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Mise à jour : 27 mai 2019 (Rédaction initiale : 13 mai 2019 )

Publications

Ce document de travail a été fait en premier lieu pour servir de support à la participation à la conférence  L'officier ministériel est-il soluble dans la blockchain ? , qui s'est tenu au "Club du Droit" , au Conseil supérieur du Notariat le 14 mai 2019.

Consulter la présentation générale de la conférence.

Puis sous une forme approfondie, il sert de base à l'article publié dans la Revue Defrénois.

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Introduction et résumé.

L'analyse technique de la confrontation entre l'outil que constitue la blockchain!footnote-1594 et les fonctions que doivent assurer les "officiers ministériels"!footnote-1542, doit permettre de déduire l'usage que les officiers ministériels ont vocation à faire des blockchains.

Pour cela, il est nécessaire de garder à l'esprit cette distinction si simple : la blockchain est un outil, une chose, un dispositif mécanique, un ensemble d'algorithmes, une mécanique renvoyant à des capacités mathématiques basées sur la maîtrise et le maniement des chiffres et des cryptages, tandis que l'officier ministériel est un être humain.

Cela renvoie à la distinction que le système juridique occidental, qu'il soit de Civil Law ou de Common Law, pose comme summa divisio : la distinction entre les êtres humains et les choses. Cette distinction première est formulée pour que l'on ne traite pas les êtres humains comme des choses, impossibilité produite puisqu'ils sont qualifiés de "personnes"!footnote-1584. Il ne s'agit pas d'une idée naturelle, car si l'occasion se présente nous serions bien enclins à traiter l'autre être humain comme une chose.  Cela serait à la fois si agréable et si efficace : la tendance en est naturelle à la fois à titre individuel (agrément) et pour le système (efficacité).

Mais le Droit, dans son premier principe qui oppose la "personne" et les "choses", rendant les choses disponibles à la personne et la personne indisponible, s'y oppose, afin d'empecher celui qui n'aurait les moyens d'être un loup pour l'autre. Locke a soutenu que c'est la ratio legis de la société. Cette raison de nature politique implique que cette distinction entre la personne et les choses demeure très claire. Aujourd'hui, l'on tente à tout instant de nous la faire oublier. 

Pour que cette distinction essentielle demeure effective, non seulement il ne faut pas que l'on imagine des êtres humains comme des choses (réduites à leur corps, par exemple, ou réduites à des actes mécaniques de consommation!footnote-1543), ainsi qu'est  notamment décrit et dénoncé par Alain Supiot dans ses ouvrages successifs!footnote-1582, mais il ne faut pas non plus que,  notamment par un vocabulaire imaginé, l'on représente des choses comme agissant comme des personnes, alors qu'il ne s'agit que d'outils.

Or la technologie nous représente de plus en plus des choses à formes et à réactions anthromophormiques, à travers des robots qui nous "parlent", des machines "intelligentes", des algorithmes qui "apprennent", etc. Le succès économique des promoteurs de machines, et autres robots à forme humaine, des solutions mécaniques présentées comme "intelligentes" repose sur l'oubli de la distinction de la personne et des choses. Nous pourrions alors acheter des machines qui nous aiment, qui nous apprennent, qui nous éduquent, qui soient nos maîtres. Ainsi l'aphorisme des promoteurs de ce que l'on appelle d'une façon imagée "l'intelligence artificielle", "The code is Law" (le code binaire de la formule mathétique est la loi, tout doit être automatique, la réglementation devant suivre sans troubler cette automaticité) aura balayé le précepte de Portalis : "Les lois sont faites pour les hommes et non les hommes pour les lois". 

Il est certes possible d'effacer cettte distinction entre la personne et les choses de notre système de pensée, puisqu'il ne s'agit ni d'une distinction naturelle ni d'une distinction évidente. La difficulté est qu'elle est la base du Droit occidental!footnote-1583 et qu'il y a de fortes raisons de la conserver car c'est ce qui protége l'être humain faible contre l'injustice, ce qui lui permet de participer à l'ordre général et à l'organisation de la société, d'éviter un ordre construit sur un pur rapport de force, lequel ne peut que conduire à de la violence.

