Matières à Réflexions

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : J.-B. Blanc, "La loi, source de l’Obligation de Compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de la contribution  (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Dans la perspective du Législateur, l'auteur estime qu'en matière de Compliance c'est à celui-ci que primauté doit être donnée, la définition de la Compliance comme étant la "privatisation de la Régulation étant contestable et ne devant en toutes hypothèse pas aboutir à déposséder le Législateur de son pouvoir et de son devoir de fixer les règles essentielles.

En deuxième lieu, développant ce qui pourrait être désigné par l'expression de "compliance légale, l'auteur souligne que des lois essentielles, notamment la loi dite Sapin 2, ont posé les principes fondamentaux, car cela est l'apanage du Législateur, l'article 17 de la loi Sapin 2 prescrivant ce que l'entreprise doit faire. C'est l'application de la loi qui est ainsi déléguée, et non le pouvoir législatif lui-même. L'on retrouve la même logique dans la loi Egalim 3. 

En troisième lieu, l'auteur souligne que c'est encore le Législateur qui encadre la façon dont les entreprises vont mettre en oeuvre le dispositif de principe conçu et imposé par celui-ci. En effet, l'effectivité des "buts monumentaux" est l'affaire du Législateur qui doit regarder l'efficacité du dispositif mis en place par les entreprises assujetties.

L'auteur en conclut que la compliance peut être envisagée comme une extension de la volonté législative, où le Parlement, par ses lois, confie aux entreprises une part de la responsabilité de la régulation, dont il encadre la mise en oeuvre par celles-ci, ce qui l'oblige lui-même à sans cesse s'adapter et évoluer.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. d'Avout,  La cohérence mondiale du droit, Cours général de droit international privé, Académie de droit international de La Haye, t.443, 2025, 692 p.

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les banques sont régulées car elles n’exercent pas une activité économique ordinaire, en ce que celles-ci engendrent un risque systémique. En effet, dans l’économie réelle, les banques jouent le rôle d’apporter du crédit aux entrepreneurs qui eux opèrent sur les marchés des biens et services, crédits financés surtout grâce aux dépôts faits par des déposants et dans une moindre mesure par les actionnaires, les capitalistes. C’est ainsi que le libéralisme et le capitalisme ont partie liée. Mais les banques ont le pouvoir de créer de la monnaie par le simple jeu d’écritures qu’elles font en écrivant dans leurs livres les prêts qu’elles accordent (monnaie scripturale). Dès lors, les banques partagent avec l’État ce pouvoir extraordinaire de posséder le pouvoir monétaire que certains qualifient de pouvoir souverain. Il est possible que le numérique remette en cause cela, la Régulation hésitant à se saisir des nouveaux instruments dit de "monnaie virtuelle" en tant que "monnaie" ou en tant d'instrument ordinaire de relations coopératives.

Cette nature essentiellement régalienne justifie en premier lieu que l’État choisisse les établissements qui bénéficieront du privilège de créer de la monnaie scripturale, la profession bancaire ayant toujours constitué un monopole. La régulation bancaire est donc d’abord un contrôle ex ante à l’entrée à la profession et à une surveillance de la qualité des personnes et des établissements qui y prétendent.

En outre, les banques et établissements de crédits prêtent par construction plus d’argent qu’ils ne disposent de fonds propres : l’ensemble du système bancaire repose nécessairement sur la confiance de chacun des créanciers de la banque, notamment les dépositaires, qui laissent à sa disposition les fonds dont la banque va ainsi faire l’usage. La régulation bancaire va donc intervenir pour établir des ratios prudentiels, c'est-à-dire ceux qui s’assurent de la solidité de l’établissement, posant ce que les banques peuvent prêter par rapport aux fonds propres et quasi fonds propres dont elles disposent effectivement.

En outre, les banques sont surveillées en permanence par leur régulateur de tutelle, le Banquier central (en France la Banque de France), qui assure la sécurité de tout le système puisque à travers elle, l’État est le prêteur en dernier ressort. Ce qui peut conduire une grande institution financière à prendre des risques excessifs, sachant que l’État la sauvera, ce que la théorie de l’aléa moral (moral hazard) a systématisé. Tous les systèmes monétaires et financiers sont construits sur ces banques centrales, qui sont autonomes des gouvernements, parce que ceux-ci sont trop dépendants des stratégies politiques et ne peuvent engendrer la même confiance que celle qu’apporte une banque centrale. Depuis que les missions des banques centrales se sont accrues et que les notions de Régulation et de Supervision se sont rapprochées, l'on a tendance à considérer qu'elles sont des Régulateurs à part entière.

Par ailleurs, la régulation bancaire est devenue centrale parce que l’activité bancaire n’est plus principalement aujourd’hui le prêt mais l’intermédiation financière.La Régulation bancaire croise alors la Régulation financière. En Europe, la Banque centrale européenne est au centre.

 

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : R. Sève, "L'Obligation de Compliance  et les mutations de la souveraineté et de la citoyenneté", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître.

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : La contribution décrit "les changements de philosophie du droit que la notion de compliance peut impliquer par rapport à la représentation moderne de l’Etat assurant l’effectivité des lois issues de la volonté générale, dans le respect des libertés fondamentales qui constituent l’essence du sujet de droit.".

Le contributeur estime que la définition de la compliance tient à des auteurs qui « jouer un rôle d’éclairage et de structuration d’un vaste ensemble d’idées et de phénomènes précédemment envisagés de manière disjointe.  Pour ce qui nous occupe, c’est sûrement le cas de la théorie de la compliance, développée en France par Marie-Anne Frison-Roche dans la lignée de grands économistes (Jean-Jacques Laffont, Jean Tirole) et dont la première forme résidait dans les travaux bien connus de la Professeure sur le droit de la régulation. ».

