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2 octobre 2019

droit illustré

La Fontaine, l'on y revient toujours.

Si facile à lire ;

vite parcouru ;

toujours à approfondir. 

Par exemple lorsqu'on réfléchit en Droit de la Régulation et de la Compliance sur la prohibition des "conflit d'intérêts", sa détection et sa punition, l'on peut parcourir la fable La Belette entrée dans un grenier, ensuite la relire une ou deux fois encore, et puis l'approfondire. 

 

I. LA FABLE DE  LA BELETTE ENTREE DANS UN GRENIER

Damoiselle Belette, au corps long et fluet,

Entra dans un grenier par un trou fort étroit :

Elle sortait de maladie.

Là, vivant à discrétion,

La galande fit chère lie,

Mangea, ronge : Dieu sait la vie,

Et le lard qui périt en cette occasion. 

La voilà pour conclusion

Grasse, maflue, et rebondie.

Au bout de la semaine, ayant diné son soû,

Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,

Ne peut plus repasser, et croit s'être méprise.

Après avoir fait quelques tours,

C'est, dit-elle, l'endroit, me voilà bien suprises ;

J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours.

Un Rat, qui la voyait en peine

lui dit : vous aviez lors la panse un peu moins pleine.

Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.

Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres.

Mais ne confondons point, par trop appronfondi,

Leurs affaires avec les vôtres. 

 

II. L'ENRICHISSEMENT NATUREL ET POTENTIELLEMENT EXCESSIF PENDANT LE TEMPS DES FONCTIONS ET LE CONTROLE AU TERME DE CELLES

L'on peut formuler deux observations

1. Celui qui entre dans une fonction a tendance à s'enrichir parce que cela est à portée de mains, sans qu'il y ait nécessairement intention dolosiv

Il y a un grenier avec des avantages : une société commerciale, ou un Etat. La porte en est ouverte : un concours est passé, l'administrateur est élu. L'entrée ne pose pas de problème : la Belette est de la "bonne taille". 

Mais le temps passe et la Fable ne mentionne pas ce pour quoi la valeur consommable est ainsi à portée de main de celui qui est légitimement entrée. Si l'administrateur a le "sens du service public" ou si le manager ne vise que "l'intérêt social", alors il ne prélèvera dans les intérêts à sa portée que ce qui est nécessaire pour servir la mission qui est la sienne.

Mais cela n'est pas naturel. La nature des choses et de l'âme humaine fait que la personne "en position", c'est-à-dire installé dans le grenier va puiser sans mesure, prenant à la fois pour remplir sa fonction et remplir ses propres intérêts (l'on sait que La Fontaine en écrivant La Fable pensait quant à lui à Fouquet et non à la théorie de l'agence).

Comment ne pas être sensible pour l'usage par La Fontaine du terme "discrétion" ? Dans son texte, la Belette mange "à discrétion", tandis que des savants dans des livres longs et moins bien tournés approfondissent les "marges de discrétion" à laisser à ceux qui décident et disposent des moyens sur les autres. 

Cela pourrait durer toujours puisque dans la Fable la Belette est seule dans l'espace où son action dévorante se déroule et il n'y a pas de pénurie.

Mais à un moment elle veut sortir.

 

2. Les comptes sont rendus au moment où celui qui usa des pouvoirs quitte de gré ou de force la fonction à laquelle ils étaient liés, sa situation personnelle pouvant révéler la mauvaise gestion du cumul d'intérêts 

Ici, le rapprochement entre la Fable et le Droit de la Régulation et de la Compliance est particulièrement pertinent. C'est en effet en fin de mandat, lorsque l'intéressé, qui a exercé un pouvoir en ayant les moyens d'utiliser la puissance à portée de sa main pour son intérêt, quitte sa fonction, qu'il s'aperçoit qu'il n'est "par un effet de nature" contrôlé.

En effet, son enrichissemement le rend incapable de sortir par ses propres forces de sortir sans dommage : la Belette n'est pas "de taille". Et la punition est elle-aussi naturelle et immédiate : celui qui, en conflit d'intérêts, a utilisé sa position pour servir également ses intérêts personnels, perd sa liberté et ce qui était le lieu de son enrichissement devient le lieu de son emprisonnement.

C'est pourquoi la transparence des patrimoines lorsque les responsables entrent en fonction et lorsqu'ils en sortent sont aussi des obligations structurelles du Droit de la Compliance.

 

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27 septembre 2019

Conférences

Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Les solutions offertes par le Droit de la Compliance pour lutter effectivement contre les contrefaçons de masse, in Colloque de l'Association des Praticiens du Droit Droit des Marques et des Modèles (APRAM), La contrefaçon de masse : va-t-on un jour réussi à y mettre un frein ? Quelques nouvelles pistes de réflexion, 27 septembre 2019. 

 

Lire le programme général du colloque.

L'intervention dans ce colloque est construite notamment à partir du rapport remis au Gouvernement et publié en juillet 2019L'apport du Droit de la Compliance dans la Gouvernance d'Internet.

Elle est également contruite sur la participation à la prochaine édition, à paraître en octobre 2019 des Grands Arrêts de la propriété intellectuelle par une nouvelle rubrique : "Le maniement de la propriété intellectuelle comme outil de régulation et de compliance".  Cette publication est basée sur un Working Paper : The use of Intellectuel Property as a tool for Regulatory and Compliance Perspectives

Pour des travaux plus anciens, liant Propriété Intellectuelle, Régulation et Compliance, v. par exemple : Droit et Economie de la propriété intellectuelle

 

RésuméDans un colloque consacré aux moyens nouveaux pour réagir à la "contrefaçon de masse", l'idée ici est de partir du constat d'un accroissement de l'ineffectivité et de l'inefficacité des droits de propriété intellectuelle - et donc du Droit de la propriété intellectuelle. Le Droit étant un art pratique, ce n'est pas un simple inconvénient, c'est une question centrale.  L'on peut y pallier en améliorant les procédés juridiques Ex Post, mais l'on peut songer à trouver des mécanismes Ex Ante. Le Droit de la Régulation est Ex Ante, mais le numérique n'est pas un secteur. Une direction prometteur est donc le Droit de la Compliance, en ce qu'il est à la fois Ex Ante et non-sectoriel. L'intervention montre le fonctionnement déjà en linéament du Droit de la Compliance et la façon dont celui-ci pourrait s'appliquer pour que ces droits subjectifs-là soient efficacement protégés dans un monde numérique, qui est désormais le nôtre, et qui de fait a les moyens de les ignorer. 

 

Consulter les slides ayant servi de base à la conférence

 

 

 

Mise à jour : 25 septembre 2019 (Rédaction initiale : 17 juin 2019 )

Publications

Ce document de travail sert de base à un article paru dans les Archives de Philosophie du Droit (APD)

Résumé : Peindre si bien que la toile est un objet vivant est un exploit technique qui fût atteint par peu!footnote-1680. Francis Bacon obtînt de la toile qu'elle fasse son affaire de préserver en elle la vie, tandis que Carbonnier, avec une semblable modestie devant la toile et le métier, obtînt que la Loi ne soit qu'un cadre, mais qu'elle ne laisse pourtant cette place-là à personne et surtout pas à l'opinion publique, afin que chacun puisse à sa façon et dans ce cadre-là faire son propre droit, sur lequel le législateur dans sa délicatesse et pour reprendre les termes du Doyen n'appose qu'un "mince vernis". Ces deux maîtres de l’art construisaient des cadres avec des principes rudimentaires pour que sur cette toile le mouvement advienne par lui-même. Ainsi la Législateur créée par Carbonnier offrit à chaque famille la liberté de tisser chaque jour son droit. Mais c’est pourtant bien au Législateur seul que revint et doit revenir l’enfance de l’art consistant à tendre la toile sur le métier. Il est alors possible, comme le fit Bacon, d’obtenir un objet immobile permet que surgisse sans cesse les figures mobiles. Les gribouillis réglementaires sont à mille lieux de cet Art législatif-là. 

