Mise à jour : 8 juillet 2024 (Rédaction initiale : 15 décembre 2023 )

Publications

🚧Devoir de vigilance : progresser

par Marie-Anne Frison-Roche

complianceTech®️ to read this Working Paper in English ↗️ click on the British flag

🌐suivre Marie-Anne Frison-Roche sur LinkedIn

🌐s'abonner à la Newsletter MAFR Regulation, Compliance, Law

____

 Référence complète : M.-A. Frison-RocheDevoir de vigilance : progresser, document de travail, document de travail, décembre 2023/juillet 2024.

____

🎤Ce document de travail avait été élaboré dans une première version pour servir de base à la conclusion du colloque Le devoir de vigilance : l'âge de la maturité ? organisé par l'Université de Montpellier le 25 mai 2023

_____

📝Ce document de travail a été élaboré dans une deuxième version actualisée et plus développée pour servir de base à l'article, "Devoir de vigilance: progresser" qui constitue la conclusion de l'ouvrage Le devoir de vigilance des entreprises : l'âge de la maturité ? Editions Bruylant, 2024. 

Il a été enfin mis à jour dans une troisième version en raison de la publication au Journal officiel de l'Union européenne du 5 juillet 2024 de la Directive (UE) du 13 juin 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (Corporate Sustainability Due Diligence Directive - CS3D).

____

 Résumé du document de travail : En 2017 en France la loi dite Vigilance a exprimé une grande ambition. Le projet de directive l'avait reprise à l'identique. Mais les institutions européennes ont modéré cette ambition et il en résulte la Directive du 13 juin 2024 qui se refuse à étendre type d'entreprises assujetties et les contraintes auxquelles le devoir de vigilance est associé. La directive a sur l'essentiel arrêté ce qui était pour certain la "marche du progrès". L'ambition n'existe-t-elle plus par l'élévation européen de l'esprit français qui souffla en 2017 ? L'avenir est-il à une extension de la philosophie du devoir de vigilance, c'est-à-dire d'entreprises qui devraient toujours se soucier plus d'autrui ? Ce qui serait alors aboutir sans doute à "l'âge de la maturité", là où d'autres voient l'âge de la folie, car cela serait un contresens de demander à une entreprise de se soucier d'autre chose que de son propre déploiement.

Il convient donc d'envisager cette hypothèse même d' "âge de la maturité" comm étant une ambition maintenue malgré la directive du 13 juin 2024 qui  est affaiblie et des oppositions qui sont intactes face à l'esprit du devoir de vigilance (I). Il faut tout d'abord admettre que la notion de "maturité" cache le plus souvent un jugement de valeur lorsqu'elle est appliquée à une notion juridique (I.A.) et que cela est flagrant concernant le devoir de vigilance qui est considéré par les uns par les uns comme un bien et par les autres comme un mal (I.B).

Pour ne pas demeurer ce qui apparaît comme une guerre de tranchée dont la Directive du 13 juin 2024 ne va pas signer l'amnistie, il faut ne pas s'enfermer excessivement dans la législation de référence de 2017 et ce qui paraît être son bégaiement européen en 2024, en se disputant avec tant d'éclats de voix qu'on les entend raisonner à l'écrit, en prêtant attention à des voies de progrès moins visibles et aujourd'hui plus prometteurs (II). En effet, le devoir de vigilance peut progresser par le seul effet de l'écoulement du temps (II.A), par une meilleure fixation du vocabulaire (II.B), par la consolidation des principes de Responsabilité et de Dialogue (II.C), par l'unicité de la  voie juridictionnelle (II.D).

Cette dernière perspective du progrès que va permettre l'unicité de la voie juridictionnelle mène vers une dernière voie de progrès. En effet et par nature les lois sont des à-coups, d'autant plus violents qu'ils sont disputés. A l'instant si l'on veut progresser, ces deux autres sources que sont le contrat et le juge doivent être favorisés (III). La directive se soucie d'ailleurs à juste titre de l'accès au juge et envisage avec mesure l'efficacité du contrat comme moyen d'efficacité du devoir de vigilance, le juge devant veiller à ce que le contrat ne détruise pas l'esprit du système. C'est écrire ce que le Droit connait déjà entre le rapport entre le contrat, le juge et l'Obligation de compliance (III.A). La nouveauté européenne de 2024 tient plutôt dans l'institution demandée d'un Superviseur  (III.B). Là encore, l'on retrouve la vigilance comme "pointe avancée" du Droit de la compliance, car celui-ci prolonge le Droit de la régulation.  

Il en résulte en cela, par l'interprétation, le maniement des principes, et pour formuler une conclusion plus générale, c'est le juge qui tient et tiendra l'équilibre du devoir de vigilance.

____

🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

1. Introduction 🎯 En 2017 en France, la loi dite Vigilance📎!footnote-3650 a exprimé une grande ambition. Au début du processus européen, le projet de directive a repris le même souffle📎!footnote-3652. Mais tout au long de la procédure législative européenne qui aboutit à la Directive du 13 juin 2024, dont le texte fût stabilisé dès le 24 avril 2024📎!footnote-3688,  les institutions européennes ont modéré cette ambition en n'élargissant pas le cercle  d'entreprises assujetties, le cercle demeurant celui des grandes entreprises, ni les contraintes auxquelles le devoir de vigilance est associé, les sanctions pénales étant évitées. La directive a, sur l'essentiel, arrêté ce qui était pour certain la "marche du progrès", qui aurait impliqué l'application à toutes les entreprises à l'instar du RGPD et l'usage du Droit pénal📎!footnote-3550. L'ambition motrice n'existerait-elle plus ? L'avenir est-il à une extension de la philosophie du devoir de vigilance, c'est-à-dire d'entreprises qui devraient toujours se soucier plus d'autrui ? Ce qui serait alors aboutir sans doute à "l'âge de la maturité", là où d'autres voient l'âge de la folie, car cela serait un contresens de demander à une entreprise de se soucier d'autre chose que de son propre déploiement.

 

2. Construction de l'étude 🎯 Il convient donc d'envisager cette hypothèse même d' "âge de la maturité" comme étant une ambition maintenue malgré une directive qui, dans sa version adoptée, est affaiblie et des oppositions intactes (I). Il faut tout d'abord admettre que la notion de "maturité" cache le plus souvent un jugement de valeur lorsqu'elle est appliquée à une notion juridique (I.A) et que cela est flagrant concernant le devoir de vigilance qui est considéré par les uns et, par nature, par les uns comme un bien et par les autres comme un mal (I.B). Il en résulte que c'est le juge, par cela et d'une façon plus générale, qui tient l'équilibre du devoir de vigilance (I.C).

Pour ne pas demeurer dans qui apparaît comme une guerre de tranchée, il faut ne pas s'enfermer excessivement dans la législation de référence de 2017 et ce qui paraît être un bégaiement européen en 2024, en se disputant avec tant d'éclats de voix qu'on les entend raisonner à l'écrit, en prêtant attention à des voies de progrès moins visibles et aujourd'hui plus prometteuses (II). En effet, le devoir de vigilance peut progresser par le seul effet de l'écoulement du temps (II.A), par une meilleure fixation du vocabulaire (II.B), par la consolidation des principes de Responsabilité, de Durabilité et de Dialogue (II.C), par l'unicité de la voie juridictionnelle (II.D).

Cette dernière perspective du progrès, que va permettre l'unicité de la voie juridictionnelle, mène vers une dernière voie de progrès. En effet et par nature, les lois sont des à-coups, d'autant plus violents qu'ils sont disputés. À l'instant, si l'on veut progresser, ces deux autres sources que sont le contrat et le juge doivent être favorisées (III). La directive se soucie d'ailleurs à juste titre de l'accès au juge et envisage avec mesure l'efficacité du contrat comme moyen d'efficacité du devoir de vigilance, le juge devant veiller à ce que le contrat ne détruise pas l'esprit du système. C'est écrire ce que le Droit connaît déjà dans le rapport entre le contrat, le juge et l'Obligation de Compliance (III.A). La nouveauté de 2024 tiendra plutôt dans l'institution d'un Superviseur, renforçant dès lors l'articulation entre la Régulation, la Compliance et la Supervision (III.B). Là encore, l'on retrouve la vigilance comme "pointe avancée" du Droit de la Compliance, car celui-ci prolonge le Droit de la régulation.

De cette étude d'ensemble, il apparaît que c'est le juge qui, par l'interprétation des textes, le maniement des principes, le contrôle des contrats, la reconnaissance des pratiques, tient et tiendra l'équilibre du devoir de vigilance.

 

I. ENVISAGER "L'ÂGE DE LA MATURITÉ" : UNE AMBITION MAINTENUE MALGRÉ UNE DIRECTIVE AFFAIBLIE ET DES OPPOSITIONS INTACTES

3. L'idéal de la maturité 🎯 Il est difficile de mesurer la "maturité" d'un mécanisme juridique (A). La difficulté est ici accrue, car cette appréciation de maturité comprend une part de jugement de valeur, lequel s'applique ici à une notion de vigilance qui pour les uns est en elle-même bénéfique et pour les autres en elle-même néfaste (B).

 

A. LA CONCEPTION DE "MATURITÉ" APPLIQUÉE À UN MÉCANISME JURIDIQUE : LA NOTION IMPLICITE DE "PROGRÈS"

 

4. De décennie en décennie, à chaque loi une bougie 🎯 Comme celle de la maturité📎!footnote-3502, l'image de l'âge est usuellement maniée pour les lois, du "vieil impôt📎"!footnote-3202, adéquat puisque vieux, à la "jeune loi", soupçonnée d'imperfection puisque récente📎!footnote-3203, tenant peut-être au fait que le Droit, toujours conservateur📎!footnote-3204, aurait la réputation de préférer l'établi au nouveau📎!footnote-3653. À force de fêter les anniversaires des lois et des institutions, gageons que 2027 sera propice à de multiples manifestations plus ou moins scientifiques, pour les 10 ans de la loi dite "Vigilance" car nous sommes par ailleurs paramétrés à penser en décimales📎!footnote-3205.

 

5. La perspective de maturité par l'obtention d'un consensus autour de la notion et du système de vigilance  : perspective pour l'instant éloignée 🎯Si l'on quitte l'imagerie, comment définir la maturité d'une notion juridique, puisqu'on nous y invite ici, avec un point d'interrogation ? La consultation des dictionnaires📎!footnote-3206 amène à des références faites à la fois à une plénitude du développement et à un équilibre dans ce qui en a résulté, ainsi qu'à la justesse de l'appréciation. Il y a "maturité" d'une notion ou d'un système lorsque peu de personnes remettent en cause la notion, le système et leurs effets, notamment parce qu'ils les ont tous compris et assimilés📎!footnote-3552.

