Feb. 1, 2019
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Pourtant beaucoup avaient uni leurs forces par le biais d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en affirmant que cette loi de 2016 devait être détruite.
Et la question de conformité ou non-conformité à la Constitution avait paru suffisamment sérieuse au Conseil d’État pour que celui-ci la transmette au Conseil constitutionnel.
Mais celui, par cette décision très importance, rendue sur QPC, le 1ier février 2019, Médecins du Monde et autres (parmi les autres, notamment le syndicat STRASS....) a posé que la loi est conforme à la Constitution.
Pourtant les requérants avaient soutenu que cela est contraire à la liberté des êtres humains, qui doivent pouvoir faire ce qu'ils veulent (se prostituer si je veux, se prostituer c'est un métier comme un autre, etc.), et que cela serait contraire à la liberté d'une façon générale et à la liberté d'entreprendre plus particulièrement. D'ailleurs, les requérants soulignaient que ces rapports sexuels s'opèrent entre "adultes consentants" et dans des lieux non publics et que le droit à la vie privée, de valeur constitutionnelle, serait également violé.
Cela n'a pas tenu.
Pourquoi ?
En premier lieu et tout d'abord, parce que le Conseil constitutionnel a souligné que la volonté du Législateur n'est pas de lutter contre les clients, ni contre les prostituées, mais contre le proxénétisme, et qu'à ce titre celles-ci sont les victimes et non pas les acteurs qui exercent leur liberté.
Le Conseil le fait en ces termes : la loi a pour objet de lutter contre le proxénétisme "en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l'asservissement de l'être humain. Il a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement".
En second lieu, la "vie privée" et le fait que l'exploitation se déroule à huit-clos n'a pas à arrêter le Législateur. Le Conseil l'exprime en ces termes : "Si le législateur a réprimé tout recours à la prostitution, y compris lorsque les actes sexuels se présentent comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, il a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l"existence d'une demande de relations sexuelles tarifées.".
Il s'agit là d'une décision très importante, notamment pour deux points :
En premier lieu, le Conseil constitutionnel récuse l'idée que le "consentement" serait la base de notre système juridique. En effet, les prostituées consentent à ces relations tarifiées ; comme l'écrit parfaitement le conseil, elles répondent à la demande. Il y a un "marché", avec une "demande de relations sexuelles tarifiées" et elles y "répondent", pour la grande richesse des intermédiaires. L’État est en droit de les protéger de cela, y compris lorsqu'elles y "consentent.
Pourquoi y est-il légitime, par une politique publique qui peut prendre la forme "proportionnée" d'une amende de 5ième catégorie du client ?
Parce que la prostitution est une "atteinte à la dignité humaine".
En second lieu, le Conseil constitutionnel reprend comme fondement celui-là même de la loi de 2016 à laquelle il renvoie : la dignité humaine. Et il donne de celle-ci une "définition objective. En effet, l'on tend a donner de la dignité humaine une "définition subjective", chacun définissant pour lui-même sa dignité ("à chacun sa dignité"", pour paraphraser l'auteur....), ce qui lui permet de ne plus la revendiquer si la personne le veut : c'est une conception extrêmement libérale : la liberté de la personne serait si grande qu'elle peut renoncer à sa dignité, en la définissant elle-même. Par exemple en se vendant elle-même.
Les entreprises qui entendent construire les marchés des êtres humains, la prostitution en étant une des formes, sont très favorables à cette "définition subjective" de la dignité. Cela va de soi.
Le Conseil constitutionnel donne ici une définition objective. En cela, de soi, il s'oppose à la perspective d'un marché des êtres humains. La loi protège les prostituées pour qu'il n'y ait plus de "demande" (la pénalisation du client étant donc le moyen et non le but), et donc plus de "marché", et donc plus les victimes que sont les prostituées car la vente de prestations sexuelles est objectivement contraire à leur dignité, et cela même s'il s'agit de relation "entre adultes consentants".
Le Conseil constitutionnel montre ainsi nettement que le "consentement" ne peut pas modifier - c'est-à-dire affaiblir la dignité humaine.
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Jan. 30, 2019
Teachings : Sectoral Regulatory Law 2019-2020
En ayant à l'esprit qu'il existe des règles "communes" à tous les secteurs régulés , qui trouvent à s'appliquer quelque soit le secter en cause, il s'agit ici de s'attacher à ce qui fait la spécificité du secteur, par exemple économiquement, techniquement, politiquement, ce qui implique des particularités institutionnelles et juridiques.