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Dans de nombreux écrits et entretiens, Le peintre Francis Bacon explique  son acte de peintre : c'est "préserver la vitalité de la toile".  Dans le livre qu'il consacra à celui-ci, Gilles Deleuze souligna qu'il s'agit pour Bacon que "les procédés utilisés ne contraignent pas la Figure à l'immobilité"!footnote-1611.

Avec la même amabilité pédagogique, dans de nombreux écrits et entretiens, le juriste Carbonnier explique son acte de législateur, notamment dans son recueil de textes Essais sur les lois : bien légiférer, c'et laisser la vie se déployer à travers des textes, bien après leur adoption, parce que posés sur des pages qui ne sont jamais blanches, compositions écrites qui ne sont que le "vernis" de la vie qui doit pouvoir palpiter dans ces Lois que l'on présente pourtant si souvent mais si étrangement comme "gravées dans du marbre". Alors qu'il ne s'agit pour lui tout au contraire que de "préserver" la vitalité de ce qui est sous la lettre de la Loi,  la vie de chacun, vie qui ne ressemble pas à celle du voisin, d'obtenir que la toile que constitue le système législatif soit si souple que ce système vive par lui-même après la promulgation des textes.

Mais il peut paraître forcer le trait pour trouver des éléments communs à deux personnages qui sans doute ignoraient leur existence réciproque ou à tout à le moins, bien que vivant à la même époque, ne se sont pas figurés semblables. Il faut donc avant de montrer combien leur action est semblable les mettre préalablement face à face. 

 

PREALABLE REQUIS : METTRE FACE A FACE FRANCIS BACON ET JEAN CARBONNIER

Ainsi, la famille peinte en grands traits généraux par quelques nouveaux articles du Code civil rédigés par Carbonnier pût pourtant s'épanouir après, dans chaque famille, sans qu'il soit nécessaire de réécrire le texte. L'on pourrait s'étonner que Carbonnier expressément n'aime que la Loi et non pas le pouvoir judiciaire, cette association du Droit à la Loi valant souvent rigidité ; pourtant -  et la formule le rendit célèbre -  il ne conçut le Droit que "flexible", sans pour autant reconnaître le juge comme source générale du Droit, sans lui reconnaître le pouvoir d'adoucir avec le temps le tranchant de la loi adaptée naguère, puis jadis. En effet, le volume Flexible Droit ne rassemble quasiment que des textes relatifs à des lois, tandis que dans son dernier ouvrage, Droit et passion du Droit sous la Vième République, il conteste l'emprise des juridictions sur le Droit. 

Carbonnier s'en tient à la Loi. Ces lois dont on ne cesse aujourd'hui de nous afirmer que leur qualité devrait être de ne jamais bouger.... Et d'évoquer pour mieux nous convaincre l'impératif de sécurité juridique, de prévisibilité, etc, chaque nouveau rapport sur le sujet disant la même chose que le précédent, celui-ci servant de référence au suivant. 

Ainsi, tous ces nombreux travaux nous expliquent que, dans l'idéal vers lequel il faudrait tendre, la Loi ne bouge pas dans les grandes lignes tandis que le juge, par la "jurisprudence" vient pour l'adapter et que grâce au "dialogue", voire à la "dialectique" entre législation et jurisprudence", cahin-caha on arrive à quelque chose de convenable. En pratique. Et voilà la sécurité juridique bien servie, puisqu'elle serait le seul souci. Un modèle universel à appliquer partout, à tout.

Mais cette présentation, désormais très courante et constituant par ailleurs la vulgate de l'analyse économique du droit, ne correspond pas  à la conception de Carbonnier, qui n'admettait pas le pouvoir créateur du Juge, étant,  comme Motulsky, avant tout un légiste. Car s'il posa comme question "Toute loi en soi est un mal ?", ce n'est que pour y répondre fermement  : Non, allant jusqu'à comparer dans cet article l'annonce d'une loi nouvelle à l'annonce faite par l'ange Gabriel. 

Peut-être est-ce son attachement à la Loi, son refus de considérer la jurisprudence comme source du droit, son respect pour la matière juridique elle-même qui font  que son oeuvre est aujourd'hui moins citée que les travaux de sociologues ne connaissant pas davantage la technique juridique que les économistes qui décrivent la "réglementation juridique" à adopter pour être efficace ? L'on souligne d'ailleurs que son art législatif est aujourd'hui peu repris!footnote-1606. Lorsque les lois sont écrites par des experts qui ne jugent pas utiles de connaître le droit (par exemple pour réformer les procédures collectives sur la seule base de la connaissance économique), qui pensent même utile de ne pas le connaître afin de n'être pas capturé par sa technicité, il n'est pas besoin de regarder du côté de Carbonnier.

 Il est vrai que pour faire un tableau, pour avoir la force de s'effacer devant sa toile, il faut maîtriser la technicité pour revenir à l'enfance de l'art, ambition de tous les artistes, de tous les professeurs, de tous les maîtres. Francis Bacon, par ailleurs sage lecteur des écrivains, rejetant l'opposition moderne entre traits peints et textes écrits, répéta à chaque entretien qu'il attend "l'accident" qui vient seul sortir la chair de la peau qui l'emprisonne!footnote-1659. Cette technicité de l'accident, cet inattendu préparé qui permet que la vie trouve son lieu dans la toile tendue. Carbonnier ne fît pas autre chose : tendre la toile de la Loi pour que la vie familiale puisse, dans chacune des familles que nous composons, se déployer débordant du texte qui n'est que "vernis". Mais c'est pourtant bien du Droit, comme Bacon ne contestait jamais faire des tableaux.

L'ouvrage de Carbonnier Sociologie juridique a pour thème cette présence nécessaire du Droit dans une analyse sociologique qui ne le trahirait pas le droit présenté tout en parvenant à garder ses distances : c'est-à-dire le laisser respirer, nous permettant de le regarder vivre. C'est pourquoi, comme Truffaut, il s'intéressa à l'argent de poche des enfants.

Par un jeu de miroir, Carbonnier a expliqué, par exemple à propos de la réforme qu'il conçut du Droit des régimes matrimoniaux et dont il expliqua la genèse dans un article à L'Année sociologique!footnote-1619 , que la sociologie du droit doit permettre aux lecteurs distants que nous sommes face à la seule feuille écrite de l'ouvrage de voir le droit vivant sortir des pages. Comme les historiens l'ambitionnent, l'Histoire étant matière vivante, comme l'auteur de littérature le conçoit. Carbonnier écrivit un roman sur lui-même. Un roman sur un Législateur donc. Une "auto-fiction". On connaît des juges d'une modernité absolue qui ont porté cet art à son excellence, soucieux pareillement d'écrire la vie.  

