Matières à Réflexions

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), La jurisprudence, tome 30, ed. Sirey, 1985, 444 p.

 

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), La laïcité, tome 48, Dalloz, 2005, 519 p.

 

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète Fox, E., The new world order, in Mélanges Joël Monéger, Liber Amicorum en l'honneur du Professeur Joël Monéger, LexisNexis, 2017, 818 p.  

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Le droit et l'immatériel, tome 43, ed. Sirey, 1999, 521 p.

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Juridiquement, l’État est un sujet de droit public qui se définit par un territoire, un peuple et des institutions. Il agit dans l'espace international et émet des normes. Politiquement, il a la légitimité requise pour exprimer la volonté du corps social et exercer la violence dont il prive les autres sujets de droit. Il est souvent été reconnaissable par sa puissance :  son usage de force publique, sa puissance budgétairesa puissance juridictionnelle. Ces trois puissances déclinant ou étant concurrencées par des mécanismes privés, internationaux et donnant davantage satisfaction, l'on a prédit la disparition de l’État, pour la déplorer ou pour danser sur son cadavre.

Avec un tel arrière-plan, dans les théories actuelles de la Régulation , principalement construits par la pensé économique et à première vue l'on pourrait dire que l’État est avant-tout l'ennemi. Et cela pour deux raisons principales. La première est théorique et de nature négative. Les tenants de la théorie de la Régulation dénient à l’État les qualités politiques énoncées ci-dessus. L’État ne serait pas un "être" mais bien plutôt un groupe d'individus, fonctionnaires, élus et autres êtres humains concrets, n'exprimant rien d'autres que leurs intérêts particuliers, venant en conflit avec d'autres intérêts, et utilisant leurs pouvoirs pour servir les premiers plutôt que les seconds comme tout un chacun. La théorie de la Régulation, jouxtant ici la théorie de l'agence, a alors pour fin de contrôler les agents publics et les élus dans lesquels il n'y a pas de raison de faire confiance a priori.

La seconde est pratique et de nature positive. L’État ne serait pas une "personne", mais une organisation. L'on retrouve ici la même perspective que pour la notion d'entreprise, que les juristes conçoivent comme une personne ou un groupe de personnes tandis que les économistes qui conçoivent le monde à travers le marché la représente comme une organisation. L’État comme une organisation devrait être "efficace", voire "optimal". C'est alors la fonction pragmatique du Droit de la Régulation. Or, lorsqu'il est régi par le droit traditionnel, empêtré par les illusions quasiment religieuses de l'intérêt général, voire du contrat social, il est sous-optimal. Il s'agit de le rendre plus efficace.

Pour cela, en tant qu'organisation, l’État est notamment découpé, en agences ou en autorités administratives indépendantes, régulateurs qui gèrent au plus proche les sujets, ce qui pour effet heureux de diminuer l'asymétrie d'information et de faire renaître la confiance dans un lien direct. L’État unitaire, distant et sûr de lui est abandonné pour une conception souple et pragmatique d'un État stratège qui aurait enfin compris qu'il est une organisation comme une autre...

Le Droit de la concurrence adopte cette conception de l’État, dont il a posé dès le départ qu'il était un opérateur économique comme un autre. C'est ainsi qu'est souvent présentée une conception qui serait plus "neutre" du monde.

Les crises successives, qu'elles soient sanitaires ou financières, ont produit un effet de balancier.

L'on crédite de nouveau les notions d'intérêt général ou de biens communs d'un valeur autonome et la nécessité de dépasser les intérêts immédiats et de trouver des personnes pour porter des intérêts supérieurs ou de prendre en charge les intérêts d'autrui, même un autrui non immédiat, s'est fait jour.

Ainsi, l’État ou l'autorité publique, réapparaît dans la mondialisation. Le Droit de la Compliance ou la Responsabilité sociétale des entreprises cruciales sont en train de converger vers une considération de l’État, qui ne peut être réduit à une pure et simple organisation réceptacle des externalités.

 

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Le légicentrisme exprime avant tout une bataille de normes, puisque cette doctrine pose que la loi est la seule et unique expression de la souveraineté de la Nation. En cela, la loi dispose d'une autorité indépassable et c'est elle qui fonde l'État légal.