S'appuyant sur les Principles of the Law de l’American Law Institute, qui considère que la compliance est un « set of rules, principles, controls, authorities, offices and practices designed to ensure that an organisation conforms to external and internal norms», il souligne que la compliance apparaît alors un mécanisme neutre visant à l'efficacité par un passage vers l'Ex Ante. Mais il souligne que la nouveauté tient dans le fait de viser "seulement" des événements futurs, en "refondamentalisant" et en "monumentalisant" la matière par la notion de "buts monumentaux" conçue par Marie-Anne Frison-Roche, faisant apparaître un nouveau jus comune. Ainsi, "la compliance c’est l’idée permanente du droit appliquée à de nouveaux contextes et défis.". 

Il ne s'agit donc pas de faire des économies budgétaires mais bien plutôt de continuer à faire vivre la philosophie du Contrat social à des enjeux complexes, notamment les enjeux environnementaux. 

Cela renouvelle la place qu'y occupe le citoyen car il y apparaît non seulement comme individu, ce qui est dans la conception classique grecque et chez Rousseau, mais encore à travers des entités, notamment les ONG, tandis que les grandes entreprises, parce qu'elles ont seules les moyens de poursuivre les buts monumentaux de la compliance, seraient comme des "super-citoyens", ce dont l'espace numérique commence à développer l'expérience, au risque de disparition de l'individu lui-même par l'effet du "capitalisme de surveillance". Mais de la même façon que la pensée du Contrat social s'articule avec celle du capitalisme, la compliance se situe sans rupture fondamentale  dans un prolongement historique logique : "C’est le développement et la complexité du capitalisme qui forcent à introduire dans les entités privées des mécanismes procéduraux d’essence bureaucratique, pour discipliner les salariés, contenir les critiques internes et externes, soutenir les managers en place" en les forçant à justifier les rémunérations, les avantages, etc.

En outre, selon les termes de l'auteur, "Avec les buts monumentaux, - la prise en compte des effets lointains, diffus, agrégés par delà les frontières, de l’intérêt des générations futures, de tous les êtres vivants - ,  on passe, pour ainsi dire, à une dimension industrielle de l’éthique, que seuls de vastes systèmes de traitement de l’information permettent d’envisager effectivement.".

C'est ainsi que l'on peut trouver une répartition entre l'intelligence artificielle et les êtres humains dans les organisations, notamment les entreprises, ou dans les processus de décisions.

De la même façon, la liberté de l'individu ne disparaît pas par la Compliance car c'est précisément et au contraire l'un de ses buts monumentaux que de rendre les individus aptes à choisir dans un environnement complexe, notamment dans l'espace numérique où le système démocratique est désormais en jeu, tandis que des mécanismes techniques, comme le lancement d'alerte, vont renaître le droit à la désobéissance civile, invalidant le grief de "capitalisme de surveillance".

L'auteur conclut que les enjeux sont si grands que la Compliance qui a déjà dépassé les distinctions entre le droit privé et le droit public, entre le droit national et le droit international, doit aussi dépasser celle entre l'information et et le secret, notamment en raison des cyber-risques, ce qui requiert de l'Etat l'élaboration et la pratique de stratégies non-publiques de Compliance pour préserver l'avenir.

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Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : M. Caffin-Moi, "L’imprégnation des branches du droit par les mécanismes de compliance : le contrat", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance et contrat, Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", à paraître

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📕lire une présentation de l'ouvrage, Compliance et contrat, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fair par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : L'auteure commence par montrer que les contrats sont de plus en plus présents dans le Droit de la Compliance, celui-ci n'étant plus ce qui est seulement exprimé par des lois d'ordre public, tandis que le contrat ne porterait que les intérêts privés de deux parties particulières. Elle expose comment concrètement aujourd'hui, et chaque jour davantage, les contrats sont utilisés comme un instrument de diffusion de la Compliance, la Vigilance étant exemplaire de cela, les textes incitant les entreprises à le faire, la CS3D mettant "le contrat à l'honneur" par la mise en place de "cascades contractuelles", le contrat agissant à la fois en surface et en profondeur.

Mais il ne faut pas que le contrat soit un moyen de restreindre la responsabilité, et l'on trouve des points de "friction" entre Contrat et Compliance.

Tout d'abord, parce que les réglementations, voire la jurisprudence, obligent les entreprises à contracter, par exemple avec des fournisseurs de rang 2, ce qui est une atteinte à la liberté de ne pas contracter.

En outre, les Buts Monumentaux de la Compliance institutionnalisent une relation contractuelle qui peut être déséquilibrée, voire engendrer une concurrence déloyale si une entreprise s'y plie et l'autre pas, la Compliance conférant de plus des prérogatives exorbitantes à l'entreprise.

Pour ne pas provoquer trop de conflits, et l'auteure souligne que le premier est certainement celui sur la compétence juridictionnelle entre le tribunal de commerce et le Tribunal judiciaire de Paris, il faut impérativement un dialogue des juges.

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'Autorité Administrative Indépendante (AAI) est la forme juridique que le Législateur a le plus souvent choisi pour établir des autorités de régulation. L'AAI est seulement sa forme juridique mais le système juridique continental, comme est le Droit français, allemand, italien, etc., y ont attaché une grande importance, suivant en cela la tradition formaliste du droit public. Les Autorités de régulation sont donc avant tout définies comme des autorités administratives indépendantes.

