Jan. 23, 2019
Interviews
Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Participation à la table-ronde : De la responsabilité pénale des personnes morales à celle des dirigeants, vers une mutation du droit pénal, Lettre des Juristes d'Affaires, 23 janvier 2019, pp. 15-31.
Présentation :
En l'absence d'instance internationale, la répression des infractions des entreprises relève du droit national. Et tous les pays ne sont pas alignés.
En Allemagne, par exemple, la récente affaire du Diesel Gate a rappelé qu'il n'existait pas de régime de responsabilité pénale des personnes morales.
Aux États-Unis, elle est très lourdement réprimée. En France, elle existe depuis 1993 et s'étend sous l'influence de la Cour de cassation . Depuis l'appel de Genève en 1996, la justice s'est également attachée à mettre un terme à l'impunité qui régnait pour les dirigeants. Aujourd'hui, les mises en cause de la personne morale et du dirigeant sont quasiment systématiquement liées.
Quelle est la stratégie suivie par les institutions judiciaires françaises? Quels sont les risques encourus par les personnes physiques ? Quelles conséquences à l'introduction en droit français de la justice négociées ?
Jan. 21, 2019
Thesaurus : Doctrine
Jan. 21, 2019
Thesaurus : CNIL
Jan. 17, 2019
Blog
Je vois passer des annonces sur des colloques et discussions universitaires sur la liberté de la presse dans une société qui serait "post vérité".
Tout étant discutable, tout devant être discutable, rien ne devait être acquis, les "autorités" (Dieu pour commencer) n'existant plus, nous serions dans une "post-truth society".
Mais les scientifiques dans le même temps qu'ils affirment que tout est discutable, en premier lieu posent qu'il y a en sciences des "points acquis" et sur lesquels l'on ne revient pas (la terre tourne, par exemple) affirment qu'il existe des choses vraies. Qu'on ne les connait pas toutes et pleinement et que dans le processus scientifique, dans le débat contradictoire, on prend pour vrai ce qui n'a pas été ni pleinement acquis (la terre tourne) ce qui répond à des critères de véracité, dont un autre n'a pas démontré la fausseté et qui a pu dépasser le stade de l'hypothèse avec notamment des matériaux probatoires.
Si pour de multiples raisons, dont l'exposé n'est pas ici l'objet, l'on pense que nous serions dans une société "post-vérité", que tout deviendrait "discutable", et qu'ailleurs cette "discutabilité" serait une vertu démocratique avec des limites qui justifient la lutte contre les "manipulations de l'information" (fake news), le point de départ n'est donc pas l'existence de la vérité, mais l'existence de discours. Société dans laquelle tout discours en voudrait un autre. Au départ, puisque la notion de "vérité" n'est plus le centre.
Si l'on opère un déplacement de ce type dans l'ordre du Droit (et on est en train de le faire), dans les discours qui sont émis dans un procès, il y a le "discours" de la partie poursuivante (l'Etat sous la forme du Ministère public) et le "discours" de la partie poursuivie (celui à propos duquel Ministère public allègue qu'il a commis un acte reprochable au regard de la Loi).
En Droit, la présomption d'innocence, prévue dans toutes les Constitutions des Etats de Droit pose l'idée « d’innocence ». C'est une idée première. La personne poursuivie est innocente. Jusqu'au moment où son adversaire impartial - le Parquet - aura démontré le contraire, c'est-à-dire sa culpabilité.
Mais l'on voit aujourd'hui aussi bien dans l'évolution des textes que des pratiques que le procès est devenu un débat où chacun dit ce qu'il veut pour convaincre, la personne poursuivie n'ayant plus cette sorte de "longueur d'avance" (de valeur constitutionnelle) qui est l'idée d'innocence. Les deux discours sur la façon dont les faits se sont passés se déroulent et ensuite on voit comment les juges sont convaincus pour l'un ou par l'autre. Mais c'est l'idée même d'Innocence qui disparaît avec l'effectivité de plus en plus faible de la présomption d'innocence.
"A chacun sa vérité", que chacun tienne son discours et que son discours prospère si nous sommes dans une "post-truth society" .... "à chacun sa version des faits", que chacun plaide et l'on verra qui aura été le plus convaincant, dans une société où le due process s'efface devant l'efficacité que la présomption d'innocence, c'est-à-dire l'idée même que nous sommes innocents, que c'est vrai, et que celui qui dit le contraire doit le prouver.
Est-ce dans cette société-là dans laquelle nous acceptons d'entrer ?
Car il est vrai que nous sommes tous d'une façon égale innocents. Nous n'avons pas à le prouver. C'est aussi vrai que la terre est ronde.
Si nous quittons cette idée d'Innocence, alors nous quittons l’État de Droit. Pour un Droit sans doute plus efficace, plus transparent, où chacun sera surveillé et fiché, car ainsi notre innocence sera pré-constituée, la technologie va bientôt le permettre. Nous reviendrons alors à des principes juridiques de l'Ancien Régime, souvent efficace et techniquement bien conçus mais qui ne connaissait pas la présomption d'innocence, période où l'on discutait de savoir si la terre est plate, si les femmes ont une âme, etc. Vaste programme.
Jan. 8, 2019
Publications
Jan. 8, 2019
Blog
La collection Droit & Economie sort son 33ième volume.
Il est consacré à l'Europe, c'est-à-dire à l'amitié franco-allemande, puisqu'aujourd'hui c'est sur cette amitié-là que l'on peut croire encore à l'Europe.
