce colloque. 

La gestion du temps n'a permis que la prise de parole sur ce thème-ci relatif aux techniques juridiques du lancement d'alerte et de l'obligation et devoir de vigilance.

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📝Ce présent document de travail a donc été ultérieurement utilisé pour constituer la base d'un article, Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du Principe de Souveraineté par le Droit de la Compliance, lequel est publié

📕dans sa version française dans l'ouvrage Les buts monumentaux de la Compliancedans la collection 📚 Régulations & Compliance

 📘dans sa version anglaise dans l'ouvrage Compliance Monumental Goalsdans  la collection 📚 Compliance & Regulation

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► Résumé du document de travail : Les rapports entre le Droit de la Compliance et la notion de Souveraineté sont abîmés par une mauvaise querelle de départ, souvent appelée celle de "l'extraterritorialité du Droit de la Compliance", elle-même qualifiée en tant que telle comme une attaque à la Souveraineté des Etats, une sorte de guerre contre cette sorte de population civile que sont "ses" entreprises, frappées par des sanctions économiques. Dans une confusion juridique générale, oscillant entre panique et rage, entre le cas pourtant si particulier des embargos décrétés par un Etat contre un autre, une contamination s'est faite avec la question plus vaste des sanctions économiques internationales, puis avec le Droit de la Compliance, lui-même réduit ainsi à n'être qu'une petite partie du Droit pénal international.

Le Droit de la Compliance, présenté comme outil masqué de guerre entre Etats, en a été d'une part profondément dénaturé. D'autre part, toutes les forces ont été mobilisées pour "réagir" et frapper en retour ou à tout le moins "bloquer", ou, si l'on ne pouvait rien faire d'autre, recopier l'arsenal, limitant la Compliance à la question de la corruption.

C'était réduire le Droit de la Compliance à peu, alors que nous avons tant besoin de sa force et qu'il exprime au contraire la puissance du Juridique lui-même dans un espace supra-national où les Etats sont peu présents. Ils sont peu présents parce que le territoire lui-même s'y dérobe et que les Etats demeurent liés au territoire. Or, la finance, le numérique et le spatial, ces grands enjeux de Régulation ont besoin de limites, parce que les êtres humains, même faibles, ne doivent pas être broyés par plus forts qu'eux. Non, la civilisation, essentiellement liée à la limite, ne doit pas se perdre dans ces nouveaux espaces. 

Or, la Souveraineté ne s'exprime pas dans la toute-puissance, ce sont les petits-enfants et les tyrans qui pensent cela. Elle s'exprime dans la limite, que le sujet se donne et qu'il donne. Le Droit de la Compliance, prolongeant en cela le Droit de la Régulation, est ce qui est en train de donner des limites à ces trois espaces sans territoire que sont la finance, le numérique et le spatial. En ce qu'il appréhende directement les risques globaux qui se jouent des territoires, par exemple le risque climatique. En ce qu'il limite les discours de haine qui nie l'idée de civilisation dans l'espace numérique. En ce qu'il se saisit directement de l'avenir. En ce qu'il noue directement une alliance entre les Autorités politiques et les Opérateurs cruciaux en Ex Ante 

C'est pourquoi sur la base du Droit de la Compliance l'Europe numérique souveraine s'élabore, l'industrie d'un cloud souverain se construit. Ainsi le Droit de la Compliance n'est pas l'ennemi de la Souveraineté, c'est le contraire : il est ce par quoi la Souveraineté va se déployer dans un monde qui doit se penser sans territoire en mettant pourtant le projet politique en son cœur. 

Pour cela il faut construire un nouveau principe, qui est l'inverse de la fermeture et de l'exclusion, correspondant au projet de l'Europe souveraine : celui de la "proximité systémique active. 

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10 octobre 2021

Compliance : sur le vif

23 septembre 2021

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : S. Schiller, "A single judge in the event of an international breach of compliance obligations?", in M.-A. Frison-Roche (ed.), Compliance Jurisdictionalisation, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître. 