Par exemple, s'il s'avère que peu remettent en cause le mécanisme en tant que tel ou dans sa conception, alors le mécanisme est mature sauf à vouloir opérer une "révolution", souvent dite "copernicienne" puisque cela revient alors à changer de monde, comme avec Copernic par la description nouvelle qu'il fit du cosmos, ce que par la suite nul ne contesta plus, la description d'un système dans lequel la Terre tourne autour du Soleil étant donc une description mature. Kuhn📎!footnote-3210 a décrit cela pour des systèmes plus détachés du réel, cela pouvant ainsi concerner des notions juridiques. De nombreuses études portent sur ce phénomène détruisant les certitudes qui peuvent ainsi s'écrouler et disparaître, ou bien engendrer des batailles, l'astuce consistant à se présenter toujours comme le "moderne" et à qualifier l'autre d'"ancien", voire, si l'on quitte les revues juridiques pour des enceintes plus turbulentes, à le qualifier de "réactionnaire". C'est pourquoi Gérald Bronner a raison d'affirmer en sciences sociales qu'il existe des vérités📎!footnote-3460. Cela arrive aussi en Droit📎!footnote-3209De la même façon, en art et comme le montre René Sève📎!footnote-3207, une nouvelle notion et/ou pratique devient mature lorsqu'elle est prise comme référence. Par exemple, lorsque fût adoptée la perspective dans la peinture occidentale, pour laquelle l'on peut considérer qu'apparue à la Renaissance, elle atteignit dans sa pratique et sa conception sa maturité lorsque tout le monde trouva ordinaire de procéder ainsi. Puis vînt Marcel Duchamp, qui fît descendre un escalier en 1912

À lire les uns et les autres, l'on ne peut que constater que "l'âge de la maturité", si l'on doit donc l'appeler ainsi, est encore loin d'être atteint pour la notion juridique de vigilance. Non, l'enfant ne tient pas encore debout.

 

6. La perspective de maturité pour que la notion de vigilance et le système de vigilance constituent un socle suffisamment solide pour renforcer d'autres systèmes : perspective pour l'instant éloignée 🎯 Une autre façon d'éprouver la maturité, elle aussi toute en image, consiste à mesurer sa "solidité", c'est-à-dire à quel moment elle cesse d'être vague, ne pouvant être cernée que par de longs développements, pour pouvoir être saisie en quelques mots. Cela est souvent lié au phénomène précédent du consensus, car une notion est d'autant plus solide que tout le monde, ou presque tout le monde, comprend la même chose sous le même mot. Mais cela signifie ici que la Vigilance devient un "standard"📎!footnote-3461 . Cela est possible si l'on procède à rebours : en tant que le devoir de Vigilance est la pointe avancée de l'Obligation de Compliance📎!footnote-3484, laquelle est le prolongement du Droit de la Régulation📎!footnote-3485, la vigilance irrigue les systèmes régulés.

Mais il est remarquable que suivant les différents systèmes, l'obligation de vigilance n'a pas la même intensité, suivant qu'il s'agit par exemple du système bancaire📎!footnote-3463, du système financier📎!footnote-3551, du système numérique📎!footnote-3464 ou du  système énergétique📎!footnote-3462.

Ce socle est renforcé si l'on considère que les techniques de vigilance se déploient aujourd'hui au-delà des secteurs par le Droit de la Compliance, via la Vigilance qui en reprend toutes les techniques, notamment la cartographie des risques📎!footnote-3466, l'enquête interne📎!footnote-3554 et le lancement d'alerte📎!footnote-3467

Mais l'articulation entre Compliance et Vigilance est contestée par des auteurs qui ne perçoivent pas l'identité des techniques mises en place et réduisent le Droit de la Compliance à l'obéissance mécanique de la conformité,📎!footnote-3468, voyant dès lors dans la Vigilance ce qui serait un "supplément d'âme" qui manquerait à la Compliance (ce qui ne serait soutenable que si on réduit le Droit de la Compliance avec les techniques de conformité📎!footnote-3689). De la même façon, l'articulation entre la vigilance et le système de responsabilité est l'objet d'affrontements vocaux et écrits, dont cet ouvrage même porte la trace, que l'adoption de la directive n'aura sans pas calmés, les uns voulant aller plus loin, les autres rappelant que le texte renvoie aux conditions générales de la responsabilité, à savoir un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre les deux.

 

 

B. LA DIFFICULTÉ DE MESURER L'"ÂGE" DE LA MATURITÉ DU DEVOIR DE VIGILANCE, PARCE QUE CONSIDERÉ PAR LES UNS COMME UN BIEN EN SOI ET PAR LES AUTRES COMME UN MAL EN SOI

 

7. Penser en termes de "Maturitéconsiste souvent à attribuer des satisfecit 🎯 Prendre comme thème Le devoir de vigilance : l'âge de la maturité ? est une façon appropriée mais singulière de poser le sujet, car il suppose de savoir ce qu'est la "maturité" d'une notion, ou d'une technique, ou d'un corpus, en Droit. L'ouvrage donne comme première et générale consigne de prendre comme critère d'appréciation du devoir de vigilance ce qui doit donc être son idéal de maturité, permettant ainsi de donner le niveau de celle-ci, une maturité plus ou moins atteinte. Le titre de l'ouvrage lie cet état de maturité à l'âge, renvoyant à l'image biologique de ce qui naît, grandit, puis sans doute disparaîtra. Désigner par image est une figure de style, une éloquence dont le Droit, amoureux de la sèche précision, se méfie.

L'expression est certes souvent utilisée en doctrine📎!footnote-3215, mais elle renvoie alors davantage à une satisfaction sur l'état d'une loi ou d'un corpus qu'à un état précis de ce à quoi l'expression est attachée : à lire les articles, parfois entre leurs lignes, l'auteur semble considérer qu'un mécanisme juridique est "mature" quand il en est satisfait tandis qu'il le dira "immature" quand il a des reproches à lui faire et qu'il veut que des modifications y soient apportées. C'est donc l'idée de progrès qui est sous-entendue, soit parce qu'il a été accompli et que "l'âge de la maturité" est ainsi atteint, soit parce qu'il reste à accomplir car l'auteur est mécontent de l'état des choses. Comme on disait au XIXième siècle qu'il y avait des sociétés "sauvages" et "pré-logiques", parce qu'on les désapprouvait, ce que notamment Tristes tropiques📎!footnote-3493 mit en doute. Rien de cela ne va donc de soi📎!footnote-3451 et mérite une explicitation en préalable📎!footnote-3452.

 

8. Le jugement de valeur d'un progrès présenté par certains comme accompli par l'adoption de la loi française dite Vigilance en 2017🎯  En effet, l'énoncé d'un tel titre, Le devoir de vigilance : l'âge de la maturité ?, contient l'idée sous-jacente d'un progrès, notion technique mais aussi politique. Un progrès qui aurait déjà été opéré par ce qui serait la "naissance" du dispositif, sans doute par la loi française du 27 mars 2017 sur le devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d'ordre, même si l'on trouve, comme pour toute "loi nouvelle"📎!footnote-3442, des linéaments de la notion avant l'adoption de cette loi📎!footnote-3211.  On suppose donc qu'en 2017 cette loi était elle-même porteuse de progrès, soit qu'elle les apporte soit qu'elle les traduise, notamment dans la nouvelle conception de l'entreprise et de la responsabilité sociétale de celle-ci📎!footnote-3212.

Cela est pourtant contesté par ceux qui voient dans l'adoption de cette loi l'affaiblissement concurrentiel des entreprises françaises qui y sont soumises par rapport à celles, étrangères, qui ne le sont pas📎!footnote-3216. La perspective concurrentielle fut effectivement l'une des justifications de la proposition de la directive européenne et de l'effet extraterritorial de celle-ci. L'une des questions posées aujourd'hui est de savoir si l'adoption très difficile de cette directive et sa portée relativement faible puisqu'elle ne s'étend pas au-delà des grandes entreprises, car il fallut tant la rogner pour aboutir enfin à son adoption le 13 juin 2024, redonne de la vigueur à cette critique. 

Il est possible que ce soient ces divergences, non apaisées - l'adoption de la notion de "Vigilance" et sa mutation en "devoir" constituant pour les uns un "poids" et pour les autres un "progrès" - qui faillit coûter à cette directive son retour dans les limbes et ne la sauva qu'en lambeaux, puisque le secteur bancaire et financier en est pour l'instant exclu en tant que tel📎!footnote-3686, que seules les très grandes entreprises y sont soumises, que le plan de transition climatique n'est plus assorti de sanctions spécifiques et que les considérations sur les contrats étaient déjà acquises par ailleurs. Ainsi l'on peut dire que ce qui reste de la directive, c'est la loi de 2017, laquelle par sa référence à la chaîne de valeur a une portée extraterritoriale. L'enjeu qui demeure est principalement celui de la création d'une autorité nationale de supervision, ce que le Législateur national aurait pu créer par sa volonté propre et pour la configuration de laquelle ses marges sont importantes📎!footnote-3477.

Mais l'on peut admettre que la loi dite Vigilance constitue d'autant plus un "progrès" qu'elle constitue la "pointe avancée de l'Obligation de la Compliance"📎!footnote-3443En effet, le Droit de la Compliance est normativement ancré dans ses Buts Monumentaux📎!footnote-3217, en ce que la préservation des êtres humains face et dans les systèmes, par exemple le système climatique, est l'objet même de cette nouvelle branche du Droit📎!footnote-3218 . La loi de 2017 illustre cela, le devoir de vigilance étant la "pointe avancée" du système de Compliance, puisque la mise en place en 2017 du dispositif du devoir de vigilance d'une part rendit plus nettement visible le système général de Compliance qui n'apparaît pas encore à tous dans son unicité et sa force, et  et d'autre part propage ce mécanisme de Compliance à travers les chaînes de valeur, la vigilance constituant ainsi et en cela un double progrès : progrès de visibilité et progrès substantiel📎!footnote-3219

En s'appuyant sur cette formulation explicite de "maturité" et implicite de "progrès",  jugement de valeur qui rend hommage à cette loi nouvelle de 2017 dont on suppose par méthode qu'elle constitue donc un progrès par rapport à la loi ancienne, en renvoyant d'ailleurs au postulat méthodologique plus général du Droit transitoire qui pose que la loi nouvelle est un progrès par rapport à la loi ancienne puisqu'on l'a adoptée📎!footnote-3213, l'on peut dans un second temps mesurer les progrès accomplis depuis lors. Et si l'on en reste là, l'on peut se lamenter de l'adoption a minima de la directive CS3D qui, pour ne pas être rejetée dans son adoption même et par exemple, ne vise plus que les grandes entreprises. Certains, qui auraient voulu un texte équivalent au RGPD dans sa portée en ce que celui-ci touche toutes les entreprises, se lamenteront.

