Matières à Réflexions

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'Office of Communications (Ofcom) est le régulateur britannique des communications.

Ce régulateur indépendant est compétent à la fois pour les services de télévisions, de radio, de télévision, mais encore de la poste.

A cela, s'ajoutent des missions très diverses, comme non seulement l'attribution des licences mais encore la protection des données ou encore les politiques publiques de diversité et d'égalité.

L'on peut considérer qu'il s'agit des compétences les plus larges que l'on peut conférer à un régulateur au regard des activités de "communication"!footnote-767.

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : Segonds, M., Compliance, Proportionality and Sanction. The example of the sanctions taken by the French Anticorruption Agency, in Frison-Roche, M.-A. (ed.),Compliance Monumental Goals, series "Compliance & Regulation", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Bruylant, à paraître.

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► Article Summary:  Before devoting the developments of his article to the sole perspective of sanctions imposed under "Anti-corruption Compliance", the author recalls in a more general way that, as is the sanction, Compliance is in essence proportional: Proportionality is inherent to Compliance as it conditions any sanction, including a sanction imposed under Compliance.

This link between Proportionality and Compliance has been underlined by the French Anti-Corruption Agency (Agence française anticorruption - AFA) with regard to risk mapping, which must measure risks to arrive at effective and proportional measures. This same spirit of proportionality animates the recommendations of the AFA which are intended to apply according to the size of the company and its concrete organisation. It governs sanctions even more, in that punitive sanctions refer on one hand to Criminal Law, centered on the requirement of proportionality. Punitive sanctions It governs sanctions even more, in that punitive sanctions refer on the other hand to the disciplinary power of the manager who, from other sources of law, must integrate the legal requirement of proportionality when he/she applies external and internal compliance norms.

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📝 consulter la présentation du livre, Compliance Monumental Goals, dans lequel l'article est publié

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le secteur des assurances a toujours été régulé en ce qu’il présente un très fort risque systémique, la solidité des opérateurs économiques étant requise pour le fonctionnement du secteur et la faillite de l’un d’entre eux pouvant faire fléchir voire s’effondrer l’ensemble. En outre, l’assurance est le secteur dans lequel l’aléa moral (moral hazard) est le plus élevé, puisque l’assuré aura tendance à minimiser les risques auxquels il est exposé pour payer la prime la moins élevée possible, alors même que la compagnie s’expose à couvrir un accident dont elle ne peut par avance mesurer l’ampleur. Ainsi, la science de l’assurance est avant tout celle des probabilités.

L’enjeu récent de la régulation des assurances, à la fois institutionnel, à la fois la construction et les pouvoirs du régulateur du secteur, et fonctionnel, à savoir  les relations que celui-ci doit avoir avec les autres pouvoirs, se situe principalement dans les relations entre le régulateur des assurances et le régulateur des banques, ce qui renvoie au concept de l'"interrégulation. En effet, si l’on s’en tient aux critères formels, les deux secteurs sont distincts et les régulateurs doivent être pareillement. Ainsi naguère existait d’une part l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), sous la direction du ministère des finances, ainsi que le Comité des entreprises d’Assurance (CEA), et d’autre part les autorités de régulation bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et la Commission Bancaire, département sans personnalité morale à l’intérieur de la Banque de France, institution autonome du gouvernement. Mais si l’on regarde les activités, on est alors sensibles au fait que les produits d’assurance, par exemple les contrats d’assurance vie, sont le plus souvent des produits financiers. On constate en outre, à travers la notion de « banque-assurance », que des mêmes entreprises pratiquent les deux activités économiques. En dehors du fait qu'en droit de la concurrence l'on définit les entreprises par l'activité de marché, il en résulte surtout que le risque de contamination et de propagation est commun entre l’assurance et la banque. C’est pourquoi, l’ordonnance du 21 janvier 2010 a créé l’Autorité de Contrôle Prudentiel  (ACP) qui vise aussi bien les compagnies d’assurances que les banques, puisque leur solidité doit être soumise à des exigences analogues et à un organisme commun. La loi de juillet 2013 a confié à cette Autorité la mission d'au besoin organiser la restructuration de ces entreprises, devenant donc l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l'ACPR.

Mais les règles substantielles ne sont pas pour autant unifiées, d’une part parce que les assureurs ne sont pas favorables à une telle assimilation, d’autre part parce que les textes, essentiellement la directive communautaire sur l’insolvabilité des compagnies d’assurances, demeurent propres à celles-ci, et en distance par rapport aux règles de Bâle s’appliquant aux banques, ce qui contredit le rapprochement institutionnel. La construction européenne reflète la spécificité du secteur assurantiel, le Règlement du 23 novembre 2010 ayant établi l'EIOPA qui est un quasi-régulateur européen pour les organismes de prévoyance, parmi lesquels figurent les sociétés d'assurance.

L'enjeu actuel de la Régulation assurantielle est précisément la construction européenne. Tandis que par l’Union bancaire, l’Europe de la régulation bancaire se construit, l’Europe de la Régulation assurantielle ne se construit. Déjà parce que, à juste titre, elle ne veut pas se fondre dans l’Europe bancaire, les négociations des textes de « Solvabilité II » achoppant sur cette question de principe. L’on retrouve cette vérité première : en pratique, ce sont les définitions qui compte. Ici : une compagnie d’assurance peut-elle se définir comme une banque comme une autre ?

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Delalieux, G., La loi sur le devoir de vigilance des sociétés multinationales : parcours d’une loi improbable, Droit et Société, 2020/3, n°106, p.649-665.

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Résumé de l'article (fait par l'auteur) :  Cet article propose une analyse des obstacles rencontrés par les défenseurs de la proposition de loi sur le devoir de vigilance (ONG et syndicats) en étudiant les efforts de plaidoyer et de lobbying déployés par ces derniers afin de réussir à faire déposer, examiner puis adopter cette loi dont le Gouvernement ne voulait pas initialement.

