April 26, 2016

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Si aux États-Unis, la pratique de la maternité de substitution (GPA) rencontre assez peu de difficulté, parce que dans une culture de marché tout s'achète dès l'instant qu'il y a "consentement", l'Europe pose que les personnes, parce qu'elles ne sont pas des choses, ne peuvent être ainsi "cédées", quelles qu'en soient les raisons et les conditions, dès la mère (qu'on ne peut destituer en "porteuse")) ni l'enfant.

Cette Europe qui résiste, les entreprises qui veulent construire l'industrie et le commerce de l'humain, la vente de maternité, la fabrication d'enfant à seule fin d'être cédée, veulent la faire fléchir.  Elles l'encerclent.

L'Europe résiste. C'est ainsi qu'après avoir posé il y a trente ans la nullité absolue des conventions de GPA, tout dernièrement encore le Parlement européen en décembre 2015 a posé la lutte contre la GPA comme une priorité car il s'agit d'une mise en esclavage des femmes. Le 15 mars 2016, le Conseil de l'Europe a rejeté un projet de résolution présenté par Petra de Sutter admettant le principe de la GPA dès l'instant qu'elle serait "éthique", le Conseil ayant conscience que c'est le principe de la GPA qu'il s'agissait de faire passer.

Mais un tel rejet, qui devrait juridiquement avoir valeur définitive, ne décourage pas les personnes intéressées à briser la position européenne. Petra de Sutter demande un nouveau vote. Pour cela, elle a modifié quelques éléments de son rapport, présenté ainsi comme "nouveau", demandant à ce qu'il y ait entre les parties à la GPA des "liens d'amitié" pour que "l'altruisme" soit véritable. Le but reste le même : briser le principe de prohibition de la GPA, qui seule protège les femmes et les enfants de n'être pas traités comme des choses, car les femmes et les enfants sont des personnes, qu'on ne peut "céder". Tant que l'esclavage n'est pas rétabli.

Lire l'article

 

 

April 22, 2016

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Penser le monde à partir de la notion de "donnée", in Frison-Roche, M.-A. (dir.), Internet, espace d'interrégulation, série "Régulation", 2016, p.7-16.

 

English summary :

Law is a reconstruction of the world through definitions and categories, expressed in words, to which are imputed rules. There is always a share of invention in Law, articulated to a share of fidelity to the concrete world that it retranscribes, a combination enabling Law to regulate the latter.

Law is put in difficulty by what the term "data", quite new, is not easy to define. The fact that it is strangely formulated in Latin to show that there is plurality, the data, before associating it with an English adjective when there are many, the "big data", does not advance us more on what a "data" is. Law is a practical art that works well only if it manipulates categories whose definition is mastered.

This is why, in a first stage, we must recognize the uncertainties of the very notions of "data" (I), in order to orientate the adequate rules in the second step towards what is a given, namely a "pure" value in our consumer information society (II).

 

Read the article (in French)

 

This article is linked to another article published in the same book : Les conséquences régulatoires d'un monde repensé à partir de la notion de "donnée" ("the regulatory consequences of a word redesigned from the notion of "data")

Updated: March 12, 2016 (Initial publication: Nov. 7, 2015)

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Law is a reconstruction of the world through definitions and categories, expressed in words, to which are imputed rules. There is always a share of invention in Law, articulated to a share of fidelity to the concrete world that it retranscribes, a combination enabling Law to regulate the latter.

Law is put in difficulty by what the term "data", quite new, is not easy to define. The fact that it is strangely formulated in Latin to show that there is plurality, the data, before associating it with an English adjective when there are many, the "big data", does not advance us more on what a "data" is. Law is a practical art that works well only if it manipulates categories whose definition is mastered.

This is why, in a first stage, we must recognize the uncertainties of the very notions of "data" (I), in order to orientate the adequate rules in the second step towards what is a given, namely a "pure" value in our consumer information society (II).

 

Read the article written in French on the basis à this working paper

Feb. 2, 2016

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Référence complète : Abécassis, É. et Frison-Roche, M.-A., Les mots pour ne pas le dire, Huffington Post, 2 février 2016

Lire l'article

Orwell décrit dans 1984 le totalitarisme tranquille qui barre tout esprit critique en réduisant la vision possible du monde par la réduction du nombre de mots et leur transformation.

Cette stratégie est à l'oeuvre pour installer en douceur le marché mondiale des mères et des enfants, par l'usage du sigle : GPA.

La grossesse est remplacée par la "gestation", terme qui ne vise que les animaux ; "pour autrui" assigne la femme à une fonction valorisée de sacrifice, "donnant" pour rendre si heureux autrui, en échange de rien.

Le Droit est invité à accompagner car une discussion n'est ouverte sous le dais de l'éthique que sur les modalités de la chose, modalités qui ne pourraient être que "l'esclavage" ou "la solidarité". Tout vont choisir "la solidarité", car qui voudrait l'esclavage ? Ainsi, chacun intériorise la beauté d'un don fait par solidarité de la femme fertile vers l'infertile. Qui oserait être contre.