L’élément essentiel est dans le dernier adjectif : le caractère "indépendant" de l’organisme. Cela signifie que cet organe qui n’est pourtant qu’administratif, donc ayant vocation à être placé dans la hiérarchie l’exécutif, n’obéit pas au Gouvernement. En cela, on a très souvent présenté les régulateurs comme des électrons libres, ce qui a posé le problème de leur légitimité, puisqu’ils ne pouvaient plus puiser en amont dans la légitimé du Gouvernement. Cette indépendance pose également la difficulté de leur responsabilité, de la responsabilité de l’État du fait de leurs agissements, et de la reddition de compte (accountability) quant à l’usage qu’ils font de leurs pouvoirs. En outre, l’indépendance des régulateurs est parfois mise en doute si c’est le gouvernement qui conserve le pouvoir de nommer les dirigeants de l‘autorité de régulation. Enfin, l’autonomie budgétaire du régulateur est cruciale pour assurer son indépendance, les autorités ayant le privilège de bénéficier d’un budget -qui n’est pas inséré dans la LOLF- étant cependant très peu nombreuses. On les qualifie alors non plus d' "autorité administrative indépendante" mais d'Autorité Publique Indépendante", le Législateur faisant la distinction entre les deux (loi du 20 janvier 2017).

Le deuxième point concerne le second adjectif :  à savoir qu’il s’agit d’un organe "administratif". Cela correspond à l’idée traditionnelle selon laquelle la régulation est le mécanisme par lequel l’État intervient dans l’économie, selon l’image d’une sorte de déconcentration des ministères, dans le modèle scandinave de l’agence. Si l’on se laisse enfermer dans ce vocabulaire, on en conclut que cet organisme administratif rend une décision administrative qui fait l’objet d’un recours devant un juge. Ainsi en premier lieu, il s’agirait d’un recours de premier instance et non pas d’un jugement puisque l’autorité administrative n’est pas un tribunal. En second lieu, le juge naturel du recours devrait être le juge administratif puisqu’il s’agit d’une décision administrative rendue par une autorité administrative. Mais, l’Ordonnance du 1ier décembre 1986 sur la concurrence et la libéralisation des prix, parce qu’elle entendait précisément briser cette idée d’une économie administrée pour imposer la liberté des prix l’idée du libéralisme économique, a imposé que les attaques faites contre les décisions de régulateurs économiques prenant la forme d’AAI soient portées devant la Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire. Certains grands auteurs ont même alors pu en déduire que la Cour d’appel de Paris était devenue une juridiction administrative. Mais aujourd’hui, le système procédural est devenu d’une extrême complexité car suivant les AAI et suivant les différentes sortes de décisions adoptées, elles relèvent d’un recours soit devant la Cour d’appel de Paris, soit devant le Conseil d'État. Si l’on observe les lois successives qui modifient le système, on constate qu’après cette grande position de principe de 1986, le juge administratif reprend petit à petit sa place dans le système, notamment dans la régulation financière. Doit-on par logique en conclure que l’on revient à un esprit de régulation définie comme une police administrative et à une économie administrée par l’État ?

Enfin, le troisième terme est le nom lui-même : « l’autorité ». Il signifie en premier lieu d'une entité dont le pouvoir tient avant dans son "autorité". Mais il marque qu'il n'est pas une juridiction, qu'il prend des  décisions unilatérales. C’était sans compter la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le juge judiciaire ! En effet, l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme pose que toute personne a droit à un tribunal impartial en matière civile et pénale. Or, la notion de « matière pénale » ne se coïncide pas avec la notion française formelle de droit pénal mais vise la notion factuelle, large et concrète, de répression. Ainsi, par un raisonnement qui va à rebours, un organisme, quelque soit la qualification qu’un État lui aura formellement conférée, qui a une activité de répression, agit "en matière pénale". De ce seul fait, au sens européen, il est un tribunal. Cela déclenche automatiquement une série de garanties fondamentales de procédure, au bénéfice de la personne qui risque d’être l’objet d’une décision de sa part. Une série de jurisprudence, aussi bien de la Cour de cassation, du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel a conforté cette juridictionnalisation des AAI.

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : A. Oumedjkane, "Le devoir de vigilance est-il soluble dans le droit des contrats publics ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance et contratJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", à paraître

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► Résumé de l'article (fair par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Il analyse le devoir de vigilance, lequel constitue la pointe avancée du Droit de la Compliance dans la commande publique.

Cela est contrintuitif, puisque le devoir de vigilance est légal et que la loi donne compétence au juge judiciaire. Mais l'auteur souligne que les lois récentes, notamment les lois "résilience et climat" et "finance verte" visent expressément le devoir de vigilance pour constituer des causes d'exclusion de l'entreprise qui manque à son obligation de vigilance des commandes publiques.

L'auteur regrette que les textes à ce propos aient fait l'objet d'une rédaction approximative et variant de texte en texte, alors qu'il s'agit de régir la même situation : celle de l'exclusion d'une entreprise du champ de la commande publique parce qu'elle n'a pas rempli son obligation de vigilance; ce qui suppose des obligations pleinement réalisées, ou de n'avoir pas établi un plan de vigilance, ce qui n'est pas la même chose et manifeste moins d'exigence.

Il souligne également la question du contrôle qualitatif du plan de vigilance, contrôle approfondi ou au contraire obligation purement formelle. Là encore, il pense, comme la majorité de la doctrine, qu'il est raisonnable de se rapporter à une interprétation minimale, même si la loi sur le devoir de vigilance marque plus d'ambition.

Il estime que si le juge administratif était en effet confronté à un contrôle substantiel, en raison de la compétence, qu'il estime exclusive, du Tribunal judiciaire de Paris, il faudrait former des questions préjudicielles...

Dans ces conditions d'interprétation minimale, seule une absence de plan ou un plan formellement défaillant serait sanctionné dans le cadre de la commande publique... Mais cette interprétation est la moins adaptée à l’objectif de la législation elle-même, et que l'on pourrait en arriver que ce qu'une entreprise qui aurait été condamnée par le Tribunal judiciaire pourrait n'être pourtant pas exclue d'un marché public...