 

9. Le jugement de valeur d'un progrès présenté comme contrarié par l'adoption d'une directive européenne CS3D à la portée limitée 🎯  Que n'a-t-on pas dit sur cette directive... Pour la louer, pour la critiquer. Désormais adoptée dans une portée limitée puisque le changement par rapport à la loi française consistait au départ à étendre le dispositif aux ETI et aux PME, à étendre au secteur bancaire et financier et à adopter des sanctions plus fortes, ce qui dût être abandonné sur ces 3 points sauf à ce que la directive ne fut pas adoptée. De cela, il ne reste rien dans la Directive du 13 juin 2024 publiée le 5 juillet 2024, le législateur européen demandant un rapport à propos du secteur bancaire et financier pour mesurer si la discipline propre à celui-ci et les textes qui lui sont spécifiques justifient que le texte qui ne distingue pas selon les secteurs l'ait ainsi épargné en raison du fait même qu'il est déjà tant régulé et supervisé.  Le changement viendra plutôt de l'évolution du Droit des contrats et du Droit de la responsabilité, ce qui est davantage dans la main des juges, dont la jurisprudence est en train de se construire📎!footnote-3687.

Cette puissance nouvelle du Droit commun et des Juges explique sans doute que les auteurs écrivent de nombreux articles sur des affaires en cours, pour expliquer aux juges ce qu'ils doivent faire. Il va sans doute en être de même pour la directive du 13 juin 2024. Il est possible que les auteurs se positionnent comme après une bataille, les uns se lamentant devant leurs lances brisées, les autres comptant leurs étendards rapportés, tous ayant pour point commun d'anticiper leur victoire lors du prochain affrontement législatif. Il peut s'agir de l'étape un peu hypothétique résultant du rapport de la Commission au Parlement européen sur la perspective de l'application du dispositif au secteur bancaire et financier.

L'affrontement se déplace alors en premier lieu par anticipation vers le moment national de la transposition, les discussions ayant vocation à porter principalement sur l'enjeu institutionnel de l'Autorité de supervision, et en second lieu sur le possible enjeu substantiel de l'interférence avec la construction jurisprudentielle qui a débuté📎!footnote-3478.  Dans les commentaires de la Directives, que cela soit présenté comme une bataille perdue ou gagnée, chacun dira sans doute l'avoir gagnée, chacun affirmera sans doute et hélas que la guerre continue, etc. De toutes les façons et d'une façon regrettable, l'image guerrière fait florès en matière de compliance, par exemple sur l'évocation si fréquente à ce propos de la "guerre" des systèmes de Civil Law et Common Law. Encore une figure de style.

Si l'on reste dans la perspective ici retenue de l'âge de la maturité, ceux hostiles à l'adoption et satisfaits du texte européen à l'ampleur restreinte pourront dire "enfin, le Droit est raisonnable", désignant ce qui aurait été un désir législatif initial pavé d'intentions jugées enfantines de faire le bien de tous aux frais de toutes les entreprises européennes, y compris des petites qui ont déjà bien du mal, le  Législateur européen étant donc revenu sur le sol des réalités concurrentielles,  l'âge de l'adolescence étant passée... Tandis que ceux qui avaient espéré l'adoption d'une Directive telle que voulue à l'origine pourront dire "mais quand grandirez-vous, pour être à la hauteur d'ambitions dignes du pays des Droits de l'Homme ? Quand quitterez-vous le stade où l'on ne s'intéresse qu'à l'argent, qu'aux patrons et à l'instant présent pour enfin se soucier d'autrui, des générations futures et acquérir cette seconde nature de l'être civilisé que l'on appelle l'Humain et que l'Europe doit porter ?".  Si l'on monte sur ces petits et grands chevaux-là, il conviendra en effet d'attendre le prochain affrontement législatif, désormais national lors de la transposition, chacun attribuant à l'autre l'"immaturité" du Droit, échafaudant en réalité le grief de l'immaturité de la pensée de l'autre.

Si l'on regarde plus techniquement le sujet et qu'on s'en tient au droit positif, indéniablement composé par la Loi de 2017 et la Directive de 2024 qui visent expressément des buts, puisqu'elles demandent aux grandes entreprises de "détecter et prévenir" des atteintes à l'environnement et aux droits humains, de sorte que ces atteintes à l'avenir ne se réalisent pas ou soient diminuées, lois téléologiques📎!footnote-3446donc, visant des "Buts Monumentaux" comme le souligna à propos de la loi française le Tribunal judiciaire de Paris dans son jugement du 28 février 2023📎!footnote-3444, dans des décisions elle-aussi commentées de toutes parts📎!footnote-3445, on constate que s'il y a progrès, celui-ci se mesure non pas tant par rapport aux ambitions politiques que l'on  porte  d'une façon générale, car sinon l'on peut dire que l'échec d'une loi qu'on désapprouve est un "progrès" en ce qu'il est le un signe d'une "maturité" d'un système juridique qui reconnait ses erreurs, il s'agit plutôt de chercher les méthodes pour que les buts visés par la loi de 2017, à laquelle la directive aux termes désormais étriqués apporte peu (sauf concernant l'Autorité de supervision), soient atteints, notamment par le fait de la jurisprudence et des pratiques, notamment des contrats, puisque depuis longtemps les entreprises ont contractualisé le devoir de vigilance📎!footnote-3453.

 

10. La méthodologie issue d'une nécessité de connaître les progrès déjà accomplis au regard d'un but non encore atteint par la loi  française et des pratiques qui se déploient internationalement et que la CS3D ne dépasse guère🎯  En effet, la loi de 2017 a commencé à produire ses effets de droit positif, parce que son objet couvre les chaînes de valeur📎!footnote-3454 et s'étend par l'effet des contrats dans tout le commerce international📎!footnote-3447 Il en résulte que sa portée dépasse l'espace national, le relais par la directive européenne de 2024 qui doit être transposée dans un délai de 2 ans dans les Etats-Membres et ne concernera que les mêmes entreprises ne changeant donc pas cela.  L'exercice est plutôt un exercice de connaissance, celle des pratiques et de la jurisprudence, pour l'instant peu nombreuse mais rendue célèbre d'une part par une effervescence doctrinale et d'autre part parce que les juridictions se sont spontanément organisées pour traiter ce contentieux d'un nouveau type puisqu'il s'agit d'un "contentieux systémique"📎!footnote-3690, notamment la Cour d'appel de Paris📎!footnote-3480. Ce changement institutionnel très important ne doit rien non plus à l'Europe, mais à la conscience qu'au centre du Droit de la Compliance et de la Vigilance, c'est avant tout le Juge qui est placé, en dialogue avec les autres juges📎!footnote-3479.

Il s'agit donc ici d'établir une sorte de premier bilan, quelques années après la promulgation de la loi française de 2017, pour désigner les étapes, donner les dates et mesurer le chemin parcouru, puisque le point d'interrogation du titre de l'ouvrage fait d'ores et déjà naître un doute quant au fait qu'elle ait déjà atteint ses objectifs, à savoir que les pratiques aient d'ores et déjà pu faire en sorte que d'une façon effective, efficace et efficiente (3 qualités à distinguer📎!footnote-3448), les atteintes à l'environnement et aux droits humains soient détectées et prévenues par les entreprises assujetties par leurs pratiques, leur obéissance à la loi, la puissance des contrats qui seuls peuvent transformer les entreprises assujetties en entreprises débitrices et engendrer ainsi des créanciers📎!footnote-3501, par des procès en responsabilité. Cela renvoie à L'Obligation de Compliance📎!footnote-3455.

L'on imagine donc une notion qui a fait son entrée dans l'ordre juridique mais qui n'est pas arrivée à ce qui serait son "âge accompli"... On imagine que la référence implicite est faite à la conception antique grecque de l'acmé, qui exprime l'apogée à la fois d'une maladie et d'une technique, d'une doctrine ou d'une civilisation. Conçue selon le cycle de la vie et dans un sens positif, cela vise un état d'accomplissement, du moment merveilleux et qui ne pourrait durer où l'on est à la fois sage et puissant, c'est-à-dire l'âge adulte dans lequel la maîtrise est à son maximum car l'esprit a acquis la connaissance tandis que le corps n'a pas encore perdu prise.

L'on peut soutenir que le mécanisme de Vigilance ne soit ni sage, ni puissant. Par exemple la "sagesse" consisterait à ne pas user de violence mais à plutôt concilier et à instruire (c'est ainsi que l'on fait quand on est adulte). Quand une entreprise soutient que la Vigilance va ruiner le système économique, cela n'est pas sage ; quand une ONG affirme que la directive votée, parce qu'elle ne vise pas toutes les entreprises, est l'oeuvre de l'extrême-droite, cela n'est pas sage.

Par exemple, la "puissance" consisterait à ne pas obtenir seulement dans un cas particulier de l'argent allant à des personnes particulières, mais à obtenir un changement de culture générale dans une économie mondialisée, dans une nouvelle culture du bien commun partagée avec la Russie, la Chine, etc. (c'est ce que l'on obtient quand on a de l'autorité).

Si c'est ainsi que l'on conçoit l'âge de la maturité du devoir de vigilance, en requérant à la fois sagesse et puissance, il faudrait reconnaître que l'enfant ne sait pas encore marcher. Mais on peut en avoir l'ambition pour lui.

Plus techniquement, cela serait l'âge où l'entreprise, comparée elle-aussi souvent à un grand corps avec un cerveau, un cœur et un "supplément d'âme"📎!footnote-3456, a atteint le but posé par le Droit de la Compliance : ici "détecter et prévenir les atteintes à l'environnement et les droits humains dans la chaîne de valeur" où se situe la société mère ou l'entreprise donneuse d'ordre. Le Droit, moins chaleureux que la morale et veillant à ne pas s'y confondre, par exemple en n'admettant pas en Droit positif une interdiction de ne pas causer des dommages à autrui car par l'exercice de notre liberté nous causons des dommages  à autrui et nous n'en répondons juridiquement que si nous commettons une faute ou une négligence ou violons une prescription légale précise📎!footnote-3481, il ne s'agit pas d'obtenir qu'à l'avenir le risque de tels atteintes s'éteigne, par exemple par une parfaite éducation de tous et partout par une entreprise moralement stoïque qui rendrait le monde entier gouverné par une règle morale absolue et suffisante📎!footnote-3220 : il s'agit par une obligation légale qui assujettit certaines entreprises visées par la loi, qui doivent obéir à la loi et ne sont pas débitrices de ce fait, sauf à incorporer cette obligation légale dans un contrat📎!footnote-3482, d'obtenir que les entreprises se dotent de moyens pour détecter et de prévenir de tels risques.