Mais l'enfant serait séparé de sa mère ? Pour faire céder cette dernière résistance, le travail de la novlangue attaque le lien lui-même et le discours éthique détruit la mère.  L'on présente souvent comme acquis que la femme "porte l'enfant d'une autre". Ainsi, elle ne serait plus mère, elle ne serait plus que "porteuse", elle ne donnerait plus l'enfant, elle le "rendrait". Elle ne serait donc plus rien.

Voilà comment par la manipulation du langage, le marché mondial des esclaves est recouvert par le miel d'un discours dont la mère a été rayée et l'enfant laissé à l'abandon afin d'être cédé dans un trafic organisé par des agences mondiales.

 

Jan. 14, 2016

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Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Sophistique juridique et GPA, D.2016, Point de vue, p.85-87.

Lire l'article.

Lire le working paper à partir duquel l'article a été établi, et qui comprend des notes de bas de page et des liens hypertextes.

Les entreprises veulent établir le marché de l'humain, nouvel or inépuisable, les êtres humains pauvres étant la "matière première" pour les êtres humains plus fortunés. Ainsi, les agences veulent pouvoir vendre à ceux qui ont un "désir d'enfant" et qui ont les moyens financiers de le satisfaire un "enfant sur plan" en offrant de l'argent à une femme qui utilisera sa "capacité reproductive" pour faire venir au monde un bébé et le "cédera" à ceux qui ont voulu sa venue.

Les entreprise qui ont créé ce marché du désir d'enfant ont un obstacle devant elle : le Droit, qui pose que les êtres humains, présent (la femme) et à venir (l'enfant) ne sont pas des choses cessibles. De droit, l'esclavage étant prohibé, on ne peut pas vendre les êtres humains.

Pourtant, les entreprise - il y a tant d'argent à se faire - arrivent palier par palier à faire tomber les obstacles. Elles y parviennent par le Droit lui-même. L'anti-Droit est à l'oeuvre, par une machine de guerre sophistique très puissante dont les destinataires sont à la fois les juges et l'opinion publique, tandis que les victimes, que sont les femmes et les enfants, sont oubliées, recouvertes du voile de la sophistique juridique.

Cette sophistique se déroule en 6 étapes, que nous observons sous nos yeux. L'article les décrit.

Le Droit, qui se définit comme la force qui arrête la force pour protéger le faible qui n'a que le Droit, doit dire Non à cette prouesse sophistique que les entreprises et leurs conseils sont en train de déployer pour installer de fait et de droit la pratique de la maternité de substitution.

Dec. 29, 2015

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Ce working paper sert de base à un article paru au Recueil Dalloz le 14 janvier 2016.

Celui qui est sincère pose une question pour avoir une réponse qu’il ne connait pas par avance. Le rhétoricien cherche à influencer son interlocuteur pour accroître la probabilité que la réponse qui lui sera apportée lui soit favorable. Mais le sophiste glisse dans la question la réponse qu’il a pour but d’obtenir, celle-là précisément et surtout pas une autre. La question n’est donc pas une question puisqu'elle n’ouvre aucun débat, c’est une manœuvre d’adhésion obligée et pourtant consentie. La question n'est posée que pour obtenir un consentement unanime de l'auditoire dont le sophiste pourra se prévaloir par la suite pour mieux terrasser tout contradicteur qui voudrait le contrer, car il sera désormais armé des réponses qu'il a lui-même écrites.

Or, sous nos yeux le plus terrible exemple de sophistique juridique est en train de se déployer : celle mise en place depuis quelques années par les entreprises pour établir le marché du matériel humain, afin que le corps des femmes soit cessible, matière première pour fabriquer à volonté des enfants sur commande, cédés à la naissance pour satisfaire un désir d'enfant. L'établissement de ce marché est appelé par certains GPA.

Voilà comment est en train de se dérouler cette sophistique juridique. Elle est construite en 6 temps :

Dec. 23, 2015

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Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les différentes natures de l'ordre public économique, in Archives de philosophie du droit, L'ordre public, t.58, Dalloz, 2015, p.105-128.

Cet article vient à la suite d'une conférence et s'appuie sur un working paper dans lequel ont été insérées les références et les liens hypertextes.

Lire l'article.

Renvoyant au rapport de force entre le Droit et l'Économie, l'ordre public économique a plusieurs natures. En premier lieu, l'on doit distinguer l'ordre public "gardiens des marchés", de l'ordre public "promoteur des marchés", de l'ordre public "architecte des marchés". En second lieu, l'on doit distinguer l'ordre public de "constitution des marchés" de l'ordre public posant des "octrois aux marchés".  Celui-ci est  premier, puisqu'il empêche que des objets de désir, objets naturels d'échange, deviennent objets de marché. Cet ordre public économique qui brise les élans de désir est hautement politique. Si l'on ne l'admet pas, alors le Droit n'est plus que l'agent d'effectivité du système économique, lequel engendre une société d'ajustement des désirs individuels.