L'auteur estime enfin que cette nouvelle démarche incitative montre en réalité l'impuissance du Droit des contrats publics à produire par lui-même les effets recherchés sur les entreprises.

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Delalieux, G., La loi sur le devoir de vigilance des sociétés multinationales : parcours d’une loi improbable, Droit et Société, 2020/3, n°106, p.649-665.

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Résumé de l'article (fait par l'auteur) :  Cet article propose une analyse des obstacles rencontrés par les défenseurs de la proposition de loi sur le devoir de vigilance (ONG et syndicats) en étudiant les efforts de plaidoyer et de lobbying déployés par ces derniers afin de réussir à faire déposer, examiner puis adopter cette loi dont le Gouvernement ne voulait pas initialement.

À l’aune de ce cas, le concept d’entrepreneur institutionnel est discuté puis relativisé par utilisation de la notion de fortuna, développée par Machiavel, afin de décrire le passage « improbable » de cette loi. Les résultats tendent ainsi à relativiser l’importance que des acteurs singuliers, y compris collectifs, peuvent avoir dans l’explication du changement institutionnel, au profit d’une analyse multi-niveaux du changement (micro, méso, macro).

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Syndicats.  Summary Corporate Duty of Vigilance in France: The Path of an Improbable Statute This article offers an analysis of the resistance encountered by defenders (NGOs and trade unions) of the French Law on Corporate Duty of Vigilance. These actors sought to behave as institutional entrepreneurs deploying intense advocacy and lobbying efforts in order to successfully have this bill tabled, examined, and ultimately passed by the French government. In light of this case, the concept of “institutional entrepreneurship” is discussed and then relativized by the use of Machiavelli’s notion of “Fortuna,” in order to describe the “improbable” adoption of this statute. The results tend to put into perspective the importance that individual actors, including collective ones, can have in the explanation of institutional change, in favor of a multilevel analysis of change (micro, meso, macro). Corporate social responsibility – Institutional entrepreneurship – MNC’s Duty of Vigilance – Non-governmental organizations – Trade union

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La concurrence est la loi du marché, au sens où elle lui serait "naturelle". Elle permet l’émergence du prix exact, que l’on désigne souvent sous l’appellation de « juste prix ». Elle signifie et requiert que les agents sur le marchés sont à la fois mobiles, c'est-à-dire libres d’exercer leur volonté, et atomisés, c'est-à-dire non regroupés entre eux. Cela est vrai pour ceux qui proposent un bien ou un service, les offreurs, comme pour ceux qui cherchent à les acquérir, les demandeurs : les offreurs cherchent à s’attirer les demandeurs pour que ceux-ci leur achètent les biens et services qu’ils proposent. En cela, ils sont entre eux en concurrence.

Sur le marché concurrentiel, les acheteurs se laissent aller à leur infidélité naturelle : quand bien même ils auraient précédemment acheté un produit à un offreur A, ils pourront - voire devront, car cela est rationnel - s’en détourner au profit d’un offreur B si celui-ci leur offre un produit plus attractif quant à sa qualité ou son prix. Le prix est l’information principale que mettent les offreurs sur le marché pour exciter cette mobilité concurrentielle des offreurs. Ainsi, la libre concurrence accélère la fluidifie du marché, la circulation des biens et services, fait monter la qualité des produits et services et fait baisser les prix. Il s’agit donc d’un système moral et vertueux, comme le voulait Adam Smith, système qui est donc le fruit des vices individuels. C’est pourquoi tout ce qui va injecter de la « viscosité » dans le système va être combattu par le Droit de la concurrence comme systémiquement « non vertueux » : non seulement les accords frontaux sur les prix mais encore et par exemple les clauses d’exclusivité, les accords par lesquels les entreprises retardent leur entrée sur le marché ou bien des droits de propriété intellectuelle qui réservent au titulaire de brevet un monopole.

Certes, le droit de la concurrence ne peut être réduit à une présentation d’une telle simplicité car il admet des organisations économiques qui s’éloignent de ce modèle de base, par exemple les réseaux de distribution ou les mécanismes de brevets sur lesquels est notamment  construit le secteur pharmaceutique. Mais l’incidence est d’ordre probatoire : dans la sphère du droit de la concurrence, si l’on est dans un schéma qui ne relève pas de la figure fondamentale de la libre confrontation de l’offre et de la demande, il faudra démontrer la légitimité et l’efficacité de son organisation, ce qui est une charge lourde pour les entreprises ou les États en cause.

Ainsi,en matière de régulation, si l’on devait estimer que la régulation est une exception à la concurrence, exception admise par les autorités de concurrence mais dont devraient être démontrées sans cesse devant elles sa légitimité et son efficacité au regard de l’ordre concurrentiel, alors les organisations publiques et les opérateurs des secteurs régulés subiraient toujours une charge de preuve très lourde. C’est ce que considèrent souvent les autorités de concurrence.

Mais si l’on considère que les secteurs régulés relèvent d’une toute autre logique que la logique concurrentielle, aussi bien du point de vue économique que du point de vue juridique, le Droit de la régulation se référant notamment à la notion de service public et ayant ses institutions propres que sont les Autorités de régulation, alors certains comportements, notamment monopolistiques, ne sont pas illégitimes en soi et n’ont pas à se justifier face au modèle concurrentiel, car ils n’en constituent pas l’exception (par exemple le service public de l’éducation ou de la santé).