 

11. Afin de mesurer les progrès du devoir de vigilance vers sa maturité, être d'accord sur ce sur quoi le devoir de vigilance s'exerce 🎯 Cela suppose que l'on maîtrise ce pour quoi le dispositif juridique du devoir de vigilance a été adopté, afin d'évaluer si l'ambition est en passe d'être atteinte. Si l'on a une idée claire et partagée de ce pour quoi le devoir de vigilance a été établi, alors il est aisé de mesurer le progrès des différents outils juridiques à être "efficaces". Mais il n'est pas certain que l'on ait une idée claire de ces buts📎!footnote-3214. Est-ce seulement un devoir d'informer ? Quel est le degré de transparence ? Est-ce un devoir d'agir ? Quel est le degré d'exigence quant aux résultats obtenus par les actions menées ? Quelles sont les normes qui contraignent ? Quelles sont les normes qui peuvent inspirer l'entreprises ? Quelles sont les normes qui contraignent le juge ? Quelles sont les normes qui peuvent inspirer le juger ? Il y a pour l'instant autant de réponses qu'il y a d'auteurs. Il faut donc cerner les points d'accord ; s'ils s'avèrent trop faibles, puisque la directive n'a pas beaucoup progressé par rapport à la loi française et avant que le juge ne réponde lui-même à ces questions, étant le plus souvent gourmandé par une doctrine qui lui explique ce que c'est que juger, sans doute est-ce vers les façons mêmes de progresser qu'il faudra se tourner.

 

12. Cerner les points d'accord, procéduraux et substantiels, premier signe de maturité du devoir de vigilance : pour l'instant, maturité faible 🎯 L'on pourra donc mesurer ce que l'on peut désigner comme des "zones de maturité" du devoir de vigilance, parce que tout le monde serait d'accord. Le plus souvent lorsque les mécanismes juridiques sont nouveaux, les premiers points d'accord sont de nature procédurale. C'est encore plus vrai si la procédure au sens juridique est concernée, ce qui est d'évidence puisque le devoir de vigilance fait grande place au Juge. Mais les points d'accord sont encore assez faibles car si les ONG recherchent l'appui des juridictions en construisant des "litiges", contribuant ainsi à la "juridictionnalisation de la Compliance"📎!footnote-3449, les entreprises ont sans doute encore tendance à se reposer sur des "mécaniques de conformité" pour rassembler des informations et les traiter grâce à un système algorithmique, confondant encore le Droit de la Compliance et les techniques de conformité, qui sont parmi les outils de celui-ci📎!footnote-3450Les éléments processuels ne donnent donc pas encore lieu à beaucoup de points d'accord. Les premières jurisprudences tranchent des litiges portant sur des questions processuelles, notamment celles relatives à l'intérêt à agir📎!footnote-3457 .

Dans une perspective plus substantielle, les points de contact sont encore assez faibles, puisque des parties prenantes voudraient voir dans la Vigilance une forme de cogestion de l'entreprise, tandis que des entreprises ne sont pas loin d'alléguer que cette demande de partage du pouvoir constituerait une sorte d'atteinte aux intérêts de la Nation, notamment en considération du secteur dans lequel l'entreprise exerce son activité. Il ne faut pas s'étonner que le projet de directive, de hoquet en hoquet, ait fini en juin 2024 par une version qui contraigne peu les entreprises par rapport à ce qu'engendre déjà la loi de 2017 et ne vise que les grandes, reprenant la logique du Droit de la Compliance qui ne vise que les entreprises "en position d'agir" et non pas toutes.

 

13. Cerner les voies de progrès, second signe de maturité du devoir de vigilance, plus immédiat 🎯 Plutôt que de continuer ce qui a été proche d'une bataille rangée, et alors même qu'à rebours de cette tendance guerrière les juridictions saisies proposent des médiations en matière de vigilance📎!footnote-3458, il apparaît plus fructueux de concentrer les efforts sur les façons mêmes de progresser. Ne serait-ce que pour ramener un peu de calme dans les propos tenus. Après être revenue sur ce qui serait la maturité d'une notion juridique, et plutôt que de prétendre faire gagner une conception sur une autre, pour que cette sorte de conflit gelé ne demeure pas dans cet état-là, l'on pourra suggérer 8 voies possibles de progrès📎!footnote-3483.

 

 

II. PRÊTER ATTENTION À DES VOIES DE PROGRÈS MOINS VISIBLES QUE LA LOI ET LE JUGE

 

14. Exploiter aussi d'autres voies  🎯Le devoir de vigilance peut en Droit et en fait progresser par le seul écoulement du temps (A) et par la fixation du vocabulaire (B).

 

A. FAIRE PROGRESSER LE DEVOIR DE VIGILANCE PAR L'ÉCOULEMENT DU TEMPS

15. Retrouver la profondeur passée de la Vigilance pour la laisser en continuité se déployer demain  🎯 Les historiens du Droit affirment qu'ils étudient le "Droit vivant", puisque le Droit porte en lui son Histoire conservée, ce que l'École Historique du Droit exprime📎!footnote-3470 et la place de la coutume rappelle. Ce qui apparaît rupture n'est en réalité que continuité, par exemple le Code civil comme le montra Carbonnier📎!footnote-3471. Il en est de même pour la loi, en comparaison petite, de 2017. Dans un mécanisme de vigilance dans lequel les "pratiques", les "cultures d'entreprises", ledit "droit souple", jouent un si grand rôle📎!footnote-3469, que la construction se fait en continuité, les grands soirs législatifs ne prenant guère de place, même lorsqu'ils sont européens.

Cette Vigilance, par laquelle les entreprises mettent en place des instruments pour gérer les risques, pour se soucier des personnes à l'intérieur et à l'extérieur📎!footnote-3473, pour anticiper et résoudre des conflits, pour participer à la société dite "globale", on en retrouve des traces partout dans les lois et pratiques précédentes. Sans doute plus encore s'il s'agit d'une entreprise publique, qui devient alors le parangon de l'entreprise vigilante📎!footnote-3472, après avoir été l'organisation anormale du Droit de la concurrence.  

Ainsi  par le seul écoulement du temps, des modes de gouvernance📎!footnote-3474, des notions environnantes de "raison d'être" par la loi dite Pacte de 2019, le perfectionnement d'outils de compliance, comme le lancement d'alerte par la directive européenne de  2019 transposée en France par la loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte📎!footnote-3475, les contrats qui vont continuer à s'exécuter, à l'ombre des arbitrages📎!footnote-3487, vont alimenter un mouvement plus général pour lequel la technique du "plan"📎!footnote-3476 va se développer, le plan de vigilance prenant ainsi de la force en ce qu'il n'est qu'une variété du plan de compliance dont on mesure l'importance par exemple en Droit de la concurrence.

 

16. Les lois ne sont qu'une pointe d'une lente construction, dans laquelle contrats et pratiques, y compris judiciaires, tissent l'essentiel 🎯 En outre, il ne faut qu'un laps de temps restreint pour adopter une loi, tandis qu'il faut si longtemps pour construire une "politique jurisprudentielle", telle que François Ancel l'estime requise en matière de Compliance et de Vigilance📎!footnote-3488, et nouer des contrats, y compris de nature structurelle et relationnelle, qui peuvent aboutir à une culture commune dont l'établissement est le But Monumental de l'ensemble du système📎!footnote-3489.

 

17. Tirer profit du temps long des procédures juridictionnelles de Vigilance, relevant du Contentieux Systémique Émergent portant aussi sur le futur 🎯À ce titre, les procédures juridictionnelles ont l'avantage de ramener un peu de calme, par leur lenteur même et par l'obligation pour les "parties prenantes" obligées de devenir "parties à l'instance", de se soumettre au protocole qui restreint les registres du vocabulaire et des prétentions admissibles dans un "espace de justice"📎!footnote-3490 gouverné par les règles de l'État de Droit. Ce temps long de la procédure, du débat contradictoire, des expertises, y compris des expertises en Droit📎!footnote-3491, permet un développement continu de la matière. Cela est d'autant plus profitable que le Juge saisi d'une demande de Vigilance, c'est-à-dire d'une prétention fondée sur un risque systémique, élément lié à une information sur le futur, doit lui-même statuer sur le futur📎!footnote-3492

Ainsi, les juges, incités à anticiper et à trouver des solutions au-delà des à-coups législatifs peuvent construire dans l'écoulement du temps un Droit dans lequel des équilibres vont davantage se trouver, puisque le procès tend à produire des solutions où les intérêts et les doctrines des uns et des autres sont intégrés.

 

 

 

B. LE PROGRÈS DU MÉCANISME JURIDIQUE DE VIGILANCE PAR LA FIXATION DU VOCABULAIRE

 

18. L'absence de vocabulaire commun 🎯Parce qu'en Droit les mots participent à l'effet normatif, une des voies de progrès est d'adopter un vocabulaire commun, puisque pour l'instant chacun semble parler dans sa langue... Cela vient du fait que l'on navigue entre le français et l'anglais, le législateur européen et les régulateurs étant les premiers à être pris dans les pièges de la traduction, mais aussi du fait que la terminologie n'est pas si nouvelle, ayant déjà développé des effets dans diverses branches du Droit.

 

19. Le mot juste, entre le français et l'anglais 🎯Comme en matière de Compliance, que beaucoup croient à tort identique à "conformité"📎!footnote-3494, beaucoup de difficultés viennent de la difficulté de la traduction. L'on en trouve de si variées : duty of vigilance📎!footnote-3495, duty of care📎!footnote-3496📎, due diligence📎!footnote-3497. Le droit positif interfère en ce que la directive CS3D dans sa version anglaise utilise l'expression " due diligence ", qui renvoie plutôt à la vérification active des informations lors d'une cession d'actifs ou d'une prise de contrôle.

Le devoir de vigilance est pourtant souvent traduit par " duty of care ". Mais Muriel Fabre-Magnan souligne à juste titre que le devoir de vigilance ne correspond pas à cette notion📎!footnote-3498, car celle-ci renvoie au devoir de prendre en charge celui qui est proche, alors que le devoir de vigilance renvoie à une situation lointaine. 

Il est par ailleurs remarquable que l'expression " due diligence " est certes utilisée par le Législateur européen anglophone mais ne devrait pas pouvoir être tronquée puisque la Directive vise la Corporate Sustainability Due Diligence, c'est-à-dire repose avant tout sur la notion de " durabilité ", laquelle est adéquate pour les enjeux environnementaux, et plus encore pour les enjeux climatiques, mais l'est moins pour les droits humains.

C'est pourquoi ma préférence va vers une traduction littérale de " duty of vigilance " car il s'agit bien de veiller d'une façon continue à un intérêt, une situation et des personnes qui sont extérieures à la personne qui est en charge de ce devoir-là, selon la définition du "pouvoir"📎!footnote-3503 telle que Gaillard l'a développée d'une façon transversale à travers les différentes branches du Droit📎!footnote-3504.