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Jurisdictionalisation, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article (fait par l'auteure, traduit par le Journal of Regulation & Compliance): Given the very international nature of the topic apprehended, the actors involved and therefore the compliance disputes, it is essential to know if a person can be implicated before several judges, attached to different states or even if he can be condemned by several jurisdictions. The answer is given by the non bis in idem principle, which is the subject of a abondant case law on the basis of Article 4 of Protocol n°7 of the ECHR, clearly inapplicable for jurisdictions emanating from different States.

To assess whether breaches of compliance obligations may be subject to multiple sanctions in different states, it will first be necessary to ascertain whether there is a textual basis to be invoked.

At European level, Article 50 of the Charter of Fundamental Rights now allows the principle of ne bis in idem to be invoked. Applicable to all areas of compliance, it provides very strong protection which covers not only sanctions, but also prosecutions. Like its effects, the scope of Article 50 is very broad. The procedures concerned are those which have a repressive nature, beyond those pronounced by criminal courts in the strict sense, which makes it possible to cover the convictions pronounced by one of the many regulatory authorities competent in matters of compliance.

Internationally, the situation is less clear. Article 14-7 of the International Covenant on Civil and Political Rights may be invoked, if several obstacles are overcome, including the decision of 2 November 1987 of the Human Rights Committee which restricted it to the internal framework, requiring a double conviction by the same State.

Even if these principles are applicable, two specificities of compliance situations risk hampering their application, the first related to the applicable procedural rules, in particular the rules of jurisdiction, the second related to the specificities of the situation.

The application of the non bis in idem rule is only formally accepted with regard to universal jurisdiction and personal jurisdiction, that is to say extraterritorial jurisdiction, which is only part of the jurisdiction. . The Cour de cassation (French Judiciary Supreme Court) confirmed this in the famous so-called “Oil for food” judgment of March 14, 2018. The refusal to recognize this principle as universal, regardless of the jurisdiction rule in question, deprives French companies of a defense. Moreover, the repression of breaches of compliance rules is more and more often resolved through transactional mechanisms. The latter will not always fall within the scope of European and international rules laying down the non bis in idem principle, for lack of being sometimes qualified as "final judgment" under the terms of Article 50 of the Charter of Fundamental Rights of the European Union and Article 14-7 of the International Covenant on Civil and Political Rights.

Breaches in terms of compliance are often based on multiple acts. This results from prescriptions the starting point of which is delayed at the last event and a facilitated jurisdiction for French courts when only one of the constitutive facts is found in France. In terms of compliance, the non bis in idem principle therefore generally does not protect companies and does not prevent them from being sued before the courts of two different countries for the same case. It nevertheless grants them another protection by obliging them to take into account foreign decisions in determining the amount of the penalty. The sanction against Airbus SE in the Judicial Convention of Public Interest (CJIP) of January 29, 2020 is a perfect illustration of this.

Breaches in terms of compliance are often based on multiple acts. This causes delays in the starting point of prescriptions, starting point delayed at the last event, and this facilitates judicial jurisdiction for French courts when only one of the constitutive facts is found in France. In terms of compliance, the non bis in idem principle therefore generally does not protect companies and does not prevent them from being sued before the courts of two different countries for the same case. It nevertheless grants them another protection by obliging them to take into account foreign decisions in determining the amount of the penalty. The sanction against Airbus SE in the Convention judiciaire d'intérêt public -CJIP (French Judicial Convention of Public Interest)  of January 29, 2020 is a perfect illustration of this.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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17 septembre 2021

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète: Beaussonie, G., Do Criminal Law and Compliance form a system?, in Frison-Roche, M.-A. (dire.),Compliance Monumental Goals, series "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, à paraître.

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► Résumé de l'article :  By nature, Criminal Law is a system that is not intended to develop, principles which limit it being internal to it. Nevertheless if Proportionality is respected, its extension may be legitimate to preserve “fundamental social values” because Criminal Law is the branch of Law concerning what is grave, grave in consequences as in causes.