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : E. Maclouf, "Entités industrielles et Obligation de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : L'article prend le sujet sous l'angle des sciences de gestion et entreprend de résoudre le paradoxe d'organisations industrielles qui expriment l'ambition d'un progrès au bénéfice des personnes, ambition humaniste qui est contredite par les effets produits par cette industrialisation même qui sont dommageable à cette même humanité. L'Obligation de Compliance en ce qu'elle est fondée sur les Buts Monumentaux et s'ancre dans les organisations industrielles tente de résoudre ce paradoxe. 

La science des organisations humaines vise à allouer le plus efficacement les ressources rares de la nature en faisant coopérer les individus, cette ingénierie produisant des destructions naturelles, industrielles et sociales plus ou moins anticipées. L'Obligation de Compliance porte l'espoir de mieux les prévenir (But monumental négatif) et les gérer, voire d'améliorer la vie des personnes (But monumental positif) en dépassant les disciplines traditionnelles et en se développant en Ex Ante. Mais les organisations industrielles peuvent aussi récuser le poids des contraintes ainsi engendrées sur elles, et parvenir à l'inverse à une dérégulation. Le débat est actuellement ouvert.

En effet, les entreprises en passant de la logique mécanique de conformité à la logique dynamique de l'Obligation de Compliance se trouvent en incertitude systémique et doivent décider de la stratégie à mettre en oeuvre, entraînant une managérialisation du Droit et autant de nouvelles décisions à prendre. La notion de "projet" revient alors au centre de la régulation des organisations industrielles, plus précisément celle de "projet humaniste" portée par l'Obligation de Compliance, dans de nouvelles configurations où chacun prend sa part dans la chaine de valeur.

L'auteur puise dans les travaux de Raymond Aron et dans le rapport Rueff-Armand pour montrer que le développement de l'organisation industrielle comme mode dominant d’agencement des activités humaines – fondé sur le calcul économique – portait un projet humaniste politiquement élaboré mais que sa réalisation était dès l’origine identifiée comme incertaine par ses auteurs. L’Obligation de Compliance émerge aujourd’hui comme une réponse nécessaire,  la régulation des activités industrielles au service d’un progrès humain ne pouvant venir de la seule somme des actions individuelles (salariés, consommateurs, investisseurs), ni des forces stratégiques présentes dans l’environnement stratégique, ni des entités elles-mêmes.

En passant en revue les trente-deux propositions faites par MM. Gauvin et Marleix dans leur rapport d’évaluation, l'auteur montre l’Obligation de Compliance tend à évoluer vers des formes d’ingénieries managériales pour incarner réellement le projet humaniste dans notre contexte industriel. Elle crée des entités capables, au service de l'intérêt général, d’entrer en relation stratégique avec les entités industrielles et de négocier des Obligations qui permettraient d’introduire enfin le projet humaniste dans leur agenda stratégique : la loi dite "Sapin 2" en est un parfait exemple, incitant aux réponses stratégiques adéquates des organisations industrielles, qui ont modifié leurs procédures managériales, pour intégrer de nouveaux projets stratégiques et y impliquer les parties prenantes.

Cependant, parce que l'Obligation de Compliance vise à introduire des buts humanistes dans les projets industriels, elle se retrouve livrée aux forces stratégiques déjà présentes dans leurs activités, confiant aux différents organes des organisations le pouvoir et la mission de définir les stratégies par des délibérations qui seront ensuite, dans l'approche précitée de rationalité économique, déclinées en objectifs et en plans. Or la théorie des organisations montre qu’il n’existe pas un « but » dans une organisation industrielle mais une population de buts dynamiques aux issues incertaines. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, la recherche de profit n’est d’ailleurs pas en soi un « but » car il existe une infinité d’agencements et de clés de répartition de la valeur possibles : c'est la condition sine qua non de sa survie, ce qui est différent. Ainsi une organisation rationnelle détermine son projet et doit exclure que, pour l'atteindre, elle ne risque de tomber en faillite. L'Obligation de Compliance vise à propulser des Buts monumentaux au sommet de projets industriels, mais, pour fixer ces projets, l'organisation doit résoudre les oppositions (la conflictualité) par un jeu complexe d'interactions dont les résultats échappent aux participants et leur revient comme des auto transcendances (Jean-Pierre Dupuy).

Pour mieux évaluer et piloter l'Obligation de Compliance, il faut donc observer et comprendre les mécanismes de réponses stratégiques des organisations industrielles. Bien au-delà de la logique de conformité, elles le font notamment en construisant des référentiels ou en contribuant à la construction de ceux-ci et en rattachant elles-mêmes expressément des buts comme la lutte contre la souffrance au travail ou l'égalité entre les femmes et les hommes comme relevant de l'Obligation de Compliance. Le législateur et les agents de régulation doivent donc intégrer, au besoin à l'aide de recherches interdisciplinaires avec les sciences de gestions, les dynamiques de cadrage stratégique des organisations.

Ainsi l'Obligation de Compliance doit être envisagée selon l'auteur comme des "réponses adaptatives face aux crises systémiques et à leurs causes", parant à l'anomie elle-aussi monumentale dont souffre notre société actuelle qui a perdu ses repères et se retrouve dans des incertitudes existentielles. Cette Obligation de Compliance a vocation, au besoin par la contrainte, aux entités industrielles de s'intégrer dans la société en devenant les vecteurs des droits humains et des attentes sociales et environnementales. Le succès de cette Obligation de Compliance suppose une certaine appropriation stratégique par les grandes entreprises des buts, ce qui rend cette Obligation elle-même incertaine.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Y. Quintin, Aux frontières du droit : les embargos américains et l'affaire BNP Paribas, RD banc. fin., étude 21, 2014.