Ainsi, si l'on devait donner une figure au système juridique, ce serait un cercle avec en son cœur d'une façon unique la loi souveraine, à la fois autosuffisante dans son fondement (souveraineté) et dans sa production (principe de légalité).

Cette conception moniste (unité de la loi) a pour principale source la philosophie politique de Jean-Jacques Rousseau, c'est encore sur celui-ci que la France conserve le principe de souveraineté parlementaire (le Gouvernement est responsable devant le Parlement) et de souveraineté de la loi. Mais depuis la Révolution française, les esprits et les faits ont changé.

Ainsi, s'est construite une doctrine inverse : le "pluralisme juridique" qui pose en contradiction que le droit vient de nombreuses sources, comme la coutume, les pratiques, les jugements, etc. Il n'est pas étonnant que les auteurs qui affirment le pluralisme juridique ne viennent pas de la philosophie politique mais davantage de la sociologie comme Gurvitch ou Carbonnier.

En outre, les frontières nationales ont perdu de leur consistance, de fait et de droit. C'est pourquoi un auteur comme Mireille Delmas-Marty s'appuie sur le fait même de la construction de l'Europe des droits de l'homme d'une part et de la globalisation d'autre part pour affirmer que le légicentrisme a fait place à un pluralisme juridique généralisé.

Cependant, en droit positif les textes restent les mêmes. C'est ainsi que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, dispose de la loi que "la loi est l'expression de la volonté générale".

De la même façon, l'article 5 du Code civil continue d'interdire au juge de rendre des jugements contraignants pour d'autres cas que celui particulier sur lequel il se prononce.

Cette permanence des textes les plus gradés, à savoir l'article 5 du Code civil et l'article 6 de la déclaration pose de nombreux problèmes aux juges. En effet, depuis l'arrêt du Tribunal des conflits Blanco, le droit administratif n'est plus lié par ce qui est posé par le Code civil et sans doute la puissance normative du Conseil d'Etat s'exprime plus ouvertement que celle de la Cour de cassation, qui feint de ne rendre que des arrêts de principe pour pouvoir affirmer qu'elle ne rend pas d'arrêt de règlement.

D'une façon plus complexe, le Conseil constitutionnel rappelle régulièrement que certes il est le gardien de la norme constitutionnelle supérieure à la loi mais quand le même temps, seul le législateur, puisque celui est le souverain, peut exprimer la volonté générale, ce à quoi le Conseil constitutionnel ne peut se substituer.

Mais le Droit de l'Union européenne, qui constitue un Ordre juridique à la fois autonome et dont les normes sont pourtant intégrées dans les ordres juridiques des Etats-membres, rend difficilement soutenable la conception du légicentrisme. Y a succédée une hiérarchie des normes complexes. Mais les fondements politiques de l'idée de légicentrisme alimente en grande partie l'hostilité à l'égard de l'Europe, aussi bien celle de l'Union que celle de la CEDH.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Droit et science, tome 36, ed. Sirey, 1991, 418 p.

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La notion de "biens communs" renvoie à une conception politique en ce qu'ils visent des biens objectivement marchands comme les biens culturels ou les prestations médicales mais dont la collectivité va poser que chacun doit y avoir accès alors même que l'individu n’a pas les moyens d’en payer le prix exact. C’est alors le contribuable - présent ou futur - ou les partenaires sociaux qui en supporteront le coût, voire certaines entreprises par le mécanisme de "responsabilité sociétale".

Cette protection des biens communs peut être faite par l’État, au nom de l'intérêt du groupe social dont il a la charge et dont il exprime la volonté, à travers notamment la notion d'intérêt général. Dans ce cadre aujourd'hui restreint que représente l’État, une telle référence se heurte au principe de concurrence. Cela est particulièrement net en Europe, qui repose sur une Union construite sur un ordre juridique autonome et intégré dans les États-membres dans lequel la concurrence continue d'avoir valeur de principe et bénéficie du mécanisme de la hiérarchie des normes. L'évolution du droit européen a mis en équilibre le principe de concurrence avec d'autres principes, comme celui de la gestion des risques systémiques, par exemple sanitaires, financiers ou environnementaux et la création de l'Union bancaire montre que le principe de concurrence n'est plus faîtier dans le système européen.