Si l'on prend l'expression "due diligence" ainsi isolée, elle renvoie davantage au Droit des investissements, au sein duquel des vérifications doivent être faites sur les informations à fournir et à vérifier dans les opérations structurantes, posant que l'acquéreur doit vérifier les informations dans les cessions d'actifs et prises de contrôle (M&A)📎!footnote-3654, ce qui montre que c'est plus encore entre les branches du Droit que les distorsions s'opèrent, en raison des tensions entre le Droit de la Compliance et les autres branches du Droit📎!footnote-3655.

 

20. Le mot juste, entre les multiples branches du Droit impliquées 🎯 Le devoir de vigilance ne doit pas être enfermé dans le Droit des sociétés, sauf à considérer que la vigilance ne relèverait que d'une perspective sociétaire, ou de la cession d'actifs, ce qui serait une vision trop étriquée. C'est non seulement en ce que la Vigilance n'est que la pointe avancée du Droit de la Compliance qu'elle peut s'articuler dans une conception qui ira notamment au-delà de la summa divisio sur laquelle l'on assoit traditionnellement le Droit français, à savoir la distinction du Droit privé et du Droit public. Cette distinction handicape notamment la protection des droits humains, laquelle a été originairement conçue contre la puissance de l'État📎!footnote-3500et fait que ce qui excède l'intérêt particulier semble toujours revenir dans le giron du Droit public. La Vigilance consistant à confier aux entreprises le soin de se soucier d'un autrui lointain📎!footnote-3506, beaucoup y voient, comme pour la Compliance dont elle fait partie, une appropriation par les entreprises d'une fonction étatique, et une dénaturation de celle-ci, et non pas, comme il convient de le concevoir, une alliance entre les deux. 

 

21. Le mot juste, entre le vocabulaire juridique et le vocabulaire courant  🎯Il est possible qu'un retour vers le vocabulaire courant soit alors utile. Il en est ainsi par exemple du "juge", de la "responsabilité", voire du "contrat". En effet, le "responsable" est non pas tant celui qui est "puni" que celui qui prend en charge une situation pour lui apporter la bonne organisation au regard d'un but qu'un tiers lui a fixé : effectivement et à ce titre, c'est bien une tâche de management qui est demandée aux entreprises. Ainsi, c'est bien l'entreprise qui élabore le plan de vigilance, même si elle y procède en concertation avec des parties prenantes dont elle doit prendre en considération les intérêts et les points de vue📎!footnote-3507, comme le législateur doit le faire pour les générations futures📎!footnote-3508. C'est en cela que l'on passe d'une situation juridique de "responsabilité" à une situation de "responsabilisation"📎!footnote-3509, dans laquelle l'entreprise et les parties prenantes sont directement impliquées et doivent montrer les efforts faits pour atteindre les Buts pour lesquels les Législations ont été adoptées et en application desquelles des plans ont été élaborés.

De la même façon, la notion juridique stricte de "contrat" tient à être remplacée par celle de "lien", à la fois entre l'entreprise et la structure à propos de laquelle elle doit être vigilante, et les solutions qui peuvent être trouvées, comme les conventions judiciaires d'intérêt public (CJIP) en matière environnementale, que l'on présente comme une "contractualisation" mais qui ne sont pas des contrats et que certains présentent, d'une façon encore plus étonnante, non pas comme un accord entre le procureur et l'entreprise, mais comme un accord entre l'ONG et l'entreprise sous l'impulsion du procureur. Les notions juridiques s'effacent pour donner place au vocabulaire courant. 

Le vocabulaire courant est toujours moins strict que le vocabulaire juridique. La question est donc de savoir qui est légitime pour passer de l'un à l'autre. Ainsi, les entreprises peuvent elles-mêmes décider de prendre en charge des enjeux sociétaux au-delà de leurs obligations légales📎!footnote-3510.  La Directive du 13 juin 2024 les y incite expressément, notamment lorsqu'elle détaille la façon dont les entreprises doivent répondre aux "plaintes" que les intéressés lui adressent, c'est-à-dire exercer une activité de type juridictionnel📎!footnote-3692.

L'entrée dans le Droit de la notion de "chaîne de valeur" converge vers une telle liberté pour les entreprises. En effet, si l'on reprend la conception qu'en a développée Michael Porter en 1985📎!footnote-3693, la chaine de valeur est une construction issue du libre choix managérial de l'entreprise à la fois interne et externe. Le fait que la Directive de 2024 ait refusé de retenir cette notion pour retenir cette de "chaine d'activités", plus neutre quand à la conception libérale d'une libre construction de filières pour accroître la compétitivité d'une entreprise par rapport aux autres montre que le Législateur européen, s'il a inclus dans le périmètre des activités visées non seulement l'amont mais l'aval, n'entend pas dépendre d'une doctrine, voire d'un auteur et limite les activités à celles des fournisseurs de biens et services extérieurs.

 

 

C. LE PROGRÈS DU MÉCANISME JURIDIQUE DE VIGILANCE PAR L'ÉMERGENCE DES 3 PRINCIPES : RESPONSABILITÉ, DURABILITÉ, DIALOGUE

 

22. La  vertu des principes : rendre prévisible et clair 🎯Que n'a-t-on dit contre les principes, en tant que le Droit devrait évoluer pas à pas, avec pragmatisme, ce qui exclurait tout principe, puisque dans l'énoncé de celui-ci serait logé le "dogmatisme", qui serait la glaciation de la pensée .... ? Mais Alain Supiot a montré que formuler quelques principes, par exemple celui de la primauté de l'être humain, ou celui de la fraternité, était certes de nature politique mais donnait aussi de la permanence dans le fourmillement des normes. D'ailleurs, ce sont les mêmes qui condamnent la rigidité dogmatique de ceux qui ne pensent pas comme eux, qui évoquent pour justifier leur position par exemple un devoir de partage ou de solidarité, c'est-à-dire des dogmes. Chacun se réfère à des principes, le "pragmatisme" étant d'ailleurs un principe comme un autre.

Ici, des principes permettent de progresser parce que le mécanisme de vigilance recouvre un champ réglementaire immense, les droits humains étant présents dans la totalité des branches du Droit, tandis qu'ils n'ont pas le même sens selon qu'on se situe dans tel ou tel pays, voire dans telle ou  telle entreprise, puisque nous avons une définition subjective des droits subjectifs. Ils donnent de la simplicité à l'ensemble.

 

23. Des principes de comportements encore épars mais articulés : s'informer, détecter, prévenir, promouvoir, dialoguer, montrer 🎯Dans ce que dessine de la Vigilance, l'on retrouve ce que le Droit de la Compliance requiert des entreprises assujetties : s'informer sur ce qui se passe et ce que produisent leurs actions, ce qui conduira à enrayer le néfaste et à prévenir, améliorer, montrer l'état des choses et des projets, dialoguer avec les autres. Parce que la "charge", et son corolaire indissociable qu'est le "pouvoir", repose sur l'entreprise, ces principes de comportement sont observés surtout à son propos. Mais l'on peut y songer aussi pour les États, lesquels, selon les principes Ruggie📎!footnote-3656 souvent évoqués en matière de Vigilance, sont les premiers à rendre effectifs les droits humains. L'on doit aussi songer aux parties prenantes qui doivent s'informer sur les risques et dialoguer, ou à tout le moins répondre aux offres de dialogue. Ce principe de comportement peut aussi être être celui  du juge, qui doit s'instruire sur ce monde nouveau et contribuer lui-aussi à prévenir les conflits, au-delà du litige. 

Parce que demander aux entreprises de suivre ces principes de comportement permet aux autres de progresser : par exemple dès l'instant que l'entreprise a un comportement "responsable" en Ex Ante, cela doit produire dans les parties prenantes en miroir un comportement également responsable, notamment pour que des solutions soient trouvées aux problèmes qui sont détectés. Cela suppose une certaine "culture commune", au-delà de la divergence d'intérêts, ce qui impose de dialoguer. Il n'y a pas des créanciers et des débiteurs, il y a des entreprises assujetties par la Loi et travaillant pour contribuer à la réalisation de Buts Monumentaux pour lesquels nous devons nous-mêmes contribuer.

 

24. Le  "principe Responsabilité" 🎯C'est pourquoi  le principe de responsabilité s'impose. C'est sans doute un progrès sur lequel chacun s'accorde ,que l'on soit une entreprise, une ONG, un État, ou un commentateur, Jonas étant désormais un des auteurs les plus cités. Suivant le mouvement du Droit qui est en train de passer de l'Ex Post vers l'Ex Ante, la "responsabilité pour le futur", c'est-à-dire la responsabilité active, en ce qu'elle suppose une action, Ex Ante, et qu'elle a pour objet l'avenir, la vigilance vise à "responsabiliser" les opérateurs. 

La voie de progrès est sans doute dans une conception encore très individuelle de la responsabilité, puisque c'est une seule, l'entreprise, qui porte pour les autres, alors qu'il serait concevable que cette responsabilité soit partagée. Cela impliquerait que l'on n'entre pas dans la logique de l'entreprise débitrice face à tous les créanciers que nous serions, pour adopter une conception plus globale, au regard notamment d'une "dette" qui nous est commune📎!footnote-3511, tandis qu'il n'y aurait pas nécessairement de créancier, car nous sommes en dette par rapport à la nature, ce que conçoit par exemple d'autres systèmes juridiques, par exemple le Droit kanak📎!footnote-3512📎, comme nous pouvons être redevables à l'égard d'un principe dont nous ne disposons pas, par exemple celui de la dignité humaine.

Cela signifie que dans ce passage de l'Ex Post à l'Ex Ante le Droit pénal doit prendre une place moins centrale, puisque dans sa perspective le mal est fait, et la collaboration  doit plutôt être le principe. A ce titre , la Directive de 2024 insiste sur l'importance de la collaboration entre les entreprises, qui doit s'articuler avec le Droit de la concurrence📎!footnote-3694.

 

25. Le principe de Durabilité 🎯L'autre principe sur lequel tous s'accordent est l'impératif de préserver les différents systèmes pour que ceux-ci ne s'effondrent pas ("But Monumental Négatif"📎!footnote-3657), le système climatique n'étant qu'un exemple de cela, ce raisonnement téléologique étant le socle du Droit de la Compliance. Ce principe de Durabilité montre les points de contact essentiels entre la directive sur l'information extrafinancière (CSRD)📎!footnote-3658 et le devoir de vigilance (CS3D)📎!footnote-3695. Le juge doit lui-même, comme l'a montré François Ancel, intégrer le principe de Durabilité dans sa façon même de conduire les contentieux et d'élaborer les solutions📎!footnote-3517.  La Directive du 13 juin 2024 en liant dans son titre même Vigilance et Durabilité a scellé l'union des notions.

