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29 juin 2019

droit illustré

Le titre du film réalisé par Georges Cukor en 1950 Born Yesterday a été traduit en français par de la façon suivante : Comment l'esprit vient aux femmes.

Comme le titre anglais d'origine était plus pertinent : Born yesterday.

En effet, il s'agit dans ce merveilleux film, léger, construit, où même les méchants sont gentils (le personnage du caïd, qui ne veut pas que l'on puisse voir qu'il aime la jeune femme), de montrer comment un esprit simple et droit peut aisément apprendre le Droit. Il suffit pour cela "être né d'hier".

Ce qu'en français l'on désigne par l'expression "né de la dernière pluie", pour s'exclamer aussitôt qu'on ne l'est pas ! 

 

I. ÊTRE NÉ D'HIER, EN MATIÈRE JURIDIQUE

C'est en cela que celui qui n'est pas "né d'hier" en matière juridique, c'est-à-dire l'avocat, celui qui mène le personnage malhonnête à Washington, jusqu'aux marches du Capitole, pour qu'il puisse acheter un congressman, l'avocat qui organise l'achat de la Loi, celui qui connait la technique juridique et les personnes qui écrivent les textes qui régissent le peuple, c'est celui-là qui piétine la justice.

Mais celle qui est "née d'hier", c'est-à-dire celle qui ne connait rien à rien, qui est qualifiée par tous de "très bête", qui se présente elle-même comme "stupide", qui dit à chacun qu'elle ne comprend rien, qu'elle ne sait rien, qu'elle ne retient rien, c'est elle qui va apprendre le Droit (et non pas à "avoir de l'esprit", comme le dit si mal cette traduction, nous ne sommes en rien dans un film de Guitry).

Elle est la fiancée de l'entrepreneur malhonnête venu avec son avocat à Washington pour obtenir un amendement qui lui permettra de faire prospérer ses affaires, au détriment de ses concurrents honnêtes. Mais elle se tient si sottement qu'ils décident de lui donner un peu "d'éducation". 

Comme elle ne connait rien à rien, qu'elle n'a aucune érudition, alors chacun sourit en coin ("qu'elle est bête, pensent-ils) : quand on lui parle d'Holmes comme un grand personnage, elle demande s'il sera là au dîner ? Puisqu'il est un si grand personnage, cela doit être bien intéressant de l'avoir en voisin de table. Et chacun de sourire en coin. Mais de vous à moi, beaucoup de personnes connaissent-ils  Holmes ? Et, entre experts en droit, ne rêverions-nous pas de dîner avec Holmes ? En disant cela, cette personne n'a-t-elle pas exprimé naturellement le désir de parler de justice avec un très grand juge ? 

Elle parle avec pertinence, car aujourd'hui nous aimerions bien dîner avec Justice Ginsburg, ce personnage de super-héros de B.D.

Parce que présentant ainsi, Justice Ginsburg ne fait pas peur. Dans le film, la jeune fille qui est dans "l'enfance du Droit" comme certains ont la chance d'être dans "l'enfance de l'Art", s'était fait reprendre avec condescendance après sa gaffe sur Holmes par une remarque générale de l'avocat sur la "Cour Suprême" a demandé à son éducateur s'il savait lui ce que c'était cette "cour suprême" dont elle ignorait l'existence. Et oui, lui il connaissait. C'est comme ça qu'ils sont allés s'y promener. Tant qu'à être à Washington, autant se promener. 

Mais est-ce si important de connaître la Cour suprême, son fonctionnement, sa jurisprudence et ses cas pendants ? Notre jeune héroîne du film de Cukor fût très bien éduquée par son père, liftier de son état, qui ne pouvait donc ni lui payer des études, ni lui apprendre le Droit, mais lui inculqua qu'il ne fallait rien faire que l'on ne puisse ensuite voir écrit dans le New York Times. Ce qu'elle a retenu. L'on devrait chaque jour se répéter cela, se souvenir que cette presse-là, et de ce journal-là, cité par un homme qui passa sa vie à faire monter et descendre les autres dans un ascenseur, journal qui recueille les comportements des autres et permet au peuple de se forger une opinion à leurs propos. 

C'est d'ailleurs le New-York Times qui dessina la super-héroine Ruth Ginsberg : 

 

Mais notre personnage eût une sorte de malédiction : sa beauté. C'est la malédiction des femmes. Elle devint donc danseuse. Et sans doute dans des spectacles peu habillées. Ne gagnant pas d'argent. L'arrivée du caïd fût donc une aubaine. Qu'elle cache à son père, parce qu'elle sait que c'est mal de se vendre. Mais que faire d'autre quand on est belle et bête ?

Quand le personnage qui doit l'éduquer pour qu'elle se tienne bien dans les diners en ville et ne recommence pas la bourde sur Holmes (mais vous, à propos, vous pourriez me parler de Holmes ?) lui demande si elle lit les journaux, elle s'effraie et répond qu'elle ne peut pas les lire, et n'en lit aucun : elle est si bête, stupide et sa tête est si vide.

Il l'emmène alors voir en statue un garçon bien sympathique; il s'appelle Thomas. Il a dit des choses qu'elle comprend : "de toutes mes forces, je m'élèverai contre la tyrannie". Cela lui plait, elle est d'accord. C'est un peu ce que lui disait son père et elle pense pareil. Il lui plaît bien, ce Thomas. Comment déjà ? Ah oui, Jefferson. Car quand on est "née d'hier", l'on n'a pas peur des monstres sacrés. S'ils ont dit des chose justifiées, cela devient des amis. L'histoirer du Droit est un "droit vivant".

Et celui qui l'accompagne ne se moque pas d'elle. C'est ainsi qu'elle lit la Déclaration d'indépendance, la Constitution des Etats-Unis, la Déclaration des Droits. Elle s'y reconnaît. Elle demande si ces textes si bien sont connus des autres personnes, parce que cela serait une si bonne idée. Et son mentor, en adoration devant un esprit si pur et si vif et si moral, répond que le pays fût construit sur ces trois textes. Elle trouve que c'est bien, tandis que la force des ces textes-là pénètrent en elle. 

