5 avril 2023

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🚧Le juge requis pour une Obligation de Compliance effective

par Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence générale : M.-A. Frison-Roche, Le Juge requis pour une Obligation de Compliance effectivedocument de travail, juin 2023.

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📝 Ce document de travail sert de base à un article à paraître dans l'ouvrage sur L'Obligation de Compliance

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 Résumé du document de travail : Le Juge est un personnage qui parait faible dans un Droit de la Compliance qui lui paraît si puissant dans un monde où la technologie développe une puissance encore plus impressionnante. Mais les cas présents et futurs montrent au contraire sa place centrale et que son rôle doit pourtant être de mettre la force qui lui est propre à demeurer ce qu'il est : le gardien de l'État de Droit, ce qui n'est pas si évident car de nombreux outils de la Compliance, de nature technologique, sont en quelque sorte "insensibles" à ce à quoi nous sommes attachés, la protection des êtres humains qui s'appuie sur les diligences des entreprises (I).  Le deuxième rôle que nous pouvons attendre du Juge est  que non seulement il aide à permettre la permanence de cet État de Droit qui repose en grande partie sur lui face à un monde futur, en ce que celui-ci nous est inconnu, principalement dans sa dimension numérique et climatique, perspectives que le Droit de la Compliance veut, en renouvelant le Droit de la Régulation, saisir, en agissant à l'égard des entreprises dont le rôle est actif, ce qui conduit le Juge à les contrôler et à connaître les prétentions que l'on peut formuler contre celles-ci, sans se substituer au pouvoir de gestion de celles-ci (II). Cela suppose une méthode renouvelée (III), ce sont alors tous les juges, pourtant si divers, qui vont converger dans un dialogue actif des juges, qui va permettre que puisse en premier temps perdurer le rôle classique du juge, lié à l'Etat de Droit, dans un monde en plein mouvement et en second lieu que chaque juge puisse porter ce nouvel rôle qu'implique le Droit de la Compliance (IV).

Se mettra alors en place ce triangle parfait, dont la force et la simplicité permet l'usage du singulier et la conservation des majuscules à chacun de ces trois termes : Régulation Compliance Juge.

 

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

 

1. Difficulté d'une vision synthétique quand on associe Régulation, Compliance et Juge, tant les situations sont variées ⚖️Il est exclu de prétendre faire une "clôture" ou une "synthèse" ou un "rapport final" au terme d'une journée complète conçue par les deux Hautes Juridictions françaises que sont le Conseil d'État et la Cour de cassation, journée dont la teneur ne peut être que d'une extrême richesse. Plus encore lorsque le sujet est construit sur trois mots qui peuvent paraître n'avoir que peu de points de contact entre eux : la Régulation, la Compliance, le Juge. A les rapprocher, l'on a une double impression désagréable. La première impression est que le respect des réalités techniques doit plutôt éloigner des généralités, mais cela pulvérise le propos tant les approches doivent  alors être variées afin de respecter la technicité des objets (car quel rapport entre les cryptos, le climat, l'électricité, le rail, etc., qui sont tous trois objets de techniques de régulation et de compliance puis de contentieux ?), tandis que l'abstraction de propos trop généraux peut apparaître comme l'aveu de l'incompétence et de la méconnaissance des réalités de ceux qui les profèrent, ces trois termes recouvrant des réalités si multiples et singulières qu'il faudrait n'en parler qu'au pluriel : régulations, compliances, juges.

 

2. Difficulté d'une vision synthétique quand on associe Régulation, Compliance et Juge, tant les trois termes semblent comme se repousser les uns les autres ⚖️La seconde impression est plus désagréable encore, excluant la synthèse, vient que ces trois termes, semblent se repousser les uns les autres....La Compliance exclurait le Juge, la Régulation et la Compliance seraient sans rapport, etc. Ainsi, pour bien traiter de l'un il faudrait maltraiter des autres....

 

3. La faute à la Compliance, sur la définition de laquelle tous ne convergent pas ? ⚖️La difficulté d'appréhension du sujet semble principalement imputable, à la "Compliance". Tout d'abord, parce que la Compliance, l'on ne sait pas vraiment ce que c'est et qu'il aurait autant de définitions que de personnes qui en parlent📎!footnote-2914. D'une façon minimale, même si l'on écarte cette sorte de Bataille d'Hernani permanente qu'est la définition du Droit de la Compliance pour se contenter d'une description des mécanismes juridiques de compliance, l'on risque aussi un peu de s'embourber dans une description minutieuse des programmes, des plans, des audits, des calculs, des contrôles. S'en tenir alors aux "Outils de la Compliance"📎!footnote-2921qui sont eux-mêmes si divers. Avoir alors choisi de décrire plutôt que de définir rend hélas plus difficile de trouver le rôle du juge, question sur laquelle porte cette journée.

 

4. Découper, en préférant des alliances à deux plutôt qu'une alliance entre Régulation, Compliance et Juge ? ⚖️En effet, parce que si l'on l'appréhende non pas par une définition mais par une description d'un ensemble de mécanismes par lesquels des entreprises prennent en charge par des méthodes spécifiques (gestion des risques) à la demande des Autorités publiques des enjeux que celles-ci leur désignent, l'on comprend alors bien le lien entre le Droit de la Régulation et le Droit de la Compliance, la compliance étant alors a minima un outil du Droit de la Régulation ou d'une façon plus autonome ce par quoi le Droit de la Régulation se déploie grâce à la puissance des entreprises. une sorte de "Régulation, acte 2". Où la distinction entre le Droit public et le Droit privé trouverait peu sa place.

Mais si Régulation et Compliance s'articulent alors bien ensemble, se développant dans l'Ex Ante, les entreprises s'activant et montrant qu'elles respectent la réglementation qui leur est applicable, agissant pour atteindre des buts fixés par l'Etat dans des secteurs qui ne sont pas nécessairement régulés, le Droit de la Compliance ayant réussi ce tour de force de déployer l'esprit de la Régulation au-delà des secteurs économiques régulés, il n'est plus besoin de Juge. La présence du juge ne serait-il plus que le signe d'une transition vers un Droit de la compliance qui, ayant laissé là la Régulation qui toujours ordonne et contraint, obtiendrait en Ex Ante la prise en charge des lois par des sujets de droit que l'on craignait même d'appeler encore des assujettis, tant elles "coopèrent". 

Le point d'interrogation du titre s'impose alors car dans le monde de la compliance, emplis d'experts et d'algorithmes, l'on trouve peu de place pour les juges ; quant à un rôle ils devraient d'en avoir aucun. D'ailleurs, la Compliance by design insérant les règles dans les structures informatiques semble bien exclure le juge📎!footnote-2920. Par cette alliance de l'Ex Ante et du principe de "corégulation" ou de "coopération", avec le Régulateur et l'Autorité de poursuite (le procureur étant un magistrat mais n'étant pas un juge), quel est donc le rôle du Juge ? Autant aller directement à cette question pratique.