Mais l'on en reste encore à une conception économique et financière de l'Europe que la définition du Droit de la Régulation, lorsqu'on le restreint à la gestion des défaillances de marché alimente. Il est concevable que l'Europe évolue un jour vers une conception plus humaniste de la Régulation, celle-là même que les États européens pratiquent et défendent, notamment à travers la notion de service public. Les services publics concrétisent l'accès de chacun à des biens communs, comme l'éducation, la santé ou la culture.

Paradoxalement, alors même que le Droit ne se met guère en place à l'échelle mondiale, c'est à ce niveau-là que la notion juridique de "biens communs" s'est développée.

Lorsqu'on se réfère à des biens que l'on dit "biens globaux", on vise alors des biens qui sont communs à l'humanité, comme les océans ou les civilisations. C'est tout à la fois le cœur de la nature et le coeur de l'être humain, ce qui plonge le plus dans le passé et le futur. Paradoxalement, la notion de "biens globaux" est plus encore politique en substance mais faute de gouvernement politique mondial, leur protection effective est difficile, leur consécration politique ne pouvant être effective que nationalement ou que simplement déclaratoire internationalement. C’est pourquoi, cet équilibre à leur bénéfice ne s’opère pour l’instant qu’à l’échelle nationale, ce qui renvoie à la difficulté de la régulation de la mondialisation.

Ainsi, les "biens communs" existent juridiquement davantage sous leur face noire : les "maux globaux", contre lesquels un "Droit global" se met effectivement en place. La notion des "maux globaux" constitue une sorte de miroir des biens communs. On observe alors que les pays qui développent des discours juridiques de régulation des maux globaux et des biens globaux déploient de ce fait un droit national unilatéral mondial. C'est le cas des États-Unis, notamment en régulation financière ou plus largement à travers le Droit de la Compliance en train de naître. Les entreprises y ont leur rôle à jouer, notamment à travers les Codes de conduite et la Responsabilité sociétale.

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), L'impôt, tome 46, Dalloz, 2002, 547 p.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), L'obligation, tome 44, Dalloz, 2000, 525 p.

 

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Référence complète : Marcou, G., L'ordre public économique aujourd'hui. Un essai de redéfinition, in, Revet, TH. et Vidal, L. Annales de la régulation, IRJS, 2009, p.79 et s.

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), L'argent et le droit, tome 42, ed. Sirey, 1998, 465 p.

 

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Référence complète : Gibert, M., Faire la morale aux robots. Une introduction à l'éthique des algorithmesFlammarion, 2021, 168 p.

 

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Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

D’une façon paradoxale, la notion de conflit d’intérêts semble n'être mise au centre du droit que récemment en Droit économique, aussi bien en Droit des sociétés qu'en Droit public. Cela tient à la philosophie qui anime ces deux branches du Droit, très différentes pour chacune, et qui a changé dans chacune.

En effet et pour commencer par le Droit public, dans la tradition française, du côté de l‘État, celui qui le sert  par une sorte d'effet naturel fait passer l’intérêt général incarné par l’État avant son intérêt personnel : il y a certes une opposition d’intérêts, à savoir l’intérêt personnel de l’agent public qui voudrait par exemple travailler moins et gagner plus, et l’intérêt commun de la population, qui voudrait payer moins d’impôts et par exemple bénéficier de trains qui arrivent toujours à l’heure et l'intérêt général qui serait par exemple la construction d'un réseau ferroviaire européen.

Mais ce conflit serait résolu "naturellement" car l’agent public, ayant « le sens de l’intérêt général » et étant animé par le "sens du service public", se sacrifie pour servir l’intérêt général. Il reste tard à son bureau et fait arriver les trains à l’heure. Cette théorie du service public était l’héritage de la Royauté, système dans lequel le Roi est au service du Peuple, comme l’aristocratie, au "service du Roi". Il ne pourrait donc y avoir de conflit d’intérêts, ni dans l’administration ni dans les entreprises publiques, ni à observer, ni à gérer ni à dissoudre. La question ne se pose pas...