Pourquoi n'apprend-on pas le Droit ainsi ?

Sans doute parce que nous sommes des demi-savants et que jamais nous ne prenons Portalis comme un ami, que nous ne le voyons comme celui avec lequel nous dinerons très volontiers pour lui demander si les lois sont faites pour les hommes ou si les hommes sont faits pour les lois .... Tout de suite, parce que notre esprit n'est pas entièrement disponible, déjà encombré de quelques règles techniques, nous nous alourdissons de textes moins importants. Et nous devenons des ouvriers de cette technique que serait le droit. 

 

II. LA QUALIFICATION NATURELLE PAR UN ESPRIT VIF ET FRAIS D'UNE SITUATION DE CARTEL

Avec ses nouveaux amis que sont Jefferson (le législateur) et Holmes (le juge), elle regarde ce qu'elle fait elle-même.

Or, elle n'arrête pas de signer des documents dont l'avocat lui répète qu'ils ne sont rien, qu'il ne faut les lire, qu'il faut comme d'habitude les signer. 

Mais maintenant qu'elle n'a plus peur de son ignorance technique, elle dit qu'elle veut lire avant de signer. Il n'est pas besoin de connaître le Droit des contrats et le Droit des sociétés pour se dire cela. 

Si l'avocat qui lui intime de signer ne lui explique pas ce qu'elle signe, elle ne signera pas.

Il lui explique alors que c'est une série de prise de contrôle d'entreprises de diverses nationalités, notamment françaises et italiennes, menés par son compagnon mais c'est elle qui signe. Il utilise même le terme technique de merger, se disant peut-être qu'en allant vers l'incompréhensible, elle va reculer et donc, en ne comprenant pas, elle signera d'autant plus. 

Entretenir l'incompréhension d'une matière, c'est permettre à celle-ci de régner d'autant plus. Les techniciens de celle-ci le savent. 

Mais la voilà qui s'exclame : "mais c'est un cartel ! et c'est très mal ! je ne signerai jamais".

Une application du Droit de la concurrence dans un film de Cukor, voilà un joli cas pratique, non ?

Ainsi, une inculte, une demeurée, une qui ne lit aucun journal, sait qualifier une situation ; mieux encore sait requalifier une situation. L'avocat lui présente la situation comme une "prise de contrôle", ce qui est régi par le Droit des sociétés et constitue une situation licite, mais elle requalifie la situation en "abus de marché" par la constitution d'un cartel, ce qui est sanctionné par le Droit de la concurrence car constituant  une situation illicite.

Comment d'années d'études faut-il pour arriver à une telle aptitude ? Oui, mais si l'on est "née d'hier", l'on sait qu'il y a une entourloupe et que dans le pays du Searman Act (dont elle ignore l'existence) un accroissement de puissance bloque l'action de autres entreprises, ce qui est "mal" par rapport à la liberté d'entreprendre, notamment pour les petites entreprises. Et ça, elle le sent. Car les petits, c'est elle et c'est son père (la crise de 29 est encore dans les esprits).

Or, la distinction entre le bien et le mal n'a pas besoin de savoir technique ; le personnage de l'avocat montre même que le savoir juridique recouvre par les dollars qu'il engendre l'aptitude à les distinguer. Mais elle son esprit est si "vide", c'est-à-dire si pur et si rapide que la morale peut s'y déployer, la technique juridique n'a pas le temps d'y prendre toute la place disponible, la Justice y a naturellement sa place. 

 

III. LA PERCEPTION IMMEDIATE DE CE QUE SONT LES PRINCIPES DE LIBERTE, DE JUSTICE ET DE DROIT, PAR LA FREQUENTATION DE THOMAS JEFFERSON 

Pendant la première partie du film, quand elle se croyait bête et inapte alors qu'elle était simplement ignorante et entretenue dans son ignorance, bloquée dans son joli corps, elle répète mécaniquement "nous somms dans un pays de libre expression", mais elle ne comprend pas ce qu'elle dit.

Ensuite, quand elle tente d'apprendre seule, elle prend un ouvrage publié par son mentor, qui écrit de la science politique, prend chaque mot d'une phrase. Ne comprenant aucun de ses mots, elle va les chercher un à un dans le dictionnaire et met bout à bout les définitions. Mais elle ne comprend toujours rien. Elle en conclut que oui elle est vraiment très bête et irrécupérable, bonne à danser et à épouser le caïd.

Mais il ne faut pas lire mot à mot, une phrase se lit dans son ensemble, c'est ce que lui explique son professeur en se promenant dans un jardin, et elle trouve alors que c'est très simple et que oui oui elle aurait dit pareil. 

Elle va voir la statue de Jefferson avec lui ; puis elle y retourne seule, retourne et retourne autour de lui. Et relit la frise qui surmonte la statue.

Parce que tout lui paraît simple. Et d'ailleurs, la liberté, la justice et le droit, elle a toujours été d'accord. Et son père, sous des mots différents, mais sans doute lui non plus n'avait pas davantage dîné avec Jefferson, le lui avait inculqué.

Et c'est ainsi que le sens de la justice inné chez cette jeune fille, libérée de sa beauté et mettant des lunettes pour lire plus facilement, peut s'alimenter par quelques lectures et quelques bonne fréquentations.

Et à mon avis un dîner convivial avec Holmes serait envisageable ...