Comme pour chacun des secteurs objet du séminaire, le droit sectoriel de la régulation des télécommunications sera abordé en trois temps :
Résumé de la leçon sur le secteur des télécommunication : Le secteur a été pensé comme la maîtrise et la construction des infrastructures nécessaires ("essentielles") pour le téléphone afin de se parler à distance ; il est aujourd'hui pensé comme la construction d'un monde économique et social reposant sur des réseaux dans lesquels tout, par la réduction à des "données", doit pouvoir passer afin que chacun puisse acccéder à un "monde digital". L'accès aux réseaux permet l'accès au monde digital.
Le Droit sectoriel de la régulation des télécommunications avait été pensé comme ayant pour finalité (droit "téléologique") la concurrence entre opérateurs, ce qui implique l'éloignement du Gouvernement et le rôle premier du Régulateur de favoriser les nouveaux entrants et la baisse des prix.
Il est pensé plus "poliitiquement" comme un Droit permettant à chacun d'accéder au monde digital ("fracture digitale"), ce qui implique le rapprochement du Gouvernement, du Régulateur et des opérateurs pour des projets économiques et sociaux de la Nation (G5).
Principe : l'ARCEP régule le secteur et supervise le gestionnaire du réseau de transport et de distribution, notamment pour que le "droit d'accès" conféré par la Loi, droit sans lequel le secteur ne peut fonctionner, se concrétise d'une façon efficace à travers des contrats. Les contrats d'accès aux réseaux doivent être élaborés d'une façon transparente et non discriminatoire et la tarification reflétant les coûts.
Mais les points de contact entre la régulation des télécommunications, Internet et le digital sont si fort que l'ARCEP que le régulateur collabore avec non seulement l'Agence Française d'Attribution des Fréquences (ANFR), mais encore le CSA ou la CNIL. La perspective de fusion des divers régulateurs revient régulièrement en discussion, pour la création d'un "régulateur de l'Internet". Mais le passé qui construisit le Droit de la Régulation sur la distinction de base "Régulation économique / Régulation des libertés publiques", ce qui renvoie à la dichotomie "ARCEP /CNIL" l'entrave et chaque secteur a créé son propre réseau européen et international, ce qui rend le regroupement difficile.
Cette "interrégulation" finissant par renvoyant à ce qu'était cette organisation appelée ... Etat.
S'appuyer sur les slides correspondant à la leçon relative au secteur des télécommunications.
Une fois cela fait, apparaissent un certain nombre de questions ouvertes, notamment :
Un cas : Com. 27 septembre 2017, SFR c/ Orange
Ce cas est présenté en extrait dans les slides, certains éléments du texte étant surlignés.
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Consulter la bibliographie générale du Droit commun de la Régulation
Consulter le Glossaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance
Consulter les première pistes documentaires sur le droit de la régulation des télécommunications ci-dessous :
Jan. 23, 2019
Interviews
Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Participation à la table-ronde : De la responsabilité pénale des personnes morales à celle des dirigeants, vers une mutation du droit pénal, Lettre des Juristes d'Affaires, 23 janvier 2019, pp. 15-31.
Présentation :
En l'absence d'instance internationale, la répression des infractions des entreprises relève du droit national. Et tous les pays ne sont pas alignés.
En Allemagne, par exemple, la récente affaire du Diesel Gate a rappelé qu'il n'existait pas de régime de responsabilité pénale des personnes morales.
Aux États-Unis, elle est très lourdement réprimée. En France, elle existe depuis 1993 et s'étend sous l'influence de la Cour de cassation . Depuis l'appel de Genève en 1996, la justice s'est également attachée à mettre un terme à l'impunité qui régnait pour les dirigeants. Aujourd'hui, les mises en cause de la personne morale et du dirigeant sont quasiment systématiquement liées.
Quelle est la stratégie suivie par les institutions judiciaires françaises? Quels sont les risques encourus par les personnes physiques ? Quelles conséquences à l'introduction en droit français de la justice négociées ?
Jan. 21, 2019
Thesaurus : CNIL
Jan. 21, 2019
Thesaurus : Doctrine
Jan. 17, 2019
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Je vois passer des annonces sur des colloques et discussions universitaires sur la liberté de la presse dans une société qui serait "post vérité".