 

 

26. Le principe du Dialogue, corrélation des principes de Responsabilité et de Durabilité 🎯C'est pourquoi le principe du Dialogue doit s'articuler avec ce principe de Responsabilité. C'est précisément parce que chacun n'a pas le même rôle ni les mêmes intérêts, les ONG, les entreprises et les États n'étant pas dans les mêmes positions, que le dialogue doit être promu comme principe. Il ne peut y avoir de dialogue que parce que chacun est dans une position différente : ainsi, pour l'élaboration du plan de vigilance, qui est fait par l'écriture par l'entreprise de ses projections dans le cadre de sa politique générale et de ses décisions stratégiques, le principe du dialogue doit pourtant le gouverner, dialogue entre l'entreprise et les parties prenantes, car elles sont "concernées", même si elles n'en sont pas co-auteurs. Trace doit être conservée de ce principe de dialogue. Cela n'étonnera personne si les relations de dialogue se cristallisent devant le juge, puisque la procédure est gouvernée par le Principe du Contradictoire📎!footnote-3515. Mais ce principe de la contradiction prend ici une nouvelle résonnance, ce qui doit amènera à des procédures plus accusatoires, où l'oralité et la publicité doivent avoir une large place.

Ainsi, de la même façon que le principe de Responsabilité est en train de passer de l'Ex Post à l'Ex Ante par la notion de "responsabilisation", le principe de Dialogue est en train de passer de l'Ex Post du procès à l'Ex Ante de la "prise en considération" que l'entreprise, qui n'est pas pour autant dépossédée de son pouvoir, lequel est au contraire accrue pour qu'elle puisse réaliser ces nouvelles obligations, doit faire d'intérêts qui ne sont pas forcément immédiatement les siens.

 

 

D. LE PROGRÈS DU MÉCANISME JURIDIQUE DE VIGILANCE PAR LA CENTRALISATION DE SON DÉVELOPPEMENT

 

27. La centralisation du contentieux, voie pour assurer la cohérence du Droit de la Vigilance 🎯Le législateur français a imposé la centralisation devant un seul juge : le Tribunal judiciaire de Paris. Indépendamment de la question de savoir si le juge civil ou le juge commercial est plus ou moins bien placé pour connaître du contentieux de la Vigilance, suivant que l'on considère que le but de la loi est plutôt l'activité de l'entreprise, menant alors vers le juge commercial, ou plutôt la protection des personnes menant alors vers le juge civil, considérant d'ailleurs que le Tribunal judiciaire est le juge de droit commun, l'ensemble confortant la nature téléologique de l'interprétation qu'appelle cette loi📎!footnote-3513, l'unicité même imposée par la Loi d'un seul Tribunal, puis de ce fait d'une seule Cour d'appel, se justifie pour unifier immédiatement le contentieux.

Le choix géographique de Paris se justifie d'autant plus que les sujets de droit de la Vigilance, en tant qu'elle est la pointe avancée de la Compliance, ont assez souvent leurs sièges sociaux dans le ressort de la Cour d'appel de Paris📎!footnote-3691, ce qui fait confluer les recours devant la même cour d'appel : la Cour d'appel de Paris. En effet, le Droit de la Compliance étant lui-même le prolongement du Droit de la Régulation, et cette Cour d'appel-là connaissant des recours contre les décision de régulation et de supervision, notamment dans les contentieux liés aux questions structurelles de l'information, tout converge vers elle et l'unicité des principes et des interprétations peut se faire rapidement, sans toujours devoir attendre l'intervention de la Cour de cassation. C'est ce lien entre Régulation et Vigilance qui justifie le mieux ce choix législatif, le Droit de la Régulation dépassant non seulement la distinction du Droit civil et du Droit commercial mais encore celle du Droit public et du Droit privé📎!footnote-3696.

Plus encore, et pour reprendre cette expression proposée de "contentieux systémique émergent"📎!footnote-3514, cette centralisation institutionnelle est une voie de progrès qui s'avère d'autant plus nécessaire que dans les cas portés devant le juge, cas factuels dans lesquels un système est impliqué, les questions élaborées par les parties sont de nature systémique et les solutions que les juges de première et de seconde instance y apportent ont un impact qui dépasse de facto ce cas, sans pour autant que l'article 5 du Code civil en soit méconnu📎!footnote-3697.

Cette nature systémique du contentieux de la Vigilance justifie d'autant plus le dialogue, notamment celui des juges📎!footnote-3698. Celui-ci ne constituera en rien une dispersion, même s'il consiste pour un juge à surseoir à statuer pour demander à l'autre de statuer : cela consistera pour différents juges à se pencher, chacun en ce qui les concerne, sur une même situation, celle de l'enjeu de durabilité des systèmes, pour que les personnes qui y sont en prises n'en soient pas broyées mais au contraire en bénéficient. Ainsi, selon différentes intensités, les questions préjudicielles, les sursis à statuer, les demandes d'avis, sont autant de centralisation du contentieux. Cela va se multiplier📎!footnote-3699.

 

 

 

III. FACE AUX À-COUPS LÉGISLATIFS, LA CONSTRUCTION PROGRESSIVE PAR LES CONTRATS ET PAR LES JUGES 

28. La construction progressive du mécanisme juridique de vigilance par les contrats et les juges 🎯 L’unicité de la voie juridictionnelle mène vers une dernière perspective de progrès, le maillage contractuel étant placé sous le contrôle du juge (A). La nouveauté de la directive de 2024 tiendra plutôt dans la perspective de l’institution d’un organe administratif de Supervision, renforçant l’articulation « Régulation – Compliance – Vigilance » (B).

 

 

A. LE MAILLAGE CONTRACTUEL SOUS LE CONTRÔLE DU JUGE  

 

29. Les pratiques contractuelles pour mettre en œuvre des obligations légales de vigilance et leur contrôle par le juge 🎯Les entreprises ont mis en place une multitude de contrats pour directement détecter et prévenir les atteintes à l'environnement, au climat et aux droits humains, par exemple pour externaliser certaines fonctions techniques, comme des audits ou des constructions de systèmes d'alerte ("contrats de compliance")📎!footnote-3659 ou pour faire naître des obligations structurelles et comportementales ("clauses de compliance")📎"!footnote-3516). La Directive rappelle que cela ne peut produire l'effacement de la responsabilité de l'entreprise assujettie, un tel dispositif contractuel devant être anéanti. Cette impossibilité de recourir à la puissance contractuelle pour transférer sa responsabilité Ex Post résulte d'un principe général du Droit, le Conseil constitutionnel ayant rappelé que la loi a élaboré un devoir de vigilance qui assujettit l'entreprise à titre personnel, principe que la Directive reprend.

Le juge sera en charge de faire le départ, parfois fin, entre ce qui est interdit, à savoir le transfert de responsabilité, et ce qui est permis, à savoir l'organisation pratique de la mise en œuvre par des tiers, via ce que l'on appelle aujourd'hui le "marché de la compliance" et sur des tiers, qui peuvent contractuellement s'engager par exemple à collaborer pour informer, à éduquer et à être éduqués, à se renforcer, etc... La dimension systémique de ce maillage contractuel déjà en place et son appréciation, qui doit également être systémique, doit être considérée par le juge.

 

30. La pratique contractuelle pour être vigilant au-delà ou à côté des obligations légales et leur contrôle par le juge  🎯Le rôle du juge est plus délicat encore lorsque l'entreprise a exprimé sa volonté pour aller au-delà de son obligation légale, pour s'obliger et/ou obliger par un contrat qui, par exemple, pose que les deux parties, par exemple elle et son fournisseur, doivent être "exemplaires" dans la prévention des atteintes aux droits humains. Une telle obligation de nature, que l'on pourrait dire "purement" contractuelle, rattachée le plus souvent à une charte éthique qui n'est pour le juge qu'un élément d'appréciation d'une situation de fait et ne saurait équivaloir à une loi ou à un plan de vigilance pris en exécution de celle-ci, devra être interprétée par le Juge au regard d'un système général de Vigilance qui ne devient clair et net qu'au regard d'un Droit de la Compliance qui repose sur ces Buts Monumentaux de préservation des systèmes au bénéfice des êtres humains📎!footnote-3660.

 

B. LA PERSPECTIVE D'UN ORGANE ADMINISTRATIF DE SUPERVISION, RENFORCEMENT DE L'ARTICULATION "RÉGULATION - COMPLIANCE - VIGILANCE"

 

 

31. Le retour aux sources du Droit de la Régulation par la perspective de supervision en Ex Ante par une Autorité ou Agence  administrative indépendante 🎯De ce qui reste du long cheminement d'élaboration de la directive européenne  demeure l'instauration d'une Autorité ou Agence administrative de "contrôle", c'est-à-dire la création d'un tel organisme ou l'attribution d'une compétence de supervision avec pouvoir de sanction à une entité déjà existante. Pour l'organisation de cela, tous les paris sont ouverts. Si l'on insiste sur le rôle de l'information, l'on songera à étendre la compétence de la Haute Autorité de l'Audit (H2A), mais l'activité de la certification de l'information extrafinancière, si elle a de nombreux points de contact avec la Vigilance, n'a pas la même ampleur et si, contrairement à l'ancien Haut Conseil du Commissariat aux comptes (H3C), il s'agit désormais de superviser une activité et non plus une profession, les comportements et résultats attendus des entreprises sont d'une tout autre ampleur.

Comme la Vigilance (loi de 2017📎!footnote-3661), comme la Probité (loi de 2016📎!footnote-3662), relèvent tous deux du Droit de la Compliance, l'on songe plus naturellement à l'Agence française anticorruption (AFA), soit pour étendre ses compétences, soit pour la prendre comme modèle. L'on entend déjà les pas dans les couloirs pour infléchir la loi de transposition dans un sens ou dans un autre.

L'on peut penser que tout d'abord, parce qu'il s'agit d'une autorité de supervision et non pas d'une autorité de régulation, l'autorité n'ayant vocation qu'à être une autorité d'appui d'un système qui confie aux entreprises la "responsabilité" de faire fonctionner la vigilance selon des moyens dont elles demeurent les maîtresses, sous le premier contrôle permanent de ce superviseur, cela demeurera le juge qui fixera le tableau d'ensemble. Cela le sera d'autant plus si le juge peut d'une part exprimer les Principes donnant de la clarté et d'autre part exprimer un équilibre à l'occasion d'affrontements singuliers qui pour l'instant mettent en vue des divergences de conception encore profondes.

 

CONCLUSION - LE JUGE, CELUI QUI TIENT L'ÉQUILIBRE ACTUEL ET FUTUR DU DEVOIR DE VIGILANCE 

 

32. Conclusion - Le juge en première ligne 🎯Il ressort de l'ensemble de cette étude que la "maturité" du devoir de vigilance va arriver non pas tant par des lois et décrets mais si le juge parvient à appliquer des principes clairs à des contentieux qui pour l'instant arrivent devant lui comme enflammés. Les 3 arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris le 18 juin 2024 donnant clairement le principe procédural d'articulation entre la mise en demeure et l'assignation en justice sont un très bon début📎!footnote-3700.