À l’aune de ce cas, le concept d’entrepreneur institutionnel est discuté puis relativisé par utilisation de la notion de fortuna, développée par Machiavel, afin de décrire le passage « improbable » de cette loi. Les résultats tendent ainsi à relativiser l’importance que des acteurs singuliers, y compris collectifs, peuvent avoir dans l’explication du changement institutionnel, au profit d’une analyse multi-niveaux du changement (micro, méso, macro).

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Syndicats.  Summary Corporate Duty of Vigilance in France: The Path of an Improbable Statute This article offers an analysis of the resistance encountered by defenders (NGOs and trade unions) of the French Law on Corporate Duty of Vigilance. These actors sought to behave as institutional entrepreneurs deploying intense advocacy and lobbying efforts in order to successfully have this bill tabled, examined, and ultimately passed by the French government. In light of this case, the concept of “institutional entrepreneurship” is discussed and then relativized by the use of Machiavelli’s notion of “Fortuna,” in order to describe the “improbable” adoption of this statute. The results tend to put into perspective the importance that individual actors, including collective ones, can have in the explanation of institutional change, in favor of a multilevel analysis of change (micro, meso, macro). Corporate social responsibility – Institutional entrepreneurship – MNC’s Duty of Vigilance – Non-governmental organizations – Trade union

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Boy, , "Réflexion sur le "droit de la régulation". A propos du texte de Marie-Anne Frison-Roche",  D., chron., 2001, p.3031 et s.

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Base Documentaire : Soft Law

Référence complète : Response to the Study on Directors’ Duties and Sustainable Corporate Governance by Nordic Company Law Scholars, octobre 2020.

Lire le rapport

Base Documentaire : Doctrine

Référence : Beauvais, P., Méthode transactionnelle et justice pénale, in  Gaudemet, A. (dir.), La compliance : un nouveau monde? Aspects d'une mutation du droit, coll. "Colloques", éd. Panthéon-Assas, Panthéon-Assas, 2016, pp. 79-90.

Voir la présentation générale de  l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Salah, M., La mondialisation vue de l'Islam, in Archives de Philosophie du Droit, La mondialisation entre illusion et utopie, tome 47, Dalloz, 2003, 27-54.

 

La mondialisation apparaît comme une occidentalisation des cultures et du droit. L'Islam qui prend forme juridique devrait se l'approprier sans se dénaturer. La réussite d'un tel processus difficile dépendra de la qualité de la régulation qui sera mise en place.

 

Lire une présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

Les étudiants de Sciences po peuvent via le drive lire l'article dans le dossier "MAFR - Régulation".

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

L'impartialité est la qualité, voire la vertu, que l'on exige du juge, non seulement de celui qualifié expressément comme tel mais encore de celui qui qui a pour rôle de juger autrui (sans en avoir le nom). 

Elle ne peut pas se définir comme l'aptitude positive absolue, à savoir l'absence totale de préjugé, l'aptitude héroïque pour une personne de faire totalement abstraction de ce qu'elle est, de ses opinions et de son histoire personnelles. Cette vertu héroïque est un non-sens car non seulement elle est inexacte, impossible mais elle n'est pas souhaitable car une personne n'est pas une machine. Elle ne doit pas l'être car une bonne justice est une justice humaine. En cela, l'impartialité renvoie à une conception philosophique de ce qu'est la justice et ce qu'est la Régulation, non pas des machines mais des systèmes qui doivent garder en leur centre la personne humaine (Sunstein).

Ainsi l'impartialité s'articule avec la nature subjective de l'appréciation non seulement inévitable mais encore  souhaitable que le juge fait des situations. Parce que le droit est raisonnable ne se définit que négativement : l'absence de partialité.

L'impartialité se définit en premier lieu  comme une qualité subjective et individuelle, à savoir l'interdiction pour la personne qui prend une décision ayant un effet sur la situation d'autrui (ce qui est le cas d'un juge) d'avoir un intérêt particulier dans cette situation. L'interdiction constitutionnelle d'être "juge et partie" est ainsi l'expression du principe d'impartialité. Cette définition jouxte l'exigence par ailleurs générale d'absence de conflit d'intérêts

L'impartialité se se définit en deuxième lieu  comme une qualité objective et individuelle, à savoir l'interdiction pour une personne qui a déjà connu du cas d'en connaître de nouveau (parce qu'elle a déjà eu une opinion à son propos, elle s'est constituée un pré-jugé objectif).

L'impartialité se se définit en troisième lieu  comme une qualité objective et structurelle, qui oblige l'organe qui prend des jugements à "donner à voir" une structure le rend apte à cette impartialité, impartialité objective que les tiers pourront voir et qui engendre confiance dans sa capacité à juger sans partialité. Cette théorie d'origine anglaise a été reprise par le droit européen dans l'interprétation donnée de la Convention européenne des droits de l'homme.  L'expression d' "impartialité apparente" a parfois donné lieu à des contresens. En effet, loin d'être moins exigeante (en ce qu'il ne s'agirait "que" de se contenter d'une apparence d'impartialité et non pas d'une impartialité véritable), il s'agit au contraire d'exiger plus, non seulement d'une impartialité véritable, mais encore d'une impartialité qui se donne à voir à tous. Cela conduit notamment à l'obligation de transparence, ce à quoi les institutions, notamment étatiques, n'étaient pas forcément obligées par le Droit.

Longtemps le Régulateur, en ce qu'il prend la forme d'une Autorité Administrative, n'était pas considéré comme une juridiction, l'on considéra longtemps qu'il n'était pas directement soumis à cette exigence. Par une jurisprudence éclatante, les tribunaux nationaux considèrent désormais que les autorités de régulation sont "au sens européen" des juridictions, ce qui implique le déclenchement au bénéfice des opérateurs mis en cause des garanties fondamentales de procédure.

 

 

Base Documentaire

Référence complète : Grandjean, J.P., rapporteur, Rapport sur l'avocat chargé d'une enquête interne, Conseil de l'Ordre des Avocats, Paris, 8 mars 2016. 