Prenons maintenant du côté des entreprises, vues par le Droit des sociétés. Dans la conception classique de celui-ci, les mandataires sociaux sont nécessairement associés de la société et les bénéfices sont obligatoirement répartis entre tous les associés : le contrat de société est un « contrat d’intérêt commun ». Ainsi, le mandataire social travaille en sachant que les fruits de ses efforts lui reviendront à travers les bénéfices qu’il recevra en tant qu’associé. Quel que soit son égoïsme - et il faut même que le mandataire le soit, ce mécanisme produit la satisfaction de tous les autres associés qui mécaniquement recevront aussi en partage les bénéfices. L'égoïsme est bien le moteur  du système, comme dans la théorie classique du marché et de la concurrence. Ainsi, dans le mécanisme sociétaire, il n’y a jamais de conflit d’intérêt dès l’instant où le mandataire social est obligatoirement associé : il travaillera toujours dans l’intérêt des associés puisqu’en cela il travaille pour lui-même. Comme le Droit des sociétés pose que la perte de la société sera aussi encourue et subie par tous les associés, il évitera également cette perspective.. Là encore, il n'est besoin d'aucun contrôle. La question d'un conflit d'intérêt entre le mandataire et ceux qui l'ont conféré cette fonction ne se pose structurellement pas.

Ces deux représentations se sont révélées toutes deux inexactes. Elles étaient basées sur des philosophies certes différentes - l'agent public étant censé dépassé son intérêt propre, le mandataire social étant censé servir l'intérêt commun ou l'intérêt social par souci de son intérêt propre - mais c'est un raisonnement unique que ces deux représentations ont été défaites.

Prenons la première portant sur le Droit public : le « sens de l’État » n’est pas à ce point partagé dans l’administration et les entreprises publiques, que les personnes qui y travaillent se sacrifient pour le groupe social. Ce sont des êtres humains comme les autres. Des chercheurs en économie et en finance, par un réflexion élémentaire de soupçon, qui ont fait voler en éclat ces représentations politiques et juridiques. Plus particulièrement, on a constaté que le train de vie institutionnel des entreprises publiques, très proches du gouvernement et de leurs dirigeants, était souvent peu justifié alors qu'il est payé par le contribuable, c'est-à-dire par le groupe social qu’elles prétendaient servir. L’Europe, en affirmant dans le Traité de Rome le principe de "neutralité du capital des entreprises", c’est-a-dire l’indifférence au fait que l’entreprise ait pour actionnaire une personne privée ou une personne publique, a validé cette absence de dépassement de son intérêt particulier par le serviteur de l’État, devenu simple agent économique. Cela a permis de rejoindre le constat fait pour le Droit des sociétés.

La désillusion y fut de même ampleur. Il a été observé que le mandataire social, être humain ordinaire, n'est pas dévoué à l'entreprise et n’a pas pour seul avantage des bénéfices qu’il recevra plus tard comme associé. Il en reçoit parfois très peu alors il peut recevoir de très multiples avantages (financiers, pécuniaire ou en nature, indirects ou indirects). Les autres associés voient leur bénéfice diminuer d’autant. Ils sont ainsi en conflit d’intérêts. Plus encore, le mandataire social a été élu par l’assemblée des actionnaires, c'est-à-dire concrètement, l’actionnaire majoritaire ou l’actionnaire « contrôlaire » (actionnaire de contrôle) et non par tous. Il peut même n'être pas associé ("haut dirigeant").

Le fait même que la situation ne soit plus qualifiée par des juristes, à travers les qualifications du Droit classique des sociétés, empruntant encore au Droit civil des contrats, les qualifications provenant davantage des théories financiers, empruntant à la théorie de l'agence, a changé radicalement la perspective. Les présupposés ont été inversés : par un même "effet de nature", le conflit d’intérêts a été dévoilé comme existant structurellement entre le dirigeant, le "manager" et l’actionnaire minoritaire. L’actionnaire minoritaire n’ayant pas le pouvoir de fait de révoquer le mandataire social puisqu’il ne dispose pas de la majorité des droits de vote, la question ne se pose même plus de déterminer si le dirigeant a ou n'a pas un statut sociétaire : l'actionnaire minoritaire ne dispose de que du pouvoir de céder ses titres, si la gestion du manager lui est défavorable (droit de sortie) ou de pouvoir de dire, de protester et de faire savoir. Cela suppose qu'il soit informé, ce qui va mettre au centre d'un nouveau droit des sociétés l'information, voire la transparence.