C'est cet arrière-plan là qui se joue dans l'insertion des blockchains et autres technologies, en ce qu'elles impliquent de concevoir d'une autre manière la façon dont les différentes professions doivent exercer aujourd'hui leurs fonctions. Si ces outils sont conformes à ces fonctions, voire les améliorent, les professionnels doivent les accueillir sans réserve, voire participer directement à leur développement. Si ces outils ne sont pas aptes à remplir certaines fonctions confiées à ces professionnels, et qu'il s'avère que ces fonctions sont nécessaires, voire essentiels, alors il faut a fortiori veiller à ce que, par inadvertance ou malignité, ces fonctions-là ne sont insérés dans une blockchain, dont la capacité de conservation et de fiabilité n'équivaut en rien à une capacité de penser. Une machine ne pense pas.

C'est pourquoi il faut partir des fonctions, en distinguer la fonction technique de conservation des actes,  la fonction technique de duplication des actes et la fonction d'élaboration des actes qui ne peut se réduire à cela (I).

Il apparaît qu'à supposer la fiabilité de conservation et duplication acquise, dès l'instant qu'il y a une part d'élaboration dans l'acte, une intervention humaine doit avoir lieu car une machine est inapte à effectuer les vérifications nécéssaire. L'on retrouve ici la distinction entre le negotium retranscrit, cette retranscription n'étant jamais mécanique, et l'instrumentum lui-même qui, scindé de ce qui l'a fait naître peut être soumis à des technologies duplicatives et de conservation à ce point efficaces que les notions d'original et de copie pourraient être remises en question en raison de la fiabilité de la blockchain (II).

Ainsi la blockchain est une technologie efficace sur les instrumentums comme actes scindés des negotiums , ce qui est une révolution profonde. Mais cette technologie ne peut en rien  garantir la correspondance entre le negotium et l'instrumental. La fiabilité ainsi apportée dans la conservation, la disponibilité et la duplication à l'infini des instrumentums, est non seulement extrêmement utile mais ne contredit en rien l'office des officiers ministériels. Cette fiabilité technologique justifie que les officiers ministériels l'intègrent et la favorisent. Mais la fonction de ceux-ci ne se limite pas à être des conservateurs et des duplicateurs. Nous ne passons pas du moine copiste à la blockchain. Leur principal office est de vérifier l'exactitude des mentions de l'instrumentum par rapport à la réalité du negotium.Cette assurance d'exactitude par rapport à la réalité est si précieuse dans une économie de marché !footnote-1585. L'officier ministériel le fait en tant qu'être humain, tandis qu'une machine ne peut ni vérifier cette correspondance, ni conseiller les parties - notamment pas la partie faible dans le negotium.  Or, le Droit a pour fonction de protéger les personnes. C'est une des raisons fondamentales pour laquelle il a opposé la "personne", toujours considérée dans sa singularité, et les choses, catégorie dont les machines doivent continuer de relever. C'est pourquoi l’État - qui n'a jamais ignoré l'efficacité des techniques de "décentralisation" - s'est décentralisé dans son office et son pouvoir via dans des officiers ministériels, afin qu'ils dressent d'une façon autonome des actes qui racontent ce qui s'est passé (instrumentum), l'acte correspondant à la réalité objective des transactions (leur objet) aussi bien qu'à leur réalité subjective (consentement). Si l'on choisit de ne plus confier cela à des êtres humains porteurs de cette fonction-là, pour laquelle une machine est inapte, cela serait un choix politique (III).

Cela serait le choix d'un marché très liquide et sans sécurité :sans intermédiaire, sans coût en ex ante, sans garantie, sans considération du long terme. Pourquoi pas. Cela produit des économies immédiates, comme le fait toute désintermédiation. Cela fut fait par le Droit américain, notamment pour les prêts immobiliers, recopiés par quiconque sans vérification, puis retranscrits et découpés des millions de fois dans des subprimes. Le réajustement entre ce qui est marqué sur le titre et ce qui est la réalité des choses s'opère sur le long terme, en ex post, par une crise, qui restaure les informations.  Elle arriva en 2008. Pour l'instant, ce choix politique n'est pas fait par le Droit européen, le souci de sécurité dans le lien d'exactitude entre les biens, les volontés, et les titres qui en parlent (éboration des actes) est préféré. Cela tient au fait que l'Europe a été le principal payeur de la crise financière née aux Etats-Unis et que l'Europe distingue l'aptitude humaine et l'aptitude mécanique. 