Certes, l'on pourrait souligner que si Francis Bacon signa ses tableaux, ce qui attache à lui l'oeuvre et tient la Figure qui s'y meut, ce ne fût pas le cas pour Carbonnier. Il faut déjà être érudit pour savoir que l'auteur du train de réformes du XXième siècle qui transforma le Code civil a pour patronyme "Jean Carbonnier" : le Législateur est un personnage abstrait, qui, comme l'Etat, porte toujours ce même titre, comme le Roi, et passe indifféremment de tête en tête, à l'instant mort à l'instant couronné. Celui qui regarde le tableau va l'attribuer à Francis Bacon parce que c'est écrit dessus, tandis qu' au contraire il désignera par exemple la loi du 15 juillet 1975 comme la loi réformant le droit du divorce, sans se référer à l'être humain qui l'a conçue. Oui, c'est le Parlement, qui, au nom du Peuple via la Représentation, est l'auteur des Lois. Et pas un tel ou un tel.

Ainsi la comparaison ne vaudrait pas. Mais faisons un détour par Romain Gary. L'action de celui-ci montra ce que l'on a pu appeler "le droit de la littérature", c'est-à-dire ce jusqu'où peut aller le pouvoir de celle-ci.  Son pouvoir est si grand que l'auteur peut n'y apparaître jamais!footnote-1614.  Romain Gary non seulement écrivit sous pseudonyme, ce qui lui permit de passer sous le radar de la norme juridique du Gongourt qui ne peut être donné deux fois - et qui le fût, mais écrivit lui-même un livre soi-disant écrit par son ghostwriter après la supercherie découverte - et donc soi-disant finie, disant du mal de Romain Gary, ce contre quoi il protesta mais s'engagea pourtant juridiquement de ne pas se plaindre en justice. Alors qu'il avait lui-même écrit l'ouvrage.  L'auteur peut être un fantôme, qui se démultiplie, fantôme du fantôme, ne se découvre que pour se masquer sous son visage que l'on croit découvert, etc. Mais à force de recouvrir de fumée la fumée, l'auteur lui-même disparaît : et reste alors l'oeuvre pure, la Figure qui se meut seule, parfaitement libre. Ainsi sous le masque du Législateur, c'est bien Carbonnier qui conçut et rédigea, sans jamais signer, car c'est la Loi qui parle, et jamais Carbonnier. Pas de plus grand hommage qu'un légiste puisse faire à la Loi que de disparaître sous sa lettre. Ainsi, un auteur ne se reconnait pas à sa signature, celle-ci n'est qu'un indice, pas une condition.

Il n'est pas besoin d'aller vers Law & Literrature, courant qui assèche plutôt le Droit pour le recouvrir d'une conception du Droit comme tissu de mensonges stratégiques et récits rétrospectives de justification de décisions. Non, Carbonnier, bien trop érudit et bien trop bon juriste pour aller vers une pensée avant tout critique d'un objet, fît de la sociologie pour nous donner à voir un Droit vivant et eut en même temps une conception sociologique de l'Art législatif, écrivant des lois qui capturent dans leurs lignes austères les vies quotidiennes et diverses qui viendront après l'écriture d'une loi qui n'écrit qu'en lettres capitales, générales, ne visant rien de spécial afin que le particulier demeure dans les mains de chaque individu!footnote-1607.

 Mais comment, si l'on sort le juge du jeu normatif, la Loi peut-elle être "flexible" ? Si ce n'est en dessinant des lois qui "préservent" en elles-même, dans leur "toile" même leur vitalité, qui leur permet de bouger, dans une encre qui ne doit jamais être sèche ni atteindre le marbre ? 

Pourquoi alors ne pas faire le rapprochement entre les deux créateurs, Francis Bacon et Jean Carbonnier ?

Comment même ne pas le faire, le dessein et la méthode leur sont si semblables.

Lorsque Bacon peint des scènes de la vie quotidienne comme un champ de ruine, tandis que Carbonnier ne vise "l'intérêt de l'enfant", sur lequel l'on glose tant, que comme "un clé qui ouvre sur un terrain vague"!footnote-1608, comment ne pas les rapprocher ? 

Pour les deux auteurs, la peinture pour l'un et la loi pour l'autre , l'une et l'autre doivent les arracher à leur support statique pour que s'y exprime et s'y "préserve" la vie dans sa mobilité même. Plus encore, c'est grâce à ce support, que l'on croyait immobile, que la fluidité de la vie nous apparaît. Ainsi la vie est, pour eux, l'objet commun de la peinture et de la loi. Cette définition est portée par peu de personnes, car l'on trouve si souvent dans les présentations qui sont faites du Droit l'impératif d'un choix à opérer , se mettre du côté de l'immobile ou du côté du mobile, mais pas cette conception-là d'une mobilité exprimée par  un support immobile (I). Il faut reconnaître que peu ont le niveau de maîtrise technique et de réflexion de Bacon et de Carbonnier.

Mais si l'on reprend la conception que Carbonnier avait de la loi, tout en distance, comme le ferait , selon ses propres mots,dans son propre pays un législateur "étranger"!footnote-1603 par rapport à celle-ci, lois qu'il fabriquait pourtant de main de maître, n'est-ce pas en termes de peintre qu'il la décrivait, évoquant le "cadre" qu'elle constitue et le "mince vernis" par lequel elle doit simplement toujours recouvrir la vie qui toujours prédomine, puisqu'elle en est la toile ? (II).

 

 

 

 

Les deux auteurs ont ainsi mis la vie au centre, l'un des tableaux, l'autre des lois. Pourtant deux objets immobiles, les uns faits de "toile", les autres faites de "marbre".

Mais l'un et l'autre ont voulu - en soulignant la difficulté de la tâche - réinséré de force dans l'immobilité matériellement intrinsèque de l'objet - la toile du tableau que l'écaillage de la peinture par le passage du temps abîmera, la lettre de la Loi que les réformes ultérieures récuseront - la vie. C'est-à-dire leur donner enfin leur objet véritable. Et pourtant impossible à restituer. Et ils y sont arrivés. Sans doute par leurs qualités propres : la technicité maîtrisé, la modestie, la persévérance, l'effacement devant la vie elle-même qui se déploie et occupe toute la place et "fait son oeuvre" sur le support, qui devient mobile. Ainsi les tableaux de Francis Bacon bougent comme les lois écrites par Carbonnier vivent, ce qui est naturel puisqu'elle a été directement insérée. Quelle modestie valait-il avoir pour s'effacer à ce point. 

Obtenir par prouesse technique que la vie palpite encore dans la toile, dans le texte publié au Journal Officiel. Que dans ce qui par nature est figé : la toile, la Loi, non seulement la vie palpite encore, comme par "inadvertance", comme le dit Francis Bacon, parce que la vie a la vie dure, mais parce que les maîtres qu'ils étaient étaient si délicats et si maîtres de leur Art qu'ils ont tout fait qu'elle soit l'objet même de leur travail : la toile du tableau a été pour Francis Bacon ce par quoi la vie a été rendue, le marbre de la loi a été pour Carbonnier ce par la loi la vie a été rendue.

Ainsi comme lorsque le Maître en couture retire le fil de bâti, la toile n'existe plus, le journal officile est depuis longtemps perdu, mais la vie est toujours là. Cela n'est pas un hasard, comme semblent le présenter des sociologues qui semblent se vanter de surtout ne rien connaître au Droit, parlent de "vide législateur" et demandent toujours plus de "lois nouvelles", soulignant parfois que Carbonnier était aussi quelconque en droit que mauvais en sociologie - car il y en a pour le dire.