Le dialogue des juges doit s'articuler à une centralisation du contentieux, lequel ne doit pas être perçu comme pathologique, mais comme la façon sans doute la moins hasardeuse de progresser. La procédure doit en être particulièrement soignée, notamment quant aux droits de la défense et au contradictoire.

Cela doit être confié à des magistrats et/ou des chambres spécialisés, bénéficiant d'une formation spécifique et permanente, ajustement institutionnel devant s'opérer dès la première instance.

Cela est déjà en cours, car ce mouvement de fond créé par les Droits de la Régulation, de la Compliance et de la Vigilance met au centre le Juge.

________

2

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937, Doc. COM (2022) 71 final, 23 février 2022 - 2022/0051 (COD) ; en anglais Corporate Sustainability Due Diligence Directive, dite CS3D.

4

En cela, le "devoir de vigilance", en ce qu'il déploie les "valeurs occidentales" tout au long de chaînes de valeur qui traversent des systèmes de pensée qui sont autres est perçu par certains comme une forme de "néo-colonialisme". Voir d'une façon générale dans ce sens 🕴️A. Boukerche, 📗L'universalisme contesté. L'Occident sous le feu de la critique, 2024.

5

Sur l'usage de la maturité en Droit, voir infra n°7.

6

🕴️D. Gutmann, 📝Du droit à la philosophie de l'impôtin Archives de Philosophie du Droit (APD), 📗L'impôt, 2002.

7

🕴️J. Carbonnier, 📝Toute loi en soi est un mal ?, in 📗Essai sur les lois, 1995.

8

Ripert affirmant que "tout juriste est un conservateur",🕴️G. Ripert, 📗Les forces créatrices du droit, 1955.

9

🕴B. Lehaire, 📗L'innovation hors-la-loi. Les origines de la techno-normativité, 2022.

Sur la question plus précise du changement climatique, qui interfère avec le devoir de vigilance, dans lequel « l'innovation juridique » serait requise, v. 🕴M.-A. Frison-Roche, 🎤Les voies d'innovations juridiques face aux nouveaux “défis climatiques”in 🕴Ph. Aghion, 🕴B. Deffains et 🕴S. Hoynck (dir.), 🧮Innovations économiques et juridiques face aux défis climatiques. Nouveaux défis regards croisés : Droit Économie et Finance, Banque de France et CRED/Université Paris Panthéon-Assas, Paris, 2 avril 2024.

10

🕴️R. Étiemble, Quelques essais de littérature universelle, Gallimard, coll. « Blanche », 1982, 456 p.

11

Dictionnaire de l'Académie Française : "1. État où sont les fruits, les grains, les légumes quand ils sont mûrs. Ces fruits ne viendront pas à maturité avant plusieurs jours. Ce raisin est à son point de maturité. Par analogie. SYLVICULTURE. État du bois bon à couper. 2. En parlant d’une personne. État de développement complet des forces physiques et intellectuelles. La maturité de l’âge. Maturité d’esprit ou, absolument, maturité, fermeté, autorité dans le jugement, auxquelles on parvient avec l’âge ou l’expérience. Il manque encore de maturité. Par extension. Son talent est en pleine maturité. Il a atteint la pleine maturité de son style. 3. En Suisse. Maturité fédérale, diplôme de fin d’études secondaires." 

Dictionnaire Larousse : "1. État des fruits quand ils sont mûrs. 2. Période de la vie caractérisée par le plein développement physique, intellectuel et affectif. 3. État de l'esprit, d'un talent qui est parvenu à la plénitude de son développement. 4. Sûreté dans le domaine du jugement, de la réflexion (en particulier en fonction de l'âge)  5. Caractéristique d'un écosystème ayant atteint un état d'équilibre".

Dictionnaire Littré : "1 État des fruits ou des graines qui sont parvenus au développement qu'ils doivent acquérir sur la plante mère. La maturité des blés, des poires, du raisin. Époque à laquelle les fruits deviennent mûrs. Terme d'eaux et forêts. État des bois qui ont atteint leur limite d'accroissement et qui sont bons à couper. 2 Terme de brasseur. On dit que le levain est en maturité, lorsque la mousse de la fermentation commence à s'affaisser. 3 Terme de médecine. État d'un abcès dans lequel le pus est complétement formé. Cet abcès n'est pas à sa maturité. 4 Fig. État d'une chose qui approche du point où elle a toutes ses qualités. La maturité d'une découverte. Cette affaire est en sa maturité, elle est en état d'être achevée. 5 Fig. L'état de consistance ou de force où sont communément les hommes à un certain âge. Il se dit, en un sens analogue, des animaux. En un sens qui n'est plus un éloge, maturité se dit poliment d'une femme qui a passé l'âge de la jeunesse. 6 Fig. État où le sens et la réflexion ont toute leur vigueur. Maturité d'esprit, l'état d'un esprit mûr et solide. Avec maturité, avec circonspection, jugement et avec le temps nécessaire. 7 En parlant du style, justesse d'expression, solidité de raisonnement. Son style acquerra de la maturité.".

13

🕴️Th. S. Khun, 📗The Structure of Scientific Revolutions, 1962.

14

🕴️G. Bronner, 📗L'empire de l'erreur. Éléments de sociologie cognitive, 2007 ; voir aussi la Commission mise en place par la Présidence de la République, présidée par Gérard Bronner, "Les Lumières à l’ère Numérique" et le rapport qui en a résulté :🕴️G. Bronner, 📓Rapport de la Commission. Les Lumières à l'ère numérique, 2022.

16

Directeur des Archives de Philosophie du Droit (APD).

17

Sur la notion de "standard" en Droit, voir 🕴️J.-Ch. Roda, 📝Le standard de preuve : réflexions à partir du droit de la concurrence, 2021.

27

Sur la différence de base entre la "conformité" et le Droit de la Compliance, 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance et conformité : les distinguer pour les articuler, 2024.

28

Sur les nécessités de ne pas faire cette confusion, 🕴M.-A. Frison-Roche, 📝Distinction la Compliance et la conformité pour mieux les articuler, 2024.

29

Par exemple, 🕴️Ph. Brun, 📝Les trente ans de la loi Badinter : entre maturité et perfectibilité, 2015 ; 🕴️P.-Y. Verkindt,  📝Un signe fort de la maturité de la jurisprudence sur l’obligation de sécurité de résultat, 2016 ; 🕴️V. Brenot, 📝Investissements Contrôle des investissements étrangers en France : le temps de la maturité ?, 2019 ; 🕴️D. Fasquelle, 📝L’heure de la maturité pour le droit européen de l’insolvabilité ?, 2019 ; 🕴️Ph. Dupichot, 📝15 ans après, une réforme des sûretés à sa maturité, 2021 ; 🕴️J.-P. Camby & J.-E. Schoefflt, 📝65e anniversaire de la Ve République : âge de la maturité ou âge de la retraite ?, 2023.

30

🕴️Cl. Lévi-Strauss, 📗Tristes tropiques, 1955 ; ce livre est lui-même controversé, voir à ce sujet 🕴️V. Debaene, 📝Les multiples lectures de Tristes Tropiques, 2008.

31

C'est pourquoi Michel Foucault, auquel l'on fait souvent dire ce qu'il n'a pas dit, estime que "l'ordre du discours" juridique n'est pas un discours de vérité, comme l'est le discours scientifique, mais relève de l'ordre politique. Les termes utilisés ne sont donc pas de nature scientifique mais de nature politique. On se reportera à sa Leçon inaugurale qui posa clairement cela, dont une présentation excessivement sociologisante a travesti la portée. On gagne toujours les sources primaires plutôt que les commentaires des commentaires.

Lire la leçon inaugurale : 🕴️M. Foucault, 📗L'ordre du discours, 1971

Écouter la leçon inaugurale : France culture, 🎙️Leçon inaugurale de Michel Foucault, in Les Cours du Collège de France, série "Huit leçons lues", 2017.

32

Voir les développements de la présente étude en supra n°4 et s.

33

🕴️J. Carbonnier, 📝Toute loi en soi est un mal ?in 📗Essais sur les lois, 1995.

35

Les travaux à ce sujet sont considérables. V. par ex. 🕴️B. Deffains, 📝La dette, notion économique comme fondement de l'Obligation de Compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de Compliance2024.

36

Sur cette question de la réglementation de Compliance comme avantage ou désavantage compétitif, v. 🕴️B. Deffains, 📝L’enjeu économique de compétitivité internationale de la compliance, et 🕴️L. Benzoni, 📝Commerce international, compétitivité des entreprises et souveraineté :  vers une économie politique de la compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance2022 ; plus particulièrement à propos de la loi de 2017, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Penser et manier la vigilance par ses buts monumentaux de compliance, 2023.

37

sauf à ce que par une application singulière de la causalité le Juge n'accepte d'appliquer le devoir de vigilance au titre du financement d'activités économiques directement impliquées, par exemple des activités extractives, ce qui permet alors d'impliquer les banques. En outre, du fait que l'obligation de reporting sur les informations extrafinancières est gémellaire de l'obligation de vigilance, la CSRD étant pensée en double de la CS3D, le secteur bancaire et financier peut encore à ce titre être happé par ce biais.

38

Dans ce sens, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📺Le juge dans les contentieux de vigilance, participation à la "table ronde sur le devoir de vigilance", audition par la Commission d'enquête du Sénat sur les moyens mobilisés et mobilisables par l'État pour assurer la prise en compte et le respect par le groupe TotalEnergies des obligations climatiques et des orientations de la politique étrangère de la France, 26 février 2024.

39

Sur l'Obligation de Vigilance, pointe avancée de l'Obligation de Compliance, voir 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de Compliance2024.

42

🕴️M.-A. Frison-Roche📝La Vigilance, part totale de l'obligation de Compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'obligation de Compliance2024.

44

V. infra n°00 et s.

46

Un Droit téléologique est un Droit construit sur un ou des buts, au regard duquel ou desquels tout a rang de moyens. Ainsi, dans une telle branche du droit, la normativité est logée dans les buts, la lettre de la règle juridique devant être appréhendée comme un moyen permettant de tendre vers ceux-ci. V. 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Droit téléologiquein 📕Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance, 2024.

48

V. not. Dalloz actualité, 7 mars 2023, obs. C. Hélaine ; JCP E, 2023, 1086, note J.-B. Barbiéri ; JCP G, 2023, act. 373, obs. M. Hautereau-Boutonnet et B. Parance ; Dalloz actualité, 13 avril 2023, obs. A.-M. IIcheva ; Énergie - Env. - Infrastr., 2023, 34, obs. A. Gossement ; Juris associations, 2023, p. 13, note X. Delpech ; RD bancaire et fin., mars-avril 2023, 61, note J.-M. Moulin ; Rev. int. compliance, avril 2023, p. 6 ; LPA, mai 2023, p. 47, note L. Martinet, V. Rouer et L. Bocquillon ; RLDA, 2023, 7766, obs. H. Guyader ; Bull. Joly, juin 2023, p. 7, note V. Mercier ; RTD com., 2023, p. 369, obs. A. Lecourt.