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La concurrence est la loi du marché, au sens où elle lui serait "naturelle". Elle permet l’émergence du prix exact, que l’on désigne souvent sous l’appellation de « juste prix ». Elle signifie et requiert que les agents sur le marchés sont à la fois mobiles, c'est-à-dire libres d’exercer leur volonté, et atomisés, c'est-à-dire non regroupés entre eux. Cela est vrai pour ceux qui proposent un bien ou un service, les offreurs, comme pour ceux qui cherchent à les acquérir, les demandeurs : les offreurs cherchent à s’attirer les demandeurs pour que ceux-ci leur achètent les biens et services qu’ils proposent. En cela, ils sont entre eux en concurrence.

Sur le marché concurrentiel, les acheteurs se laissent aller à leur infidélité naturelle : quand bien même ils auraient précédemment acheté un produit à un offreur A, ils pourront - voire devront, car cela est rationnel - s’en détourner au profit d’un offreur B si celui-ci leur offre un produit plus attractif quant à sa qualité ou son prix. Le prix est l’information principale que mettent les offreurs sur le marché pour exciter cette mobilité concurrentielle des offreurs. Ainsi, la libre concurrence accélère la fluidifie du marché, la circulation des biens et services, fait monter la qualité des produits et services et fait baisser les prix. Il s’agit donc d’un système moral et vertueux, comme le voulait Adam Smith, système qui est donc le fruit des vices individuels. C’est pourquoi tout ce qui va injecter de la « viscosité » dans le système va être combattu par le Droit de la concurrence comme systémiquement « non vertueux » : non seulement les accords frontaux sur les prix mais encore et par exemple les clauses d’exclusivité, les accords par lesquels les entreprises retardent leur entrée sur le marché ou bien des droits de propriété intellectuelle qui réservent au titulaire de brevet un monopole.

Certes, le droit de la concurrence ne peut être réduit à une présentation d’une telle simplicité car il admet des organisations économiques qui s’éloignent de ce modèle de base, par exemple les réseaux de distribution ou les mécanismes de brevets sur lesquels est notamment  construit le secteur pharmaceutique. Mais l’incidence est d’ordre probatoire : dans la sphère du droit de la concurrence, si l’on est dans un schéma qui ne relève pas de la figure fondamentale de la libre confrontation de l’offre et de la demande, il faudra démontrer la légitimité et l’efficacité de son organisation, ce qui est une charge lourde pour les entreprises ou les États en cause.

Ainsi,en matière de régulation, si l’on devait estimer que la régulation est une exception à la concurrence, exception admise par les autorités de concurrence mais dont devraient être démontrées sans cesse devant elles sa légitimité et son efficacité au regard de l’ordre concurrentiel, alors les organisations publiques et les opérateurs des secteurs régulés subiraient toujours une charge de preuve très lourde. C’est ce que considèrent souvent les autorités de concurrence.

Mais si l’on considère que les secteurs régulés relèvent d’une toute autre logique que la logique concurrentielle, aussi bien du point de vue économique que du point de vue juridique, le Droit de la régulation se référant notamment à la notion de service public et ayant ses institutions propres que sont les Autorités de régulation, alors certains comportements, notamment monopolistiques, ne sont pas illégitimes en soi et n’ont pas à se justifier face au modèle concurrentiel, car ils n’en constituent pas l’exception (par exemple le service public de l’éducation ou de la santé).

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le contrôle est une notion si centrale en régulation que les termes anglais Regulation ou l'expression Regulatory system sont souvent traduits par le mot français "contrôle". En effet, le Régulateur contrôle le secteur dont il a la charge. Ce contrôle s’opère ex ante par l’adoption de normes de comportements, soit qu’il interdise des comportements, soit qu’il y oblige. En outre, il dispose souvent par exemple du pouvoir d’agrément d’entreprises entrant dans le secteur ou du pouvoir de certification de certains types de produits vendus sur les marchés dont il a la responsabilité. En outre, il surveille en permanence les secteurs dont il a la charge puisqu’il a pour fonction soit de les construire pour les mener jusqu’à la maturité concurrentielle soit qu'ils demeurent en équilibre entre le principe de concurrence et un autre souci, par exemple de veiller à ce qu’ils ne basculent pas dans une crise systémique. Ces contrôles ex ante distinguent radicalement l’autorité de régulation de l’autorité de concurrence qui n’intervient qu’ex post. Enfin, l’autorité de régulation contrôle le secteur ex post : en cela elle travaille en continuum temporel, en sanctionnant les manquements qu’elle constate de la part des opérateurs aux prescriptions qu’elle a adoptées. Elle dispose souvent d’un pouvoir de règlement des différents si deux opérateurs s’affrontent dans un litige entre eux et le portent devant elle.

Cette fonction de contrôle propre à l’autorité de régulation, fonction qu’elle partage souvent avec l’administration traditionnelle, et qui l’oppose à l’activité de l’autorité de concurrence et des tribunaux, est rendue difficile d’abord par son possible manque d’indépendance. En effet, si le régulateur doit contrôler un opérateur public, il peut risquer d’être capturé par le gouvernement, toute l’organisation du système de régulation devant donc veiller à son indépendance non seulement statutaire mais encore budgétaire par rapport à celui-ci. Ce risque de capture est d’ailleurs permanent non seulement du fait du gouvernement mais encore du fait du secteur. En second lieu, le contrôle peut être inefficace si le régulateur n’a pas les informations adéquates, fiables et en temps voulu, risque engendré par l’asymétrie d’information.

Pour lutter contre celle-ci, selon l’image enfantine du bâton et de la carotte, il faut tout à la fois donner au régulateur des pouvoirs pour extirper des informations que les opérateurs ne veulent pas fournir, les textes ne cessant de donner aux régulateurs de nouveaux pouvoirs, par exemple de perquisition. Symétriquement, les opérateurs sont incités à fournir des informations au marché et au régulateur par exemple à travers les programmes de clémence ou bien la multiplication des informations à insérer dans les documents sociétaires. Enfin l’équilibre est difficile entre la nécessité de lutter contre la capture du régulateur et la nécessité de réduire l’asymétrie d’information car le meilleur moyen pour celui-ci d’obtenir des informations du secteur est de fréquenter assidument les opérateurs : or, cet échange que ceux-ci acceptent très volontiers est la voix ouverte à la capture. C’est donc tout un art pour le régulateur de tenir à distance les opérateurs tout en obtenant d’eux des informations que seules des relations non tendues lui permettent d’obtenir.