 

 

 

Dec. 6, 2015

Publications

Le 13 novembre 2015, des êtres humains ont déployé comme activité de massacrer tout ce qui a pu tomber sous le feu de leurs fusils mitrailleurs. Une telle boucherie était inconcevable, elle fût pourtant si aisément exécutée. Ainsi, ce que l'on ne fait pas, non pas parce que cela serait difficile mais parce qu'on ne s'autorise pas à le faire, c'est-à-dire tuer à l'aveugle le maximum d'êtres humains sans distinguer  entre eux, a été fait. Simplement parce que les auteurs ont considéré leur acte comme concevable, parce qu'ils n'ont pas considéré les victimes comme des personnes et ont pu sans difficulté en tuant le plus possible le plus vite possible le mieux possible.

Cela conduit à regarder les activités humaines à travers quatre qualifications et à les confronter au Droit.

Prenons quatre qualifications qui sont comme 4 cubes : Faisable, Infaisable, Concevable, Inconcevable.

Et ensuite construisons ce qui va arriver demain et ce que le Droit doit en dire aujourd'hui. 

Dans la réalité concrète, il y a des activités "faisables", parce que des individus ou des organisations en ont le désir et les moyens, physiques, techniques et financiers. Par symétrie, il suffit que manquent un de ses éléments manque pour que l'activité deviennent "infaisable" faut d'individus, d'organisation, d'espace, de technique, d'argent pour la mener ou de désir de le faire.

Par ailleurs, et c'est bien en parallèle qu'il convient de le penser, l'activité est "concevable". Comme nous sommes dans un système de liberté d'action, toute activité est concevable pragmatiquement dès l'instant qu'elle n'est pas "inconcevable". C'est le Droit qui peut poser que certaines activités sont inconcevables et les prohiber de ce fait. Les actes qui portent atteintes aux droits fondamentaux de la Personne, notamment. Le Droit imprime donc dans le monde concret la ligne entre le concevable et l'inconcevable, en posant par principe que l'inconcevable ne doit pas être fait.

Le principe selon lequel l'inconcevable ne doit pas être fait est le marque d'une société civilisée.

Sommes-nous aussi sûrs d'une articulation aussi simple et fondamentale aujourd'hui ?

Il convient de reprendre ces couples sur lesquels se construisent les sociétés. On peut tout d'abord les prendre un à un : le faisable et le Droit / l'infaisable et le Droit /l'Inconcevable et le Droit / le concevable et Droit.

Cela permet ensuite de les confronter en couple au Droit. Le faisable et le concevable face au Droit / L'infaisable et le concevable face au Droit / L'infaisable et l'Inconcevable face au Droit / le faisable face au Droit.

Dans un système technicien dans lequel le Droit est une "technique neutre", celui-ci accompagne ce qui "se fait" ou "se fera". Dans un système civilisé, les personnes vivant en groupe et prenant en considération autrui au regard d'une règle commune, les personnes doivent se comporter comme cela est concevable. Ainsi, comme une activité est à leur portée, si elle ne se conçoit pas c'est au Droit de l'entraver. Par exemple il est aisé de tuer toute une masse de personnes. Cela est faisable mais cela ne doit pas avoir lieu car cela n'est pas concevable si l'on accorde importance à la notion inventée par le Droit : la Personne.

A la croisée entre le Faisable et l'Inconcevable se situe donc le Droit lui-même. Il y apparaît en tant qu'il est distant des faits et constitue un mur sur lequel vient buter l'inconcevable qui se fait, hypothèse de gouffre de la civilisation. 

Nov. 2, 2015

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Droit et Marché : évolution, in Dormont, S. et Perroud, Th. (dir.) Droit et Marché, coll. "Droit et Économie, LGDJ - lextenso éditions, 2015, p.265-278.

Cet article trouve une forme plus développée et plus personnelle dans un working paper et constitue le prolongement d'une participation à un colloque.

Accéder à l'article.

Droit et Marché à première ne sont pas sur le même plan, l'un étant une construction, une invention humaine, l'autre étant des marchés. Mais depuis le XVIIIième en Europe, l'on a pareillement institué, donc inventé le "Marché". Ces deux institutions ont un rapport dialectique, puisque c'est par le droit que le Marché a été construit. La puissance des institutions dépend de ceux qui les construisent mais surtout de la foi de ceux qui les contemplent. Or, si le Droit a construit le Marché, aujourd'hui la foi se tourne vers le Marché et la croyance d'une loi qui lui sera proche et naturelle le rend universel, transportant avec lui sa "petite loi" juridique qu'est le contrat et le juge qui y est inclus, l'arbitre. Plus encore, parce tout cela n'est qu'affaires humaines et donc affaires de pouvoir, la place de l'Institution qui fût celle de la puissance, tirée de sa source, par exemple le Peuple Constituant, est en train de descendre en-dessous de ce qui est là, c'est-à-dire le fait. En effet, que peut-on contre un fait ? Seul Dieu, et donc une Assemblée parlementaire par exemple qu'il est aisé de destituer, peut prétendre lutter contre un fait. Or, le Marché est aujourd'hui présenté comme un fait, tandis que ce qui le gouverne seraient des phénomènes naturels, comme l'attraction entre l'offre et la demande, le fait d'offre ce qui attire, le fait de demander ce que l'on désire. Dès lors, seul Dieu, souvent brandi avec grande violence, peut prétendre encore dire quelque chose contre cela.