 

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28 juin 2019

Publications

rIl est souvent observé, voire théorisé, voire conseillé et vanté, que la Compliance est un mécanisme par lequel des Autorités publiques internalisent des préoccupations politiques (par exemple environnementales) dans des entreprises de grande dimension, celles-ci l'acceptant dès le départ (en Ex Ante) car elles sont plutôt d'accord avec ces "buts monumentaux"  (sauver la planète) et que cette vertu partagée est bénéfique à leur réputation. L'on observe que cela pourrait être la voie la plus fructueuse dans les configurations nouvelles, comme celle du numérique

Mais, et l'on a souvent rapproché le Droit de la Compliance du mécanisme contractuel, cela n'est pertinent que si les deux intéressés le veulent bien. Cela est vrai techniquement, par exemple pour la Convention judiciaire d'intérêt public, laquelle requiert consentement explicite. Cela est vrai d'une façon plus générale en ce que l'entreprise voudra bien se structurer pour réaliser les buts politiquement poursuivis par l'État. Réciproquement, les mécanismes de compliance fonctionnent si l'État veut bien admettre les logiques économiques des acteurs globaux ou/et, s'il y a possibles manquements, ne pas poursuivre ses investigations et fermer le dossier qu'il a entrouvert, à un prix plus ou moins élevé.

Mais il suffit de dire Non.

Comme en matière contractuelle, la première liberté est négative et tient dans l'aptitude de dire Non.

L'Etat peut le faire. Mais l'entreprise aussi peut le faire.

Et Daimler vient de dire Non. 

 

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Publiquement, notamment par le biais d'un article dans le Wall Street Journal du 28 juin 2019. 

L'entreprise expose dans un avertissement au marché (warning profit) qu'elle est l'objet d'une exigence de la part de l'Autorité allemande de la sécurité automobile d'une allégation de fraude, par l'installation d'un logiciel, visant à tromper les instruments de mesure des émissions des gazs à effet de serre sur les voitures utilisant du diesel.

Il s'agit donc d'un mécanisme de Compliance à visée environnementale qui aurait été contrée, d'une façon intentionnelle. 

Sur cette allégation, le Régulateur à la fois avertit l'entreprise de ce qu'elle considère comme un fait, c'est-à-dire la fraude au dispositif de Compliance, et l'assortit d'une mesure immédiate, à savoir le retrait de la circulation de 42.000 véhicules vendus par Daimler avec un tel dispositif.

Et l'entreprise répond : "Non".

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Ce qui ne fait sans doute que commencer, puisqu'un Non clôt le dialogue de l'Ex Ante pour projeter dans l'Ex Post des procédures de sanction, appelle 6 observations :

 

  • 1. Sans doute Daimler, entreprise allemande de construction automobile, a-t-elle en tête dans cette allégation de fraude au calcul de pollution de ses voitures diesel ce qu'il arriva à sa concurrente Volkswagen : à savoir plusieurs milliards de dollars d'amende, pour défaut de Compliance dans une hypothèse similaire (dite du dieselgate). Le choix stratégique qui est alors fait dépend de l'éducation par l'expérience de l'entreprise, qui bénéficie à ce titre d'un cas précédent qui a eu un coût très important. Ainsi instruite, la question qui se pose est de mesurer le risque pris à refuser toute coopération, quand l'entreprise peut pressentir que celle-ci aboutira tout de même à un tel montant....

 

  • 2. Par ailleurs, l'on retrouve la difficulté de la distinction de l'Ex Ante et de l'Ex Post. En effet, certes, dire Non va impliquer pour l'entreprise un coût d'affrontement avec le Régulateur, puis les juridictions, périphériques ou de recours. Mais en Allemagne, le Gouvernement lui-même, à propos d'une banque menacée de poursuites au titre de la Compliance et quasiment sommée par le Régulateur américain de payer "de son plein gré" de payer une amende transactionnelle, avait estimé que cela n'était pas normal, car cela doit être les juges qui punissent, au terme d'une procédure contradictoire et après des faits établis.

 

  • 3. Or, il ne s'agit ici que d'une allégation, d'affirmations vraisemblables, de ce qui juridiquement permet de poursuivre, mais qui ne permet pas de condamner. La confusion entre la charge de preuve, qui suppose l'obligation de prouver les faits avant de pouvoir sanctionner, et la charge de l'allégation, qui ne suppose que d'articuler des vraisemblances avant de pouvoir poursuite, est très dommageable, notamment si l'on est attaché aux principes du Droit répressif, comme la présomption d'innocence et les droits de la défense. Cette distinction entre ces deux charges probatoires est au coeur du système probatoire, et le Droit de la Compliance, toujours à la recherche de plus d'efficacité, a tendance à passer de la première à la seconde, pour donner plus de pouvoir aux Régulateur. Puisque les entreprises sont si puissantes ....

 

  • 4. Mais la question première apparaît alors : quelle est la nature non plus tant de la mesure future à craindre, à savoir une sanction qui pourrait prise plus tard, contre Daimler, si le manque s'avère, ou qui ne le sera pas si le manquement n'est pas établi ; mais quelle est la nature de la mesure immédiatement prise, à savoir le retour de 42.000 véhicules ?

 

  • Cela peut paraître une mesure Ex Ante. En effet, la Compliance suppose des voitures non-polluantes. Le Régulateur peut avoir des indices selon lesquels que ces voitures sont polluantes et que le constructeur n'a pas pris les dispositions requises pour qu'elles le soient moins (Compliance), voire s'est organisé pour que ce manquement ne sont pas détecté (fraude à la Compliance).

 

  • Cette allégation permet de penser qu'il y a un risque qu'elles le soient. Il faut donc immédiatement les retirer de la circulation, pour la qualité de l'environnement. Ici et maintement. La question des sanctions se posera après, avoir son appareillage procédural de garanties pour l'entreprise qui sera poursuivie. Mais voyons cela du côté de l'entreprise : devoir retirer 42.000 véhicules du marché constitue un grand dommage et ce que l'on appelle volontiers en Droit répressif une "mesure de sûreté" prise alors que les preuves ne sont pas encore réunies pourrait mériter une requalification en sanction. La jurisprudence est à la fois abondante et nuancée sur cet enjeu de qualification.