C'est au contraire le Droit portant à sa perfection : art pratique, le Droit porte sur la vie et si par avance, dans sa conception même, il sait s'effacer devant la vie, il rejoint alors en pratique l'art de peindre car il faut bien un peintre pour mettre de force la vie sur la toile (I). Il faut pour cela un peintre, car l'on parle souvent de l'art législatif mais il convient aussi de parler des artistes qui tiennent la plume. Ceux-là ne "réglementent" pas, ils tracent un tableau qui, par l'effet des correspondance, peut laisser la vie continuer continuer à se déployer parce que l'encre n'en est jamais sèche.  De ce tableau, c'est la loi qui en forme le cadre, un cadre léger qui permet de garder des contours à ce qui est le Droit et ce qui n'en est pas. Carbonnier sût toujours que par rapport à la vie, le Droit n'était qu'un "mince vernis". Comme tout grand maître, il était modeste, dressant de grands tableaux, que furent les réformes complètes du Code civil qu'il écrivit, sans jamais oublier de ne les concevoir que comme un vernis pour que la vie trouve toujours à s'échapper, à respirer, dans le même mouvement d'une femme qui descend les escaliers ou d'un Pape qui statue sur son trône (II). 

 

Mise à jour : 24 septembre 2019 (Rédaction initiale : 31 août 2019 )

Publications

 

Résumé : En août 2019, à propos de l’incendie ravageant l’Amazonie, la ministre française de l’écologie affirme que ce fait « « n’est pas que l’affaire d’un État ». Cette affirmation dénie les postulats du droit international public (I). Cela suppose un nouveau système, reposant sur l’idée que le pouvoir de l’État sur son territoire s’efface lorsque l’objet qui s’y trouve n’est plus rattachable à cette « partie » mais au Tout qu’est l’Univers (II). Acceptons l’augure. Première question : si cela n'est pas que l'affaire d'un État, de qui est-ce donc l'affaire (III) ? Seconde question : pour anticiper les autres cas qui relève d’un tel régime, quels doivent être les critères au nom desquels le Tout devra prévaloir sur la partie et qui devra alors se charger du cas dont l’État « local » est dessaisi ? (IV). Car la perspective va au-delà de l’environnement, au-delà du Brésil, au-delà des États. Elle mène vers un  Droit de la Compliance animé par un « but monumental » qu’est le souci de l’Univers et l’humanisme. Allons-y.

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Le 27 août 2019, sur  la radio France Inter, la Ministre de la Transition Écologique Elisabeth Borne l'exprime nettement  : "Quand on est sur un enjeu tel que l'Amazonie, ça n'est pas que l'affaire d'un État".

A partir d'un cas, "l'Amazonie", le Ministre, reprenant ainsi la position du chef de l'État français,  y associe une conséquence générale : "ce n'est pas que l'affaire d'un État".

Ce n'est pas un propos banal.

Il dénie, et pourquoi pas, tout le système du Droit international public (I). Par un nouveau raisonnement qui repose sur l'idée que le Tout prévaut, comme par un effet de nature, sur la Partie (II).

En admettant cela, cela conduit à ouvrire deux séries de question. La première se rattache à l'interrogation principale suivant : si cela n'est pas que l'affaire d'un État, de qui est-ce donc l'affaire (III) ?. La seconde série de questions s'articule autour de l'interrogation portant sur les critères au nom desquels d'autres cas doivent être saisis au nom du "Tout" et comment le faire (IV).

 

I. LA REMISE EN CAUSE DU SYSTÈME CLASSIQUE DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Depuis toujours, mais cela ne vaut pas raison, le monde est juridiquement organisé autour de la notion de territoire, laquelle a pour corollaire la notion - déjà plus juridique - de frontière. Sur cette base repose le postulat du Droit international : des parties, prenant la forme juridique d’États, qui, s'ils ont des intérêts communs, entrent en contact (A). Certes, la notion de "droit d'ingérence" a remis en cause cela (B), mais au nom d'un altruisme qui ne détruit pas le territoire.  L'idée nouvelle qui apparaît ici est que le territoire ne serait plus qu'une partie d'un Tout, au nom duquel l'on serait légitime à parler, voire à décider à la place de l'État sur le territoire duquel un événement se déroule (C). 

 

A. Le postulat du Droit international public (et privé) : des parties (États) qui en raison d'intérêts communs sont en contact

La notion d'État comprend dans sa définition même la notion de territoire (un territoire, une population, des institutions). 

Ainsi l'État régit à travers ses institutions ce qui se passe sur son territoire. Par exemple s'il y a un incendie, ou un risque d'incendie, l'État prend des dispositions à travers tous les instruments juridiques, financiers, techniques et humains dont il dispose. Il rend des comptes de ce qu'il fait à travers sa responsabilité politique et juridique. 

Lorsque ce qui se passe sur son territoire excède celui-ci, de fait (épidémie, catastrophe aux conséquences dépassant les frontières, migrations, etc.) soit selon sa propre opinion soit selon celle des autres États, les États, étant  des sujets de droit souverains dans le système international, agissent ensemble sur une base juridique préalablement construite : traités, bilatéraux, multilatéraux!footnote-1675, ayant éventuellement créé des zones intégrées (comme l'Union européenne ou les États-Unis) ou des institutions internationales (comme le FMI). 

Une technique particulière s'est élaborée depuis plusieurs millénaires - mais là encore l'ancienneté ne vaut pas raison : la diplomatie, ancrée dans chaque État dans un ministère particulier : le Ministère des Affaires étrangères, dont chaque gouvernement national dispose. Si un État exclut totalement un phénomène sur le territoire d'un autre, s'enclenche la procédure progressive de cessation des liens diplomatiques. 

Il peut en résulter des guerres. 

Dans le "cas de l'Amazonie" aussi bien le Président du Brésil que le Président des États-Unis s'en tiennent à la construction classique du Droit.

En effet le premier a affirmé que l'Amazonie est sur le territoire du Brésil, relève à ce titre de la juridiction (au sens anglais du terme) du pouvoir de l'État et du Droit brésiliens, d'où il résulte qu'un autre État n'a pas à venir s'en mêler. Or, le chef de l’État français prend la parole non pas en tant que cette forêt s'étend aussi sur un territoire français mais en tant qu'elle est l'affaire du Monde. Au contraire, le chef de l’État brésilien revendique l'effet de clôture qui exclut qu'un État tiers vienne prendre en charge directement quelque chose - même une difficulté - qui se déroule sur le territoire d'un autre. 

Le chef de l’État fédéral américain a affirmé que ce sont des décisions conjointes entre le président du Brésil et d'autres chefs d'État, deux sujets de droit souverain, qui doivent s'accorder pour organiser une solution pour résoudre un problème local. Car de la même façon que des États peuvent se déclarer la guerre, ils peuvent s’entraider!footnote-1676

Tout le Droit international public (et privé) repose donc sur ce postulat : des "parties" du monde, sur lesquelles ont prise des parties souveraines (États) entrent en relation car des circonstances font que quelque chose qui relève de l'un concerne un ou plusieurs autres.

C'est justement cela qui est remis en cause. La notion de "droit d'ingérence", dont on n'entend étrangement plus guère l'évocation, l'avait déjà fait. Mais sur un autre fondement.

 

B. Le "droit d'ingérence" : idée qu'un État peut se mêler directement de ce qui se passe dans un autre État, idée qui ne remet pas en cause le postulat du DIP, idée qui repose sur autre chose : un "droit pour autrui"

Le "droit d'ingérence", c'est l'idée que sur certains territoires, il se passe des choses inadmissibles.