Plus encore, le Droit de la compliance qui est en train de se mettre en place a vocation à résoudre cette difficulté majeure, le contrôlé devenant l'agent premier de mise en œuvre du Droit de la Régulation, dont les buts sont internalisés dans l'opérateur, opérateur crucial et global, le Régulateur veillant à la modification structurelle effective de l'opérateur pour concrétiser ces buts de régulation.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Regarder la vidéo expliquant le "droit à l'oubli".

Le "droit à l'oubli" est une invention récente et proprement européenne. Il a été conçu par la Cour de Justice de l'Union européenne dans l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014, pour que dans ce monde sans temps, dans lequel toute information est éternellement conservé et disponible qu'est le monde numérique, l'individu ainsi exposé peuvent être protégé contre ce phénomène nouveau, puisque l'oubli n'existe plus, par le Droit qui par sa puissance le dote d'un "droit à être oublié". En cela le vocable de Right to be forgotten est plus exact. 

Parce que le Droit est fait pour protéger les êtres humains, l'efficacité technologique qui a créé le monde digital est limitée par la prérogative juridique nouvelle de la personne à rendre inatteignable une information qui la concerne lorsqu'elle revêt un "caractère personnel". Cela fût repris par le règlement communautaire du 27 avril 2016, dit souvent RGPD, transposé dans les Etats-membres de l'Union européenne au plus tard le 25 mai 2018.

Plus que dans les législations qui ont repris l'idée d'une protection des personnes dans la maniement des "données" par autrui, exprimant davantage le souci de protéger le consommateur dans une économie de marché, il s'agit de protéger directement les personnes dans un monde technologique permettant l'obéïssance aveugle, l'Europe récusant ce modèle car la technique des fichiers lui ont laissé un souvenir terrible en raison de la Seconde Guerre mondiale. Or, le Droit est la mémoire des peuples et exprime "l'esprit" de ceux-ci (Savigny). 

 

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

But

Le but pour lequel un mécanisme, une solution une institution ou une règle sont adoptés, institués ou élaborés, sont en principe extérieurs à ceux-ci. La connaissance de ce but est un outil pour mieux les comprendre et n'est que cela.

Au contraire, dans le Droit de la Régulation, le but est le cœur même. Pa définition, le Droit de la Régulation est un ensemble d'instruments qui s'articulent pour prendre leur sens par rapport à un but. Plus encore, ces instruments ne sont légitimes à représenter une contrainte que parce qu'ils concrétisent un but lui-même légitime. L'interprétation du Droit de la Régulation se fait à partir des buts poursuivis : le raisonnement est téléologique.

Cette nature téléologique explique que l'efficacité n'est plus un simple souci - comme pour les mécanismes juridiques ordinaires, mais bien un principe du Droit de la Régulation. Elle explique l'accueil, notamment à travers le Droit de l'Union Européenne de la théorie de l'effet utile. Ce lien entre les règles, qui ne sont que des moyens, et les buts, renvoie au principe de proportionnalité, qui impose qu'on ne déploie de contraintes et d'exceptions qu'autant qu'il est nécessaire, la proportionnalité étant la forme économique moderne du principe classique de nécessité.

Parce que le but est le centre, il doit être exprimé par l'auteur de la norme de Régulation, et ce d'autant plus s'il est de nature politique et ne se limite pas à pallier les défaillance techniques des marchés. Ce but peut alors être très varié : la gestion des risques systémiques, mais aussi la considération des droits fondamentaux des personnes, la préservation de l'environnement, la santé publique, la civilisation, l'éducation, etc. Le silence du législateur qui se limite à édicter des règles alors que celles-ci ne sont que des instruments, sans expliciter le but alors que celui-ci est une décision politique, est une faute dans l'art législatif.

Plus encore, afin que celui qui applique la loi, notamment le Régulateur et le Juge, ne dispose pas de marge d'interprétations excessive et ne se substituent pas au pouvoir politique, il faut que l'auteur de la norme ne vise qu'un seul but : celui qui applique la norme sera ainsi contraint. Ou, s'il en vise plusieurs, il faut alors qu'il les articule les uns par rapport aux autres, en les hiérarchisant par exemple. S'il ne le fait pas, celui qui applique la norme de Régulation devra lui-même choisir le but et exercer un pouvoir dont il n'est pas titulaire.

Cette désignation expresse d'un but  a été fait pour l'Union Bancaire, Régulation et Supervision européenne dont le but premier est de prévenir le risques systémique et de résoudre les crises. De la même façon, le but de la Régulation des infrastructures essentielles est d'assurer un accès des tiers au réseau. De la même façon, lorsqu'il s'agit d'une régulation transitoire mise en place à la suite d'une libéralisation, le but est de mettre en place la concurrence dont le principe a été déclaré par la loi de libéralisation.  Lorsque cela n'est pas nettement posé, il y a défaillance dans l'art législatif.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

 

La régulation est née de la nécessité de prendre en compte la spécificité des secteurs, souvent en accompagnement de la libéralisation de ceux-ci.

Mais, en premier lieu, des biens de différents secteurs peuvent être substituables. Ainsi, l’on peut se chauffer aussi bien au gaz qu’à l’électricité, la concurrence intermodale rendant moins pertinente la segmentation de la régulation du secteur de l’électricité et la régulation du secteur du gaz. Pareillement, un contrat d’assurance-vie est à la fois un instrument de protection pour l’avenir, un produit relevant donc de la régulation assurantielle, mais aussi produit financier placé auprès des consommateurs par des entreprises de banque-assurance, relevant donc de la régulation bancaire et financière. Cette intimité de la régulation par rapport à la technicité interne de l’objet sur lequel elle porte ne peut être effacée.