Ainsi, ce conflit d’intérêts trouve une solution dans la cession effective des titres, au-delà du principe juridique de négociabilité. C’est pourquoi si la société est cotée, le conflit d’intérêts se traduit dialectiquement dans un rapport entre le mandataire social et le marché financier qui, par sa liquidité, permet la sanction du mandataire, et assure par ailleurs l'information, le marché financier et l'actionnaire minoritaire devenant identiques. Le manager pourrait certes avoir le « sens de l’intérêt social », une sorte d’équivalent de sens de l’État, s’il a une déontologie, ce qui alimenterait une autorégulation. Peu de personnes croient à la réalité de cette hypothèse. Par pragmatisme, on admet plus volontiers que le manager préfèrera son intérêt à celui de l’actionnaire minoritaire. En effet, il peut servir son intérêt personnel plutôt que l’intérêt au service duquel un pouvoir lui a été donné grâce à la rente informationnelle dont il est doté, et à l’asymétrie d’information dont il bénéficie. Toute la régulation va intervenir pour réduire cette asymétrie d’information et en doter l’actionnaire minoritaire grâce au régulateur qui défend les intérêts du marché contre les mandataires sociaux, au besoin à travers du droit pénal. Mais la croyance dans la bénévolance des managers a repris vigueur récemment avec la corporate social responsability, cette responsabilité sociale de l'entreprise par laquelle les dirigeants expriment leur souci des autres.

Le repérage des conflits d’intérêts, leur prévention et leur gestion sont en train de transformer le Droit de la Régulation financière, puis le Droit commun de la Régulation, car aujourd’hui on ne croit plus a priori que les personnes dépassent leur intérêt personnel pour servir l’intérêt des autres. C'est peut-être pour retrouver une confiance, voire une sympathie, que les entreprises ont investi dans une responsabilité sociale. Celle-ci s'élabore par un droit qui fût tout d'abord très souple mais qui peut exprimer aussi un souci de l'intérêt général. En cela, elle peut rencontrer le Droit de la Compliance et exprimer de la part des entreprises un souci de l'intérêt général, si les entreprises en apportent la preuve.

Pour prendre un exemple de conflit d'intérêts qui ont débouché sur des changements juridiques consistant, il a été relevé la situation potentielle dangereuse des agences de notations lorsqu'elles sont à la fois payées par les banques, pour les conseiller et concevoir des produits, tout en étant la source des notations, principaux indices à partir desquels les investissements s’opèrent. Or les banques sont les premiers intermédiaires financiers. Ces conflits d'intérêts sont donc systémiquement dangereux. C'est pourquoi en Europe c'est l'ESMA qui exerce un contrôle sur ces agences de notation.

Le repérage des conflits d'intérêts, qui consiste le plus souvent à changer la façon dont on observe une situation - qui paraissait normal jusqu'au moment où l'on change de regard -, la perspective morale et la perspective juridique, la confiance que l'on a dans tel ou tel personnage de la vie modifiant ce regard, est aujourd'hui ce qui fait bouger le plus le Droit de la Régulation;

Cela est vrai du Droit public et du Droit des sociétés, saisis par le Droit de la Régulation, ici transformé par le Droit de la Compliance, notamment par les lanceurs d'alerte. Mais cela est également vrai que toutes les institutions politiques et des élus.

Car une règle se dégage : plus la notion de conflit d'intérêts devient centrale et plus il faut prendre acte que la confiance n'est plus donnée a priori, ni à une personne, ni à une fonction, ni à un mécanisme, ni à un système. La confiance n'est plus donnée qu'a posteriori dans des procédures alourdissant l'action, où l'on doit donner à voir en continu que l'on a mérité cette confiance.