Une fois que cette distinction est clairement opérée, parce que l'élaboration d'un acte doit être faite par l'officier ministériel, être humain investi par l’État de la charge particulière d’assurer l'exactitude des mentions de l'acte avec la réalité des personnes, des volontés, des obligations et des biens, il est d'autant plus opportun que les officiers ministériels s'organisent pour développer la technologie des blockchains. En effet, une fois que cet acte élaboré d'une façon fiable, et méritant à ce titre d'être authentique, en raison du continuum entre élaboration, conservation et duplication, parce que c'est aux officiers ministériels d'élaborer les actes les plus incontestablement fiables, c'est à eux de se doter des moyens technologiques de les conserver et de dupliquer efficacement (IV). 

23 mai 2019

droit illustré

Lorsqu'on veut évoquer la justice, les procès, la prison, le rôle et les devoirs des avocats tels que le cinéma nous les représente, l'on se refère assez peu souvent le film réalisé en 1991 par Martin Scorsese, Cape Fear (Les nerfs à vif, dans sa version française).

 

C'est pourtant le sujet.  

 

 

Il est vrai que lorsqu'on parle de ce film, c'est souvent peu sous son angle juridique. Et c'est sous cet angle-là que Martin Scorsese, qui a le goût du documentaire (cf Hugo Cabret) va le prendre, ce qui lui donne du coup un aspect beaucoup plus théâtral que ne l'a la première version qu'en donna le film (dans lequel jouait déjà Grégory Peck, auquel le cinéaste cinéphile redonne un petit rôle dans la nouvelle version transfigurée).

 

Car un procès pénal c'est avant tout du théâtre : faire acquitter un coupable, n'est-ce pas le rôle d'un avocat, qui dira le contraire de la vérité, qui racontera des histoires au jury ? L'avocat qui peut techniquement le faire, qui a les moyens de présenter la victime comme celle qui méritait son sort et obtenir ainsi que son ignoble client sort libre de la salle de spectacle, et ne le fait pas parce que son client a commis un crime trop abject ne mérite-t-il pas sanction professionnelle, ne mérite-t-il pas d' "apprendre à perdre" ? C'est le sujet du film.

Car "la vérité" dans un procès, qui s'en soucie vraiment ? Clouzot lui-aussi dressa de la scène judiciaire un tableau assasin sous le titre le plus cruel qui soit : "La vérité" :

 

L'avocat doit défendre le coupable, puisqu'il doit défendre tous. C'est aussi cela, la leçon du Procès de Nuremberg.

Dans ce film, la personne poursuivie était coupable. D'un crime horrible. L'avocat eut entre les mains une pièce lui permettant, en raison des us et coutumes des jurys aux Etats-Unis dans cet Etat-là, d'obtenir l'acquittement. Mais moralement, l'avocat cacha cette pièce, pour que son horrible client n'échappe pas au devoir de payer sa faute. Il préféra une stratégie de défense permettant à l'accusé d'éviter la prison à vie, voire la peine de mort, grâce à une requalification des faits, mais ce qui envoya l'accusé 14 ans en prison. 

14 ans durant lesquels le condamné apprit non seulement à lire, mais encore et la Bible et le Droit. Et la réalité de son dossier.

Nous sommes donc dans l'inverse du film d'Hitchock, que celui-ci présentait également comme un document, Le faux coupable, dans lequel le cinéaste présente également le système américain de procédure pénale, mais jouant à propos d'un homme innocent.

 

La dimension biblique est tout aussi présente dans les deux films mais dans Cape Fear le coupable aurait mérité une peine plus lourde ; comme le système aurait pu le faire gagner l'acquittement, il va demander des comptes à la pièce maîtresse du système : l'avocat.