L'interrégulation qui va se mettre en place est d'abord institutionnelle. C’est pourquoi, une alternative s’ouvre : soit on fusionne les autorités, et  ainsi la Grande Bretagne par la Financial Services Authority (FSA) a, dès 2000, fusionné la régulation financière et bancaire, ce que la France n’a pas fait (tandis que la France a fusionné la régulation des assurances et la régulation bancaire à travers l’ACPR). Ainsi, la première branche de l’alternative est la fusion institutionnelle, au risque de constituer des sortes de Titans, voire de reconstituer l’État. Soit on établit des procédures de consultation et de travaux communes, pour faire naître des points de contact, voire une base de doctrine commune contre les régulateur. L’autre branche de l’alternative consiste à respecter ce rapport initial entre régulation et secteur et de prendre acte des liens entre les secteurs à travers la notion proposée de « inter-régulation ». Cela suppose alors de mettre en place des réseaux entre des autorités demeurées autonomes, mais qui s’échangent des informations, se rencontrent, collaborent sur des dossiers communs, etc. Cette interrégulation peut d’abord être horizontale lorsque des autorités de plusieurs secteurs collaborent, par exemple l’autorité de contrôle prudentiel et l’autorité des marchés financiers, ou l’ARCEP et le CSA. Elle peut être aussi de type vertical lorsque les autorités de secteurs nationaux collaborent avec des autorités étrangères ou des autorités européennes ou internationales, comme le prévoit le processus Lamfalussy en matière financière (élargi aux secteurs de la banque et des assurances) ou le processus de Madrid en matière énergétique par lesquels chaque régulateur nationaux se rencontrent et travaillent en commun, avec et autour de la Commission européenne (technique de la comitologie).

L'interrégulation qui est ensuite notionnelle, un "droit commun" de la régulation s'élaborant, commun entre tous les secteurs. Ce "droit commun" (droit horizontal) est venu après la maturation des droits sectoriels de la régulation (droits verticaux). Il s'élabore de fait parce que les objets régulés se situent à la frontière de plusieurs secteurs, voire ignorent celle-ci : par exemple les produits financiers dérivés sur sous-jacent agricole ou énergétique. Plus encore, les "objets collectés" engendrent de l'interrégulation dans l'espace numérique. Ainsi, alors même qu'il est possible qu'Internet, donne lieu à une "interrégulation" avant de donner lieu à une régulation spécifique, celle-ci pouvant justifier que l'on se passe de la première. 

Enseignements : Droit commun de la Régulation

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Cette bibliographie générale rassemble quelques références générales, qui se superposent ou croisent les bibliographies plus spécifiques sur :

 

  • Doctrine (par ordre alphabétique), la présentation distinguant quelques ouvrages généraux avant de répertorie des études pertinentes pour comprendre le "Droit commun de la Régulation"

 

  • Textes de droit international, textes de systèmes juridiques étrangers,textes de l'Union européennes, textes de droit français

 

  • Littérature grise

 

Base Documentaire : 03. Conseil d'Etat

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

D’une façon paradoxale, la notion de conflit d’intérêts semble n'être mise au centre du droit que récemment en Droit économique, aussi bien en Droit des sociétés qu'en Droit public. Cela tient à la philosophie qui anime ces deux branches du Droit, très différentes pour chacune, et qui a changé dans chacune.

En effet et pour commencer par le Droit public, dans la tradition française, du côté de l‘État, celui qui le sert  par une sorte d'effet naturel fait passer l’intérêt général incarné par l’État avant son intérêt personnel : il y a certes une opposition d’intérêts, à savoir l’intérêt personnel de l’agent public qui voudrait par exemple travailler moins et gagner plus, et l’intérêt commun de la population, qui voudrait payer moins d’impôts et par exemple bénéficier de trains qui arrivent toujours à l’heure et l'intérêt général qui serait par exemple la construction d'un réseau ferroviaire européen.

Mais ce conflit serait résolu "naturellement" car l’agent public, ayant « le sens de l’intérêt général » et étant animé par le "sens du service public", se sacrifie pour servir l’intérêt général. Il reste tard à son bureau et fait arriver les trains à l’heure. Cette théorie du service public était l’héritage de la Royauté, système dans lequel le Roi est au service du Peuple, comme l’aristocratie, au "service du Roi". Il ne pourrait donc y avoir de conflit d’intérêts, ni dans l’administration ni dans les entreprises publiques, ni à observer, ni à gérer ni à dissoudre. La question ne se pose pas...

Prenons maintenant du côté des entreprises, vues par le Droit des sociétés. Dans la conception classique de celui-ci, les mandataires sociaux sont nécessairement associés de la société et les bénéfices sont obligatoirement répartis entre tous les associés : le contrat de société est un « contrat d’intérêt commun ». Ainsi, le mandataire social travaille en sachant que les fruits de ses efforts lui reviendront à travers les bénéfices qu’il recevra en tant qu’associé. Quel que soit son égoïsme - et il faut même que le mandataire le soit, ce mécanisme produit la satisfaction de tous les autres associés qui mécaniquement recevront aussi en partage les bénéfices. L'égoïsme est bien le moteur  du système, comme dans la théorie classique du marché et de la concurrence. Ainsi, dans le mécanisme sociétaire, il n’y a jamais de conflit d’intérêt dès l’instant où le mandataire social est obligatoirement associé : il travaillera toujours dans l’intérêt des associés puisqu’en cela il travaille pour lui-même. Comme le Droit des sociétés pose que la perte de la société sera aussi encourue et subie par tous les associés, il évitera également cette perspective.. Là encore, il n'est besoin d'aucun contrôle. La question d'un conflit d'intérêt entre le mandataire et ceux qui l'ont conféré cette fonction ne se pose structurellement pas.

Ces deux représentations se sont révélées toutes deux inexactes. Elles étaient basées sur des philosophies certes différentes - l'agent public étant censé dépassé son intérêt propre, le mandataire social étant censé servir l'intérêt commun ou l'intérêt social par souci de son intérêt propre - mais c'est un raisonnement unique que ces deux représentations ont été défaites.