Aujourd'hui, Droit et Marché sont face à face. Curieusement les juristes sont assez taisant, peut-être sidérés de la destitution du Droit. Mais c'est la question de la Loi première qui est en jeu. Dans l'esprit occidental, depuis la pensée grecque l'on a pensé le sujet et la personne comme étant première, c'est-à-dire posée sans condition. Si on pose comme loi première l'efficacité de la rencontre des offres et des demandes, le monde a changé. Un monde sans Personne, avec des êtres humains plus ou moins attrayant, plus ou moins demanding , le monde des puissances ayant remplacé le monde de la volonté égale de tous. La technique devient la préoccupation première. Le droit qui était "art pratique" et les lois faites pour l'homme, devient une technique et les juristes se devront alors d'être neutres. Depuis quelques décennies, Droit et Marché sont donc face-à-face, mais le Marché semble en passe de dominer parce qu'il est en train de quitter le statut inférieur d'institution pour accéder à celui, universel, de fait. Il est en cela en passe de gagner.

 

Updated: Oct. 25, 2015 (Initial publication: Aug. 30, 2015)

Publications

Ce Working Paper sert de base à une contribution parue en décembre 2015 aux Archives de Philosophie du Droit.

La notion d'ordre public économique renvoie au rapport de force entre le Droit et l’Économie. L'ordre public économique a lui-même plusieurs natures suivant les rapports que le droit peut entretenir avec l'économie. Il est  important de les distinguer nettement et de ne pas les confondre. En premier lieu, l'on doit distinguer "l'ordre public gardien des marchés", de "l'ordre public promoteur des marchés", de "l'ordre public architecte des marchés". En passant de l'un à l'autre, la dimension politique, voire souveraine, de l'ordre public économique apparaît du fait du changement de nature. En second lieu, l'on doit distinguer "l'ordre public de constitution des marchés de "l'ordre public d'octroi des marchés". En effet, c'est par des règles d'ordre public que le Droit à l'intérieur des marchés les garde, les bâtit ou les conçoive. Mais ce n'est qu'un versant de l'ordre public économique. Par un ordre public économique premier, des règles construisent des "octrois des marchés", pour empêcher que les objets de désir, objets naturels d'échanges, deviennent de ce fait objets de marché. Il s'agit d'un ordre public économique hautement politique, qui s'exprime par un rejet des élans de désir.

Cela serait une grave faute de ne pas percevoir les trois natures de l'ordre public économique (ordre public gardien de l'économie, ordre public promoteur de l'économie, ordre public d'octroi des marchés) les deux natures de l'ordre public économique.

Comme pour toute chose, la plus grande puissance de l'ordre public est dans sa version négative, ce par quoi des règles ferment l'accès du marché à des objets, des choses ou des prestations qui pourtant sont désirés, qui pourtant sont offertes. Ainsi, les personnes ne sont pas sur le marché, non pas parce qu'il n'y aurait pas de désir qu'elles y soient ni de consentement de leur part, mais parce que des règles d'ordre public économique le disent. Si on ne l'admet pas, alors parce que cette nature-là est la première forme de la prétention que constitue l'ordre public économique, alors celui-ci est dans sa nature-même  récusé.

 

Oct. 8, 2015

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Comprendre la Cour de cassation (à propos des deux arrêts d'Assemblée plénière du 3 juillet 2015 sur la pratique des maternités de substitution (dite GPA)), numéro dédié des Petites Affiches, 8 octobre 2015, 24 pages.

Lire le dossier composé de 4 perspectives :

Le 3 juillet 2015, la Cour de cassation a admis par deux arrêts de son Assemblée plénière qu'à condition qu’il y ait un « lien biologique entre l’homme et l’enfant » s'opère la  transcription sur l’état civil français de la filiation mentionnée sur l’état civil étranger, dans l’indifférence du fait que l’homme qui a déclaré l’enfant ait conclu à son propos une convention de maternité de substitution (dite GPA).

Quoi qu'on pense de la pratique des maternités de substitution, ces arrêts sont difficiles à comprendre. Alors que le sujet est très important, voire dramatique. Alors que la Cour de cassation donne des signes de vouloir devenir une "Cour suprême", ce qui suppose à tout le moins des décisions compréhensibles.

Comment essayer de comprendre ce que ces arrêts de quelques lignes veulent dire ? En s'attachant à leur lettre ; en lisant entre les lignes les jeux de pouvoir qui s'opèrent entre les sources du droit (le juge et le législateur) ; en se souvenant à l'audience sensationnelle du 19 juin 2015.

Après cela, on peut se demander si la pratique des maternités de substitution qui consiste pour des personnes qui ont un projet de parentalité à trouver une femme qui consent par avance à fabriquer un enfant pour le céder à l'instant de sa naissance pour qu'il soit l'enfant de ceux qui en ont le projet, est bien ou est mal.

Mais d'abord, il faut comprendre la Cour de cassation.

June 16, 2015

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Que les enfants soient vendus ou "donnés" dans ce que certains présentent comme un "geste magnifique d'altruisme admirable" et au terme ce que les mêmes affirment être un "plein consentement" ne change rien  : la convention de maternité de substitution est une atteinte à la dignité de la personne humaine.

