12 septembre 2024

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, participation à la table ronde "Le droit à l'enfant : réalité ou faux concept ?", in Regards croisés sur les nouvelles filiations, Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2024

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► Résumé de la conférence : Il s'agit d'analyser juridiquement ce que peut être le "droit à l'enfant", expression littéralement juridique mais que l'on retrouve souvent dans les rapports qui entourent l'évolution du Droit et qui est utilisé pour traduire ce qui doit être l'évolution du Droit objectif puisque ce droit subjectif existerait, le Droit objectif devant donc concrétiser ce droit subjectif, l'Etat, en tant qu'auteur du Droit objectif par les lois, le juge en tant qu'auteur du droit objectif qu'est le jugement étant donc les "débiteurs" de ce droit subjectif - créance que serait le "droit à l'enfant.

Pourquoi pas.

Le Droit est si puissant qu'il peut transformer un désir, le désir d'enfant, en droit, en droit à l'enfant.

Pourquoi pas.

La table-ronde à laquelle je participe a pour titre : Le droit à l'enfant : réalité ou faux concepts ?".

L'on me demande donc de traiter le sujet au niveau des "concepts". Je vais prendre les éléments à la base, sur la façon même dont les systèmes juridiques sont constitués, dans leur cohérence. En formulant 10 observations de base. Suivant que l'on conçoit les éléments de base d'une façon ou d'une autre, au regard de la société dans laquelle nous voulons vivre, le "droit à l'enfant" sera inconcevable par principe (et l'on pourra admettre par exception des solutions pour quelques cas inextricables sinon) et bien le "droit à l'enfant" sera tout à fait concevable (et l'on pourra admettre par exception de l'exception, en cas d'abus ou de dérive).  

C'est juste une question de conception, de choix, de concept. De la place que l'on fait aux êtres humains, suivant qu'ils sont forts ou faibles, et de ce pour quoi le Droit est fait pour eux. Suivant le choix de société que l'on fait, le "droit à l'enfant" sera inconcevable, et par exception l'on trouvera des solutions exceptionnelles pour des situations exceptionnelles, ou bien le Droit objectif, lois et décisions de justice, concrétisera par principe un droit à l'enfant, sauf par exception à exclure s'il y a abus ou dérive.

Il est essentiel dans un système juridique que les situations renvoie à des notions "conçues" (ici, le concept de "droit à l'enfant"). Parce que sinon, les pratiques se développent naturellement, si l'on n'a pas de concepts, l'on ne peut pas ramener les situations, toujours nouvelles, toujours diverses, soit à un principe (le concept), soit à une exception.

Et donc, à chaque situation nouvelle (jamais l'on ne peut tout prévoir, "la loi est toujours en retard", elle ne l'est pas si elle pose des concepts, elle est "toujours en retard" si elle liste des situations, comment peut-on à ce point oublier Portalis ? ou Motulsky ?) le juge rattache la situation à un concept (ici à un droit subjectif conçu, par exemple) et la pratique est tenue. Si l'on articule pas des concepts et une considération des cas, alors l'avenir est immaîtrisable. Dans l'ouvrage maître de Motulsky, Principes de réalisation méthodique du Droit, sur l'office du juge, il décrit la façon dont le juge élabore les solutions pour des solutions nouvelles avec les lois qui ne sont pas nouvelles. Penser qu'il faut une loi nouvelle dès qu'il y a un cas nouvelles, ce qui est usuellement dit, c'est avoir perdu d'avance, puisqu'ainis "la loi sera toujours en retard" : c'est aussi faire porter la faute sur le législateur et ce sont souvent les autres qui disent cela.

Mais revenir à l'essentiel, c'est-à-dire le fonctionnement même des systèmes juridiques, qui fonctionnent avec des notions, des définitions, des principes (et des exceptions) qui permettant au juge face à des cas (toujours divers, toujours nouveaux) de rattacher ceux-ci soit à des principes, soit s'ils ne peuvent faire cet exercice de rattachement, alors de "faire exception". 