 

5. Méthode pratique choisie : répondre directement à la question pratique posée : "quel rôle pour le juge" ?  ⚖️C'est une question essentielle et l'existence même des contentieux qui la pose, car le Juge sera saisi, l'a déjà été, et de façon spectaculaire, comme le montre la saga dite Total Ouganda. Si le Juge ne connait pas la technologie, les entreprises en place dans les systèmes anciens (système bancaire) ou nouveau (espace numérique) lui poseront des questions de compliance et il a l'obligation de répondre aux prétentions que l'on forme devant lui en appliquant les lois (par exemple le Digital Services Act), sauf à commettre un déni de justice. S'il est juge du fond, il se tournera vers les Juges du Droit📎!footnote-2915. S'il est juge national, il formera une question préjudicielle. Si la "cause" est de dimension systémique globale📎!footnote-2928, il pourra prêter attention à ce que font les Juges d'un autre système.

Plus encore, dès l'instant qu'il y aura des actions ouvertes devant les juges, droit de saisir le Juge que les lois ouvrent, par la politique du private enforcement pour renforcer les systèmes, qui se répand du Droit de la concurrence au Droit financier au Droit des données, c'est d'abord parce qu'un juge sera saisi et qu'il élaborera une jurisprudence que cette branche du Droit de la Compliance, si "étrange"📎!footnote-2922 peut-elle paraître, trouvera sa cohérence. On le voit si fortement à propos de la vigilance ou à propos des données, qui relèvent l'un et l'autre du Droit de la Compliance.

Souvenons-nous de l'arrêt si surprenant Google Spain de 2014📎!footnote-2916 par lequel la Cour de Justice de l'Union européenne écouta la prétention d'un commerçant et qui, cette action ainsi ouverte, inventa pour le protéger le "droit à l'oubli. Le même Président de cette Juridiction écrivit en 2019 dans l'ouvrage Pour l'Europe de la compliance📎!footnote-2917 un article sur "Le juge de l'Union européenne dans une Europe de la Compliance"📎!footnote-2918montrant que les questions de concurrence, d'information et de données étaient et allaient être appréhendés par le Droit de la Compliance dans une même unité. Il y montrait que les entreprises étaient en charge de donner plein effet au Droit de l'Union européenne, lui-même indissociable de l'Etat de Droit, que le Juge vient en appui de cela, que pour cela elles développent de multiples normes (droit souple) et que le Juge contrôle l'usage qu'elles font de ce pouvoir nécessaire qu'elles exercent afin que le système général atteigne ses finalités.

 

6. Construction de l'article⚖️Dans cette démonstration programmatique de 2019, dans cet article lui-même proche de ce "droit souple" si lié aux mécanismes de compliance📎!footnote-2919, le Président Koen Lenaert revient souvent sur le fait que l'Union européenne ne repose pas d'une façon première sur le principe du marché ou sur des volontés d'acteurs : elle repose sur l'État de Droit. Le rôle du Juge, personnage qui parait faible dans un système de la Compliance où il ne faudrait qu'obéir, mécanismes si puissants dans un monde où la technologie développe une puissance encore plus impressionnante, pourrait être de mettre la force qui lui est propre à continuer à être ce qu'il est : à savoir être le gardien de l'État de Droit, ce qui n'est pas si évident car de nombreux outils de la Compliance sont en quelque sorte "insensibles" à ce à quoi nous sommes attachés (I).  Le deuxième rôle que nous pouvons attendre du Juge est qu'il aide à permettre la permanence de cet État de Droit qui repose en grande partie sur lui face à un monde futur, en ce que celui-ci nous est inconnu, principalement dans sa dimension numérique et climatique, perspectives que le Droit de la Compliance veut, en renouvelant le Droit de la Régulation, saisir (II). Dans ce qui suppose à la fois un maintien profond d'un Juge que l'on voudrait exclure par des accords divers ou remplacer par des algorithmes, et une transformation profonde d'un office tourné vers le futur (III), ce sont tous les juges, pourtant si divers, qui vont converger (IV). Se mettra alors en place ce triangle parfait, dont la force et la simplicité permet l'usage du singulier et la conservation des majuscules : Régulation Compliance Juge

 

 

I. LE RÔLE PERSISTANT DU JUGE : DANS DES TECHNIQUES DE COMPLIANCE "INSENSIBLES", GARDER LES PRINCIPES CARACTÉRISANT L'ÉTAT DE DROIT

7. Restituer le sens et maîtriser la conduite⚖️Dans la "masse réglementaire" dont la mise en oeuvre a été transférée sur les entreprises et dont elles affirment qu'elles ne peuvent pas la maîtriser en raison de son ampleur, de sa variabilité et de son imprévisibilité, le Juge doit non pas garder cette "masse", mais garder "l'esprit des lois" (A). Notamment, alors qu'on décrit souvent la compliance comme une série de process, le Juge, et cela ne lui est-il pas naturel ?, doit préserver le Droit processuel dans cette mass de process, si souvent confiées à des algorithmes (B). 

 

 A. GARDER L'ESPRIT DES LOIS DANS LA MASSE RÉGLEMENTAIRE

8. Garder l'esprit des lois dans la masse réglementaire⚖️Les réglementations pleuvent, le Conseil d'Etat📎!footnote-2925, comme Carbonnier avant lui📎!footnote-2924, a montré les dommages que cette inflation cause au système juridique. La compliance, qui se distingue souvent du "juridique" dans les entreprises (sujet en soi...) pourrait aggraver les choses. En matière de compliance, chaque réglementaire semble faire système autosuffisant : la compliance concurrentielle, la compliance financière, la compliance alimentaire, etc.📎!footnote-2929

Au fur et à mesure que ce qui serait par exemple le "système RGPD", objet de centaines d'études, se consolide, le système juridique général dans lequel il se développe semble s'effacer : chacune des virgules étant une donnée, le système juridique européen (ou le système juridique français, qui pourtant dans la transposition qu'il en fit prit, prenant soin de l'insérer dans la loi de 1978 dont le titre a été conservé avec soin), semble comme effacé. La constitution de plateformes documentaires consacrées à cette seule compliance-là accroît cet isolement. 

Ainsi dans cette masse où tout se vaut, se connecte mais aussi s'isole, il est indispensable que le Juge qui lui connait de tous les textes, garde l'esprit des lois : là où elles sont nées, là où elles s'étendent, là où elles s'entrechoquent dans des systèmes juridiques construits dans l'Etat de Droit où d'autres considérations existent. Le Juge doit garder l'esprit du Droit de l'Europe, cette histoire et ce projet auxquels les algorithmes sont insensibles, mais qui est commun à toutes ces régulations concrétisées par des comportements de compliance.

Les juges le font non seulement parce qu'ils appliquent les textes, mais cela l'administration ou les entreprises le font aussi, l'administration particulièrement pour le Droit de la Régulation, les entreprises particulièrement pour le Droit de la Compliance. Les juges le font d'une façon spécifique grâce aux disputes des parties, le rôle du Juge étant en cela indissociable de celui de l'Avocat📎!footnote-2926. En effet dans les cas qui lui sont soumis les parties peuvent évoquer les systèmes de Compliance les uns contre les autres, par exemple l'obligation d'informer au titre de la lutte contre la corruption et l'obligation de ne pas informer au titre de la protection des données personnelles. Les deux obligations qui paraissent contradictoires (transmettre l'information / ne pas transmettre l'information) retrouvent leur unité si le Juge, saisi par les prétentions contradictoires des deux parties dégage l'esprit du Droit de la Compliance : toujours protéger les êtres humains, parfois protégés par le secret et parfois protégés par la divulgation (ce que la technique du lancement d'alerte affine, les différences entre les systèmes juridiques montrant à quel point l'esprit des lois n'est pas le même aux Etats-Unis et en Europe📎!footnote-2927). 