Responsabilités éditoriales : Direction de la collection Compliance & Regulation, JoRC et Bruylant

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance and ContractJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître 

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📕Parallèlement, un ouvrage en français, Compliance et contrat, est publié dans la collection coéditée par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz

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🧮Cet ouvrage vient à la suite d'un cycle de colloques 2023-2024, organisés par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et des Universités qui lui sont partenaires

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 Présentation générale de l'ouvrage : 

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📚Ce volume s'insère dans la lignée des ouvrages qui, dans cette collection en langue anglaise, sont consacrés à la Compliance.

 Lire la présentation des autres ouvrages de la Collection portant sur la Compliance :

  • les ouvrages suivants :

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Evidence System, 2025

  • les ouvrages précédents :

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Obligation2024 

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Jurisdictionalisation2024 

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Monumental Goals2023

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📘Compliance Tools, 2021

 

📚Consulter les autres titres de la collection.

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🏗️Construction générale de l'ouvrage :

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La présomption est une dispense de preuve lorsqu'elle est établie par la loi. Elle est un raisonnement probatoire lorsqu'elle est présentée devant un juge, raisonnement qui permet d'établir un fait pertinent à partir d'une preuve indirecte. Il constitue en cela un déplacement d'objet de preuve.

On distingue les présomptions légales, lorsque c'est le législateur qui a posé comme établi un fait, ce qui engendre alors non plus un déplacement d'objet de preuve, mais une dispense de preuve pour celui qui doit supporter normalement la charge de preuve.

Lorsque l'adversaire à l'allégation n'est pas autorisé à rapporter la preuve contraire à l'allégation, la présomption est irréfragable. Parce que la présomption irréfragable est une dispense définitive de preuve, elle soustrait la réalité d'un fait à l'obligation d'être prouvé. La présomption équivaut alors à une fiction. Parce qu'il s'agit d'un artefact, on affirme généralement que seul le législateur a le droit de poser des présomptions irréfragables. Ainsi, la présomption de vérité qui s'attache à la chose définitivement jugée est une présomption légale irréfragable. Celle-ci est alors une pure règle de fond, ici l'incontestabilité des décisions de justice contre lesquelles il n'existe plus de voies de recours d'annulation disponible.

A côté des présomptions légales, existent les "présomptions du fait de l'homme", expression traditionnelle pour désigner les raisonnements probatoires précités que les parties présentent au juge. Comme il s'agit de preuves véritables, ayant donc pour objet de reconstituer la vérité, elles ne peuvent pas être irréfragables, et ne peuvent entraîner qu'une alternance des charges de preuve, au détriment du défendeur à l'allégation. La présomption du fait de l'homme est toujours simple.

Si la jurisprudence établit pourtant des présomptions qu'elle pose comme incontestables, cela signifie simplement qu'elle a établie comme une règle de fond, comme la responsabilité des parents du fait des enfants, antérieurement une responsabilité pour faute présumée aujourd'hui une responsabilité aujourd'hui. Cela n'est que l'expression de la jurisprudence source de droit, c'est-à-dire de la jurisprudence au même niveau que le législateur.

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Exemple concret

Une personne, A,  est retrouvée blessée sur la chaussée. Elle prétend que l'auteur du dommage est le propriétaire d'un vélo qui a freiné brutalement et l'a renversée avant de prendre la fuite. Il n'y a pas de témoin. Elle soutient qu'il s'agit de son voisin, B, dont le vélo, est endommagé. Elle démontre qu'il existe sur le bitume des traces de peinture et de pneus, qui correspondent aux entailles du vélo de B., observation faite qu'il a changé ses pneus le lendemain même de l'accident.

A soutient le raisonnement suivant au juge : je dois démontrer que B m'a renversée (objet direct de preuve), ce que je ne peux faire directement. Mais je peux prouver que son vélo est endommagé, qu'il a changé les pneus, que les entailles du vélo correspondent aux traces relevées sur le sol où a eu lieu l'accident, que B a changé ses pneus le lendemain même de l'accident : on peut, par ces preuves indirectes, présume un lien de causalité. Ainsi, la preuve est apportée non directement, mais par raisonnement.

Si le juge admet le raisonnement, comme la présomption n'est pas irréfragable, la question probatoire ne sera pas réglée, il opérera simplement un renversement de charge de preuve. B, défendeur à l'allégation, sera recevable à démontrer que ces éléments, le changement des pneus, l'endommagement de l'ossature du vélo, ont d'autre chose. S'il apporte ces preuves, alors il aura brisé la présomption simple, et le demandeur, qui supporte le risque de preuve, aura perdu le procès. S'il ne les apporte pas, alors le demandeur, grâce à la présomption, aura gagné son procès.

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. Rapp, "Compliance, Chaines de valeur et Économie servicielle",  ", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cette contribution est publiée

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 Résumé de cette contribution (fait par l'auteur) : La contribution étudie, - à partir d’une analyse de chaines de valeur d’entreprises du secteur spatial et de leur évolution récente -, le rôle, la place et les transformations actuelles opérées par les politiques et stratégies de conformité (compliance) dans le contexte d’une mutation industrielle devenue essentielle, le passage d’une économie industrielle à une économie servicielle.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : B. Lecourt, "Des obligations d'information en matière de droit de l'homme et d'environnement au devoir de vigilance", in B. Lecourt (dir.) Lebvre - Dalloz, coll. "Thèmes et commentaires", 2025, pp

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📗lire une présentation générale de l'ouvrage, Le devoir européen de vigilance, dans lequel cet article est publié

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le secteur des assurances a toujours été régulé en ce qu’il présente un très fort risque systémique, la solidité des opérateurs économiques étant requise pour le fonctionnement du secteur et la faillite de l’un d’entre eux pouvant faire fléchir voire s’effondrer l’ensemble. En outre, l’assurance est le secteur dans lequel l’aléa moral (moral hazard) est le plus élevé, puisque l’assuré aura tendance à minimiser les risques auxquels il est exposé pour payer la prime la moins élevée possible, alors même que la compagnie s’expose à couvrir un accident dont elle ne peut par avance mesurer l’ampleur. Ainsi, la science de l’assurance est avant tout celle des probabilités.