Prenons la première portant sur le Droit public : le « sens de l’État » n’est pas à ce point partagé dans l’administration et les entreprises publiques, que les personnes qui y travaillent se sacrifient pour le groupe social. Ce sont des êtres humains comme les autres. Des chercheurs en économie et en finance, par un réflexion élémentaire de soupçon, qui ont fait voler en éclat ces représentations politiques et juridiques. Plus particulièrement, on a constaté que le train de vie institutionnel des entreprises publiques, très proches du gouvernement et de leurs dirigeants, était souvent peu justifié alors qu'il est payé par le contribuable, c'est-à-dire par le groupe social qu’elles prétendaient servir. L’Europe, en affirmant dans le Traité de Rome le principe de "neutralité du capital des entreprises", c’est-a-dire l’indifférence au fait que l’entreprise ait pour actionnaire une personne privée ou une personne publique, a validé cette absence de dépassement de son intérêt particulier par le serviteur de l’État, devenu simple agent économique. Cela a permis de rejoindre le constat fait pour le Droit des sociétés.

La désillusion y fut de même ampleur. Il a été observé que le mandataire social, être humain ordinaire, n'est pas dévoué à l'entreprise et n’a pas pour seul avantage des bénéfices qu’il recevra plus tard comme associé. Il en reçoit parfois très peu alors il peut recevoir de très multiples avantages (financiers, pécuniaire ou en nature, indirects ou indirects). Les autres associés voient leur bénéfice diminuer d’autant. Ils sont ainsi en conflit d’intérêts. Plus encore, le mandataire social a été élu par l’assemblée des actionnaires, c'est-à-dire concrètement, l’actionnaire majoritaire ou l’actionnaire « contrôlaire » (actionnaire de contrôle) et non par tous. Il peut même n'être pas associé ("haut dirigeant").

Le fait même que la situation ne soit plus qualifiée par des juristes, à travers les qualifications du Droit classique des sociétés, empruntant encore au Droit civil des contrats, les qualifications provenant davantage des théories financiers, empruntant à la théorie de l'agence, a changé radicalement la perspective. Les présupposés ont été inversés : par un même "effet de nature", le conflit d’intérêts a été dévoilé comme existant structurellement entre le dirigeant, le "manager" et l’actionnaire minoritaire. L’actionnaire minoritaire n’ayant pas le pouvoir de fait de révoquer le mandataire social puisqu’il ne dispose pas de la majorité des droits de vote, la question ne se pose même plus de déterminer si le dirigeant a ou n'a pas un statut sociétaire : l'actionnaire minoritaire ne dispose de que du pouvoir de céder ses titres, si la gestion du manager lui est défavorable (droit de sortie) ou de pouvoir de dire, de protester et de faire savoir. Cela suppose qu'il soit informé, ce qui va mettre au centre d'un nouveau droit des sociétés l'information, voire la transparence.

Ainsi, ce conflit d’intérêts trouve une solution dans la cession effective des titres, au-delà du principe juridique de négociabilité. C’est pourquoi si la société est cotée, le conflit d’intérêts se traduit dialectiquement dans un rapport entre le mandataire social et le marché financier qui, par sa liquidité, permet la sanction du mandataire, et assure par ailleurs l'information, le marché financier et l'actionnaire minoritaire devenant identiques. Le manager pourrait certes avoir le « sens de l’intérêt social », une sorte d’équivalent de sens de l’État, s’il a une déontologie, ce qui alimenterait une autorégulation. Peu de personnes croient à la réalité de cette hypothèse. Par pragmatisme, on admet plus volontiers que le manager préfèrera son intérêt à celui de l’actionnaire minoritaire. En effet, il peut servir son intérêt personnel plutôt que l’intérêt au service duquel un pouvoir lui a été donné grâce à la rente informationnelle dont il est doté, et à l’asymétrie d’information dont il bénéficie. Toute la régulation va intervenir pour réduire cette asymétrie d’information et en doter l’actionnaire minoritaire grâce au régulateur qui défend les intérêts du marché contre les mandataires sociaux, au besoin à travers du droit pénal. Mais la croyance dans la bénévolance des managers a repris vigueur récemment avec la corporate social responsability, cette responsabilité sociale de l'entreprise par laquelle les dirigeants expriment leur souci des autres.

Le repérage des conflits d’intérêts, leur prévention et leur gestion sont en train de transformer le Droit de la Régulation financière, puis le Droit commun de la Régulation, car aujourd’hui on ne croit plus a priori que les personnes dépassent leur intérêt personnel pour servir l’intérêt des autres. C'est peut-être pour retrouver une confiance, voire une sympathie, que les entreprises ont investi dans une responsabilité sociale. Celle-ci s'élabore par un droit qui fût tout d'abord très souple mais qui peut exprimer aussi un souci de l'intérêt général. En cela, elle peut rencontrer le Droit de la Compliance et exprimer de la part des entreprises un souci de l'intérêt général, si les entreprises en apportent la preuve.

Pour prendre un exemple de conflit d'intérêts qui ont débouché sur des changements juridiques consistant, il a été relevé la situation potentielle dangereuse des agences de notations lorsqu'elles sont à la fois payées par les banques, pour les conseiller et concevoir des produits, tout en étant la source des notations, principaux indices à partir desquels les investissements s’opèrent. Or les banques sont les premiers intermédiaires financiers. Ces conflits d'intérêts sont donc systémiquement dangereux. C'est pourquoi en Europe c'est l'ESMA qui exerce un contrôle sur ces agences de notation.

Le repérage des conflits d'intérêts, qui consiste le plus souvent à changer la façon dont on observe une situation - qui paraissait normal jusqu'au moment où l'on change de regard -, la perspective morale et la perspective juridique, la confiance que l'on a dans tel ou tel personnage de la vie modifiant ce regard, est aujourd'hui ce qui fait bouger le plus le Droit de la Régulation;

Cela est vrai du Droit public et du Droit des sociétés, saisis par le Droit de la Régulation, ici transformé par le Droit de la Compliance, notamment par les lanceurs d'alerte. Mais cela est également vrai que toutes les institutions politiques et des élus.

Car une règle se dégage : plus la notion de conflit d'intérêts devient centrale et plus il faut prendre acte que la confiance n'est plus donnée a priori, ni à une personne, ni à une fonction, ni à un mécanisme, ni à un système. La confiance n'est plus donnée qu'a posteriori dans des procédures alourdissant l'action, où l'on doit donner à voir en continu que l'on a mérité cette confiance.