 

8.1. Là où le Juge trouve l'esprit du Droit de la Compliance : les Buts Monumentaux⚖️Dès lors, seul le Juge, qui fût déjà qualifié de "Régulateur des régulateurs"📎!footnote-2923 exprimant ainsi l'unicité du Droit de la Régulation au-delà des régulations sectorielles, peut exprimer l'unicité du Droit de la Compliance, à travers l'esprit de celui-ci. Ce qui donne l'esprit  du Droit de la Compliance, ce qui permet de passer de la pluralité des compliance à l'unicité d'une branche du Droit, ce sont les Buts Monumentaux. Parce que l'ensemble des techniques visent le futur, le Juge va rechercher les principes qui sont dans les buts pour interpréter chaque disposition réglementaire et donner non seulement cohérence , mais encore simplicité et force à l'ensemble📎!footnote-2951.  

 

9. Garder le temps de la justice dans la course à l'immédiateté de l'efficacité ⚖️Le Juge quel qu'il soit agi dans un espace qui lui est propre, le tribunal, même si celui-ci est ouvert sur la cité. Dans ce qui doit demeurer l'espace de justice, le temps n'est pas fulgurant. L'on entend beaucoup de critique à ce propos mais ce temps juridictionnel qui s'étire est au contraire un atout parce que le Juge peut être celui qui demeure, qui prend le temps d'écouter, celui devant lequel l'on peut revenir. A ce titre, le Juge qui s'occupe face aux entreprises qui en continu émettent du droit souple et déroule des plans de compliance, a vocation à se penser comme un "juge d'appui" et non pas tant comme celui qui, dans l'instant du jugement, ouvre et ferme le cas. Dans cet espace de justice, le dialogue des Juges peut se développer.

 

10. Garder les êtres humains comme mesure dans les projections des grands nombres⚖️Comme la référence à l'analyse critique menée par Alain Supiot de La gouvernance par les nombres est bienvenue📎!footnote-2952, car la présence du Juge permet de préserver le Droit de la Compliance de ne pas sombrer dans ce vaste calcul pour s'ancrer dans le souci d'autrui. En effet, si le rôle du Juge ne devait être que de sanctionner l'inobservation par les entreprises de la masse des réglementations qui sont applicables à celles-ci, alors un algorithme le ferait beaucoup mieux que le Juge, qui est un être humain. La perspective d'une justice algorithmique n'est d'ailleurs pas une hypothèse d'école📎!footnote-2930, notamment parce qu'on y associe la compliance by design et ladite "intelligence artificielle, mais si l'on associe Régulation et Compliance, il ne s'agit pas d'application mécanique mais d'agir pour atteindre des finalités pour que l'intérêt des systèmes et des êtres humains qui y vivent et y vivront soit préservé. Cette finalité, au centre du Droit de la Compliance, droit téléologique comme l'est le Droit de la Concurrence, requiert que le Juge veille à ce que ce souci demeure la mesure : le principe majeur de la proportionnalité📎!!footnote-2931, si puissant en Europe, demeure actif grâce à lui.

 

 B. PRÉSERVER LE DROIT PROCESSUEL DANS LA MASSE DES PROCESS

11. Passer de "Régulateur des Régulateurs" à "Régulateurs des entreprises en charge de la compliance⚖️Le Droit de la Régulation a institué le Juge "régulateur des régulateurs📎"!footnote-2932. Une branche du Droit se construisant d'abord par la procédure, c'est d'abord en rappelant que les Autorités de Régulation qui sanctionnent un manquement et qui tranchent un différend exercent une fonction de tribunal "au sens européen", ce qui les obligent à être impartial. La culture commune des juges a fait que la règle a été exprimée par voix concordante de la Cour de cassation, du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de l'Union européenne. 

Passant De la Régulation à la Compliance, il est logique que le Juge exerce à l'égard des entreprises un rôle  analogue à celui qu'il a joué pour les Autorités de régulation : prendre acte des pouvoirs que le Droit de la compliance donne aux entreprises, les incitant à émettre du droit souple, leur reconnaissant le pouvoir d'exercer tous les pouvoirs requis pour exercer les missions que leur ont confiées les Autorités publiques📎!footnote-2933, par exemple les pouvoirs d'enquête et d'audit au sein de leur organisation et des chaînes de valeur dont elles sont maîtresses, les pouvoirs de sanctions, etc.

 

12. Un juge qui requalifie pour faire perdurer le droit processuel classique dans les process de compliance des entreprises ⚖️Le premier rôle du Juge, exprimé par l'article 12 du Code de procédure civil, est de donner aux situations leur exacte qualification, la qualification donnée par les parties, voire par les lois, n'étant qu'une présomption de cette correspondance entre la réalité et les catégories juridiques du système juridique dont le Juge est le gardien. Le Droit de la Compliance plaçant les entreprises dans une situation à la fois de grande obligation, par exemple l'obligation de lutter contre la corruption ou l'obligation d'être vigilante📎!footnote-2934, et de grands pouvoirs pour satisfaire une telle charge, par exemple afin de détecter et prévenir les risques le pouvoir d'évaluer les tiers, d'obtenir des informations, de refuser d'en transmettre, de sanctionner, etc., le Juge doit pouvoir imposer le respect du Droit processuel dans la manière dont les entreprises agissent. 

De la même façon que le Droit de la Régulation s'est déployé par cette emprise du Droit processuel dans les autorités📎!footnote-2935, l'on peut penser que les juges vont développer un souci pour les droits de la défense, par exemple dans les enquêtes internes ou les conventions judiciaires d'intérêt public. Cela dépend des qualifications juridiques précises retenues pour les unes et les autres et c'est donc le rôle du Juge que d'apporter une réponse à cela, dans un Droit processuel de la compliance📎!footnote-2957 qui ne fait que débuter📎!footnote-2936, permettant que l'on passe des process de compliance à des procédures telles que l'Etat de Droit les conçoit📎!footnote-2937.

Dans ce premier rôle, le Juge est donc le gardien de l'Etat de Droit, faisant en sorte qu'à travers la "masse réglementaire" et la "masse des process", ce soit bien l'esprit des réglementations, esprit commun au Droit de la Régulation et au Droit de la Compliance qui perdure, et que ce soit bien non pas une masse de technologies mécaniques mais des procédures ayant pour souci de mettre en balance l'efficacité de recherche des faits et de protection des systèmes avec la protection des êtres humains, qui constitue cette nouvelle branche du Droit. Ce rôle essentiel du Juge, centré sur l'Etat de Droit, est que la conception classique du Droit demeure dans ces outils si puissants de compliance.

Ces outils correspondent à la 4ième révolution industrielle, celle de la technologie, ces prouesses et ces dangers. En cela, la compliance est à la fois le reflet de cette révolution et ce qui pourrait permettre d'en conserver les bénéfices et de se soustraire à ses dangers qui menacent les systèmes et les êtres humains, en les détectant et en prévenant leur transformation future en catastrophe. Dans cette perspective, le rôle du Juge est nouveau parce que si le Droit de la Régulation s'est transformé en Droit de la Compliance, c'est parce qu'il s'est lui-même renouvelé pour faire face à un monde nouveau.