Dans un souvenir du jus cogens, sorte de "droit naturel" du Droit international public, Autrui, c'est-à-dire un autre État, peut venir se mêler de ce qui se passe sur un territoire pourtant fermé, sans déclarer la guerre à l’État qui garde celui-ci. 

C'est le besoin d'autrui, par exemple ceux meurent en masse sur ce territoire, ou bien la nature qui est dévastée dans l'indifférence de l'État sur le sol duquel la catastrophe se passe, qui fonde ce "droit" d'un autre État de venir prendre les choses en main.

Le fondement de ce "droit" est donc un "devoir". 

 

C. L'idée nouvelle : un territoire n'est qu'une partie d'un Globe, dont le destin est l'affaire de tous

L'idée est nouvelle car elle n'est pas fondée sur l'altruisme. Et pas plus sur l'intérêt propre. Pourtant, de fait et de Droit, l'Amazonie n'est pas sur le seul territoire du Brésil.

La France est particulièrement bien placée pour dire quelque chose à son propos puisqu'une partie de l'Amazonie est sur un territoire français.

Ainsi l'inaction du principal concerné qu'est le Brésil affecte directement l'intérêt de la France, une "forêt" étant un bloc qui ne peut être divisé. Si nous étions en Droit des biens, nous dirions que nous sommes en indivision avec le Brésil et qu'à ce titre, avec les autres États sur les territoires desquels cette forêt s'étend, une solution doit être trouvée. 

En raison de l'indivisibilité de cet objet particulier qu'est la forêt!footnote-1644, il faut que les États dont le territoire est concerné aient voix au chapitre.

Mais ce n'est pas cet argument qui est avancé par la France, notamment par le Président de la République.

Il est affirmé que le monde entier est concerné par le sort de l'Amazonie. L'on pourrait dire qu'à ce titre, lorsque ce que l'on pourrait désigner comme une "forêt globale" est bien traitée, sa gestion relève effectivement du pouvoir du Brésil, des entreprises brésiliennes et de l'État brésilien, mais lorsqu'elle est maltraitée au point de voir son avenir compromis, lorsque des feux risquent de la faire disparaître, alors elle apparaît comme n'étant pas localisée au Brésil mais étant localisée dans le Monde, dont le Brésil n'est qu'une partie!footnote-1648.

Ce raisonnement, qui donne alors voix au chapitre à tous, car dans le Monde chaque État y figure, est un raisonnement nouveau. 

La théorie économico-politique des "biens communs" n'en rend pas compte, car celle-ci est peu juridique!footnote-1656

 

II. LE NOUVEAU RAISONNEMENT QUI AFFRONTE LE RAISONNEMENT CLASSIQUE DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Le nouveau raisonnement repris aujourd'hui par la Ministre consiste à dire que l'Amazonie ne concerne pas que le Brésil. Cette forêt-là devrait donc être directement rattachée au Monde (A). Il s'agit d'un changement bienvenu du système, mais qui repose sur un paradoxe (B). 

 

A. Lorsque l'Amazonie est en danger de mort, alors elle ne devrait plus être rattachée à la partie du Monde qu'est le Brésil, mais directement au Monde

C'est le "poumon" de la planète, c'est "l'avenir" de l'Humanité. En cela, cela ne peut concerner qu'un seul État, pas même celui sur le territoire duquel est situé ce "bien d'humanité"!footnote-1643

A ce titre, sans qu'il soit besoin de déclarer la guerre au Brésil, un autre État peut prendre la parole, par exemple l'État français à travers celui qui le représente dans l'ordre international, c'est-à-dire son Président, pour dire ce qu'il faut faire, puisque selon lui le Président du Brésil ne dit ni ne fait ce qu'il est absolument besoin de faire pour l'ensemble de la planète et pour l'avenir de l'Humanité. 

C'ela induit un renouvellement complet des institutions internationales. 

En effet un rattachement direct au Monde et non plus au Brésil donne à l'objet forestier un statut particulier en raison d'un objectif qui dépasse le Brésil : sauver l'Amazone s'imposerait car il s'agirait de sauver le Monde. Dès lors, cela ne peut plus être l'affaire du Brésil, qui en serait comme "dépossédé" par un objectif qui s'impose à lui : sauver la forêt amazonienne, alors même qu'elle est principalement sur son territoire, tandis que d'autres États deviennent légitimes à disposer de cet objet, quand bien même la forêt ne serait en rien en partie sur leur territoire, quand bien même ils n'en seraient pas affectés dans leurs intérêts propres.

Cela contredit tout le Droit international public!footnote-1645 ; car l'accord des représentants politiques du Brésil n'est plus requis et personne n'évoque pourtant la nécessité de faire la guerre au Brésil,et heureusement !

Un tel bouleversement justifie qu'une telle affirmation ne soit acceptée qu'avec difficulté. L'on comprend mieux qu'en première conséquence, qui n'est pas si anodine,  l'une des premières règles de la diplomatie qui est la politesse, entre les chefs d'Etat, à l'égard des conjoints de ceux-ci, ait volé en éclat!footnote-1657, que les propos aient dérapé sur des questions personnelles, etc. 

 

B. Un changement bienvenu mais paradoxal de système 

Pourquoi pas changer de système ? 

Cela est difficile à admettre, non seulement parce que cela est brutal, mais parce que cela est paradoxal. 

Le paradoxe est le suivant. L'on reconnait que le thème de la disparition des frontières par la "globalisation"!footnote-1647 ne restituait plus aujourd'hui les faits!footnote-1646, notamment pas la réalité chinoise, la digitalisation ayant tout au contraire permis la construction de frontières plus solides encore. Ce que l'on appella la "globalisation" appartient désormais au passé!footnote-1660. Il s'agirait donc aujourd'hui de reconnaître d'un côté la réalité des frontières - qui n'avaient pas disparu ou qui renaissent - mais ce n'est que pour mieux les enjamber, puisque du Monde les Etats, pourtant chacun dans leurs frontières, seraient légitimes à se soucier en aller se mêler directement des affaires des autres.  

Le paradoxe est donc constitué par d'un côté la récusation de l'allégation d'une disparition de fait des frontières par une interdépendance économique, la technologique ayant dénié la "globalisation" comme fait !footnote-1649 et  la résurgence des frontières permettant aux États d'affirmer plus que jamais qu'ils seraient "maîtres souverains chez eux", ce qui devrait logiquement aboutir à laisser le Brésil décider pour l'Amazonie, tandis que pourtant de l'autre côté on assiste à la remise en cause du postulat du Droit international public comme reconnaissance des souverainetés et construction à partir des accords entre États, requérant l'accord de l'État dont le territoire est concerné (sauf  guerre), remise en cause qui conduit à permettre à tous de se mêler du sort de l'Amazonie, comme s'il n'y avait pas de frontière.

Ce paradoxe conduit à se poser deux questions.

La première question est : si "ce n'est pas que l'affaire d'un État", de qui est-ce l'affaire ?

La seconde question est : après le "cas de l'Amazonie", quels sont les autres cas ? Et comment va-t-on leur apporter des solutions, si l'on ne dispose plus des solutions du Droit international public, c'est-à-dire l'accord du pays dont le territoire est concerné et auquel l'on ne veut pas faire la guerre ? 