Que la Cour européenne des droits de l'Homme ait pu la justifier par la considération d'un lien biologique entre ceux qui obtiennent la livraison de l'enfant commandé est inadmissible. Si la Cour de cassation l'admettait, non seulement les mères et les enfants seraient à vendre avec la bénédiction des juges, mais encore le marché des liens de filiations serait en place.

Article.

May 28, 2015

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Référence complète : Frison-Roche, M.-A., La codification du droit financier et son bon usage, Préface de Mannai, Nizar, Les textes de base relatifs au droit du marché financier en Tunisie, Latrach Éditions, 2015, 5-12.

 

Lire la préface.

 

Lire le working paper qui a servi de support à la rédaction de la préface.

 

April 5, 2015

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Droit et Marché à première vue ne sont pas sur le même plan, l'un étant une construction, une invention humaine, l'autre étant des marchés. Mais depuis le XVIIIième en Europe, l'on a pareillement institué, donc inventé le "Marché".

Ces deux institutions ont un rapport dialectique, puisque c'est par le droit que le Marché a été construit. La puissance des institutions dépend de ceux qui les construisent mais surtout de la foi de ceux qui les contemplent. Or, si le Droit a construit le Marché, aujourd'hui la foi se tourne vers le Marché et la croyance d'une loi qui lui sera proche et naturelle le rend universel, transportant avec lui sa "petite loi" juridique qu'est le contrat et le juge qui y est inclus, l'arbitre.

Plus encore, parce tout cela n'est qu'affaires humaines et donc affaires de pouvoir, la place de l'Institution qui fût celle de la puissance, tirée de sa source, par exemple le Peuple Constituant, est en train de descendre en-dessous de ce qui est là, c'est-à-dire le fait. En effet, que peut-on contre un fait ? Seul Dieu, et donc une Assemblée parlementaire par exemple qu'il est aisé de destituer, peut prétendre lutter contre un fait. Or, le Marché est aujourd'hui présenté comme un fait, tandis que ce qui le gouvernent seraient des phénomènes naturels, comme l'attraction entre l'offre et la demande, le fait d'offre ce qui attire, le fait de demander ce que l'on désire. Dès lors, seul Dieu, souvent brandi avec grande violence, peut prétendre encore dire quelque chose contre cela.

Aujourd'hui, Droit et Marché sont face à face. Curieusement les juristes sont assez taisant, peut-être sidérés de la destitution du Droit. Mais c'est la question de la Loi première qui est en jeu. Dans l'esprit occidental, depuis la pensée grecque l'on a pensé le sujet et la personne comme étant première, c'est-à-dire posée sans condition. Si on pose comme loi première l'efficacité de la rencontre des offres et des demandes, le monde a changé. Un monde sans Personne, avec des êtres humains plus ou moins attrayant, plus ou moins demanding , le monde des puissances ayant remplacé le monde de la volonté égale de tous. La technique devient la préoccupation première. Le droit qui était "art pratique" et les lois faites pour l'homme, devient une technique et les juristes se devront alors d'être neutres.

Depuis quelques décennies, Droit et Marché sont donc face-à-face (I), mais le Marché semble en passe de dominer parce qu'il est en train de quitter le statut inférieur d'institution pour accéder à celui, universel, de fait (II). L'enjeu devient alors de mesurer les effets d'une telle évolution et de déterminer, si le Droit devait s'effacer, quelles normes viendrait le remplacer (III). 

Updated: March 20, 2015 (Initial publication: Jan. 28, 2015)

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La répression est indissociable de la façon de réprimer. C'est pourquoi les difficultés de procédure sont des révélateurs de problèmes de fond. Actuellement, le problème de fond mis à jour par les batailles autour des procédures de sanctions en matière financière est ce pour quoi sont faites les sanctions.

Pour le régulateur, la sanction est un outil parmi d'autres pour réguler les marchés financiers. La sanction, dans un continuum avec son pouvoir normatif, sont ses dents et ses griffes grâce auxquelles les marchés financiers se développent. Cette finalité de politique financière justifie une répression objective avec un système probatoire reposant souvent par présomption conduisant à imputer des manquements à des opérateurs dans certaines positions sur ou à l'égard des marchés. Le régulateur doit avoir cette carte en main et l'utiliser selon cette méthode.

Par ailleurs, s'il arrive que des personnes commettent des fautes reprochables et ressenties comme telles par le groupe social, il convient qu'elles soient punies, jusqu'à la prison. Seule la justice pénale est légitime à le faire, légitimement alourdie par la charge de prouver l'intentionnalité, etc.

Il faut distinguer ces deux catégories d'incrimination. C'est à partir de là que les deux procédures et les deux systèmes probatoires peuvent se dérouler en même temps, mais sur des incriminations différentes. Pour l'instant cela n'est pas le cas, car les "manquements financiers" ne sont que le décalque des "délits financiers", allégés des charges de preuve qui protégeaient la personne poursuivie et qui doit pour l'instant répondre deux fois.