Si l'on "conçoit" le droit à l'enfant, alors une situation ordinaire trouve une série de solutions ordinaires puisque par principe il engendrera des solutions, même pour des solutions inédites, sauf par exception à en trouver d'autres.

Voilà cela en 10 points les présupposés conceptuels d'un système juridique qui conçoit le droit à l'enfant et les présupposés conceptuels d'un système juridique qui ne l'exclut. 

Suivant qu'on l'exclut ou qu'on le conçoit, nous ne sommes pas dans la même société.

Il s'agit donc d'un choix politique. Pas d'une résolution progressive de cas, non d'un choix politique, de la société dans laquelle il est préférable de vivre.

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lire les développements ci-dessous

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24 juin 2024

Conférences

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Les deux rencontres entre l'intelligence artificielle et le Contentieux Systémique", in L’intelligence artificielle, nouveau champ de contentieux systémiquein cycle de conférences-débats "Contentieux Systémique Émergent", organisé à l'initiative de la Cour d'appel de Paris, avec la Cour de cassation, la Cour d'appel de Versailles, l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'École de formation des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris (EFB), sous la responsabilité scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, 24 juin 2024, 11h-12h30, Cour d'appel de Paris, salle Cassin

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► Résumé de la conférence : Dans la présentation générale sur le thème lui-même, j'ai souligné "Les deux rencontres entre l'intelligence artificielle et le Contentieux Systémique".

La perspective retenue dans la conférence n'est pas l'état de ce qui est convenu d'appeler l'"Intelligence Artificielle", mais bien la façon dont on doit corréler ici l'IA et le "Contentieux Systémique Émergent" (CSE).

Cela suppose de rappeler ce qu'est un "contentieux systémique" (1), puis de voir l'apport de l'intelligence artificielle pour traiter ce type de contentieux (2), avant de voir que le système algorithmique lui-même peut être l'objet de Contentieux Systémique (3).

 

1. Ce qu'est le Contentieux Systémique que l'on voit Émerger

Sur la notion même de "Contentieux Systémique Émergent", proposée en 2021, lire : M.-A. Frison-Roche, 🚧L'hypothèse de la catégorie des causes systémiques portés devant le juge, 2021.

Ce Contentieux Systémique Émergent vise des situations dont la connaissance est portée devant le juge et dans lesquelles un système est impliqué. Il peut s'agir du système bancaire, du système financier, du système énergétique, du système numérique, du système climatique, du système algorithmique.

Dans ce type de contentieux, les intérêts et l'avenir du système lui-même sont "en cause". Le juge doit donc les "prendre en considération"📎!footnote-3679.

En cela, le "Contentieux Systémique" doit se distinguer du "contentieux de masse". Le "contentieux de masse" vise des litiges très nombreux et analogues. Le fait qu'ils soient souvent de "faible importance" n'est pas forcément déterminant, car ces litiges sont importants pour les personnes en cause (cf. l'article déterminant de Carbonnier, "De Minimis...", 1981)📎!footnote-3680 et l'usage de l'I.A. ne doit pas trop écraser ce que chacun a de spécifique. Mais toujours est-il que le Contentieux Systémique a pour critère la présence d'un système. Il peut arriver qu'un contentieux de masse mette en cause l'intérêt même d'un système (par exemple le contentieux sur les dates de valeur), mais le plus souvent le Contentieux Systémique que l'on voit émerger est, à l'inverse du contentieux de masse, un cas très spécifique où une partie qui, formulera une prétention très particulière (par exemple demandera l'arrêt de travaux considérables) contre une multinationale, mettra ainsi "en cause" une chaîne de valeur complète et les obligations qui incombent à l'entreprise puissante pour la sauvegarde du système climatique qui, de ce fait, est présent dans l'instance (ce qui ne lui ouvre pas pour autant le droit de formuler des prétentions mais qui doit être pris en considération).