L’enjeu récent de la régulation des assurances, à la fois institutionnel, à la fois la construction et les pouvoirs du régulateur du secteur, et fonctionnel, à savoir  les relations que celui-ci doit avoir avec les autres pouvoirs, se situe principalement dans les relations entre le régulateur des assurances et le régulateur des banques, ce qui renvoie au concept de l'"interrégulation. En effet, si l’on s’en tient aux critères formels, les deux secteurs sont distincts et les régulateurs doivent être pareillement. Ainsi naguère existait d’une part l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), sous la direction du ministère des finances, ainsi que le Comité des entreprises d’Assurance (CEA), et d’autre part les autorités de régulation bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et la Commission Bancaire, département sans personnalité morale à l’intérieur de la Banque de France, institution autonome du gouvernement. Mais si l’on regarde les activités, on est alors sensibles au fait que les produits d’assurance, par exemple les contrats d’assurance vie, sont le plus souvent des produits financiers. On constate en outre, à travers la notion de « banque-assurance », que des mêmes entreprises pratiquent les deux activités économiques. En dehors du fait qu'en droit de la concurrence l'on définit les entreprises par l'activité de marché, il en résulte surtout que le risque de contamination et de propagation est commun entre l’assurance et la banque. C’est pourquoi, l’ordonnance du 21 janvier 2010 a créé l’Autorité de Contrôle Prudentiel  (ACP) qui vise aussi bien les compagnies d’assurances que les banques, puisque leur solidité doit être soumise à des exigences analogues et à un organisme commun. La loi de juillet 2013 a confié à cette Autorité la mission d'au besoin organiser la restructuration de ces entreprises, devenant donc l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l'ACPR.

Mais les règles substantielles ne sont pas pour autant unifiées, d’une part parce que les assureurs ne sont pas favorables à une telle assimilation, d’autre part parce que les textes, essentiellement la directive communautaire sur l’insolvabilité des compagnies d’assurances, demeurent propres à celles-ci, et en distance par rapport aux règles de Bâle s’appliquant aux banques, ce qui contredit le rapprochement institutionnel. La construction européenne reflète la spécificité du secteur assurantiel, le Règlement du 23 novembre 2010 ayant établi l'EIOPA qui est un quasi-régulateur européen pour les organismes de prévoyance, parmi lesquels figurent les sociétés d'assurance.

L'enjeu actuel de la Régulation assurantielle est précisément la construction européenne. Tandis que par l’Union bancaire, l’Europe de la régulation bancaire se construit, l’Europe de la Régulation assurantielle ne se construit. Déjà parce que, à juste titre, elle ne veut pas se fondre dans l’Europe bancaire, les négociations des textes de « Solvabilité II » achoppant sur cette question de principe. L’on retrouve cette vérité première : en pratique, ce sont les définitions qui compte. Ici : une compagnie d’assurance peut-elle se définir comme une banque comme une autre ?

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : M. M. Mohamed Salah, "Conclusions", in J. Andriantsimbazovina (dir.), Puissances privées et droits de l'Homme. Essai d'analyse juridique, Mare Martin, coll. "Horizons européens", 2024, pp. 297-314

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► Résumé de l'article :

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Fr. Berrod, "Introduction au DMA : un esprit pionnier de la régulation des plateformes numériques", Dalloz IP/IT, 2023, pp. 266-271

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► Résumé de l'article (fait par l'auteur) : "Le Digital Markets Act (DMA) a été proposé en même temps que son jumeau le Digital Service Act et ils ont été négociés en parallèle et stabilisés par la présidence française de l'Union européenne. Il est applicable à partir du 2 mai 2023. Sa négociation fut menée de façon remarquablement rapide (moins de seize mois pour obtenir l'accord politique sur la proposition de la Commission du 15 déc. 2020), si l'on rappelle la difficulté de ces deux textes, tant technique que juridique. Le DMA vient modifier les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828. Le titre technique choisi reflète l'ambition de ce texte, consacré « aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique ». Nous retracerons dans cette contribution les principaux éléments de compréhension du DMA.".

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Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : V. Magnier, "The transformation of governance and due diligence", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance ObligationJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, coll. "Compliance & Regulation", à paraître

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📘consulter une présentation générale de l'ouvrage, Compliance Obligation, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : The author develops the tensions caused by Compliance Law and the Duty of Vigilance on corporate governance.

The French "Sapin 2" law targets corruption, while the French "Vigilance" law has a broader scope in terms of risks and the entire value chain. It is logical that this should create tensions in terms of governance, given the monumental goals involved. Companies need to take ownership of the powers delegated to them, which means rethinking their governance and the way in which they exercise their corporate mandates, with the corporate interest, the judge's compass, having to be combined with the adoption of new standards of behaviour formalised voluntarily by ethical charters in line with international standards. On this voluntary and supervised basis, the company must adapt its structure and then contractualise these norms.

This ethical approach has an impact on the role of corporate organs, not only in terms of transparency and risk prioritisation, but also proactively in terms of the adoption of commitments whose sincerity will be verified, as reflected, for example, in corporate governance codes (cf.in France the AFEP-MEDEF Code), the setting up of ad hoc committees and the presence of stakeholders, who will be consulted when the vigilance plan is drawn up.

She stresses that this creates tensions, that dialogue is difficult, that business secrecy must be preserved, but that stakeholders must become Vigilance watchdogs, a role that should not be left to the public authorities alone.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : L. Grosclaude, "Financiarisation des professions libérales réglementées : vers un changement du paradigme",  JCP Entreprise, n°49, déc. 2023, étude 1355.