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Boursier, M.-E., L’irrésistible ascension du whistleblowing en droit financier s’étend aux abus de marché, Bulletin Joly Bourse, 1ier septembre 2016.

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article en accédant au dossier "MAFR - Régulation"

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Queinnec, Y et Constantin, A., Devoir de vigilance. Les organes de gouvernance des entreprises en première ligne, in Le Big Bang des devoirs de vigilance ESG : les nouveaux enjeux de RSE et de droit de l'homme, doss., Revue Lamy Droit des Affaires, n°104, mai 2015, p.68-74.

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La "compliance" est l'exemple-type d'un problème de traduction.

En effet, le terme anglais "Compliance" est le plus souvent traduit par le terme français de "Conformité". Mais à lire les textes, notamment en Droit financier, la "conformité" vise plutôt les obligations professionnelles, visant principalement la déontologie et la conduite des professionnels de marché, notamment des prestataires de service d'investissement. C'est à la fois une définition plus nette dans ses contours (et en cela plus sûre) et moins ambitieuse que celle exprimée par la "compliance". Il est dès lors et pour l'instant  plus prudent de conserver, même en langue française, l'expression de "Compliance".

La définition de la Compliance est à la fois contestée et très variable, puisque selon les auteurs, elle va des seules obligations professionnelles des intervenants des marchés financiers jusqu'à l'obligation à ceux qui y sont soumis de respecter les lois et règlements, c'est-à-dire l'obligation générale que nous avons tous de respecter le Droit. A les lire, la Compliance serait le Droit lui-même.

Vue du point de vue du Droit, la Compliance est un ensemble de principes, de règles, d'institutions et de décisions générales ou individuelles, corpus dont l'effectivité est le souci premier, dans l'espace et dans le temps afin des buts d'intérêt général visés par ces techniques rassemblées  soient concrétisés.

La liste de ces buts, qu'ils soient négatifs ("lutter contre" : la corruption, le terrorisme, le détournement de fonds publics, le trafic de drogues, le trafic d'êtres humain, le trafic d'organe, le trafic de biens toxiques et contagieux - médicaments, produits financiers, etc.) ou positifs ("lutter pour" : l'accès de tous aux biens essentiels, la préservation de l'environnement, les droits fondamentaux des êtres humains, l'éducation, la paix, la transmission de la planète aux générations futures) montre qu'il s'agit de buts politiques.

Ces buts correspondent à la définition politique du Droit de la Régulation.

Ces buts politiques exigent des moyens qui excèdent les forces des États, par ailleurs enfermés dans leurs frontières.

Ces buts monumentaux ont donc été internalisés par les Autorités publiques dans des opérateurs globaux. Le Droit de la Compliance correspond à une structuration nouvelles de ces opérateurs globaux. Cela explique notamment que les lois nouvelles mettent en place des répressions non seulement objectives mais structurelles, comme le font en France les lois Sapin 2 (2016) ou établissant une obligation de vigilance (2017).

Cette internationalisation du Droit de la Régulation dans les entreprises implique que les Autorités publiques supervisent désormais celles-ci, même si celles-ci n'appartiennent pas à un secteur supervisé, ni même à un secteur régulé, mais par exemple participent au commerce international.

Le Droit de la Compliance exprime donc une volonté politique globale relayé par un Droit nouveau violent, le plus souvent répressif, sur les entreprises.

Mais il peut aussi exprimer de la part des opérateurs, notamment les "opérateurs cruciaux" une volonté propre d'avoir eux-mêmes souci de ces buts globaux monumentaux, qu'ils soient de nature négative ou positive. Cette dimension éthique, exprimée notamment par la Responsabilité Sociétale, est la continuation de l'esprit du service public et le souci de l'intérêt général, élevés mondialement.

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Les États-Unis ont établi des autorités de régulation dès la fin du XIXème siècle : partant du principe du marché, ils ont tempéré celui-ci par la mise en place de régulateurs, après avoir constaté les défaillances de marché, par exemple en matière de transport, en cas de monopoles économiquement naturels ou de facilités essentielles. La tradition de l’Union européenne est inverse puisque les États, notamment l’État Français, ont estimé que des secteurs d’intérêt général, censés inaptes au schéma concurrentiel car ne correspondant pas au schéma de fonctionnement de la rencontre de l’offre et de la demande, et devant servir les missions de services publics, devaient être tenus par l’État, soit directement par des établissements publics, soit par des entreprises publiques sous tutelle des ministères.

L’évolution en Europe est venue du droit communautaire. En effet, après la seconde guerre mondiale, l’idée a été de construire un marché qui devait être" commun" aux pays européens afin qu’ils ne puissent plus à l’avenir se faire la guerre. Pour atteindre ce but, ont été levées les frontières entre eux grâce aux principes de libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. De la même façon a été interdite la défense par chacun des États de ses propres entreprises nationales par des aides d’État pour que toute entreprise même étrangère puisse pénétrer sur son territoire, afin que s’établisse un marché intérieur commun. Enfin, un droit de la concurrence était nécessaire pour interdire aux entreprises et aux États d’entraver le libre fonctionnement du marché, ce qui aurait ralenti voire stoppé la construction de ce marché intérieur, qui constituait un but essentiellement politique du traité de Rome.

Pour exécuter ce but politique, la Commission européenne et la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE, précédemment appelée Cour de justice des communautés - CJCE -  européennes jusqu’au Traité de Lisbonne) ont interdit tout comportement d’entente ou d’abus de position dominante, même de la part des entreprises publiques, ainsi que tout soutien des États (sauf en cas de crise). De la même façon, dans une parfaite logique politique, mais aussi dans une parfaite contradiction avec les traditions nationales européennes, des textes européens, règlements ou directives, ont libéralisés des secteurs naguère monopolistiques, tout d’abord les télécommunications puis l’énergie. Ce fut le cas pour les télécommunications avec la directive de 1993, de la directive de 1996 pour l’électricité et de la directive de 1998 pour le gaz.