 

  • 5. Alors, retirer ces voitures, c'est pour l'entreprise admettre qu'elle est coupable, accroître elle-même la punition. Et si à ce jeu, que l'on appelle aussi le "coût-bénéfice", autant pour l'entreprise affirmer immédiatement au marché que cette exigence du Régulation est infondée en Droit, que les faits allégés ne sont pas constitués, et que de tout cela les juges décideront. L'on ne sait pas davantage si ces affirmations de l'entreprise sont exactes ou fausses mais devant un Tribunal personne ne pense qu'elles valent vérité, elles ne sont que des allégations. Et devant une Cour, un Régulateur apparait comme devant supporter une charge de preuve en tant qu'il doit défendre l'ordre qu'il a émis, prouver le manquement dont il affirme l'existence, ce qui justifie l'exercice qu'il fait de ses pouvoirs. Le fait qu'il exerce son pouvoir pour l'intérêt général et en impartialité ne diminue pas cette charge de preuve.

 

  • 6. En disant "Non", Daimler veut retrouver ce Droit classique, si mis de côté par le Droit de la Compliance, à base de charge de preuve, moyen de preuve, et interdiction de mesures punitives - sauf dommages imminents et très graves - avant qu'un comportement a été sanctionné au terme d'une procédure de sanction. 
  • Certes, l'on serait tenté de faire une analogie avec la situation de Boeing dont les avions sont cloués au sol par le Régulateur en ce que celui-ci estime qu'ils ne remplissent pas les conditions de sécurité, ce que l'avionneur conteste, mesure Ex Ante qui ressemble à la mesure de rétraction du marché que constitue la demande de rappel des voitures ici opérée.
  • Mais l'analogie ne fonctionne pas sur deux points. En premier lieu, l'activité de vol est une activité régulée que l'on ne peut exercer que sur autorisation Ex Ante de plusieurs Régulateurs, ce qui n'est pas le cas pour le fait de proposer à la vente des voitures ni de rouler avec. C'est là où le Droit de la Régulation, qui souvent se rejoignent, ici se distinguent. En second lieu, la possibilité même que des avions dont il ne soit pas exclu qu'ils ne soient pas sûr est suffisant pour, par précaution, interdire leur décalage. Ici, ce n'est pas la sécurité des personne qui est en jeu, et sans doute pas même le but global de l'environnement, mais la fraude vis-à-vis de l'obligation d'obeïr à la Compliance. Pourquoi obliger au retrait de 42.000 véhicule ? Si ce n'est pour punir ? D'une façon exemplaire, afin de rappeler par avance et à tous ce qu'il en coûte de ne pas obéir à la Compliance ? Et là, l'entreprise dit : "je veux un juge". 

 

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26 juin 2019

Blog

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 17 avril 2019, à propos de la société Créatis

Le cas est le suivant : par des emprunts divers, un couple se retrouve endetté à hauteur de 66.000 euros. Ne pouvant sans doute faire face à ce que cela représente comme charge mensuelle cumulée, ils recourent à une société qui propose un "prêt de restructuration". Lorsque celui-ci a été conçu, la situation professionnelle familiale, professionnelle et financière du couple lui laisse en disponibilités mensuelles environ 1.800 euros par mois. Un prêt de restructuration consiste à regrouper la totalité des crédits et à allonger dans le temps des remboursements, puisque le remboursement doit s'opérer désormais sur 144 mensualités, c'est-à-dire 12 ans.... Certes, la charge mensuelle tombe ainsi d'environ 2.000 euros pour le couple à environ 780 euros. Ce qui devait arriver arriva : le couple ne fît pas face aux échéances et fût poursuivi. 

Pour sa défense, les débiteurs font valeur que leur situation était caractéristique d'un "endettement excessif", puis qu’avec une mensualité de 780 euros et 3 enfants à charge, ils ne pouvaient pas rembourser et que le prêteur devait les mettre en garde sur l'inadéquation entre le prêt de restructuration proposé et leur situation, puisque la mensualité excédait le tiers de leur disponibilité et qu'ils étaient non-avertis. Or, cette mise en garde n'avait pas été faite. 

Les juges de première instance donnent raison à l'établissement de crédit qui a agi en exécution forcée mais le jugement est infirmé par la Cour d'appel de Grenoble,qui  par un arrêt du 19 septembre 2017, considère à l'inverse qu'il y a eu manquement à l'obligation de conseil, déboute l'établissement de crédit de sa demande en exécution du contrat.

La Cour de cassation casse l'arrêt des juges du fond. 

La solution est la suivante : La Chambre commerciale relève qu'un "crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l'emprunteur, ne crée pas de risque d'endettement nouveau". En conséquence de quoi, la Cour d'appel ne pouvait pas statuer ainsi. 

Les enseignements que l'on peut en tirer :  

  • Cet arrêt très bref n'explicite pas davantage le motif de la cassation. 

 

  • Est-ce à dire que toutes ces techniques proposées par des sociétés qui diffusent via tous les médias des offres quasiment miraculeuses et promettant à des personnes non-averties qu'elles sortiront ainsi de leur situation quasiment désespérée par cette solution quasiment magique qu'est le regroupement de crédit ? A lire l'arrêt de la Cour de cassation, c'est ce qu'il faut comprendre.... Le raisonnement est de nature arithmétique : puisque par nature les "conditions sont moins onéreuses", la situation du débiteur n'est pas "aggravée" et il ne peut donc pas y avoir de "risque d'endettement nouveau". Ainsi, s'il n'y a pas d'obligation de mise en garde, c'est parce qu'il n'y a pas de sujet.

 

  • Mais est-ce à dire que la Cour d'appel avait entièrement tort ? Sans doute car s'il est vrai qu'il n'y a pas de risque "d'endettement nouveau", il y a un risque de persistance d'incapacité à rembourser. Les chiffres et la situation des débiteurs qui persisteront à l'avenir (charges familiales, loyer, alimentation requise des enfants, situation de handicap d'un parent) fait que le prêteur sait qu'ils ne pourront pas faire face à ces échéances, même diminués. De cela, ne devaient-ils pas les mettre en garde ?