A monde nouveau, branche du Droit nouvelle et rôle nouveau du Juge qui doit faire plus que de préserver l'Etat de Droit. Il doit non seulement demeurer, il doit lui-même se renouveler.

 

 

II. LE RÔLE NOUVEAU DU JUGE : AGIR DANS LE DÉPLOIEMENT DU DROIT DE LA COMPLIANCE 

13. Un monde nouveau ⚖️Le Droit de la Compliance confie aux entreprises la charge de détecter les risques et de prévenir des événements futurs, participant ainsi directement à la construction du monde à venir. Or, la part de "nouveauté" de ce monde futur est sans doute plus élevé aussi bien dans ce qu'il a de sombre et dans ce qu'il peut recueillir d'ambitions nouvelles. C'est en cela que le Droit de la Compliance est la réponse juridique à de nouveaux risques (ce à quoi se réfèrent les buts monumentaux négatifs📎!footnote-2939) et l'appui pour de nouvelles ambitions, notamment humanistes, relevant des buts monumentaux positifs, dont le Digital Services Act donne pleine forme. Le Droit de la Compliance se saisit de ce monde nouveau, né sur les technologies et de risques globaux, dont le risque climatique est l'archétype.

Cette nouveauté systémique requiert beaucoup plus qu'un juge qui garde les principes, il requiert un juge qui lui-même se pense d'une façon nouvelle, en agissant d'une façon nouvelle (A), ne serait-ce que parce qu'on porte devant lui des prétentions nouvelles (B).

 

 A. LA NOUVEAUTE DU CONTRÔLE NORMATIF QUE LE JUGE EXERCE PAR LE DROIT DE LA COMPLIANCE

14. Premier degré de contrôle normatif de compliance - Un juge qui contrôle les actes souples de régulation par lesquels les Régulateurs intègrent dans les entreprises la façon dont elles doivent se comporter ⚖️Par le Droit de la Régulation, les normes de droit souple émises par les Autorités de Régulation en direction des entreprises pour leur indiquer la façon dont elles doivent se conduire, frontière avec la compliance puisque le Régulateur dit à voix douce ce qu'il attend des entreprises, soft law contre lequel le Conseil d'Etat en 2016 a ouvert la voie de l'action en justice. C'est bien le juge qui noua ainsi Droit de la Régulation et Droit de la Compliance. Doit-on aller plus loin dans les degrés ?

 

15. Deuxième degré de contrôle normatif de compliance - Un juge qui contrôle les actes souples de régulation par lesquels les entreprises recopient d'elles-mêmes les réglementations qui les régissent ⚖️Mais l'initiative peut venir de l'entreprise qui adopte des charges et autres lignes directrices par lesquelles elle affirme son consentement à exécuter directement les réglementations pour que ceux-ci produisent les effets pour l'obtention desquels les Autorités publiques les ont édictés. C'est pourquoi la jurisprudence judiciaire a affirmé qu'une entreprise peut mettre fin à une relation contractuelle pour violation par son co-contractant de la charte de la première en ce que celle-ci ne fait que reprendre une législation d'ordre public, en l'espèce relative à la lutte contre la corruption.

 

16. Troisième degré de contrôle normatif de compliance - Un juge qui contrôle les actes souples de régulation par lesquels les entreprises vont au-delà des exigences que les Autorités publiques ont formulées ⚖️Autant il est acquis qu'une entreprise, sujet de droit comme un autre, ne peut produire des normes allant à l'encontre des réglementations, autant l'on peut supposer qu'elle peut, en tant que personne juridique, utiliser sa volonté pour ajouter celle-ci à celle de l'Autorité publique pour aller plus vite ou plus loin que ne l'a fixé celle-ci. L'entreprise le fera en édictant des normes générales par des chartes ou des contrats-cadres ou des normes techniques, sanctionnant les manquements qui pourront y être faits par différentes personnes que sont ses collaborateurs, ses contractants, voire les "membres de sa communauté". Le juge contrôlera-t-il ces normes de compliance ? Lorsqu'elles prennent la forme d'une clause contractuelle, nul doute, le Droit des contrats l'y conduit, la finalité spécifique de Compliance qui imprègne alors la clause infléchissant son office📎!footnote-2943

 

 B. LA NOUVEAUTÉ DE L'APPUI QUE LE JUGE APPORTE AUX ENGAGEMENTS REQUIS PAR LE DROIT DE LA COMPLIANCE

17. Un juge qui cristallise les engagements ? ⚖️Peut-on aller plus loin et soutenir que le Juge a pour rôle dans ce monde nouveau, où la puissance des entreprises globales excède celle d'Etats qui demeurent dans leurs frontières pour faire en sorte que tout à quoi une entreprise s'engage à l'égard de tous devrait être exécuté ? Les programmes de compliance sont par définition des engagements. En matière pénale, l'ordonnance de validation qui donne force à la convention judiciaire d'intérêt public scelle l'engagement de l'entreprise qui consent à la proposition faite par le procureur. Puisqu'il y a eu négociation entre l'entreprise et l'autorité de poursuite, c'est bien un engagement volontaire de l'entreprise, qui peut choisir de ne pas accepter et d'aller combattre devant le Juge pénal, préférant le Droit pénal à l'articulation du procureur et du président du Tribunal judiciaire📎!footnote-2953.

 

18. Les Régulateurs et les procureurs, modèles du Juge de la compliance producteur des engagements des entreprises ? ⚖️Puisque le Juge a été le modèle de comportement pour les Régulateurs, voire pour les entreprises, est-ce qu'aujourd'hui par le Droit de la Compliance, n'assiste-t-on pas à un mouvement inverse dans lequel ce sont non seulement les entreprises qui jugent et sanctionnent pour mener à bien leur rôle de compliance📎!footnote-2940, mais plus encore les procureurs, qui sont des magistrats mais ne sont pas des juges, qui exercent aujourd'hui un rôle de juge. L'on observe que le procureur a de plus en plus un rôle de juge pénal📎!footnote-2941. Dans les mécanismes de compliance, notamment dans la convention judiciaire d'intérêt public, il juge de la vraisemblance des faits et de la proportionnalité de l'amende qu'il propose, véritable acte de juge, ce qui justifie que l'acte du président de juridiction qui vient ultérieurement ne soit pas même une homologation mais juste une validation sans contrôle au fond. Par la CJIP, et comme le développe le droit souple produit par le Parquet national financier📎!footnote-2944, les engagements unilatéraux des entreprises, notamment sous la forme de "programmes de compliance" spontanément adoptés, sont gage d'une clémence obtenue, selon le modèle déjà longtemps acquis en Droit de la concurrence.

 

 C. LA NOUVEAUTÉ DES REMÈDES À L'ÉLABORATION DESQUELS LE JUGE CONTRIBUE POUR L'EFFICACITÉ DU DROIT DE LA COMPLIANCE

19. Un juge qui grâce à la Compliance trouve des remèdes à la puissance des parties et grâce à celle-ci⚖️C'est encore dans le Droit de la concurrence, branche du Droit que l'on peut qualifier de systémique puisqu'il vise le système concurrentiel, ce qui est particulièrement net dans sa branche techniques visant les structures de marché c'est-à-dire le contrôle des concentrations et du contrôle substantiel qu'en font le Conseil d'Etat et la Cour de justice, le contrôle Ex Ante des concentrations étant la part de Régulation du Droit des marchés concurrentiels📎!footnote-2942, que l'on trouve la technique des remèdes.