Une fois sorti, il se place face à lui, se présente lui-même comme avocat, lui parle de confrère à confrère, lui fait des leçons de Droit. Il lui parle aussi de la Bible, lui explique qu'il va lui faire comprendre, à traver le "Livre de Job" qu'il faut qu'à son tour qu'il apprenne à tout perdre, son travail, sa femme et sa fille, lui montre qu'il a tout compris d'un système judiciaire américain dans lequel une jeune femme violée et violentée, si elle est de "moeurs légères", sera celle qui sera véritablement jugée par le jury, provoquant ainsi l'acquittement du tortionnaire.

14 ans ayant suffi pour faire des études de droit approfondi, le violeur obtient la condamnation de l'avocat par ses pairs pour menance, tandis que l'avocat ne peut pas se défendre - car où est la morale dans un Droit qui prend comme cible les femmes victimes -, tandis qu'à la fin du film dans un naufrage général, se transformant en juge, celui qui demande des comptes condamne à un jury imaginaire qui est l'ensemble des spectateur la mise à à mort lu système. Lorsqu'il meurt, coulant, ce sont les yeux ouverts. Regardant  en face l'avocat qui n'ôta jamais ses lunettes de tout le film. 

Tout lecteur de Kafka appréciera tout particulièrement la scène dans laquelle le tortionnaire-torturé se fait sciemment mettre en garde à vue et déshabillé devant l'avocat, qui se croit dissimulé derrière une vitre teinté tandis que l'autre le regarde dans ses yeux qu'il ne voit pourtant pas (la justice a les yeux bandés), afin que l'avocat puisse lire sur l'ensemble de son corps des tatouages la "loi", la "justice", la "vengeance" et les textes cités. Le personnage explique à la femme de l'avocat épouvantée que pendant 14 ans il n'eut pas d'autre chose à faire que de torturer sa peau, lui montrant que c'est le "système pénitentaire" qui le fit : l'auteur de la Colonie Pénitentaire, qu'Alain Supiot qualifie d' "artiste de la loi" aurait approuvé cette mise en scène dans la mise en scène. Cette mise en abîme. 

Ce film, que l'on présente souvent comme grandiloquent, voire grandguignolesque, n'est qu'une description minutieuse, du Droit.

De la même façon que plus tard Scorceses fera un documentaire sur le Droit financier dans The woolf of Wall Street, il décrit ici les procédures pénales ordinaires.

Même les coupables et les monstres, ce que le condamné ne récuse pas un instant être, ont droit à un avocat. Ce qu'il rappelle simplement en citant les textes et en obligeant l'avocat à les répéter. Car tout est répétition.

 

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20 mai 2019

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Interview à propos de l'ouvrage Pour une Europe de la Compliance, entretien avec Ondine Delaunay in La Lettre des Juristes d'Affaires, n° 1397, 20 mai 2019, p 4.

 

Présentation par La Lettre des Juristes d'Affaires:

"Les Éditions Dalloz et le Journal of Regulation & Compliance viennent de publier un ouvrage intitulé Pour une Europe de la compliance.

Placé sous la direction du professeur Marie-Anne Frison Roche, il tend à prouver que la compliance pourrait constituer le droit de demain, un droit sans frontière qui servirait à construire l’Europe.

Explications."

 

Lire l'entretien.

 

Consulter la présentation de l'ouvrage

16 mai 2019

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Game of Thrones : un droit si classique. Pour l'instant, in Le Pluard, Q., et Plouhinec, P., (dir.), Du droit dans GAME OF THRONES2019, pp. 19-34.

 

Résumé. Dans cette série emplie de surprises grandioses, de personnages épiques, de retournements, et ce d’autant plus qu’elle se mit à courir plus vite que le livre dont elle naquit, on semble ne trouver que ce que l'on connaît déjà du Droit : il suffirait de soulever les déguisements, comme on le fait dans une fable. On y retrouve alors les règles juridiques classiques (I), la reproduction en décalque de l'organisation juridique féodale (II), parfois contestée au nom de principes exogènes (III). Mais il est remarquable que la série ne soit pas encore finie. Or, ce qui va arriver ne renvoie-t-il pas à des problématiques juridiques que nous ne maîtrisons pas nous-mêmes ? Saison inconnue au sens plein du terme, terrain juridique glacé et  sol incertain d’un Droit qui prendrait la forme des "sans-visages" et des "morts qui marchent" ? (IV).