Problème de procédure ? Non, problème d'incrimination, dont on ne sortira pas par des solutions procédurales, la plus hasardeuse étant de créer une nouvelle institution, la plus calamiteuse était d'affaiblir le système en supprimant une des voies de poursuites,  mais en distinguant dans les incriminations qui sont pour l'instant redondantes.

Ainsi, la répression comme outil de régulation utilisée par le régulateur est au point, mais le véritable droit pénal financier demeure à consolider pour atteindre son objectif propre et classique : punir les fautes, y compris par de la prison.

C'est au législateur de remettre de l'ordre. Il est possible que la décision dite "EADS" du 18 mars 2015 rendue par le Conseil constitutionnel l'y pousse.

March 16, 2015

Publications

Références complètes : Frison-Roche, Marie-Anne, Les entreprises "cruciales" et leur régulation, in Supiot, Alain (dir.), L'entreprise dans un monde sans frontières. Perspectives économiques et juridiques, coll. "Les sens du droit", Dalloz, 2015, p.253-267.

Même si à première vue l'on ne régule que des espaces, il faut parfois « réguler l’entreprise ». Cela est impératif lorsqu’une entreprise absorbe l’espace tout entier, parce qu’elle est monopolistique ou parce qu’elle a pour projet de devenir le cœur d’un espace crucial, comme l’affirme Google. D’une façon plus générale, il faut repérer les entreprises « cruciales », dont les banques ne sont qu’un exemple, et organiser, au-delà de la supervision, la régulation directe de telles entreprises. Cette régulation doit alors prendre la forme d'une présence de la puissance publique et du Politique à l'intérieur même de l'entreprise, dans l'indifférence de la propriété des titres de capital.
 

Lire la présentation générale de l'ouvrage dans lequel l'article a été publié.

Accéder à l'article.

Accéder à la conférence du 12 juin 2014 et au working paper à partir desquels  l'article a été rédigé.

 

Dec. 1, 2014

Publications

Full reference: Frison-Roche, M.A., Généralités sur le principe du contradictoire. Étude de droit processuel, coll. "Anthologie du Droit", LGDJ - Lextenso éditions, 2014, 221 p.

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Republished from Généralités sur le principe du contradictoire », Étude de droit processuel, Th. Paris II, 1988. 

This book is the publication of a thèse d'Etat (French official thesis) written under the direction of Jean Foyer and defended in the Panthéon-Assas University (Paris II) face to a jury made up among others of François Terré, René Chapus, Gérard Cornu, Geneviève Viney. 

The main idea is to defend that the principle of contradictory is a simple and fundamental principle, without which there is no Law. It is the reason it is obvious to study it as in civil procedure as in criminal, administrative or arbitrary procedures, to take back a "Procedural Law" perspective conceived by Motulsky. Indeed, without a judge listening without having already decided the facts and Law versions that presents who's the situation will be affected by the decision that the judge will make, there is no rule of Law. 

The main beneficiary of the principle of contradictory, it is not really the person, and it is in this that the contradictory is detached from the rights of the defense, it is the judge. Indeed, emphasizing contradictory versions of Law and facts which collide in front of him or her, the judge perceives more exactly and more fairly the world and the use of Law that he or she should favor. Thus, Law is better used. In this, we can consider that the principle of contradictory is consubstantial to Law.

Read the summary (in French)

Read the introduction (in French)

Read the table of contents (in French)

Nov. 6, 2014

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On évoque parfois la "régulation" pour rendre admissible les convention de maternité pour autrui ("GPA").

Mais l'on ne peut leur appliquer le droit de la régulation. En effet, quelle que soit l'hypothèse, on ne peut réguler que des situations licites. Or, ces conventions sont atteintes d'une illicéité absolue, même si l'effet est remis dans un "don magnifique", car le corps des femmes est hors-commerce et les enfants ne sont pas des choses.

Cette nature est gardée par le droit. Celle-ci n'est pas entamée par les techniques de régulation, ni la régulation "éthique", ni la régulation ex ante par une réglementation et une autorité administrative, ni une régulation ex post par un juge. Les droits étrangers le montrent.

Là où le Législateur croit encadrer le mécanisme pour endiguer le trafic, en réalité il incite à la traite des mères et des enfants.

Oct. 27, 2014

Publications

Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, Une famille à sa main, in La famille en mutation, Archives de Philosophie du droit, Tome 57, Dalloz, 2014, p.249-265.

Lire l'article.

Lire le working paper sur la base l'article a été rédigé.

La famille est construite sur une idée de base qui est si puissante que le droit s'agence autour d'elle. Mais si le paradigme change, alors toutes les règles changent, avec la force de l'évidence.

Or, dans les années 1970, nous avons changé de paradigme. Antérieurement, pendant des millénaires, l'idée de base a été que la famille est un groupe. Selon le temps ou la période, le groupe a varié dans ses contours, les places attribuées et les pouvoirs conférés aux différents membres, mais l'idée de groupe était acquise. La famille comme groupe s'insérait dans le groupe social, gardé par l'État.