Si l'on a les idées claires sur les réponses à apporter à ces deux séries de questions, alors parce qu'effectivement lorsque l'avenir de tous est en cours cela ne peut être l'affaire d'un seul État, il est nécessaire de remettre en cause le Droit international public. Mais a-t-on les idées claires sur ces deux questions ? Et a-t-on des pistes quant aux solutions envisageables ? 

 

Lire la suite ci-dessous.

 

24 septembre 2019

Enseignements : Droit de la Compliance

Consulter les slides servant de support à la Leçon

 

Se reporter à la Présentation générale du Cours de Droit de la Compliance.

 

Consulter le Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance.

 

Consulter la Bibliographie générale du Cours de Droit de la Compliance

 

Consulter la bibliographie ci-dessous, spécifique à cette Leçon relative aux relations entre le Droit de la concurrence et le Droit de la compliance

 

Résumé de la leçon.

A première vue, le Droit de la concurrence et le Droit de la compliance sont étrangers l'un à l'autre. En effet tandis que, dans son acception classique le premier est Ex Post le second est Ex Ante (se rapprochant ainsi du Droit de la Régulation). Plus encore le Droit de la concurrence est attaché à un organisme spécifique, "l'Autorité de concurrence", ce qui va le rapprocher du Droit de la Régulation, lequel se "repère" par l'institution d'une "Autorité de régulation", alors que le Droit de la compliance est à ce point peu institutionnalisé que l'on continue à douter même de son existence. En troisième lieu, par nature le Droit de la concurrence s'applique à toutes les "entreprises", notion très large en ce qu'elle est directement construite sur la notion d'activité, alors que le Droit de la compliance prend comme sujets de droit les "opérateurs cruciaux". 

Mais l'efficacité des techniques de Compliance a été repérée par les Autorités de concurrence qui, notamment à travers les techniques d'engagement et de "programmes" ont eu à partir des années 1990, sur le modèle du contrôle des concentrations, partie Ex Ante du Droit de la concurrence, développé d'une façno prétorienne des outils de compliance, par du "droit souple", puis les ont sécurisé en les insérant au sein même des procédures juridiquement organisées de sanction, les Autorités pouvant utiliser leur double qualité d'autorité de sanction et d'autorité de poursuite. Sans doute ce cumul d'un fonctionnement contractuel au sein de procédure juridictionnelle, par l'utilisation de programmes qui constituent à la fois des engagements spontanés mais sont aussi des contreparties d'autorisation de concentration, voire de contrepartie de clémence, voire des parties insécables de prononcés de sanction, posent à la fin des difficultés juridiques. 

Il demeure que par l'insertion du Droit de la compliance c'est un mixte de contrat et de contrainte qui est ainsi inséré. 

Par le contrat, qui libère l'Autorité de toute référence à son pouvoir par mécanisme de délégation dans la hiérarchie des normes, l'Autorité peut se transformer en Autorité de Régulation. C'est ce que les Autorités de concurrence sont en train de faire vis-à-vis des opérateurs numériques. 

Mais les Autorités de concurrence sont-elles légitimes à emprunter tout d'abord à une contrainte par le biais procédural neutre de l'accroissement d'efficacité, pour ensuite passer à une véritable contractualisation, ce qui permet de disposer des finalités pour la satisfaction desquelle elles ont été instituées ? N'est-ce pas à l'Etat, à travers un Gouvernement responsable politiquement qui doit fixer des finalités qui cessent d'être économiques? 

En effet les Autorités de concurrence rendent compte de l'exercice de leurs pouvoirs devant les juridictions du recours. Mais s'agit-il d'un contrôle de légalité externe ou d'un contrôle substantiel ? Cette question qui s'est posée à propos du contrôle des concentrations ne pose de nouveau d'une façon plus générale si la finalité du Droit de la concurrence, telle qu'elle est posée à travers ce que la Commission se permet d'appeler la "politique de la concurrence" devient à ce point politique, sans pour autant engager de responsabilité. 

Les Autorités de concurrence qui deviennent ainsi en matière numérique des "superviseurs" alors qu'elles ne sont pas des régulateurs, peuvent prétendre que le Droit de la concurrence serait une des voies pour remettre de l'ordre dans l'espace numérique.

 

19 septembre 2019

droit illustré

Les fables de La Fontaine sont source inépuisable pour aborder puis approfondir le Droit.

Prenons une Fable moins connue que d'autres : Les oreilles du lièvre. (les expressions plus particulièrement mises en rouge le sont par nos soins, anticipant la pertinence qu'elles présentent dans une perspective plus juridique),

Un animal cornu blessa de quelques coups
            Le lion, qui plein de courroux,
            Pour ne plus tomber en la peine,
            Bannit des lieux de son domaine 
Toute bête portant des cornes à son front.
Chèvres, Béliers, Taureaux aussitôt délogèrent,
            Daims et Cerfs de climat changèrent ;
            Chacun à s'en aller fut prompt.
Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
            Craignit que quelque Inquisiteur
N'allât interpréter à cornes leur longueur,
Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles.
Adieu, voisin grillon, dit-il, je pars d'ici.
Mes oreilles enfin seraient cornes aussi ;
Et quand je les aurais plus courtes qu'une Autruche,
Je craindrais même encor. Le Grillon repartit :       
Cornes cela ? Vous me prenez pour cruche ;
            Ce sont oreilles que Dieu fit.
            On les fera passer pour cornes,
Dit l'animal craintif, et cornes de Licornes
J'aurai beau protester ;  mon dire et mes raisons          
Iront aux Petites-Maisons.

 

II. LA DIFFICULTE DU CAS, POURTANT A PREMIERE VUE SIMPLE : LE LIEVRE DEVRAIT POUVOIR DORMIR SUR SES DEUX OREILLES

Le cas ne devrait pas poser difficulté.

La règle est claire : sont objet de sanction les animaux à corne. Et le lièvre n'a pas de corne. 

Ainsi, en application de l'article 5 du Code civil qui exprime un principe général, lorsque la règle posée par le Législateur, ici visé par le "Lion", et qu'elle n'ait ni obscure, contradictoie ou incomplète, ce qui obligerait à la compléter pour l'appliquer d'une façon particulière (article 4 du Code civil), le lièvre n'est pas concerné par une telle règle.

Plus encore, il s'agit d'une règle de sanction, puisque celui qui est visé par elle est "banni" : nous sommes donc en "matière pénale". Ainsi, la méthode de l'interprétation restrictive, et selon un principe constitutionnel applicable, un cas qui n'est pas prévu par le texte d'incrimination ne peut pas être sanctionné. Ainsi si les "animaux cornus" sont visés, comme un lièvre n'a pas de corne, alors comme il est clair qu'il n'a pas de corne, il n'est pas concerné.

Cela est clair, puisque "Dieu", c'est-à-dire à la fois la nature même et la Raison, le montre. 

Il n'y a pas d'ambiguité.

Et les voisins le disent au lièvre, qui ne devrait donc pas modifier son comportement, du fait d'un texte qui ne saurait le concerner.

 

III. MAIS IL Y A DEUX OMBRES : L'OMBRE DE L'INQUISITEUR ET L'OMBRE DE L'OREILLE PROJETEE

La première ombre est que si c'est le "Lion" qui a pris la nouvelle règle, c'est "l'Inquisiteur" qui la mettra en oeuvre. 