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Référence complète : Bossuet, sermon De l’éminente dignité des pauvres, 1659.

Édité par Alain Supiot, 64 p. , Éditions Mille et un nuits, 2015.

Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

La distinction entre le "Droit public" et le "Droit privé" est importante. Dans les systèmes de droit continentaux, ou appelés encore de droit romano germanique,ou encore dits de Civil Law,  c'est même autour d'elle que les systèmes juridiques se construisent : c'est une distinction de base, une summa divisio. Dans les systèmes dits de Common Law, ou de droit anglo-américain, la distinction est moins fondamentale, mais elle demeure, justifiant notamment que les règles et les contentieux touchant l'administration appellent des règles particulières et soient appréhendés par des tribunaux spéciaux.

En principe, cette distinction a pour critère la nature des personnes dont la situation juridique est examinée. Est de "droit public" une situation juridique dans laquelle est impliquée une personne qui est elle-même de droit public : l’État, une collectivité locale, une entreprise publique, etc. C'est pour cela que et par exemple le contrat qui sera peut-être passé sera de droit public, le juge qui sera peut-être saisi sera une juridiction administrative. Si la situation n'implique pas une personne de droit public, alors elle sera régie par le Droit privé. Il y a mille exceptions mais c'est le principe de départ.

Deux remarques essentielles, porteuses de système de valeurs, expliquant que les systèmes de Civil Law et de Common Law vont de fait s'affronter.

Les deux corps de règles et d'institutions ne sont pas d'égale force car une des catégories est "fermée", correspondant à un critère, tandis que l'autre est ouverte : le critère est "la personne publique" : le Droit public est une catégorie fermée ; le Droit privé devient "actif" dès l'instant qu'il n'y a pas de personne publique, une "personne privée" devant se définir comme une personne non-publique.

L'on peut considérer cette articulation de deux façons, radicalement opposée. Il peut exprimer par le droit privé une marque d'infériorité : nous sommes toutes des personnes "ordinaires" dans des situations "ordinaires" ayant des activités "ordinaires" (cela sera la conception française ....), le Droit public étant la marque de l’État, de l'ordre public, de la souveraineté, de la puissance publique, de la volonté générale, dans les interstices desquels se glissent les individus pour agir et satisfaire leurs petits intérêts particuliers.  L'on peut considérer à l'inverse ce statut comme l'expression d'un "droit commun" : les personnes sont libres et font ce qu'elles veulent, grâce à la propriété et au contrat. Par exception et parce qu'elles ont élu des personnes pour ce faire, des gouvernants (qu'elles contrôlent) édictent par exception des normes qui les contraignent. Mais c'est une exception, la répression - le Droit public et le Droit pénal ayant à ce titre le même statut - n'étant qu'un hommage rendu à la liberté des personnes, cette liberté demeurant entière lorsqu'elle prend la forme de l'entreprise. 

L'on mesure alors que l'articulation entre le Droit public et le Droit privé traduit profondément une philosophie et une position politique. Si l'on estime que la Régulation est l'ordre sous-jacent par lequel le souverain permet le déploiement de ses sujets qui bénéficient par ailleurs d'une politique à long terme construite par la volonté politique autonome et mesurée, alors le Droit public en est le maître, le Droit de la Régulation exprimant une recherche renouvelée d'efficacité. Si l'on estime plutôt que la Régulation est ce par quoi la rationalité économique parvient à protéger les entreprises des risques et à pallier les défaillance de marché, marché dont le principe libéral demeure l'étalon, alors le Droit privé constitue la référence.

La France et les pays latins adhèrent plutôt à cette métaphysique des valeurs qui confie aux Autorités publiques et à l’État la légitimité et la puissance d'exprimer l'intérêt général par le Droit public, les Régulateurs et les Cours constitutionnelles, en l'exprimant sur une forme technique renouvelée par la Régulation : incitation, droit souple, etc. Les systèmes juridiques dont l'histoire puise dans l'histoire britannique font davantage confiance à la personne de l'entrepreneur et conçoivent la Régulation comme une externalisation efficace des fonctions sur des administrations que l'on veut efficaces, informées et impartiales.