Not always being concerned by Efficiency, the temptation is important to supplement Criminal Law with other repressive mechanisms , not only Administrative Repression but today Compliance which pursues concordant objectives and aims by the "Goals Monumental ”to what would be most important and therefore for which Efficiency would be required, in particular because victory (for example against corruption) should be global.

Efficiency is obtained by the internalisation in powerful companies, but this efficiency comes at a price and Criminal Law should not impose too many obligations to do maintaining only a potential link with the commission of a "real offense ”. Its association with Compliance can therefore also only be exceptional and must not lead to forget  that Freedom must always remain the principle.

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📝 see the general presentation of the book in which this article is published

16 septembre 2021

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète: Bismuth, R., Compliance and Sovereignty: ambiguous relationships, in Frison-Roche, M.-A. (ed.), Compliance Monumental Goals, series "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, à paraître.

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► Article Summary (done by the author): :  At first glance, the notion of Sovereignty is difficult to combine with Compliance. Indeed, Sovereignty is part of Public International Law in a logic of essentially territorial distribution of competences, while Compliance has developed and disseminated in companies with tools and methods which largely ignore borders.

A closer look reveals more fundamentally three types of ambiguous interactions between the two. Compliance can first of all be understood as a tool allowing States, by relying on companies, to circumvent the obstacles and limits posed by a Sovereignty conceived in territorial terms and therefore to extend it. Such an approach can nevertheless lead to friction or even conflicts between Compliance and Sovereignty, the norms conveyed by the first not necessarily being in line with those imposed by the second.

This is particularly true when the Compliance "Monumental Goals" are not unilaterally defined or are not intended to be. Finally, by infusing companies with instruments and methods that are reminiscent of sovereign functions, compliance can also allow us to imagine an emerging movement tending to gradually establish Corporate Sovereignty beyond that of States.

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► Référence complète :  André, Ch., Compliance Monumental Goals, vectors of « common » social values.  Perspectives from a Criminal Lawyer, in Frison-Roche, M.-A. (ed.), Compliance Monumental Goals, series "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and Bruylant, to be published.

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► Résumé de l'article (fait par l'auteurs) : 

The “Compliance Monumental Goals” serve as vectors for “common” social values: the proposal is simple, but it seems both familiar and strange to a criminal lawyer.

Familiar, because even if compliance transcends the borders of academic disciplines, it shares with criminal law a logic sanctioning attacks on social interests. Strange, because Monumental Goals convey social values by sweeping away all the learned discussions that have been going on since Beccaria about the foundations and axiological functions of punishment. Indeed, the social values promoted by Monumental Goals are “common” in every sense of the word.

First, they are shared and internalized by the largest enterprises in the Western world, without the need for an international treaty on protected values. The question of sovereignty is overshadowed.

Second, they are common in that they are commonplace, ordinary, approved of by most Western consumer-citizens: probity, equality, respect for the environment, who would not be in favour of respecting them? Hence it is in companies’ interest to communicate and diffuse, urbi and orbi, how they respect these Monumental Goals. The question of citizens’ consensus on values is sidestepped, as they are supposed to be derived from the obvious (even if the goals could be achieved by different means, or even contradict each other).

Third, these values are common because they now enlist a multitude of communicants (the “compliance officer”, among others) who, more or less gracefully - the meticulous liturgy of compliance can put off some officiants and incite buffoonery - seek to spread the cult of these values at all levels of business. Since these values are respected, they are necessarily respectable: businesses become moralized by the multitude who respect them. Existence precedes essence, and the values conveyed contribute to the businesses’ raison d’être, beyond the pursuit of profit. The question of effectiveness vanishes, since these values are already there, regularly monitored, both internally and by public authorities. Sovereignty, citizenship, effectiveness: the logic of Compliance supplants the academic debates of criminal lawyers with practical solutions. Perhaps this is how the goals are “monumental”: vast, global, overwhelming. Compliance may not be the best of all worlds, but it is most certainly another world.

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📘 lire la présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article est publié

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