Certes, le Lion fût sans doute excessif pour réagir à un cas particulier qui l'a meurtri lui, mais enfin c'est Lui, et donc à partir de sa blessure propre, il tire une règle générale et abstraite qui frappe toutes les "bêtes cornues", dont il est aisé, dans une dialectique montante puis descendante de faire une énumération non limitative. 

Puisqu'on connait la définition de la "corne". Et qu'il s'agit d'un "animal".

Mais ce n'est pas l'hubris ou la colère du Politique qui pose la règle qu'il faut craindre, c'est le "raisonnement" de l"Inquisiteur, c'est son "raisonnement" qui balayera toutes les "raisons" du liévre, ce que celui-ci sait par avance.

En effet, l'Inquisiteur est un personnage sans pouvoir directement légitme, il n'est pas Roi. Il tire son pouvoir du texte général et abstrait du bannisement. Mais il va utiliser celui-ci pour frapper qui il veut, par exemple un lièvre, s'il en a envie, s'il n'aime pas celui-là, ou s'il n'aime aucun lièvre (et l'on se soucie de la fabre Le loup et l'agneau : "si ce n'est toi, c'est donc quelqu'un des tiens").

Comment pourrait-il le faire sans dévoiler sa partialité ? son excès de pouvoir (roitelet caché sous le costume de l'exécutant) ? 

Il va le faire par "l'interprétation".

Pour cela, et l'on retrouve ici l'article 4 du Code civil, il faut trouver une "ombre", cette ombre qui obscursit le texte à appliquer et "oblige" alors l'exécutant à exercer du pouvoir.

Et justement, comme nous le dit la Fable, les oreilles font une ombre ! et cette ombre ont la forme d'une corne ! A ce compte-là, il suffit de quitter le soleil, de tourner son regard vers l'ombre, vers le côté obscur de l'interprétation, et l'on voit alors se dessiner une corne. Ainsi, le lièvre se met à entrer dans la catégorie du texte.

Par le jeu de la technique de la qualification, il est qualifié d'animal cornu, puisque les animaux concrets cités ne l'étaient qu'à titre d'exemples, la liste n'était pas close. Et peu importe la longueur, comme le précise le déjà saisi par la Justice, même aussi courtes que les oreilles d'une autruche, l'ombre sera encore là. 

D'analogie en analogie, le texte étend son emprises et l'Inquisiteur son pouvoir. Sous couvert d'interprétation.

La réalité n'est pas un obstacle, si la forme de la corne est retrouvée. Ainsi, le texte visant "toute bête portant des cornes", ce que l'ombre valide pour le lièvre, à n'en pas douter, n'exige pas qu'il s'agisse d'un animal réel et véridique et la licorne fera aussi l'affaire, l'imaginaire n'étant plus soustrait à l'imperium de l'Inquisiteur.

C'est ainsi que le raisonnement analogique fait suivre le lièvre parce que face à la souplesse du raisonnement juridique manié par celui qui veut exercer le pouvoir que le Droit offre, même à celui qui n'est pas le Lion, aucune justification ne peut plus tenir car le résultat du procès est déjà contenu dans la qualification.

____

L'on mesure ici que, pour le meilleur et ici pour le pire, l'art et la puissance du Droit tient dans la qualification du réel. 

En Droit, les lions ne sont pas irascibles, les objets ne sont pas saisis par leur ombre et les inquisiteurs ne jugent pas avant d'interpréter  textes et faits pour y voir des licornes ; ils retiennent leurs pouvoirs pour respecter l'Etat de Droit et la liberté des lièvres. 

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18 septembre 2019

Base Documentaire : Soft Law

Référence complète : Auer, R., Embedder supervision: how to build regulation into blockchain finance,  Bank for International Settlements, Monetoary and Economic Department, working paper n°811, september 2019.

Lire le Rapport :

 

17 septembre 2019

Blog

Pour se déployer, la technologie ne suffit pas, il faut encore que le client ignore le Droit. Et les plateformes s'emploient à non seulement développer la technologie mais encore à maintenir leurs clients dans l'ignorance du Droit et de leurs droits. 

L'on peut prendre des examples au quotidien.

Par exemple, aujourd'hui.

Un cas d'un exécution d'un contrat de transport, doublé d'une agression, ce qui entraîne l'application du droit des contrats et du droit pénal. Mais pour les prestataires qui répondent au nom des règles pour Kapten, il y a d'autres règles d'où il résulte que la victime de l'inexécution d'un acte juridique et d'un fait juridique d'agression ne reçoit rien. Tout en affirmant le souci de la "qualité du service". En glissant au passage des qualifications juridiques inexactes mais qui soustrayent la plateforme à toute contrainte, en mettant dans le jeu d'autres, comme la notion floue de "partenaire" et celle plus consistante de "secret", afin de mieux démunir le client, dont pourtant le souci premier est affirmé.

Voyons tout d'abord le cas (I), puis le traitement juridique par la plateforme (II) et les réflexions que cela inspire, au regard de jurisprudence et de législations de plus en plus sévères en conséquence à l'égard de plateforme (III). 

 

I. LE CAS : INEXECUTION DU CONTRAT DE TRANSPORT ET FAITS D'AGRESSION APPELANT UNE QUALIFICATION PENALE

Les faits résultent du récit rapportant à la victime à l'entreprise Kapten, avec laquelle il n'est possible que de communiquer par e-mail adressé à la plateforme, ce qui suscite des réponses signées par des prénoms, qui varient à chaque fois.

Comme les faits avaient été brièvement rapportés par un bref e-mail le matin, un premier e-mail signé d'un prénom féminin avait demandé un numéro de téléphone où il puisse y avoir un récit de l'événèment. Dans cette discussion téléphonique ayant lieu l'après-midi, la personne de chez Kapten, se présentant par un autre prénom féminin, rappela que Kapten allait se rapprocher du "chauffeur partenaire". Quand il lui fût rappeler que le chauffeur n'était pas un tiers mais une personne dont le comportement engageait la responsabilité de Kapten, celui va immédiatement refuté par la personne. 

 

Voilà le récit, en date du 17 septembre 2019, résultant d'un e-mail adressé à 19h.

"Chère Madame,

J’ai donc pu vous expliquer longuement par téléphone les faits.

Vous m’avez confirmé que votre chauffeur avait pris un itinéraire qui n’était pas conforme à ce qu’il devait être à un itinéraire devait m'amener à Sciences po, établissement où je suis professeur et où je devais faire cours à mes étudiants.

Comme je voyais que nous allions par des détours et que je risquais d’être en retard, tandis que je téléphonais par ailleurs – car j’étais précisément au téléphone avec un membre de la direction de Sciences po -, je lui ai indiqué qu’il fallait prendre un itinéraire plus rapide car j’allais finir par être en retard.

Votre chauffeur a alors arrêter la voiture devant les Invalides (venant du 16ième, nous avions fait un détour conséquent et nous étions donc à cet emplacement). Il a commencé à crier, ce que mon correspondant a entendu.

Puis en me tutoyant, il m’a intimé l’ordre de descendre de sa voiture : « tu es chez moi, descends, je ne veux plus de toi », etc.

Je lui ai indiqué, conservant pour ma part le vouvoiement qu’il fallait qu’il termine sa course.

Il a ouvert la porte, a continué à crier, à me menacer, un attroupement de passants et de touristes se constituant.

Mon interlocuteur de la direction de Sciences po, qui entendait tout cela, m’a conseillé de descendre.

En effet, votre chauffeur non seulement m’insultait, mais m’a menacée de ses deux poings.