En raison de la hiérarchie des normes, les États, sauf à être poursuivis devant la Cour de justice par la Commission européenne en action pour manquement, ont été obligés de transposer par des lois nationales ces textes européens. Ainsi, de force, le droit communautaire, à la fois par le droit général de la concurrence, mais surtout pour réaliser son but politique de construction d’un marché intérieur unique et initialement pacificateur, a déclenché en Europe un système de régulation économique dans tous les secteurs d’industries de réseaux, système qui était pourtant étranger à la culture des États membres. Ce n’était pas le cas des régulations bancaires et assurantielles, secteurs qui depuis toujours ont été menacés par un risque systémique, et à ce titre régulés et supervisés par les banques centrales nationales depuis très longtemps.

Le Droit communautaire a depuis pendant 30 ans plongé dans les Droits nationaux en les méconnaissant, ce qui a pu être profitable aussi, et sur la base du Droit de la concurrence, la dimension politique du projet européen ayant été oubliée, sans doute au fur et à mesure que la Guerre elle-même s'effaçait des esprits.

Les effets de la globalisation et de la crise financière ont constitué un nouveau tournant dans le Droit communautaire qui, depuis 2010, se construit non plus pour modifier les Droits nationaux - et les détruire en partie - mais pour construire un Droit communautaire nouveau et ne devant ni au Droit de la concurrence ni aux Droits nationaux : un Droit communautaire de la Régulation, qui fait place aux droits des personnes et tente de construire dans le temps un système robuste aux crises.  C'est ainsi que par des textes de l'Union européenne de 2014 se construit à la fois une Union bancaire et un droit nouveau des Abus de marché qui vise à établir un droit commun de l'intégrité des marchés financiers.

L'un des enjeux est ce qui pourrait ou devrait être la réconciliation entre les deux Europe, l'Europe économique et toujours peu sociale d'une part et l'Europe des droits de l'Homme, laquelle repose sur la Convention européenne des droits de l'Homme. Cela n'est pas à l'ordre du jour.

 

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le Juge requis pour une Obligation de Compliance effective", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Le Juge est un personnage qui parait faible dans un Droit de la Compliance qui lui paraît si puissant dans un monde où la technologie développe une puissance encore plus impressionnante. Mais les cas présents et futurs montrent au contraire sa place centrale et que son rôle doit pourtant être de mettre la force qui lui est propre à demeurer ce qu'il est : le gardien de l'État de Droit, ce qui n'est pas si évident car de nombreux outils de la Compliance, de nature technologique, sont en quelque sorte "insensibles" à ce à quoi nous sommes attachés, la protection des êtres humains qui s'appuie sur les diligences des entreprises (I).  Le deuxième rôle que nous pouvons attendre du Juge est  que non seulement il aide à permettre la permanence de cet État de Droit qui repose en grande partie sur lui face à un monde futur, en ce que celui-ci nous est inconnu, principalement dans sa dimension numérique et climatique, perspectives que le Droit de la Compliance veut, en renouvelant le Droit de la Régulation, saisir, en agissant à l'égard des entreprises dont le rôle est actif, ce qui conduit le Juge à les contrôler et à connaître les prétentions que l'on peut formuler contre celles-ci, sans se substituer au pouvoir de gestion de celles-ci (II). Cela suppose une méthode renouvelée (III), ce sont alors tous les juges, pourtant si divers, qui vont converger dans un dialogue actif des juges, qui va permettre que puisse en premier temps perdurer le rôle classique du juge, lié à l'Etat de Droit, dans un monde en plein mouvement et en second lieu que chaque juge puisse porter ce nouvel rôle qu'implique le Droit de la Compliance (IV).

Se mettra alors en place ce triangle parfait, dont la force et la simplicité permet l'usage du singulier et la conservation des majuscules à chacun de ces trois termes : Régulation Compliance Juge.

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Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : A. Oumedjkane, "Le devoir de vigilance est-il soluble dans le droit des contrats publics ?", in M.-A. Frison-Roche (dir.), Compliance et contratJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", à paraître

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► Résumé de l'article (fair par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Il analyse le devoir de vigilance, lequel constitue la pointe avancée du Droit de la Compliance dans la commande publique.

Cela est contrintuitif, puisque le devoir de vigilance est légal et que la loi donne compétence au juge judiciaire. Mais l'auteur souligne que les lois récentes, notamment les lois "résilience et climat" et "finance verte" visent expressément le devoir de vigilance pour constituer des causes d'exclusion de l'entreprise qui manque à son obligation de vigilance des commandes publiques.

L'auteur regrette que les textes à ce propos aient fait l'objet d'une rédaction approximative et variant de texte en texte, alors qu'il s'agit de régir la même situation : celle de l'exclusion d'une entreprise du champ de la commande publique parce qu'elle n'a pas rempli son obligation de vigilance; ce qui suppose des obligations pleinement réalisées, ou de n'avoir pas établi un plan de vigilance, ce qui n'est pas la même chose et manifeste moins d'exigence.

Il souligne également la question du contrôle qualitatif du plan de vigilance, contrôle approfondi ou au contraire obligation purement formelle. Là encore, il pense, comme la majorité de la doctrine, qu'il est raisonnable de se rapporter à une interprétation minimale, même si la loi sur le devoir de vigilance marque plus d'ambition.

Il estime que si le juge administratif était en effet confronté à un contrôle substantiel, en raison de la compétence, qu'il estime exclusive, du Tribunal judiciaire de Paris, il faudrait former des questions préjudicielles...

Dans ces conditions d'interprétation minimale, seule une absence de plan ou un plan formellement défaillant serait sanctionné dans le cadre de la commande publique... Mais cette interprétation est la moins adaptée à l’objectif de la législation elle-même, et que l'on pourrait en arriver que ce qu'une entreprise qui aurait été condamnée par le Tribunal judiciaire pourrait n'être pourtant pas exclue d'un marché public...

L'auteur estime enfin que cette nouvelle démarche incitative montre en réalité l'impuissance du Droit des contrats publics à produire par lui-même les effets recherchés sur les entreprises.

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