 

20. L'activation par le juge du DMA par l'esprit et la technique de la Compliance⚖️Le Juge va respecter l'esprit du Droit de la Compliance, branche du Droit tourné vers le futur et tendu vers les buts monumentaux, en contribuant à dégager des remèdes, c'est-à-dire des solutions : réparer, obliger à faire, ouvrir des dialogues, faire intervenir des tiers, inciter à des engagements, obliger à des cessions, nommer des moniteurs, élaborer lui-même des programmes de compliance. Tout ce que le Droit des contrôles de concentrations, Droit de la régulation logé dans le Droit de la garde Ex Ante de la structure concurrentielle des marchés, esprit que le Digital Markets Act applique à l'espace digital.

Le Juge européen, qu'il soit lui-même européen ou national, va pouvoir activer la puissance des entreprises pour qu'elles gardent par l'usage de cette puissance la structure concurrentielle des marchés numériques sur lesquelles elles se déploient. En ayant à l'esprit ce but structurel Ex Ante, dont la concrétisation repose sur les entreprises systémiques elles-mêmes, responsables du seul fait qu'elles sont puissantes, rendues "gardiennes" Ex Ante du système de ce seul fait. Dès lors, de la même façon que la jurisprudence a pu poser que tout juge national est juge du système européen de la concurrence, elle pourra poser que tout juge national est, via le DMAjuge du système européen de régulation Ex Ante du dynamisme concurrentiel de l'espace numérique📎!footnote-2954.

 

21. L'activation par le juge du DSA par l'esprit et la technique de la Compliance⚖️Le Juge va agir plus encore nettement de la même façon lorsqu'il va connaître des contentieux engendrés par la mise en application du Digital Services Act. L'on a pu expliquer que ce texte fondateur est entièrement animé par un esprit de compliance puisqu'il s'appuie sur la puissance des opérateurs numériques pour veiller à ce que l'espace numériques se développe comme un espace civilisé.

 

 D. LA NOUVEAUTÉ DU RENFORT DE DURABILITÉ APPORTÉ PAR LE JUGE AU DROIT DE LA COMPLIANCE

22. Le rôle du juge de la Compliance, constructeur de durabilité d'espaces nouveaux dont l'enjeu est de demeurer ⚖️Le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la Régulation en ce que comme celui-ci il se situe en Ex Ante, les entreprises s'organisant pour s'informer, informer, bâtir des systèmes d'alerte, élaborer des textes à portée mondiale, etc., pour que demain soit identique, par exemple que la corruption ou la pollution ne s'installe pas, voire que demain soit meilleure aujourd'hui, par exemple que la probité progresse ou des forêts soient replantées. Les notions de durabilité et de transition sont des notions-clés. Empruntés à ce qui était propres à des Régulations, la durabilité étant ancré dans la Régulation bancaire, la transition étant ancrée dans la Régulation énergétique, c'est désormais dans l'ensemble du Droit de la Compliance qu'on les retrouve désormais.

De la même façon que les notions de faute ou de marché ont pu être considérées comme étant des notions de droit, parce qu'elles méritaient d'être contrôlées, la notion de durabilité mérite la même qualification parce qu'elle appelle la même garde par les Hautes Juridictions. La durabilité importe avec elle les techniques de transition et de supervision. Elle est une notion centrale du Droit de la Compliance, et notamment des techniques de Vigilance. Cela explique que des textes ayant des objets techniques différents, comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et la CS3D (Corporate Sustainability Due Diligences Directive sont des textes miroirs📎!footnote-2967 et doivent être interprétées de la même façon, unité d'interprétation dont les Hautes Juridictions ont la garde.

 

23. Le rôle du juge de la Compliance, constructeur de durabilité de l'espace numérique ⚖️L'Europe vient d'adopter deux textes de Droit de la Compliance : le Digital Markets Act et le Digital Services Act, le premier rendant les entreprises directement comptables (accountable) de la structure concurrentielle de cet espace-là, le second confiant aux opérateurs numériques le soin de veiller, sous la supervision du Régulateur et le contrôle du Juge, à ce que ce qui se crée, se fait, se dit, dans un espace où nous vivons tous, ne détruise pas la civilisation. La mise en oeuvre du DSA suppose que le Juge intègre cette finalité comme étant la norme d'interprétation de l'ensemble des textes, l'esprit de la loi à l'aune de laquelle le contrôle des textes, le prononcé des sanctions et les disputes des parties doivent être menés par les juridictions. 

 

24. Le rôle du juge de la Compliance, constructeur de durabilité de l'espace des filières (exemples de l'agro-alimentaire et de la distribution)⚖️C'est la même idée qui justifie la puissance de la Compliance dans l'espace des filières, par exemple la filière agro-alimentaire. Ainsi de la même façon que la notion de "secteur" se superpose sur la notion de "marché", n'en a ni les mêmes contours ni la même substance et n'appelle pas les mêmes règles, la notion de "filière" trouve enfin sa place en Droit📎!footnote-2968. L'économie agricole a tant souffert d'être dans le Droit civil, ne pouvant donc être saisie que par le biais des subventions. La "régulation agricole", qui intègre enfin la durée, va pouvoir se développer, intégrer l'amont et l'aval, intégration que le Droit de la concurrence n'a de sens de briser, sauf à apporter des justifications. 

A l'inverse et avec le même effet heure, la distribution, qui est pour l'instant toujours saisie par un "Droit de la distribution" qui n'est qu'un mixte de Droit de la concurrence (à travers la transparence tarifaire, etc.) et de Droit des contrats (à travers les contrats-cadre, groupe de contrats, etc.), la notion de "réseau" va pouvoir être directement saisie📎.!footnote-2969

 

25. Le rôle du juge de la Compliance constructeur de durabilité de l'espace des "chaines de valeur"⚖️La notion de "chaines de valeur" est la plus nouvelle et la plus attachée au Droit de la Compliance, mettant plus encore le Juge au cœur du dispositif. C'est en effet la loi de 2016 sur le devoir de vigilance qui a visé les chaînes de valeur pour mettre à la charge de la société-mère ou de l'entreprise donneuse d'ordre ce devoir légal d'être vigilant afin de détecter et de prévenir les atteintes à l'environnement et aux droits humains. La nouveauté de la notion "d'entreprise donneuse d'ordre" et l'absence de lien juridique nécessaire même par transitivité contractuelle ou sociétaire, une relation économique établie suffisant, a conduit à intégrer en Droit ce qui est maîtrisé en sciences économique et de gestion : la "chaine de valeur".

 

III. UN JUGE QUI RÉPOND AUX PRÉTENTIONS DE COMPLIANCE DÉVELOPPÉES DANS DES CAUSES SYSTÉMIQUES

26. Souvenir du prêteur romain ⚖️Oublions un instant le Juge américain dont on nous parle tant pour qu'on y "réagisse", pour nous souvenir du prêteur romain, qui laissa tant de traces dans le Droit britannique. Ce juge qui, saisi de questions par des personnes venues le voir pour lui exposer leur situation, lui demandaient en premier lieu de les entendre, au sens juridique du terme, c'est-à-dire de leur reconnaitre un droit d'action. En Droit de la Compliance, c'est avant les questions de qualité à agir et d'intérêt à agir que les Hautes Juridictions doivent fixer. Si l'on écoute davantage ce que disent les parties, aussi bien en demande qu'en défense, ce qu'elles soutiennent, ce qu'elles allèguent, ce sont des "prétentions systémiques" (A). Face à ce nouveau type de causes, par leur objet et par le nouveau type de prétentions qui se développent de part et d'autre, le juge doit adapter sa méthode, voire en inventer d'autres (B).