J’ai dit cela à mon interlocuteur téléphonique qui m’a dit de descendre immédiatement, pour ne pas subir des coups et blessures.

Les personnes qui entouraient la voiture m’ont dit de descendre, me disant qu’il fallait mieux perdre un téléphone que d’être frappée,  en disant à votre chauffeur d’arrêter de crier, de me menacer et de brandir ses poings.

Puis, il m’a arraché mon téléphone, afin que je ne puisse plus parler.

Je suis sortie.

Une personne qui était à l’extérieur  lui a demandé mon téléphone ; il lui a donné. Une autre a relevé le numéro de sa plaque.

Elles m’on demandé si je me sentais bien, et si je voulais aller au commissariat immédiatement.

Je ne pouvais pas, car j’étais définitivement en retard.

J’ai fini le trajet à pied jusqu’à Sciences po, où je suis arrivée en retard.

Je pense que je trouverai le temps demain pour aller déposer plainte.

Je vous demander les mesure que vous allez prendre en considération des différents dommages que j’ai subis.

Bien à vous".

 

A 19h15, réception immédiate d'un e-mail de Kapten, cette fois-ci signé d'un(e) dénommé(e) Stephie, retour immédiat d'un courriel informant d'un traitement juridique fait aux demandes formulées, étant observé que les faits - étayés par de nombreux témoignages et par le constat par leur propre appareil de suivi des courses montrant les détours pris, n'étaient pas contestés. 

 

II. LE TRAITEMENT JURIDIQUE PAR LA PLATEFORME  DE LA DEMANDE: NOUS NE REMBOURSONS PAS LA PRESTATION INEXECUTEE, NOUS N'INDEMNISATIONS LE DOMMAGE, LE FAIT DELICTUEUX NE NOUS CONCERNE PAS ET NOUS NE VOUS COMMUNIQUERONS PAS D'INFORMATION A SON PROPOS

 

"Stephie (Customer Service France )

17 sept. 19:14 CEST

Bonjour,

Nous faisons suite à notre échange téléphonique en date du 17/09/2019 concernant le comportement de votre chauffeur lors de votre course du 17/09/2019 à 9h38.
Nous tenons à nous excuser une nouvelle fois pour la situation dont vous nous avez fait part. 
Nous ne cautionnons en aucun cas une telle expérience qui ne correspond en rien à ce que nous attendons d’un chauffeur partenaire de la plateforme Kapten qui se doit d’apporter un service irréprochable en toutes circonstances. 
Votre sécurité est en effet notre priorité et nous déplorons une telle situation. Notre engagement est de vous transporter d'un point A à un point B sans être victime d'une situation indépendante de votre volonté.
Nous prenons donc la pleine mesure de la gravité de la situation.
Nos départements en charge de la Qualité de Service et des Relations Partenaires vont donc contacter le chauffeur afin de clarifier la situation et d'aviser avec lui, le cas échéant. 

Comme indiqué par téléphone, les chauffeurs sont nos partenaires et non nos salariés. En conséquence, nous n'avons aucun lien de subordination avec eux.

Dans le cas où vous souhaiteriez déposer plainte, information communiquée lors de notre échange téléphonique, nous nous tenons à la disposition des autorités compétentes, sur réquisition judiciaire, pour fournir l’intégralité des données en notre possession. 
Pour des raisons de confidentialité, nous ne sommes pas en mesure de vous les communiquer directement. 
En effet, lors de notre échange oral, nous vous avons indiqué pouvoir agir uniquement dans le cadre de Kapten et non au delà.
En conséquence, dans le cas où vous souhaiteriez lancer une procédure, il appartient au client s'estimant lésé d’effectuer les démarches nécessaires.

Compte tenu de la situation et de la course écourtée, nous avons recrédité le montant facturé sur votre compte utilisateur, soit 19.35 qui se déduiront automatiquement de vos prochains trajets. 

La course n'ayant pas été facturée sur votre carte bancaire, nous ne sommes pas en mesure de vous rembourser par carte bancaire une somme que nous n'avons pas encaissé. 

Soyez assurée que notre département Opérations travaille au quotidien pour vous offrir un service de qualité. 

Nous restons à votre disposition  et vous souhaitons une bonne journée.

Stephie de Kapten"

 

III. L'IGNORANCE DE L'ETAT DU DROIT PAR LA POPULATION CONDUIT LES OPERATEURS A  LUI EN DONNER EFFICACEMENT UNE REPRESENTATION INEXACTE, CE QUI RENDENT INEFFECTIVES LEURS OBLIGATIONS 

 

Si l'on reprend l'état du Droit, 

-  le Conseil constitutionnel, par décision QPC du 22 mai 2015, UBER, a rappelé que nous sommes ici dans un droit d'ordre public, notamment parce que cette activité met en jeu la sécurité de la personne transportée est en jeu.

- à ce titre, le Tribunal de grande instance de Paris, par un jugement de 27 janvier 2016, confirmé par la Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 12 octobre 2016, Union Nationale des Taxis c/ UBER, a posé que les principes de la concurrence loyale s'imposaient particulièrement sur les activités de VTC.

- en raison des impératifs de sécurité des voyageurs, la municipalité de Chicago a adopté une nouvelle réglementation en juillet 2016, étendant aux entreprises de VTC les exigences jusqu'ici ne visant que les entreprises de taxi, pour les contraindre aux mêmes exigences sur les qualités auxquelles doivent répondre les chauffeurs.

- le régulateur de l'activité de taxi à Londres (Transport for London) a refusé le 27 septembre 2017 de renouvellement la licence d'UBER en raison de l'absence de contrôle que celui-ci exerce sur ses chauffeurs. 

- la Chambre sociale de la Cour de casation, par décision du 28 novembre 2018 a requalifié le rapport entre la plateforme et les conducteurs qui travaillent grâce à son intermédiaire, via des documents qualifiés par la plateforme de "documents non-contractuels" base d'un "partenariat", en requalifiant ce rapport de "lien de subordination", ce qui constitue un "contrat de travail". 

- l'Etat de Californie a adopté le 10 septembre 2019 une loi requalifiant les relations entre les plateformes, notamment celles qui mettent en relation les chauffeurs et les personnes voulant être transportées,  comme étant des "contrats de travail". Il en résulte une responsabilité civile de la platefore du fait de ses employés.

 

Même en l'état du Droit commun, le principe général de la responsabilité du fait des personnes dont on a la garde s'applique.

Si l'on reprend la réponse de "Stephie" : " Notre engagement est de vous transporter d'un point A à un point B sans être victime d'une situation indépendante de votre volonté.".

Là où il y a engagement, il y a responsabilité. 

Mais à lire la suite, sans doute est-ce à une sorte d'engagement éthique où il est fait ici référence. En effet, la demande ayant précisément visait par quelles modalités les dommages allaient être pris en considération par Kapten, de cela il n'en est plus question sous la plume de "Stephie", seul interlocuteur saisissable. 

 

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Pourquoi allons-nous vers un Droit de plus en plus sévère ?

C'est notamment parce que les plateformes donnent une représentation du Droit si inexacte tout en affirmant, par exemple, que la sécurité de la personne transportée est leur "priorité", que les sources du Droit (régulateurs, tribunaux et lois) ne peuvent alors que durcir le ton et ne veulent plus laisser jouer le seul droit des contrats, puisque le Droit des Obligations (qui comprend aussi la responsabilité) est si méconnu. 

 

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