 

  • S'il l'avait fait, alors les débiteurs, conseillés par les travailleurs sociaux, n'auraient sans doute pas persisté dans une voie présentée comme une solution à leurs problèmes, alors qu'elle demeurait structurellement une impasse. Cela ne vaut pas pour tous les prêts de restructuration, mais dans le cas présent, si. Ils auraient recouru à une commission de surendettement, structure publique mise en place par la Loi et non par le marché pour ce type de situation.

 

  • Il aurait été bénéfique que la Cour de cassation rende un arrêt d'espèce et s'exprime ainsi. Car un esprit de justice va sans doute dans ce sens-là : un principe de validité de ces pratiques de marché, car en principe cela est bénéfique pour le débiteur, sauf si dans certaines situations il passe simplement d'une incapacité de payer les échéances à une autre incapacité de payer les échéances. Et dans ce cas-là, le préteur très particulier que sont les établissements spécialisés dans le regroupement de crédit doit le mettre en garde, n'est-ce pas ? 

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24 juin 2019

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

 

Référence complète : Broadcasting Authority of Ireland (BAI), Submission to the Department of Communications, Climate Action & Environment Public Consultation on the Regulation of Harmful Content on Online Platforms and the Implementation of the Revised Audiovisual Media Service Directive, 24 juin 2019. 

 

Lire le rapport de la Broadcasting Authority of Ireland (BAI)

 

Lire la présentation du rapport par l'Autorité. 

24 juin 2019

Publications

Dans ce qu'il présente comme un ensemble de lignes directives conçues par une approche gouvernée par les risques, le GAFI a publié le 21 juin 2019 des recommandations pour lutter contre l'usage des plateformes de crypto-actifs et crypto-monnaies pour blanchir de l'argent et financer le terrorisme

Cette lutte contre le blanchiment d'argent est (avec la lutte contre la corruption) souvent présentée comme le coeur du "Droit de la Compliance". Le GAFI y prend une grande part. Même si celui-ci a vocation à cristalliser d'autres ambitions, comme la lutte contre la fraude fiscale ou le changement climatique, voire la promotion de la diversité ou l'éducation et la préservation de la démocratie, les textes de Droit de la Compliance sont matures en ce qui concerne la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, comme ils le sont en matière de lutte contre la corruption. 

L'actualité vient alors non pas des nouveaux mécanismes juridiques mais plutôt des nouveaux outils technologiques qui permettent la réalisation des comportements contre lesquels ces obligations de compliance ont été insérées dans le système juridique. C'est alors à ces technologies que le Droit doit s'adapter. Il en est ainsi des plateformes de crypto-actifs et de crypto-monnaies. Parce qu'il s'agit de technologies évoluant rapidement, à l'occasion de l'exercice de lignes directrices écrites en 2019 pour éclairer le sens de dispositions adoptées en 2018, le GAFI en profite pour faire évoluer la définition qu'il donne des crypto-actifs et des crypto-monnaies. Afin qu'une définition trop étroite par les textes ne permettent pas aux opérateurs d'échapper à la supervision (phénomène de "trou dans la raquette" - loophole). 

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En effet, en octobe 2018, le GAFI (Groupe d'Action Financière Internationale) dont le sigle anglais est FATC (Financial Action Task Force) a élaboré 15 principes s'appliquant à ces plateformes, pour permettre à cet  organisme intergouvernemental de mener à bien sa mission générale de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Il s'agit dans ces recommandations de juin 2019 de les interpréter.

Dans ce document très important, où il est expressément dit qu'il s'agit de "fixer les obligations" de ceux qui proposent des crypto-actifs" et des crypto-monnaies", la notion d'auto-régulation est rejetée : "Regarding VASP (virtual assets services providers) supervision, the Guidance makes clear that only competent authorities can act as VASP supervisory or monitoring bodies!footnote-1628, and not self-regulatory bodies. They should conduct risk-based supervision or monitoring, with adequate powers, including the power to conduct inspections, compel the production of information and impose sanctions. There is a specific focus on the importance of international co-operation between supervisors, given the cross-border nature of VASPs’ activities and provision of services."

Il s'agit au contraire d'élaborer des obligations de contrôle que ces prestataires doivent exercer sur les produits et leurs clients (Due Diligences), ce qui doit être supervisé par des Autorités publiques. 

Pour l'exercice de cette supervision et de "monitoring", les autorités nationales doivent elles-mêmes veiller à travailler ensemble : "As the Virtual Assets Services Providers (VASP) sector evolves, countries should consider examining the relationship between AML/CF (Anti-Money Laundering and Counter Terrorist Financint) measures for covered VA activities and other regulatory and supervisory measures (e.g., consumer protection, prudential safety and soundness, network IT security, tax, etc.), as the measures taken in other fields may affect the ML/TF risks. In this regard, countries should consider undertaking short- and longer-term policy work to develop comprehensive regulatory and supervisory frameworks for covered VA activities and VASPs (as well as other obliged entities operating in the VA space) as widespread adoption of VAs continues".

Après des informations de droit comparé particulièement intéressantes sur l'Italie, les pays scandinaves et les Etats-Unis, le rapport conclut : "International Co-operation is Key", en raison du caractère par nature global de cette activité.

 

Comme la question n'est pas celle de la régulation de ces plateformes et de ce types de produits mais uniquement des possibiles modes de blanchiments et de financement de terrorisme auxquels ils peuvent donner lieu, le GAFI rappelle que ni les crypto-produits, ni les fournisseurs de produits ne sont visés en tant que tels. Comme le rappelle le titre, commun au document de 2018 adoptant les 15 principes et au présent document d'interprétation, il s'agit de règles "basées sur le risque". Ainsi, c'est selon les situations que ceux-ci - produits et fournisseurs- que ceux-ci peuvent ou non présenter des risques de blanchissement et financement du terrorisme : suivant le type de transaction, le type de client, le type de pays, etc. Par exemple dès l'instant que la transaction est anonyme, ce qui est impossible la connaissance du "bénéficiaire", ou qu'elle est transnationale et instantannée, ce qui rend difficile la supervision en raison de l'hétérogénéité des supervisions nationales peu articulées entre elles.