A partir des années 1970, la famille devient le projet élaboré par une personne libre et autonome. Ce projet conçu par une personne désirant construire la famille qui lui convient se concrétise par la rencontre que l'individu fait d'autres individus dont le projet de famille croise le sien. En naissent des familles sur-mesure et poreuse, où chacun entre et sort, suivant les fluctuations des affections, grâce à l'instrument contractuel. Cet ajustement des désirs correspond au modèle du marché. Concrètement le marché de la famille idéale pourvoit à la satisfaction de divers projets tous légitimes puisque voulus. Le lien en est l'affection, le centre en est l'enfant. Le marché offre des prestations nouvelles, que sont le conjoint idéal et plus encore l'enfant idéal, devenu joyau.

L'idée de marché a triomphé.

Oct. 20, 2014

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L'on reconnait aujourd'hui l'intérêt et les bienfaits de la régulation, non seulement en économie grâce au récent Prix Nobel de Jean Tirole , mais encore plus encore dans l'intérêt reconnu au "droit de la régulation". Je serai parmi les premiers à soutenir le propos.

Mais l'on ne peut "réguler" ce qui atteint d'une illicéïté absolue. Or, la convention de maternité pour autrui (GPA) est illicite, et cela d'une façon absolue. Dès que cette pratique social est apparue et a pris le masque d'une association bienfaisante, en 1991, le juge l'a dit. La "régulation" n'y change rien.

 

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Oct. 12, 2014

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Certains évoquent la "régulation" comme solution pour rendre admissible les conventions de maternité pour autrui, appelées parfois "GPA". Ayant souvent travaillé sur l'idée, les objets et les techniques  du "droit de la régulation", j'écris cette étude pour affirmer qu'il n'est concevable d'appliquer le droit de la régulation en matière de convention de maternité pour autrui.

En effet, quelle que soit l'hypothèse, on ne peut réguler que des situations licites.

Or, les conventions de maternité pour autrui, même si on les imagine faite à titre gracieux, l'enfant étant remis dans un geste de "don magnifique" sont atteintes d'une illicéité absolue.

Celle-ci n'est pas entamée par les techniques de régulation auxquelles certaines songent, qu'il s'agisse d'une régulation "éthique", d'une régulation par des mécanismes ex ante (réglementation et autorité administrative) ou des mécanismes ex post (contrôle du juge). L'exemple britannique le montre.

Ainsi, la régulation est inapplicable et ne peut être appelée pour légitimer les conventions par lesquelles les femmes s'offrent, leur grossesse leur permettant d'offrir leur bébé à la naissance. En effet, le droit défend les personnes, ici les femmes et les enfants, présents et futurs, en les empêchant de se transformer ou d'être transformés en choses.

 

Aug. 4, 2014

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The family is built on one basic idea which is so powerful that legal rules are organised around it as spontanely. But if the paradigm is changing, then all the rules change with the strength of the evidence.

However, in the 1970s, we changed paradigm. Previously, for millennia, the basic idea was the family as a group. Depending on the time or period, the group has varied in its contours, squares and powers granted to individual members, but the idea of group was acquired. Family was a group which was a part of the social group, kept by the State.

From the 1970s, the family becomes the developed project done by a free and independent person. This project designed by a person wishing to build family that suits him or her will result in the fact that the individual meets other individuals whose family project crosses his or her. Contract becomes the perfect tool for these home-made families This desires adjustment corresponds to the market model. Concretely, market of ideal family provides services for satisfaction of various projects, all legitimate as expression of desir. The sufficient link between individuals  is affection and will, the center is the child. The market offers new perspectives, such as ideal partner and even more perfect child, becoming jewel. The idea of ​​Market has triumphed.

Jan. 20, 2014

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Référence complète : FRISON-ROCHE, Marie-Anne, La conformité de l'Ordonnance du Conseil d'État du 9 janvier 2014 Dieudonné M'Bala M'Bala au droit et à la justice, Petites Affiches, 20 janvier 2014, n°14, p.3-9.

Accéder à l'article.

Lire le billet de blog, sur lequel des liens mènent aux décisions de justice mentionnées.
 

Une personne, Dieudonné, fait des "spectacles" contenant de très nombreux antisémites et faisant l'apologies des crimes contre les juifs commis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il programme une tournée de ce spectacle qu'il donne à Paris, Le Mur,  dans toute la France  et conçoit une affiche sur laquelle il pose avec le geste de "La Quenelle". Beaucoup disent que ce geste est un salut hitlérien inversé, lui soutient qu'il s'agit d'un geste "anti-système", comme l'ensemble de ses spectacles, qui sont par ailleurs satiriques, et l'on doit pourvoir rire de tout en démocratie.