Certes, dans le quotidien technique du Droit de la Régulation et suivant les secteurs  Droit public et Droit privé vont se mêler :: par exemple les entreprises publiques prennent la forme de sociétés cotées de droit privé ou bien des entreprises privées vont être chargées de missions de service public, les instituant Régulateurs de second degré comme le sont les gestionnaires de réseaux d'infrastructure.

Mais la conception fondamentale des systèmes, ancrée dans l'histoire des peuple, et la pratique se marient. Dans le silence des réglementations (et plus elles sont bavardes et plus le juge doit les interpréter, ce qui équivaut à un "silence"), quel sens donner au système ?

Pour ne prendre que quelques questions, fréquentes en pratique  : 

  • quel juge saisir ? Le juge administratif ou le juge judiciaire ? Quel est le "juge naturel" de la Régulation ?
  • Quelle norme appliquer ? La volonté contractuelle ? la volonté implicite du législateur ? Quel est l' "auteur naturel" du Droit de la Régulation ?
  • Le silence du texte veut-il interdiction d'agir pour les opérateurs ou au contraire veut-il possibilité d'agir pour ceux-ci ?

Le Tribunal des conflits doit souvent intervenir car les opérateurs ne savent pas s'ils doivent aller devant les juridictions administratives ou les juridictions judiciaires. Le Législateur ne les aide pas, qui affecte souvent les contentieux au hasard des lois successives. L'absence de définition ferme et partagée de ce qu'est le Droit de la régulation ne facilite pas la pratique. Les hésitations dans les traductions d'une langue à une autre accroissent les confusions.

Pour l'instant, l'on perçoit une tendance à faire relever du Droit public ce qui relevait naguère des monopoles publics quant aux opérateurs,à savoir les télécommunications, l'énergie, le ferroviaire, l'aérien et la poste, et de faire relever du Droit privé, ce qui relève depuis beaucoup plus longtemps d'une compétition entre opérateurs, à savoir la banque, la finance et l'assurance.

L'on conviendra que le critère de distinction n'a guère de rationalité économique. La notion de risque serait un critère plus clair et maniable. Mais il conduirait alors à remettre en cause plus fortement la distinction entre le Droit public et le Droit privé. Parce que le Droit de la Régulation, imprégné d'économie et d'Analyse économique du Droit, a parfois peu d'assise de tradition juridique, il est en train de remettre en cause cette summa divisio. S'il devait en être ainsi, c'est l'ensemble des systèmes juridiques qui en serait bouleversé, notamment dans son organisation juridictionnelle, puisqu'on distingue si fortement le juge judiciaire (celui des personnes "ordinaires", celui du "droit commun) et le juge administratif (le "juge naturel" de l’État). On mesure à cette occasion que le Droit de la Régulation remet en cause l'ensemble du Droit.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Le privé et le public, tome 41, ed. Sirey, 1997, 585 p.

 

Lire la quatrième de couverture.

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Référence complète : Lebovici, S., C'est pas juste, in Baranès, W. et Frison-Roche, M.-A., La justice. L'obligation impossible, coll. " Nos valeurs", Éditions Autrement, 1994, p. 16-27.

 

Consulter la présentation générale de l'ouvrage.

Consulter une analyse dans laquelle cet article est cité.

 

« Les étudiants de Sciences po peuvent lire l’article via le Drive de Sciences po en allant dans le dossier « MAFR – Régulation ».

Responsabilités éditoriales : Responsabilités éditoriales antérieures

Rédacteur en chef de la revue des Archives de Philosophie du Droit, Sirey puis Dalloz, 1993-2003.

Consulter les volumes dont Marie-Anne Frison-Roche s'est plus particulièrement occupée :

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Le procès, tome 39, ed. Sirey, 1995, 545 p.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Droit et économie, tome 37, ed. Sirey, 1992, 426 p.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Droit et religion, tome 38, ed. Sirey, 1993, 397 p.

 

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Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), Le droit international, tome 32, ed. Sirey, 1987, 442 p.

 

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Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Archives de Philosophie du Droit (APD), La création du droit par le juge, tome 50, Dalloz, 2007, 471 p.

 

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