Dans les rapports que les superviseurs publics doivent avoir avec les fournisseurs de crypto-produits, ils doivent s'ajuster en fonction du niveau de risque présenté par ceux-ci, plus ou moins élevé : "Adjusting the type of AML/CFT supervision or monitoring: supervisors should employ both offsite and onsite access to all relevant risk and compliance information.However, to the extent permitted by their regime, supervisors can determine the correct mix of offsite and onsite supervision or monitoring of Virtual Assets Services Providers (VASPs). Offsite supervision alone may not be appropriate in higher risk situations. However, where supervisory findings in previous examinations (either offsite or onsite) suggest a low risk for ML/TF, resources can be allocated to focus on higher risk VASPs. In that case, lower risk VASPs could be supervised offsite, for example through transaction analysis and questionnaires".

Cet "ajustement" requis n'empêche pas une très large conception de l'emprise de la supervision. Ainsi, pour que rien n'échappe aux recommandations (et notamment aux obligations qui en découlent pour les fournisseurs de ces produits), la définition des crypo-assets et crypo-monnaies est celle-ci : “Virtual asset” as a digital representation of value that can be digitally traded or transferred and can be used for payment or investment purposes. Virtual assets do not include digital representations of fiat currencies, securities, and other financial assets that are already covered elsewhere in the FATF Recommendations."

Et pour cette raison d'efficacité est posé le principe de neutralité technologique : "Whether a natural or legal person engaged in Virtual Assets (VA) activities is a Virtual Asset Services Provider (VASP) depends on how the person uses the VA and for whose benefit. As emphasized above, ...  then they are a VASP, regardless of what technology they use to conduct the covered VA activities. Moreover, they are a VASP, whether they use a decentralized or centralized platform, smart contract, or some other mechanism.".

Les lignes directrices interprétatives formulent ensuite des obligations que ces plateformes ont à l'égard des superviseurs dont ils relèvent (question de la "juridiction", au sens américain du terme c'est-à-dire de la compétence ratione materiae ; ratione loci), obligations qui ne concernent que ce souci spécifique. " The Guidance explains how these obligations should be fulfilled in a VA context and provides clarifications regarding the specific requirements applicable regarding the USD/EUR 1 000 threshold for virtual assets occasional transactions, above which VASPs must conduct customer due diligence (Recommendation 10); and the obligation to obtain, hold, and transmit required originator and beneficiary information, immediately and securely, when conducting VA transfers (Recommendation 16). As the guidance makes clear, relevant authorities should co-ordinate to ensure this can be done in a way that is compatible with national data protection and privacy rules. ".

Ces plateformes ne reçoivent pas une définition uniformes, en raison de la diversité de leurs activités. Car c'est leur activité qui les fait relever de tel ou tel régulateur. Par exemple de la Banque centrale ou du Régulateur financier. ". For example, a number of online platforms that provide a mechanism for trading assets, including VAs offered and sold in ICOs, may meet the definition of an exchange and/or a security-related entity dealing in VAs that are “securities” under various jurisdictions’ national legal frameworks. Other jurisdictions may have a different approach which may include payment tokens. The relevant competent authorities in jurisdictions should therefore strive to apply a functional approach that takes into account the relevant facts and circumstances of the platform, assets, and activity involved, among other factors, in determining whether the entity meets the definition of an “exchange”!footnote-1626 or other obliged entity (such as a securities-related entity) under their national legal framework and whether an entity falls within a particular definition. In reaching a determination, countries and competent authorities should consider the activities and functions that the entity in question performs, regardless of the technology associated with the activity or used by the entity".

 

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A la lecture de ce très important document, l'on peut faire 6 observations :

1. Les documents d'interprétation des règles sont souvent plus importants que les documents d'émission des règles. Ainsi, et en premier lieu, ce sont des obligations majeures qui sont énoncés, non seulement pour les plateformes mais encore pour les Droits nationaux, et bien au-delà de la question du blanchiment d'argent. Ainsi, il est posé : "Countries should designate one or more authorities that have responsibility for licensing and/or registering VASPs. ...  at a minimum, VASPs should be required to be licensed or registered in the jurisdiction(s) where they are created. ". C'est une prescription à portée générale, impliquant la Régulation générale de ces plateforme, qui enregistrées d'une façon générale, seront donc probablement supervisées d'une façon générale.

En second lieu, c'est une série de mesures cohercitives dont il est demandé l'adoption par les Droits nationaux, par exemple la possibilité de saisir les crypto-valeurs.

Cela montre que la soft Law ils illustre le continuum des textes, et permet de fait leur évolution. Ici l'évolution de la définition de l'objet même : la définition des crypo-assets et les crypto-monnaies est élargie, afin que les techniques de blanchiment et de financement de terrorisme soient toujours contrés, sans qu'il soit besoin d'adopter de nouveaux principes. Nous sommes au-delà de la simple interprétation. Et encore plus du principe d'interprétation restrictive, attachée au Droit répressif ...

2. Pour l'efficacité du Droit de la Compliance, les définitions deviennent extrêmement larges. Ainsi, à suivre le GAFI, la définition d'une institution financière est la suivante : “Financial institution” as any natural or legal person who conducts as a business one or more of several specified activities or operations for or on behalf of a customer". Cela correspond plutôt à la définition d'une entreprise en Droit de la concurrence!footnote-1627.... Pourquoi ? Parce que sinon, un opérateur trouve un statut lui permettant d'échapper à la catégorie visée et aux obligations énumérées. Le principe d'efficacité l'implique. Le principe de "légalité", issu du Droit pénal, n'a plus guère d'existence. Mais cela correspond aussi à l'évolution générale du monde financier, dans lequel on ne part plus du statut (par exemple le statut de "banque") mais de l'activité, et d'une activité dont les métamorphoses sont si rapides qu'il convient de ne quasiment pas les définir....