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🦉cet article est accessible aux personnes qui suivent les enseignements du professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Le plan est  actualisé chaque semaine au fur et à mesure que les leçons se déroulent en amphi.

Il est disponible ci-dessous.

 

 

Retourner à la présentation générale du cours, tel qu'il était bâti et proposé en 2018.

 

 

 

 

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les industries de réseaux sont construites sur les infrastructures de transport, par exemple afférentes à des ondes de télécommunication ou bien le transport de données, ou du gaz ou de l’électricité, qui constituent des facilités essentielles.

Ces infrastructures essentielles sont surveillées par les régulateurs non seulement pour que les opérateurs y aient concrètement un droit d’accès mais encore pour que se construise en Europe un maillage complet de ces infrastructures, pour aboutir par exemple à un système ferroviaire européen.

Ces infrastructures existent également en matière bancaire, financière et assurantielle, qu’il serait vain d’opposer trop facilement aux industries de réseaux, car les places financières reposent sur de gigantesques systèmes informatiques, des chambres de compensation internalisées, qui sont elles-mêmes des infrastructures essentielles, méritant une régulation.

Est alors en articulation la solidité optimale des infrastructures, dont le Régulateur a la charge définitive dans un contrôle permanente sur celui qui les gère, qu'il s'agisse de l’État ou d'un opérateur - que celui-ci soit un opérateur public ou un opérateur privé-, et le dynamisme concurrentiel du secteur que le système peut en outre également confier au même régulateur.

C'est notamment le cas en Régulation financière, qui vise l’optimisation des places, qui sont en concurrence entre elles, et leur sécurité respective, qui constitue elle-même un avantage compétitif, commun à l'ensemble des opérateurs.

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : B. Haftel, "La façon dont l'impératif de Vigilance s'ajuste aux règles juridiques internationales", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Salah, M., La mondialisation vue de l'Islam, in Archives de Philosophie du Droit, La mondialisation entre illusion et utopie, tome 47, Dalloz, 2003, 27-54.

 

La mondialisation apparaît comme une occidentalisation des cultures et du droit. L'Islam qui prend forme juridique devrait se l'approprier sans se dénaturer. La réussite d'un tel processus difficile dépendra de la qualité de la régulation qui sera mise en place.

 

Lire une présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

Les étudiants de Sciences po peuvent via le drive lire l'article dans le dossier "MAFR - Régulation".

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'impartialité est la qualité, voire la vertu, que l'on exige du juge, non seulement de celui qualifié expressément comme tel mais encore de celui qui qui a pour rôle de juger autrui (sans en avoir le nom). 

Elle ne peut pas se définir comme l'aptitude positive absolue, à savoir l'absence totale de préjugé, l'aptitude héroïque pour une personne de faire totalement abstraction de ce qu'elle est, de ses opinions et de son histoire personnelles. Cette vertu héroïque est un non-sens car non seulement elle est inexacte, impossible mais elle n'est pas souhaitable car une personne n'est pas une machine. Elle ne doit pas l'être car une bonne justice est une justice humaine. En cela, l'impartialité renvoie à une conception philosophique de ce qu'est la justice et ce qu'est la Régulation, non pas des machines mais des systèmes qui doivent garder en leur centre la personne humaine (Sunstein).

Ainsi l'impartialité s'articule avec la nature subjective de l'appréciation non seulement inévitable mais encore  souhaitable que le juge fait des situations. Parce que le droit est raisonnable ne se définit que négativement : l'absence de partialité.

L'impartialité se définit en premier lieu  comme une qualité subjective et individuelle, à savoir l'interdiction pour la personne qui prend une décision ayant un effet sur la situation d'autrui (ce qui est le cas d'un juge) d'avoir un intérêt particulier dans cette situation. L'interdiction constitutionnelle d'être "juge et partie" est ainsi l'expression du principe d'impartialité. Cette définition jouxte l'exigence par ailleurs générale d'absence de conflit d'intérêts

L'impartialité se se définit en deuxième lieu  comme une qualité objective et individuelle, à savoir l'interdiction pour une personne qui a déjà connu du cas d'en connaître de nouveau (parce qu'elle a déjà eu une opinion à son propos, elle s'est constituée un pré-jugé objectif).

L'impartialité se se définit en troisième lieu  comme une qualité objective et structurelle, qui oblige l'organe qui prend des jugements à "donner à voir" une structure le rend apte à cette impartialité, impartialité objective que les tiers pourront voir et qui engendre confiance dans sa capacité à juger sans partialité. Cette théorie d'origine anglaise a été reprise par le droit européen dans l'interprétation donnée de la Convention européenne des droits de l'homme.  L'expression d' "impartialité apparente" a parfois donné lieu à des contresens. En effet, loin d'être moins exigeante (en ce qu'il ne s'agirait "que" de se contenter d'une apparence d'impartialité et non pas d'une impartialité véritable), il s'agit au contraire d'exiger plus, non seulement d'une impartialité véritable, mais encore d'une impartialité qui se donne à voir à tous. Cela conduit notamment à l'obligation de transparence, ce à quoi les institutions, notamment étatiques, n'étaient pas forcément obligées par le Droit.

Longtemps le Régulateur, en ce qu'il prend la forme d'une Autorité Administrative, n'était pas considéré comme une juridiction, l'on considéra longtemps qu'il n'était pas directement soumis à cette exigence. Par une jurisprudence éclatante, les tribunaux nationaux considèrent désormais que les autorités de régulation sont "au sens européen" des juridictions, ce qui implique le déclenchement au bénéfice des opérateurs mis en cause des garanties fondamentales de procédure.