 

Lire l'article.

 

Consulter une présentation générale de l'ouvrage.

 

 

Lire le document de travail ayant servi de base à l'article publié, document de travail bilingue comprenant des notes de bas de page, des références techniques et de liens hypertextes.

 

 

14 mai 2019

Conférences

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., participation à la table-ronde L'officier public ministériel est-il soluble dans la blockchain?, conférence-débat organisée par  Le Club du Droit & le Conseil supérieur du Notariat, 14 mai 2019, Paris.

 

Consulter la présentation générale du colloque.

 

Consulter le document de travail sur la base duquel l'intervention a été faite.

 

Lire le compte-rendu qui en a été fait dans la presse. 

 

Dans cette table-ronde, un professeur d'économie expose la dimension technologique et économique de la blockchain. 

Puis est abordée la dimension juridique, dont l'exposé m'était plus particulièrement confié.

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A ce titre, après avoir replacé la question technique dans ce que doit garder le Droit, à savoir la distinction entre la Personne et les choses, ce que la technologie présentée aujourd'hui comme un ensemble de choses "intelligentes" et "décidantes" remettant en cause...., l'intervention porte sur 4 points (qui sont développés dans le document de travail).

En premier lieu, avant de porter une appréciation sur ce qui est adéquat et sur l'avenir il faut distinguer les fonctions techniques de conservation des actes, de duplication des actes et d'élaboration des actes, la distinction entre negotium et instrumentum n'étant en rien effacée par la technologie des blockchains.

En deuxième lieu, dès l'instant qu'il y a une altération substantielle de l'acte instrumentaire parce qu'un nouveau negotium a eu lieu, parce que les mentions doivent mesurer la reproduction de la réalité de ce qui fut décidé par les parties, l'on n'est plus dans l'acte de conserver et de dupliquer à l'identique, mais dans l'acte d'élaboration. Or, dans l'acte de conservation et de duplication, la blockchain peut être un atout technologique très précieux, en ce qu'à supposer sa fiabilité acquise, l'erreur étant exclue, c'est comme si l'on pouvait produire des originaux indéfiniment. La fiabilité est telle que la distinction entre original et copie n'aurait plus lieu d'être. Mais pour l'élaboration de l'instrumentum au regard du negotium , comment une machine pourrait-elle "dresser" un acte, c'est-à-dire en vérifier son rapport d'exactitude par rapport à la réalité ? Elle ne le peut pas. Seul un être humain le met, l'Etat ayant "déconcentré" son pouvoir de dresser uniléralement des actes (en cela, les notaires sont issus de la même idée de déconcentration....) en exigeant qu'ils vérifient la conformité à la réalité pour que l'incontestabilité soit ensuite attachée aux mentions.

En troisième lieu, il apparaît alors que la blockain est un outil de conservation et de duplication, mais que l'intermédiation d'un tiers de confiance humain vérifiant l'exactitude des mentions est nécessaire si l'on veut par sécurité que ce qui est dit dans l'acte écrit, puis conservé, puis dupliqué, soit la reproduction de la réalité. S'opère alors un choix de politique économique, souvent lié à la culture des pays. L'on peut considérer que le coût de l'intermédiation est élevé et qu'il faut mieux assumer le risque de l'inexactitude des mentions (quant aux parties, à la réalité de leur consentement, à la consistance de l'objet, à l'ampleur des obligations, etc.) et s'assurer ainsi un marché liquide. Le réajustement des actes par rapport à la réalité des choses se fait alors par la crise, qui réinjecte l'information, l'exemple en étant la crise des prêts immobiliers financiarisés des subprimes. C'est le choix anglais et américains. L'on peut préférer la sécurité par l'intermédiation en ralentissant le marché. C'est le choix du droit romano-germanique. Ces options demeurent ouvertes. La technologie du blockchain n'interfère pas, parce qu'elle ne doit pas viser l'établissement des actes. Si elle devait la viser, alors on aurait choisi la liquidité à la sécurité. Ou en termes plus généraux, l'on aurait choisi la Concurrence contre la Régulation. Mais plus que jamais le souci Ex Ante des risques systémiques (et le fossé entre la réalité et les actes qui doivent la transcrire est un risque systémique majeur) est premier. 