3. De la même façon, la définition des crypo-assets ou des crypto-monnaies : "“Virtual asset” as a digital representation of value that can be digitally traded or transferred and can be used for payment or investment purposes. Virtual assets do not include digital representations of fiat currencies, securities, and other financial assets that are already covered elsewhere in the FATF Recommendations". Cette définition est purement opérationnelle car ainsi rien ne peut échapper au GAFI : tout ce qui est financier ou monétaire, quelque soit sa forme ou son support, sa forme traditionnelle ou une forme qui sera inventée demain, relève de sa compétence et, à travers une telle définition, des superviseurs nationaux. En Droit de la Compliance, et puisque c'est sur l'analyse des risques que tout est basé, l'idée est simple : rien ne doit échapper aux obligations et à la supervision. 

4. L'appréhension des plateformes est faite par le critère de l'activité, selon la méthode "fonctionnelle". Ainsi, sa supervision, voire sa régulation, et ses obligations de compliance, vont s'appliquer, suivant ce qu'elle fait, au Régulateur financier (si elle fait des ICO) ou à d'autres si elle n'utilise les tokens que comme instrument d'échange. Si elle en fait plusieurs usages, alors elle relèverait de plusieurs Régulateurs (critère rationae materie).

5. Le principe de "neutralité technologique" est un principe classique en Droit des télécommunications. L'on mesure ici  l'interférence entre les principes du Droit des télécommunications et le Droit financier, ce qui est logique puisque les crypto-objets financiers sont nés de la technologie digitale. Cette neutralité permet à la fois à l'innovation technologique de se développer et à la supervision de n'être pas entravée pour n'avoir pas prévu une technologie innovante apparaissant après l'adoption du texte. Là encore, l'efficacité de la Compliance et la gestion du risque sont servis, sans que l'innovation soit contrariée, ce que l'on oppose pourtant souvent. 

6. Ce qui est attendu des Autorités publiques nationales est une "interrégulation" très large. Celle-ci est à la fois "positive". En effet, cela engloble la matière financière mais encore la sécurité des réseaux (qui relève en France de l'ARCEP et de l'ANSSI)!footnote-1624, ou la protection des consommateurs!footnote-1625. On peut la qualifier d'interrégulation d'équilibre en ce que tous les buts convergent. Mais cela relève aussi d'une "interrégulation" que l'on peut qualifier d'équilibre. En effet, le GAFI se soucie de la protection des données personnelles. Or, là il souligne que l'efficacité du système de Compliance doit s'arrêter. Mais la protection des données personnelles est aussi du Droit de la Compliance .... C'est là un des enjeux majeurs à l'avenir : l'équilibre entre la sécurité et la lutte contre les maux globaux (ici la lutte contre le blanchiment et le terrorisme) et la protection de la vie privée des personnes, car les deux relèvent de la Compliance, mais les deux ont des effets juridiques contraires : l'un la transmission de l'information, et l'autre le secret de l'information. 

 

23 juin 2019

JoRC

Le système de l'Union Bancaire est basé sur la supervision autant que sur la régulation : elle porte sur les opérateurs autant que sur les structures du secteur, puisque les opérateurs "tiennent" le secteurs. 

C'est pourquoi le "régulateur - superviseur" tient les opérateurs par la supervision et est proche de ceux-ci.

Il les rencontre officiellement et dans des rapports de "droit souple". Cela est d'autant plus nécessaire que la distinction entre l'Ex Ante et l'Ex Post doit être nuancée, en ce que son application trop rigide, en ce qu'elle suppose un temps long (d'abord poser les règles, puis les appliquer, puis constater un écart, puis le réparer) n'est pas de mise si le système a pour but la prévention des crises systémiques, dont la survenance a pour cause des risques logés dans les opérateurs.

C'est pourquoi l'organe en charge de "résoudre" les difficultés des banques rencontre les banques, afin de s'assurer qu'elles soient en permanence "résolvables", afin que l'hypothèse de leur résolution ne se pose jamais. C'est tout l'enjeu de ce système : qu'il soit toujours prêt à ne jamais fonctionner, mais que tout soit prêt pour une réussite totale. 

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Au sein de l'Union bancaire, l'Organe Unique de Résolution (le Single Resolution Board -SRB), qui au sein de l'Union Bancaire est en charge de "résoudre" les difficultés des banques systémiques européennes en difficulté, constitue le deuxième pilier de l'Union bancaire. Le premier est constitué par la prévention de ces difficultés et le troisième par la garantie des dépôts. La résolution relèverait donc plutôt de l'Ex Post. 

Mais dans ce continuum entre l'Ex Ante et l'Ex Post, le SRB n'attend pas passivement - comme le ferait un juge traditionnel - que le dossier de la banque en difficulté lui parvienne. Comme un superviseur - ce qui le rapproche du premier organe du système, celui qui supervise l'ensemble des banques, il est en contact direct avec l'ensemble des banques, et il aborde l'hypothèse d'une banque par une perspective systèmique :, c'est  donc à l'ensemble du système bancaire que l'organe s'adresse. 

A ce titre, il organise des rencontres, là où il est lui-même situé : à Bruxelles.

Ainsi, le 18 juin 2019, l'ensemble des banques sont venues discuter avec le Single Resolution Board pour lui faire savoir ce que celui-ci attend des banques, dans ce qui est qualifié de "rencontre de dialogue"

Pour résoudre en Ex Post les difficultés d'une banque, il faut que celle-ci présente une qualité (notion que l'on connait peu en droit commun des procédures collectives) : la "résolvabilité". Comment la construire ? Qui la construit ? Dans sa conception même et dans son application, banque par banque.

Pour l'organe de résolution vis-à-vis de l'ensemble des acteurs du secteur bancaire et financier, c'est clair : “Working together” is crucial in building resolvability". 