 

A. LES PRÉTENTIONS DE COMPLIANCE, PRÉTENTIONS SYSTÉMIQUES DANS DES CAUSES SYSTÉMIQUES

27. Les "causes systémiques"⚖️La notion de "cause systémique" a été dégagée en doctrine en 2021📎footnote-2959 et formulée lors d'un colloque qui s'est tenue à la Cour de cassation, dans lequel intervenait juge administratif, juge pénal et juge civil📎!footnote-2961. Elle est centrale parce qu'elle vise des causes particulières qui implique un système tout entier, par exemple le système bancaire, financier, numérique, climatique, etc. Par définition, le contentieux de la Compliance engendre des litiges entre des personnes particulières qui sont des causes systémiques. L'effet jurisprudentiel en est par naturel de grande portée📎!footnote-2960 : ce n'est pas par volonté de pouvoir du juge, c'est par l'effet de la nature de la cause elle-même car en statuant (et il ne peut pas refuser de statuer) sur un fait climatique ou un fait de plateforme ou un fait de chaine de valeur, l'impact sur les situations systémiques futur a lieu.

 

28. Mixité de la dimension objective et subjective de la cause⚖️Dans toutes les causes qui sont soumises aux juges, il y a des intérêts subjectifs (les parties au litige ont un intérêt) des droits subjectifs en jeu : les droits à la vie privée, les droits de propriété, les droits à l'information des investisseurs. Ces droits et intérêts sont martelées aussi bien par celui qui a place processuelle de demandeur que par celui qui a celle de défendeur, mais sont également impliqués les intérêts objectifs des systèmes. C'est cela qui rend la cause systémique.

Les deux s'entremêlent et peuvent soit se renforcer soit se contrarier. Cette mixité est l'ordinaire du contentieux administratif, qui marque de son empreinte tout le Droit de la Régulation, y compris lorsque celui-ci prend place devant des juridictions judiciaires, comme la Cour d'appel de Paris, et l'on retrouve cette même mixité dans le contentieux devant les juridictions judiciaires, bien au-delà de celui des sanctions, notamment à propos des engagements, par exemple à propos des contrats d'assurance, qui sont imprégnés de compliance📎!footnote-2948.

 

29. Les contentieux de compliance, causes systémiques⚖️La notion de "cause systémique" est une notion qui doit être intégrée plus généralement dans les causes de compliance, puisque le Droit de la Compliance est lui-même de dimension systémique📎!footnote-2945. Dans tous les cas qui implique le Droit de la Compliance, un système est en jeu, par exemple le système bancaire, ou le système climatique, ou le système ferroviaire. Dans un même cas, plusieurs systèmes peuvent converger, par exemple le système de paiement et le système numérique, mais aussi des systèmes peuvent se contrarier, par exemple le système de protection des données et le système de lutte contre la fraude fiscale. Dans ces causes systémiques, le Juge va devoir, comme le fait souvent l'Etat ou l'entreprise eux-mêmes, tenir les systèmes en équilibre pour dégager la solution. Ce qui fut désigné comme l'interrégulation📎!footnote-2947 est alors entre ces mains.

 

30. Les contentieux de compliance, une organisation probatoire spécifique⚖️Le Juge prend alors connaissance des situations par l'exposé que demandeurs et défendeurs lui en font, la mise en état étant la phase essentielle. Cette dimension probatoire étant essentielle, alors que le système probatoire de la Compliance est encore assez embryonnaire📎!footnote-2958, la jurisprudence devant, de cas en cas, au fur et à mesure que le Juge donnera son autonomie à la détection et à la prévention des risques comme obligation (ou/et comme devoir)  par rapport au manquement qu'il s'agit d'éviter, comprendre tout le système de prévention, et la façon dont l'entreprise, telle qu'elle est placée dans le système, doit y participer. Toute la perspective probatoire est elle-même systémique.

En effet, être obligé de ne pas corrompre ou de ne pas polluer (comme tout un chacun) est une obligation distincte : la prévention, la vigilance, la détection, sont des obligations autonomes qui ne pèsent que sur certains sujets de droit (les entreprises en position d'agir), obligations qui appellent des preuves autonomes et spécifiques. Ces preuves doivent elles-mêmes se penser d'une façon systémique puisque c'est pour protéger en Ex Ante le système (financier, économique, climatique, numérique, etc.). 

C'est pourquoi le Droit de la Compliance est distinct du Droit pénal et c'est pourquoi les causes portées devant le Juge, même lorsqu'il civil, sont des "causes systémiques".

 

B. POUR CE NOUVEAU RÔLE DU JUGE IMPLIQUÉ PAR LE NOUVEAU DROIT DE LA COMPLIANCE : UNE MÉTHODE RENFORCÉE

31. Un Juge qui écoute les intérêts qui toujours divergent ⚖️Puisque le Droit de la Compliance prolonge et déploie le Droit de la Régulation en l'internalisant dans les entreprises sans oublier pour autant les buts d'intérêt public pour lesquels le système a été mis en place, le Juge qui va contrôler un texte ou une situation ou régler une dispute ou sanctionner un manquement est en quelque saisi de tous les côtés dans des contentieux souvent spectaculaires.

 

32. Un Juge qui garde à l'esprit le but des textes et reconnait l'extrême complexité et évolution des moyens techniques ⚖️Avoir une vision simple de la finalité des réglementations et une conscience de la technicité des moyens mis en oeuvre pour l'atteindre est le point de départ des textes, par exemple ceux qui bâtirent le Droit de l'Union bancaire (dont la finalité est de ne pas défaillir), comme ceux qui visent le Droit des Services numériques (dont la finalité est d'être durable), tandis que la technicité des moyens mis en oeuvre est extrême et évolutive.

 

33. Un juge qui écoute les Régulateurs, superviseurs des entreprises ⚖️Dans les systèmes de compliance, les opérateurs sont tenus par les finalités mais libres de choisir les moyens sur la mise en place desquels ils sont comptables, étant supervisés par des Régulateurs que le Droit de la Compliance a transformés en Superviseur📎!footnote-2949. L'Arcom est exemplaire de cela📎!footnote-2950. Le plus souvent les textes articulent expressément Autorités de Régulation et juges, par exemple en matière financière ou en matière numérique. S'ils ne le font pas, le juge gagnera toujours à les écouter, car ils sont les mieux placés pour formuler une opinion à son bénéfice. Car en raison de la technicité et de la diversité des intérêts, le premier mérite du juge est sans doute de poser qu'il ne sait pas et que même des pouvoirs inquisitoriaux ne lui permettent pas de trouver seul le remède le plus adéquat à une cause systémique de compliance.