En quatrième lieu, en ayant ainsi un tableau des fonctionnalités, l'on voit que les notaires peuvent avoir grand usage des blockchains. Sans laisser des machines établir des actes, ils peuvent les utiliser comme le furent des coffreforts et des photocopieuses, avec une fiabilité et une mise en commun que seul le numérique et la capacité de calcul peuvent offrir à travers cette nouvelle technologie. Plus encore, l'articulation de l'amont (élaboration) et de l'aval (conservation et duplication) étant de nouveau reconnue comme la plus efficace, les officiels ministériels sont les mieux placés, en tant qu'ils dressent des actes instrumentaires dont ils ont vérifié les mentions et après avoir conseillé les parties, à conserver et à dupliquer ceux-ci.

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8 mai 2019

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Interview in Guerre larvée autour de la GPA, entretien avec Agnès Laurent in le dossier de L'Express, n° 3540, mai 2019, pp. 42-43.

 

Résumé par le Magazine :

Légaliser la gestation pour autrui n'est pas d'actualité en France. Mais partisans et opposants ferraillent pour faire pencher l'opinion publique de leur côté. Deux positions irréconciliables, où tous les coups sont permis.

Lire l'entretien.

Mise à jour : 3 mai 2019 (Rédaction initiale : 24 août 2018 )

Publications

Référence générale : Frison-Roche, M.-A., Game of Thrones, un Droit si classique. Pour l'instant, Document de travail, 2018, http://mafr.fr/fr/article/game-of-thrones-un-droit-si-classique/

 

Ce document de travail a été rédigé pour servir de base à l'article paru dans l'ouvrage Du droit dans Game of Thrones.

Résumé. Dans cette série emplie de surprises grandioses, de personnages épiques, de retournements, et ce d’autant plus qu’elle se mit à courir plus vite que le livre dont elle naquit, on semble ne trouver que ce que l'on connaît déjà du Droit : il suffirait de soulever les déguisements, comme on le fait dans une fable. On y retrouve alors les règles juridiques classiques (I), la reproduction en décalque de l'organisation juridique féodale (II), parfois contestée au nom de principes exogènes (III). Mais il est remarquable que la série ne soit pas encore finie. Or, ce qui va arriver ne renvoie-t-il pas à des problématiques juridiques que nous ne maîtrisons pas nous-mêmes ? Saison inconnue au sens plein du terme, terrain juridique glacé et  sol incertain d’un Droit qui prendrait la forme des "sans-visages" et des "morts qui marchent" ? (IV).

 

Lire les développements ci-dessous. 

Mise à jour : 3 mai 2019 (Rédaction initiale : 7 février 2019 )

Publications

Ce document de travail sert de base à un article paru par la suite au Recueil Dalloz.

Par rapport à celui-ci, il est doté de notes, de références, de liens ; il est écrit en français et en anglais. 

 

Résumé :Le Droit de la Compliance est souvent présenté comme des procédures vides et mécaniques, dans laquelle les êtres humains n'ont pas d'importance. C'est bien l'inverse et cela justifie qu'il lutte contre la technique juridique de la personnalité.. En effet en tant qu'il est un Droit de l'information et même dans sa fonction de prévention des risques systémiques et de protection des marchés, le Droit de la Compliance pose l'exigence de connaître "véritablement" la personne qui est "pertinente" pour le but fixé, par exemple la lutte contre la corruption ou le blanchiment d'argent, érigeant en principe ce que les Droits classiques des sociétés ou de la concurrence avaient admis par endroit. Dans une conception plus européenne, le Droit de la Compliance en tant qu'il est un droit de protection vise à protéger au-delà des personnes les êtres humains, de près ou de loin, véritables bénéficiaires finaux de cette nouvelle branche du Droit.