Tout étant discutable, tout devant être discutable, rien ne devait être acquis, les "autorités" (Dieu pour commencer) n'existant plus, nous serions dans une "post-truth society".
Mais les scientifiques dans le même temps qu'ils affirment que tout est discutable, en premier lieu posent qu'il y a en sciences des "points acquis" et sur lesquels l'on ne revient pas (la terre tourne, par exemple) affirment qu'il existe des choses vraies. Qu'on ne les connait pas toutes et pleinement et que dans le processus scientifique, dans le débat contradictoire, on prend pour vrai ce qui n'a pas été ni pleinement acquis (la terre tourne) ce qui répond à des critères de véracité, dont un autre n'a pas démontré la fausseté et qui a pu dépasser le stade de l'hypothèse avec notamment des matériaux probatoires.
Si pour de multiples raisons, dont l'exposé n'est pas ici l'objet, l'on pense que nous serions dans une société "post-vérité", que tout deviendrait "discutable", et qu'ailleurs cette "discutabilité" serait une vertu démocratique avec des limites qui justifient la lutte contre les "manipulations de l'information" (fake news), le point de départ n'est donc pas l'existence de la vérité, mais l'existence de discours. Société dans laquelle tout discours en voudrait un autre. Au départ, puisque la notion de "vérité" n'est plus le centre.
Si l'on opère un déplacement de ce type dans l'ordre du Droit (et on est en train de le faire), dans les discours qui sont émis dans un procès, il y a le "discours" de la partie poursuivante (l'Etat sous la forme du Ministère public) et le "discours" de la partie poursuivie (celui à propos duquel Ministère public allègue qu'il a commis un acte reprochable au regard de la Loi).
En Droit, la présomption d'innocence, prévue dans toutes les Constitutions des Etats de Droit pose l'idée « d’innocence ». C'est une idée première. La personne poursuivie est innocente. Jusqu'au moment où son adversaire impartial - le Parquet - aura démontré le contraire, c'est-à-dire sa culpabilité.
Mais l'on voit aujourd'hui aussi bien dans l'évolution des textes que des pratiques que le procès est devenu un débat où chacun dit ce qu'il veut pour convaincre, la personne poursuivie n'ayant plus cette sorte de "longueur d'avance" (de valeur constitutionnelle) qui est l'idée d'innocence. Les deux discours sur la façon dont les faits se sont passés se déroulent et ensuite on voit comment les juges sont convaincus pour l'un ou par l'autre. Mais c'est l'idée même d'Innocence qui disparaît avec l'effectivité de plus en plus faible de la présomption d'innocence.
"A chacun sa vérité", que chacun tienne son discours et que son discours prospère si nous sommes dans une "post-truth society" .... "à chacun sa version des faits", que chacun plaide et l'on verra qui aura été le plus convaincant, dans une société où le due process s'efface devant l'efficacité que la présomption d'innocence, c'est-à-dire l'idée même que nous sommes innocents, que c'est vrai, et que celui qui dit le contraire doit le prouver.
Est-ce dans cette société-là dans laquelle nous acceptons d'entrer ?
Car il est vrai que nous sommes tous d'une façon égale innocents. Nous n'avons pas à le prouver. C'est aussi vrai que la terre est ronde.
Si nous quittons cette idée d'Innocence, alors nous quittons l’État de Droit. Pour un Droit sans doute plus efficace, plus transparent, où chacun sera surveillé et fiché, car ainsi notre innocence sera pré-constituée, la technologie va bientôt le permettre. Nous reviendrons alors à des principes juridiques de l'Ancien Régime, souvent efficace et techniquement bien conçus mais qui ne connaissait pas la présomption d'innocence, période où l'on discutait de savoir si la terre est plate, si les femmes ont une âme, etc. Vaste programme.
Jan. 8, 2019
Publications
Jan. 8, 2019
Blog
La collection Droit & Economie sort son 33ième volume.
Il est consacré à l'Europe, c'est-à-dire à l'amitié franco-allemande, puisqu'aujourd'hui c'est sur cette amitié-là que l'on peut croire encore à l'Europe.
Si l'on a une vision politique des espaces, alors c'est la notion d'amitié qui doit ressortir.
C'est autour d'elle que Bruno Le Maire a construit sa préface : lire la préface que le ministre de l'économie et des finances a fait à l'ouvrage.