Un premier spectacle est programmé à Nantes pour le 7 janvier 2014. Le Ministre de l'Intérieur prend une circulaire le 4 janvier 2014 pour indiquer aux préfets qu'ils sont en droit d'exercer leur pouvoir de police administrative d'interdiction d'un tel spectacle chaque fois qu'il est prévu dans un département (arrêté préfectoral) ou dans une ville (arrêté municipal). Le 7 janvier 2014, le préfet de Loire-Atlantique prend un arrêté d'interdiction. Le Code de justice administrative permettant à ceux qui en sont frappés d'utiliser la voie d'urgence du référé-liberté, le juge administratif devant alors statuer dans les 48 heures, Dieudonné M'Bala M'Bala saisit le Tribunal administratif de Nantes qui statue le 9 janvier 2014 et estime que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation, le trouble à l'ordre public n'étant pas suffisamment pour justifier l'atteinte à la liberté d'expression. Le Tribunal suspend l'arrêté d'interdiction par cette Ordonnance rendue à 14 heures. Le spectacle se déroulant le soir même et le Code de justice administrative prévoyant un recours, le Ministre saisit le Conseil d'État qui statue immédiatement et, après avoir tenue une audience durant laquelle chacun a pu s'exprimer, rend une ordonnance 4 heures plus tard, annulant l'Ordonnance du tribunal administratif de Nantes, en estimant que le préfet n'avait pas commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant une telle mesure de police administrative. L'interdiction cesse d'être suspendue et redevient effective.

A travers ce cas très particulier, ce sont des grands principes du droit qui sont confrontés à la réalité des choses et de la vie des hommes en société. Ainsi, c'est la question première qui se pose : à quoi sert le droit?

J'estime que le Conseil d'État a ici montré que le droit est fait pour préserver les droits et les libertés, pour en faire l'équilibre, et qu'il doit  le faire concrètement.

Cela se mesure ici en ce que le Conseil d'État a organisé une procédure contradictoire rapide. Il ne sert à rien de statuer sur la question de savoir si un spectacle doit se tenir ou non, dans une décision qui aurait été rendue après l'heure à laquelle ce spectacle doit se tenir.

En deuxième lieu, en visant un triptyque de décisions de sa jurisprudence, par ce seul visa, le Conseil d'État fonde sa décision particulière et lui donne une portée générale. Il vise tout d'abord l'arrêt Benjamin, qui pose la primauté de la liberté d'expression, laquelle ne tolère les interdictions par l'usage d'un pouvoir de police administrative que s'il y a perspective acquise d'un trouble à l'ordre public que le titulaire de ce pouvoir (préfet ou maire) ne peut contrer que par une interdiction. Le Conseil se réfère ensuite à l'arrêt Morsang-sur-Orge qui donne au trouble à l'ordre public une définition substantielle, c'est-à-dire que l'ordre public peut être troublé non seulement matériellement (manifestations), mais encore substantiellement (atteinte à la dignité de l'être humain ; dans cette espèce de 1995, un spectacle de lancer de nains). Or, le préfet avait les éléments de fait pour être convaincu que Dieudonné ferait un spectacle structurellement antisémite, ce qui est un trouble substantiel à l'ordre public. Enfin, le Conseil d'État se réfère à l'avis Hoffman-Glémann, par lequel le Conseil d'État a posé que l'État français pouvait voir sa responsabilité retenue pour les déportations dans les camps d'extermination opérées pendant l'occupation en France.
En faisant ce triple visa, le Conseil estime que le trouble à l'ordre public est constitué et que le préfet n'a pas fait d'erreur manifeste en utilisant son pouvoir de police administrative pour interdire le spectacle.

Certes, il limite en cela le principe de la liberté d'expression, mais le droit a aussi pour fonction de prévenir la réalisation certaine d'infractions pénales et de préserver la dignité humaine. La balance doit être faite au cas par cas. Ici, dans ce cas-ici, le fléau de la justice penchait du côté de la dignité de la personne humaine.
On a glosé sur les effets pervers d'une telle intervention du droit et du juge, qui offre une telle publicité à celui qui le bafoue et prône la haine. Mais avec un tel argument, il faudrait arrêter d'arrêter ceux qui haïssent à haute voix aussi pour devenir célèbres. Le droit ne doit pas rester dans son coin, sous prétexte qu'en frappant, il flatte aussi le contrevenant, ainsi mis en lumière.

En tout cas, les universitaires ont joué leur rôle, donnant publiquement leur opinion, dans un sens ou dans l'autre, argumentée en droit, avant que les décisions ne soient prises. Ils ont été utiles et ont oeuvré pour ce qui leur semblaient juste, dans un sens ou dans l'autre, les uns préférant la liberté les autres la dignité pour résumer.
Les juges, traînés dans la boue par Dieudonné, ont du aussi prendre la parole, et l'institution l'a fait par une déclaration de son représentant.

Cela aussi est un progrès du droit.
 
 
 
 

 

 

 

 

Nov. 14, 2013

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Référence complète : Frison-Roche, Marie-Anne, L'ancrage de la comptabilité dans le droit civil et ses conséquences dans les concepts sous-jacents des normes comptables, in La comptabilité est-elle un film ou une photo ?, 2ième État généraux de la recherche comptable, Paris, 2011.

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Lire la contribution.
 

Lire l'ensemble des actes des État généraux.

 

Lire le résumé de l'article ci-dessous.

June 18, 2012

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Lire la 4ième de couverture.

Lire la table des matières.

Lire la présentation de l'article de Marie-Anne Frison-Roche : Le droit d'accès à la justice et au droit.

Lire la présentation de l'article de Marie-Anne Frison-Roche :  Le droit à un tribunal impartial.

Lire ci-dessous la description générale de l'ouvrage.