 

34. Un Juge qui sait qu'il ne sait pas. Le renouveau de la procédure accusatoire ⚖️Dans les procédures de compliance, ce sont les parties qui apportent les informations, y compris lorsque celles-ci constituent des preuves contre elles-mêmes, dès l'instant qu'elles sont utiles au remède qu'il faut construire ensemble : la Convention judiciaire d'intérêt public est le prototype de cela. Mais il faut aller au-dela de ce cas particulier qui passionne et oppose pour poser comme méthode générale que le Juge saisi d'une cause systémique de compliance, qu'il s'agit d'un cas de compliance numérique ou compliance, qu'il s'agit de prévenir une catastrophe ou de s'assurer de l'effectivité d'un mécanisme de vigilance. C'est pourquoi l'usage d'un amicus curiae, qui est une mesure technique ordinaire📎!footnote-2963 et auquel le juge administratif a recours📎!footnote-2964 notamment en raison de la dimension systémique des causes dont il est saisi, est un procédé qui va de soi.

 

35. Un Juge qui écoute les intérêts de ceux qui ne sont pas parties au litige mais gagneraient à être parties à l'instance ⚖️Le système juridique français a été construit procéduralement sur la distinction entre les intérêts individuels et l'intérêt général, ce qu'exprime l'adage Nul ne plaide par procureur, l'articulation se faisant entre les deux📎!footnote-2970. Mais en premier lieu la loi dite Pacte de 2019 a fait entrer dans le Droit français la notion d'intérêt collectif autour de laquelle le rapport dite Notat-Sénart, point de départ de cette loi était centré📎!footnote-2971,  En Droit processuel, cela implique un rôle accru des associations, auxquelles le Droit de la Compliance, notamment en matière de Vigilance, fait une place importante à juste titre.

Plus encore, Motulsky, maître du Droit processuel et grand Législateur, a pris soin de distinguer, à la suite d'Hébraud, la partie au litige et la partie à l'instance :  toute personne qui a un intérêt dans la dispute est de droit partie à l'instance, mais cela ne signifie pas que quelqu'un qui n'a pas un intérêt à la dispute n'est pas un accès à l'instance, notamment au débat contradictoire qui s'y déroule devant le Juge.

En effet, parce que le débat contradictoire est dans l'intérêt des parties au litige parce qu'elles peuvent y défendre leurs intérêts, le contradictoire rejoignant alors les droits de la défense, ce débat est aussi au bénéfice du Juge, puisque c'est ainsi qu'il s'agit sur les faits et le Droit, le débat étant un mode probatoire. A  ce titre, toute personne représentant un intérêt collectif ou portant un système impliqué ou une place économique et financière📎!footnote-2973 ou les générations futures, ou l'état d'une science (climatique, biologique, médicale, algorithmique, etc.).

Comme le fait le Droit processuel américain, ces parties à l'instance qui ne sont pas parties au litige doivent être soumises au débat, notamment à 'interrogatoire croisé📎!footnote-2974.  Cet exemple montre que les techniques procédurales de l'arbitrage international gagneront à être importées dans les causes systémiques de compliance, au-delà de cette technique de cross-examination.

 

36. Un juge qui recherche des solutions pour l'avenir⚖️Même si la procédure est une branche du Droit à ce point autonome du Droit substantiel qu'on a fini à la suite de Motulsky par ne plus la considérer comme la "servante" de celui-ci, il demeure que les deux convergent pour aboutir aux résultats souhaités, le cœur processuel commun n'ayant pas anéanti les procédure et droit administratifs, les procédure et droit civils, les procédure et droit criminels. Ainis parce que le Droit de la Compliance a pour objet l'avenir, le Juge va développer les mécanismes processuels qui constituent des "solutions pour l'avenir". Trancher le litige peut constituer une solution en ce que cela "arrête" la dispute. L'on a tant écrit pour le caractère exact ou inexact d'une telle affirmation, qui sembla incontestable, aujourd'hui davantage remise en cause.  En pratique, le jugement doit développer, dans son dispositif, longtemps présenté comme la part la moins intelligente de l'acte, ce qui doit être fait pour l'avenir : mais c'est bien ici que les "peines de conformité"📎!footnote-2975 ou les programmes de compliance et autres engagements, plus ou moins spontanés, prennent place. 

 

37. Donner concrètement les moyens au juge : une question de textes, de moyens ou de culture ?⚖️Pour développer cela, faut-il changer les Codes qui régissent respectivement les trois procédures ? Peut-être si les pouvoirs dont a besoin le Juge sont de nature violente. Mais n'a-t-il pas plutôt besoin d'inciter, d'écouter et de réunir ? N'a-t-il pas plutôt besoin d'être aidé, autrement que par le choc des thèses de ceux qui s'affrontent ? N'a-t-il pas plutôt besoin de changer de culture, ce dont il s'acquitte déjà plutôt bien puisqu'à lire les jurisprudences à l'égard de l'Etat, des entreprises cruciales et des organisations représentant la société civile, c'est bien une nouvelle culture que le Juge exprime.

Qu'il s'agisse du Juge administratif, par les arrêts Grande Synthe📎!footnote-2976du Juge pénal, par l'arrêt sur la transmission de l'aptitude pénal en cas de fusion des personnes morales📎!footnote-2978, ou des décisions dite TotalOuganda📎!footnote-2979, c'est la même culture de compliance qui est exprimée, voire qui est expliquée par le Juge.

 

IV. LE JUGE POUR RAISON GARDER DANS UN DROIT DE LA COMPLIANCE QUI NE DEBORDE PAS 

38. Une convergence juridictionnelle pour apaiser la "guerre des systèmes"⚖️Le thème de la "guerre" est familier à la description du Droit de la Compliance, par exemple ce qui serait la guerre entre les Etats-Unis et l'Europe, les premiers ayant comme inventé la compliance, à travers notamment le FCPA ou les embargos à effet extraterritorial pour faire plier à leur volonté politique de domination des entreprises étrangères, notamment européennes.  Ce qui serait comme la guerre du système de Common Law et du système de Civil Law serait relayé par le Juge américain (et le procureur américain) et les juges européens. 

S'il doit y avoir insertion des techniques de compliance dans les systèmes juridiques📎!footnote-2938cela n'est pas par la victoire d'un système sur un autre, l'Américain sur le Français, bientôt le Chinois sur l'Européen, mais par et grâce aux Juges qui  rappellent chacun en ce qui les concerne une dimension du Droit de la Compliance;

 

39. Le Juge administratif, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il traite des systèmes dont l'Etat, système Ex Ante est l'épigone⚖️Le 

40. Le Juge civil, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il est le juge des contrats, outils ex ante des engagements⚖️Le 

41. Le Juge consulaire, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il recherche des solutions pour l'avenir⚖️Da

42. Le Juge pénal, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il traite des systèmes et de leurs valeurs fondamentales⚖️Le 

43. Le Juge constitutionnel, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il garde les piliers ⚖️Le 

44. Le Juge européen, inspiration du Juge de la Compliance, en ce qu'il aide à la construction d'un espace nouveau basé sur un projet politique⚖️Le 

45. L'arbitre international, inspiration en ce qu'il se meut dans un espace global⚖️Le 

 

 Conclusion - L'intermaillage des Juges pour qu'émerge le Juge de la Compliance, ouvrant les portes du Droit de la Compliance, branche du Droit naissante⚖️Le 

 

 

 

 

 

 

1

V. par ex. 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Le Droit de la compliance, 2016. Article qui déclencha des publications pour affirmer que la définition proposée du Droit de la Compliance, définition substantielle ancrée dans les Buts Monumentaux de cette nouvelle branche du Droit, n'était pas la bonne. V. dans ce sens, 🕴️M.-E. Boursier, 📝Qu'est-ce que la compliance ? Essai de définition, 2020. Depuis, 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022, notamment les articles de la première (🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Les Buts Monumentaux, cœur battant du Droit de la Compliance) et de la seconde (🕴️M.-E. Boursier, 📝Les buts monumentaux de la compliance : mode d'expression des États).