Si l'on a une vision politique des espaces, alors c'est la notion d'amitié qui doit ressortir.
C'est autour d'elle que Bruno Le Maire a construit sa préface : lire la préface que le ministre de l'économie et des finances a fait à l'ouvrage.
Jan. 2, 2019
Publications
► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "What can Compliance Law build relying on the European Humanist Tradition", Working Paper, January 2019.
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This working paper has served as a basis for an article published in French in the collective publication Pour une Europe de la Compliance in the serie Regulation & Compliance.
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Compliance is often presented as a complex, technical, almost incomprehensible set, in that it consists only of empty and moving procedures, mechanical corpus about which the goal would be a question that would not arise.
The question of the purpose of these huge compliance devices might not even have to be asked. And this for two reasons.
Firstly it would only be a matter of following "processes", that is, mechanical and endless procedures. This conception of compliance is often called "kafkaes". Closer to closer, one thinks first of all of the book written by Kafka's The trial l and Welles' adaptation to the cinema in which the charcters are surrounded by walls that are narrowing around them, but it is rather to his novel In the penal colony that must be thought, that is to say to a procedural system of isolation which we do not understand the foundation, which makes it without foundation and without end but also which takes mainly the form of a machine in which the person is placed and which mechanically writes the Law on and under the skin of his back. This internalization of the rule in the body of the condemned - that the French legal system before the French Revolution associated only with "enormous crimes" - being the ordinary way of actual and ordinary application of the rules can correspond to a certain vision of the Compliance, detached from any purpose.
The question of the purpose of Compliance may also not have to arise for a second reason, almost the opposite: they would always be devices that are specific to particular sectors. Thus, the banking sector, the insurance sector, the drug sector, the agri-food sector, the telecommunications sector, the energy sector, etc. Then the opposite happens: too many goals! Since each of these sectors has specificities such that it includes purposes that are specific to each of them. For example continuity for energy, access information for telecommunications, control of systemic risk for banking and finance, protection and secret for private information, etc. Now, either these ends so diverse are indifferent to each other, or they can contradict each other. Therefore, to ask the question of the purpose of compliance mechanisms would be to move to the stitution of not even trying to understand "processes" to be exceeded by too many substantial purposes pursued at the same time and in contradictorily senses ... .
This is why the question of the purpose of the Compliance is not asked in a main way. Even less if it is superimposed with another goal that is the European construction ....
But on the contrary, if we confront this question of the aims of the Compliance Mechanisms by crossing it with another issue, older but also under construction, namely the question of Europe, it is possible to make an alliance of these two difficulties to transform them as an asset. That one can help the other. Indeed, both Europe and Compliance in their current states are two constructs with uncertain goals or behaviors most often only "reactive" (I). If we do not want to mobilize all our strength to limit our weakness, which leads rather to feed it, we can go draw on the unity of this Europe so diverse but which finds it unity in the protection of the human being by the very idea of "person". However, Compliance Law can have the same unity, despite the diversity of sectors, and thus fill the meaning of these multiple procedures, providing the balance between information and secrets, circulation of data and conservation of that they concern, common and dialectic purpose that this European Compliance Law. in the process of being constituted can give the world an example in relying on the European tradition (II).
Dec. 24, 2018
Law by Illustrations
Le Droit n'est fait que de mots. L'essentiel est donc de les ranger (exercice de qualification) pour que se déclenche à propos d'eux un régime juridique, par exemple la liberté, l'autorisation ou l'interdiction.
Prenons un exemple américain, un exemple chéri par cette culture-là : le port d'arme.
Un juge fédéral de New-York a rendu une Ordonnance le 14 décembre 2018 à propos de la qualification juridique d'un nunchaku!footnote-1399 posant que sa détention par une personne à son domicile ne peut être prohibée par un Etat car l'individu exerce en cela son droit constitutionnel du port d'arme, tel que défini par la Cour suprême. En cela, il donne raison au demandeur qui contestait une disposition législative interdisant la détention par un individu de ce type d'arme.
En effet en 1974 l'Etat de New-York a interdit leur fabrication, leur transport, leur stockage, leur possession. 35 ans après, un juge estime que ce texte, tel qu'il est rédigé, est contraire au droit constitutionnel de porter une arme, ce qui anéantit la prohibition.
Pourquoi ?
En effet, la distinction expressément soutenue par le demandeur entre la possession à domicile d'une arme inusuelle pour inventer un nouvel art martial n'a pas été retenue en tant que telle, mais bien plutôt une démonstration probatoire qui oblige l'Etat qui prohibe un port d'arme à supporter (puisqu'il porte atteinte à une liberté constitutionnelle) la charge de prouver que le port de cette arme n'est pas une façon pour un individu ordinaire d'être en mesure de l'utiliser conformément à la loi, par exemple pour se défendre (I). On aurait pourtant pu concevoir une définition plus stricte de ce qu'est une "arme", au moment même où la distinction entre les armes de défense et les armes d'assaults justifie des interdictions nouvelles et que ce dernier type d'argument a convaincu des juges fédéraux (II). Mais n'est-ce pas plutôt parce qu'aujourd'hui on oublie Bruce Lee et que cet américain moyen, qui a la mémoire courte - auquel se réfère le juge - n'est pas Tarantino, qui a la mémoire longue, comme tout cinéphile ? (III).