Dans la projection qui est faite, il est affirmé qu'il ne peut y avoir de résolution réussi que si l'opérateur en difficulté n'est pas privé de l'accès à ce qui le fait vivre, c'est-à-dire le système bancaire et financier lui-même, et plus particulièrement les "infrastructures de marché" (Financial Market Infrastructures), par exemple les services de paiement. 

Le Single Resolution Board attend-il des engagements spontanés des FMIs pour un tel "droit d'accès" ? Dans ce cas, comme le dit le SRB ce droit d'accès correspondant à des "fonctions critiques" pour une banque, la situation de mise en résolution ne peut justifier la fermeture du service. 

Par nature, ces opérateurs cruciaux sont des entités qui relèvent de régulateurs qui les supervisent. Qui fait respecter - et immédiatement - ce droit d'accès ? Quand on peut penser que c'est tout le monde, cela risque de n'être personne.... C'est pourquoi l'organe de résolution, relayant en cela une préoccupation du Financial Stability Board , souligne qu'il faut articuler les superviseurs, les régulateurs et les "résolveurs" entre eux. 

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A lire ce programme, puisqu'il s'agit d'un programme de travail proposé au secteur bancaire, l'on peut faire quatre observations : 

1. Nous allons de plus en plus vers un intermaillage général (qui va peut-être suppléer l'absence d'Etat mondial, car c'est toujours à des Autorités publiques que l'on se référe et non à de l'autorégulation) ;

2. Mais comme n'existe pas une Autorité politique pour garder ces gardiens, les entités qui articulent l'ensemble de ces diverses strutures publiques, ayant différentes fonctions, situées dans différents pays, agissant selon différentes temporalités, ce sont les entreprises elles-mêmes qui internalisent le souci qui anime ceux qui ont construit le système : ici la gestion du risque systèmique. C'est la définition de la Compliance, qui ramènent dans les entreprises, ici plus nettement celles qui gèrent les Infrastructures de Marchés, les obligations de Compliance (ici la gestion du risque systémique).

3. Même sans gardien, il y a toujours un recours. Cela sera donc le juge. Il y a déjà beaucoup, il y aura sans doute davantage encore dans un système de ce type, de plus en plus complexe, l'articulation des contentieux étant parfois appelée "dialogue". Et c'est sans doute des "grands arrêts" qui fixeront les principes communs à l'ensemble de tant d'organismes particuliers. 

4. L'on voit alors se dessiner, et au-delà de la Compliance bancaire des mécanismes Ex Ante de solidité des systèmes, et de solidité des acteurs dans les systèmes, puis de la résolution Ex Post des difficultés d'acteurs en fonction de l'accès à la solidité des infrastructures de ces systèmes, qui dépendent in fine des juges (dans l'ensemble de l'Occident) face à des zones où l'ensemble de tout cela dépend nettement moins du juge :  le reste du monde. 

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20 juin 2019

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Analyse des blockchains au regard des usages qu'elles peuvent remplir et des fonctions que les officiers ministériels doivent assurer, in Revue Défrenois, Lextenso, n°25, 20 juin 2019, pp. 23-29.

 

Résumé : La blockchain est une technologie qui n'est pas, en soir, bonne ou mauvaise. Elle est plus ou moins adaptée aux fonctions qu'elle est apte à remplir. Ce qu'il faut ensuite confronter aux fonctions que l'État a dévolues aux officiers ministériels. Or, autant les fonctions de conservation et de duplication des actes gagnent à être transférées et développées dans cette technologie, autant la fonction d'élaboration des instrumentums ne peut être assumée que par des officiers ministériels auxquels l'État demande de vérifier la correspondance entre les mentions des instrumentums et la réalité des négotiums, ce que seuls des êtres humains peuvent mener et ce qu'aucune machine ne peut faire.

 

Lire l'article.

 

Lire le document de travail ayant servi de base à l'article publié, document de travail bilingue comprenant des notes de bas de page, des références techniques et de liens hypertextes.

18 juin 2019

Organisation de manifestations scientifiques

Comme les précédents cycles consacrés au thème général de la Compliance et visant à construire un "Droit de la Compliance", ayant vocation comme eux à être publiés dans la série Régulation & Compliance, coéditée entre le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et les Éditions Dalloz, ce cycle prend un aspect particulier de cette branche du Droit en train d'être inventée, qui s'est appliqué avant même d'avoir été conçu. Puisque le pragmatisme a précédé, voire a prévalu, le thème retenu cette année est : Les outils de la Compliance.

Ceux-ci sont très divers, non seulement entre eux mais selon les secteurs dans lesquels ils se déploient ou selon les zones géographiques dans lesquelles ils sont appliqués. Il convient de les appréhender en dépassant la description de l'instrument littéralement montré, tels que les textes ou les promoteurs le montrent, sans monter immédiatement vers de trop grandes généralités. C'est pourquoi certaines conférences vont porter sur des mécanismes spécifiques bien identifiés, comme la cartographie des risques ou le lancement d'alerte. Elles pourront prendre aussi comme sujet la façon dont le Droit de la Compliance utilise des outils plus généraux pour parvenir à ses fins, comme les actions en justice, les incitations ou les nouvelles technologies. Cela permettra de problématiser des difficultés plus nettement perceptibles dans le Droit de la Compliance comme celles de l'adéquation ou l'inadéquation de la contrainte par rapport aux buts, de la prise en considération ou non de la géographie juridique et politique, de l'articulation ou non des outils entre eux.

Ces diverses conférences auront lieu dans plusieurs lieux, selon la part prise par les différentes structures universitaires qui cette année apportent leur concours au Journal of Regulation & Compliance (JoRC) pour la réalisation du cycle. Il en résultera deux ouvrages, l'un en langue française : Les outils de la Compliance, l'autre en langue anglaise : Compliance Tools. 

Ce cycle de conférences Les outils de la Compliance débutera en novembre 2019 et se prolongera jusqu'en juin 2020.

 

 

Le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) bénéficie de la collaboration de : 

 

 

Le cycle est soutenu par :

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