Cela n'est pas sans rappeler une bataille qui s'était déroulée plus de 15 ans avant à propos de ce qui allait devenir le Droit de la Régulation. Voir tout d'abord 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la Régulation, 2001. Puis 🕴️E. Boy, 📝Réflexion sur le "droit de la régulation". A propos du texte de Marie-Anne Frison-Roche, 2001.

2

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les outils de la Compliance, 2021.

4

🕴️O. Douvreleur, 📝Compliance et juge du droitin 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

5

Sur la proposition de la notion de "cause systémique", 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques portés devant le juge, 2021.

10

Le plus souvent, cela concerne les lignes directrices des Autorités publiques, juridictions, parquets ou autorités de régulation. Mais cela peut concerner aussi ce que l'on peut désigner plus largement comme de la "doctrine institutionnelle", un exercice académique comme l'est une contribution dans un ouvrage universitaire en relevant. Cela l'est également de tous les actes des entreprises elles-mêmes, chartes et déclarations de toutes sortes qui peuvent constituer des "engagements", les engagements unilatéraux étant des mécanismes de plus en plus important dans le Droit de la Compliance.

11

Conseil d'État, 📓Mesurer l'inflation normative, 2018.

12

🕴️J. Carbonnier, 📝L'inflation des lois, in 📗Essai sur les lois, 1995.

18

🕴️A. Supiot, 📗La gouvernance par les nombres2015 ; l'oeuvre d'Alain Supiot est souvent citée dans mes travaux car c'est une oeuvre essentielle. Tout travail croisé étant profitable, v. par exemple, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Les "entreprises cruciales" et leur régulationin 🕴️A. Supiot (dir.), 📗L'entreprise dans un monde sans frontières. Perspectives économiques et juridiques, 2015. V. dans le même sens🕴️D.-R. Tabuteau, interventionin 🧮De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?, 2023.

19

🕴️B. Frydman, 🎤L'obligation de compliance en Droit global, in 🧮Compliance : Obligation, devoir, pouvoir, culture, 2023.

20

🕴️B. Frydman, 🎤L'obligation de compliance en Droit global, in 🧮Compliance : Obligation, devoir, pouvoir, culture, 2023.

24

🕴️I. Grossi (dir.), La société vigilante, à paraître.

25

🕴️G. Canivet, 📝Autorités de régulation. Encadrement constitutionnel : le point de vue du jugein 📗Dictionnaire des régulations, 2016.

27

🕴️N. Cayrol, 📝Des principes processuels en droit de la compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

Pour des analyses menées à partir de la nature des choses, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Ajuster par la nature des choses le Droit processuel au Droit de la Compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

29

Sur les "Buts Monumentaux négatifs", v. 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Les Buts Monumentaux, coeur battant du Droit de la Compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022.

32

Notamment en matière de devoir de vigilance : 🕴️S. Merabet, 📝La vigilance, être juge et ne pas juger, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

34

Notamment les lignes directrices du 16 janvier 2023 (Parquet national financier (PNF), 📜Lignes directrices sur la mise en oeuvre de la convention judiciaire d'intérêt public, 16 janvier 2023).

35

🕴️M.-A. Frison-Roche et 🕴️J.-Ch. Roda, 📕Droit de la concurrence, 2022.

36

V. dans le même sens🕴️P. Nihoul, interventionin 🧮De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?, 2023

37

🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧La vigilance, pièce d'un puzzle européen, 2023 ; 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🏛️Audition par les rapporteures de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée Nationale, Sophia Chikirou et Mireille Clapot dans le cadre de l'élaboration du Rapport sur devoir de vigilance des entreprises, 2023.

38

Le Droit de l'Union européenne d'une part et le Droit de la concurrence d'autre part pourraient ainsi moins maltraiter l'activité économique agricole  (🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Appliquer le droit de la régulation au secteur agricole, 2005).

La Commission européenne dans sa nouvelle conception qui s'appuie davantage sur la Régulation et moins sur l'exclusif principe de la Concurrence, va "de la ferme à la table" (Résolution du Parlement européen du 20 octobre 2021 sur une stratégie «De la ferme à la table» pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement) et utilise le Droit de la Compliance en matière de déforestation (ce qui constitue un But Monumental négatif) avec non seulement un effet extraterritorial mais avec une barrière à l'importation : règlement (UE) 2023/1115, du 31 mai 2023, relatif à la mise à disposition sur le marché de l’Union et à l’exportation à partir de l’Union de certains produits de base et produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts, et abrogeant le règlement (UE) n° 995/2010.

Un jour le Droit régulera en Ex Ante les forets et la filière bois. Il faudra pour cela que le Droit économique se détache de l'abstraction du Droit de la concurrence et accueille la perspective industrielle. L'Europe s'y achemine sur les nouvelles technologies. Un jour, elle pourrait y venir pour les anciennes industries comme les industries forestières. Le souci environnemental pourrait en être le chemin.

39

Sur ce vaste sujet, 🕴️M.-A. Frison-Roche et 🕴️J.-Ch. Roda, 📕Droit de la concurrence, 2022, n°688 et s.

41

🏛️Colloque de la Cour de cassation (direction scientifique 🕴️M.-A. Frison-Roche), 🧮L'office du juge et les causes systémiques, intervenants : 🕴️Ch. Soulard, 🕴️F. Raynaud et 🕴️F. Ancel, 2022.

43

🕴️A. Touzain, 🎤La compliance, le juge et l’assurance : vers de nouveaux risques assurables ?, in 🧮Le juge face aux clauses et aux contrats de compliance, avril 2023.

45

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝L'hypothèse de l'interrégulationin 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les risques de régulation, 2005 ; à la suite, 🕴️I. Falque-Pierrotin, 📝L'Europe des données ou l'individu au coeur d'un système de compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Régulation, Supervision, Compliance, 2017.

49

🕴️N.  Cayrol, 📝L'amicus curiae, mesure d'instruction ordinaire, 2022.

50

🕴️Arrighi de Casanova, 🕴️G. Canivet et🕴️M.-A. Frison-Roche📝Experts et procédure : l'amicus curiae, 2012.

51

Sur cette articulation, notamment en ce que le procureur est l'interlocuteur légitime dans des causes civiles, en ce que la victime a sa place dans les instances pénales, tout s'agençant dans la perspective du débat contradictoire, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📕Généralités sur le principe du contradictoire. Étude de droit processuel, 1988.

52

🕴️N. Notat et 🕴️J.-D. Senard, 📓L'entreprise, objet d'intérêt collectif, 2018.

53

Sur la "place économique et financière" comme partie à l'instance et le fait que cela n'entame pas le principe de l'impartialité du juge, 🕴️M.-A.  Frison-Roche, 🎤L'attractivité économique de l'impartialité, in 🧮L’office du juge, les enjeux économiques et l’impartialité. Penser l'office du juge, 2020  ; voir dans la même manifestation, 🕴️F. Ancel, 📝Conférences (Cour de cassation) : office du juge, enjeux économiques et impartialité, 2020.

59

Voir supra 

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