 

2. L'apport de la puissance algorithmique dans la menée d'un Contentieux Systémique

À ce titre, l'IA peut être un outil utile, voire indispensable, pour maîtriser de tels Contentieux Systémiques, dont l'émergence correspond à une nouveauté et dont la connaissance est portée devant le juge de droit commun.

En effet, ce type de contentieux est particulièrement complexe et long, les questions probatoires étant au centre, les expertises succédant aux expertises. L'appréciation des expertises est difficile à mener. L'IA peut alors être un moyen pour le juge, afin de juguler de risque accru de capture par les experts de son devoir de décision, de maîtriser la dimension expertale du Contentieux Systémique.

Le choix des techniques d'IA présente les mêmes difficultés que celles exposées depuis toujours à propos des experts. Il est probable que des mécanismes de certification, analogues à l'inscription sur des listes d'experts, se mettent en place, si l'on s'écarte de la construction par les juridictions elles-mêmes (ou par le gouvernement, ce qui peut poser un problème d'indépendance de la justice), ou si l'on veut un contrôle sur des outils fournis par les parties elles-mêmes, au regard du principe de l'égalité des armes, en raison du coût de ces outils.

 

3. Lorsque c'est le système algorithmique lui-même qui est l'objet d'un Contentieux Systémique : sa place est alors plutôt en défense

En outre et d'une façon centrale, le système algorithmique donne lui-même lieu à un Contentieux Systémique, en ce que des personnes peuvent saisir le Juge en prétendant avoir subi un dommage par le fonctionnement du système algorithmique ou en demandant l'exécution d'un contrat rédigé par ce système. C'est sur le terrain du Droit commun des obligations que le système peut se trouver impliqué dans l'instance juridictionnelle.

Il est remarquable que, par rapport à des hypothèses jusqu'ici privilégiées dans les précédentes conférences-débats, notamment le 26 avril 2024 à propos du Contentieux Systémique Émergent lié au Devoir de Vigilance📎!footnote-3681, les systèmes impliqués ont été plutôt pris en considération en arrière des prétentions articulées par les demandeurs, puisque ceux-ci allèguent qu'un système a été attaqué. Ce serait alors la "société civile" qui agit contre l'entreprise. Dans le cas du système algorithmique, les premiers contentieux sont composés d'allégations qui mettent plutôt celui-ci en accusation, en ce que celui-ci aurait par exemple porté atteinte à des droits (par exemple les droits d'auteur, le droit à la vie privée, etc.).

Or, l'instance change si le système est présenté non plus comme la "victime" potentielle mais plutôt comme le "coupable" potentiel. Il est notamment beaucoup moins clair d'identifier quel type d'intervenant dans l'instance, qui ne soit pas nécessairement partie au litige, a vocation à parler pour expliciter l'intérêt du système, notamment au regard de la durabilité et de l'avenir du système de l'IA.

Ce point de réflexion devra être approfondi par les chefs de juridiction.

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🕴️J. Carbonnier, 📝De minimis...in 📗Mélanges dédiés à Jean Vincent, 1981.

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🧮La vigilance, nouveau champ de contentieux systémiquein cycle de conférences-débats "Contentieux Systémique Émergent", organisé à l'initiative de la Cour d'appel de Paris, avec la Cour de cassation, la Cour d'appel de Versailles, l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'École de formation des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris (EFB), sous la responsabilité scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, 26 avril 2024.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 8 novembre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

Le système probatoire est construit sur la détermination de qui prouve, quoi prouver, comment prouver et quelle recevabilité s’impose aux moyens de preuve. Une fois exposé le système probatoire, peut être étudiée la quatrième question du droit : la personne. Est ici analysée son aptitude à être responsable, la responsabilité ayant pu être analysée comme ce par quoi l’être humain est hissé au niveau de la personnalité. L’on distingue la responsabilité pour faute et la responsabilité pour la garde d’une chose ou d’une personne. Jadis centré sur la personne du responsable, le droit se soucie désormais davantage des victimes.