49

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022 ; 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2024.

51

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2024.

52

Conférence-débat 🧮La Vigilance, nouveau champ de Contentieux Systémique, 26 avril 2024.

53

Sur la création de la nouvelle Chambre 5-12 pour en connaître, 🕴️J. Boulard, 💬Contentieux systémique : "Il est important, pour les magistrats, de rester au plus près des réalités", 28 mars 2024.

Sur le fait que cela est justifié en tant que cela est un Contentieux Systémique Emergent, v. 🕴️J. Boulard, 🎤Discours du Premier Président. Audience solennelle de rentrée, 15 janvier 2024, "Une autre innovation majeure concerne la création à la cour d'une chambre spécialisée - la chambre 5-12 - qui sera dédiée aux actions relatives au devoir de vigilance de certaines sociétés, à leur obligation de publication d'informations en matière de durabilité et aux actions en responsabilité écologique dans les affaires présentant un caractère de grande complexité. [...] Pourquoi cette nouvelle chambre ? Parce qu'il s'agit de contentieux émergents dont la dimension systémique impose, pour les magistrats qui en connaissent, qu'ils disposent de compétences juridictionnelles transversales, empruntant à diverses branches du droit, et, pour les parties au procès, qu'elles bénéficient de la garantie d'une plus grande prévisibilité de la jurisprudence. Dotée d'une compétence nationale en matière de devoir de vigilance, la cour d'appel de Paris se doit par ailleurs d'être à la hauteur des nouveaux enjeux de prévention des atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi qu'à l'endroit de l'environnement, pour reprendre les termes de la lois.".

Sur les conférences-débats organisées en conséquence par la Cour d'appel de Paris, la Cour de cassation et la Cour d'appel de Versailles, avec l'appui de l'ENM et de l'EFB, sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, 🕴️M.-A. Frison-Roche💬"Nous voyons émerger aujourd’hui le contentieux systémique", 28 mars 2024 ; 🕴️M.-A. Frison-Roche, Coordination et animation du cycle de conférences-débats 🧮Contentieux Systémique Émergent

54

Sur ce dialogue des juges, impliqué par le Contentieux Systémique Emergent, dont le contentieux relatif au devoir de vigilance est un parfait exemple, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche💬You Porn : La CJUE face au défi de la protection des mineurs, 11 mars 2024.

55

Sur cette trilogie "effective - efficace - efficiente" qui caractérise le Droit de la Régulation et de la Compliance, v.🕴️M.-A. Frison-Roche📝Définition du principe de proportionnalité et définition du Droit de la Compliance, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022 ; 📝Le juge, l'obligation de compliance et l'entreprise. Le système probatoire de la Compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

56

Comme le rappelle 🕴️Muriel Fabre-Magnan, 📝Critique de la convergence des responsabilités contractuelle et délictuelle. L'exemple du devoir de vigilancein 📗Mélanges en l'honneur du Professeur Loïc Cadiet, 2023 ; voir plus largement, 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2024.

57

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'Obligation de Compliance, 2024 ; 📘Compliance Obligation, 2024.

58

On aime développer sur l'entreprise une vision organistique, le conseil d'administration étant le cerveau, etc. C'est une question de savoir s'il ne s'agit que d'une image (v. supra sur le risque d'utiliser en Droit des images n°4 et s.) ou si la personne morale peut avoir des sentiments. Pour le Droit britannique, les entreprises, qui juridiquement s'expriment par la personnalité morale, n'ont pas d'âme ni de coeur. 

Sur cette question aux conséquences pratiques essentielle, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝La Volonté, le Cœur et le Calculin🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'Obligation de Compliance, 2024.

60

Mais si pour un stoïcien, l'on naît esquisse et l'on meurt statue, l'éducation d'une entreprise stoïque l'épuiserait certes pour lui permettre d'aller dans la seule épure de la seule responsabilité morale, mais le Droit, art pratique, ne demande pas cela. 

61

Dans ce sens, 🕴️M. Fabre-Magnan, 📝Critique de la convergence des responsabilités contractuelle et délictuelle. L'exemple du devoir de vigilancein 📗Mélanges en l'honneur du Professeur Loïc Cadiet, 2023. 

Ainsi qualifier les entreprises comme "débitrices" en raison de leur obligation légale est une erreur de qualification. Elle semble fréquente. Elle a des conséquences, car elle permet à beaucoup de se présenter comme des "créanciers", car s'il y a des débiteurs alors il y a des créanciers, ce qui d'une part allégerait considérablement l'exigence de l'intérêt à agir pour intenter une action en responsabilité et ce qui d'autre part supprimerait les conditions de la responsabilités puisque le "créancier" demande purement et simplement l'exécution de l'obligation du débiteur. Les auteurs qui présentent les entreprises comme "débitrices" demandent d'ailleurs que la faute soit "présumée" et que la "causalité" soit "présumée", bref que l'on transforme une obligation légale en droit de créance au bénéfice de tous. 

65

Sur l'intérêt à agir des associations saisissant le juge pour manquement des entreprises à leur devoir de vigilance, v. 🏛️TJ Paris, ord. du juge de la mise en état, 6 juillet 2023, TotalÉnergies, Dalloz actualité, 13 juillet 2023, obs. J.-B. Barbièri & A. Touzain, Revue des sociétés, 2023, p.793, obs. A. Danis-Fatôme & N. Hoffschir, Bull. Joly sociétés, novembre 2023, E. Schlumberger. La Cour d'appel de Paris est saisie de cette question.

67

Voir supra n°2.

68

Avec bien des nuances, v. par ex. 🕴️J.-L. Halperin, 📝L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli identitaire ?, 2001.

69

🕴️J. Carbonnier, 📝Le Code civil, in 🕴️P. Nora (dir.), Les lieux de mémoire, III. La Nation, 2. Le territoire, l’État, le patrimoine, 1986.

70

V. par ex. les travaux de Véronique Magnier sur la gouvernance et la responsabilité sociétale des entreprises : 🕴️V. Magnier, 📗Déontologie et éthique de l'entreprise, 2023 ; sur la question plus particulière de la vigilance, 📝Transformation de la gouvernance et obligation de Vigilancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'Obligation de Compliance, 2024.

71

Ce qui fait écho à la "double matérialité" de l'information extrafinancière, avec laquelle le Droit de la Compliance et de la Vigilance a de nombreux points de contact. Voir dans ce sens, 🕴️M.-A. Frison-Roche📝La vigilance, pièce d'un puzzle européenin I. Grossi (dir.), 📙La société vigilante, 2023 ; 🎥L'esprit des Lois en matière de vigilancein 🧮Les Rencontres du Haut Conseil du Commissariat aux Comptes (H3C), Réalités et défis de la CSRD - Perspectives du devoir de vigilance, conférence du 14 juin 2023 au H3C (devenu depuis le H2A).

La directive CSRD étant depuis transposée dans les États-membres de l'Union européenne, son interférence avec le devoir de vigilance relativise l'effet de l'adoption dans une forme plus modeste par rapport à l'ambition initiale de la directive CS3D, v. supra n° 9.

72

Cela est techniquement perceptible à propos des contrats. Voir dans ce sens 🕴️A. Oumedjkane, 📓Compliance et droit administratif, 2022 et 📝Le devoir de vigilance est-il soluble dans le droit des contrats publics ?in 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et contrat2025.

74

V. le dossier consacré à la transposition de la directive européenne de 2019 sur la protection du lanceur d'alerte paru à la Semaine juridique édition entreprise et affaires, 🕴️Fr. Drummond & 🕴️J. Icard, 📙Le nouveau cadre légal des lanceurs d’alerte, 2022.

75

L'arbitrage va prendre une place grandissante dans les mécanismes de Compliance et de Vigilance. Voir dans ce sens, 🕴️M.-A. Frison-Roche et J.-B. Racine, 📺L’accueil que l’arbitrage international fait au Droit de la compliance, 2024. 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'Obligation de Compliance, 2024, dont un chapitre est consacré à "L'arbitrage international en renfort de l'Obligation de Compliance".

76

Sur la reconnaissance de la technique du "plan", comme instrument de politique économique et instrument de régulation, v. 🕴️G. de Margerie, 📝L'État et le Temps : Précaution, prospective et planificationin Archives de Philosophie du Droit, 📗Le principe de précaution, 2020.

Pour l'analyse de ce qui se produit à l'intérireur des entreprises, v. la thèse de 🕴️Sébastien Neuville, 📗Le plan en droit privé, 1998. Cela est à mettre en miroir avec deux autres phénomènes, également étudiés par deux autres thèses remarquables, celle de Gaillard, 🕴️E. Gaillard, 📓La notion de pouvoir en droit privé, thèse Paris 2, 1981, publiée sous le titre 📗Le pouvoir en droit privé, 1985 (v. à ce propos, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧Concevoir le pouvoir, 2021) et celle de Neau-Leduc, 🕴️Ph. Neau-Leduc, 📗La réglementation de droit privé1998.

Ainsi, les entreprises exercent à la fois la planification, le pouvoir pour autrui et l'édiction de normes, triologie requise pour atteindre les Buts Monumentaux de la Compliance, dont la Vigilance est la pointe avancée.

78

Sur la voie pour atteindre ce changement culturel, v. infra n°15 et s. 

79

Ce qui rend difficile la superposition de ce que la CEDH désigne elle-même comme les "procès médiatiques" sur les procès proprement dits, les règles juridiques, notamment procédurales, ne semblant pas gouverner les premiers. Cela est un sujet de discussion juridique en lui-même, qui va s'ouvrir en matière de vigilance, puisque certains demandeurs portent immédiatement le différent dans les médias et les réseaux sociaux, que la doctrine commente immédiatement des décisions de justice qui sont pourtant l'objet de voie de recours, etc.

Sur la notion d' "espace de justice" et les pratiques juridictionnelles spécifiques qui s'y développent, v. le cycle de conférences organisé par la Cour de cassation en 2023 et 2024 : Penser les pratiques juridictionnelles au service d’un espace de justice.

80

V. l'analyse de 🕴️Nicolas Cayrol à propos des amici curiae devant le Tribunal judiciaire de Paris connaissant de l'action contre Total, 📝L'amicus curiae, mesure d'instruction ordinaire, 2022.

81

Sur cette nouvelle catégorie de contentieux portant sur le futur, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche, responsabilité scientifique et coordination de la conférence 🧮Dans l’espace de justice, les pratiques juridictionnelles au service du futurin Cour de cassation, Cycle de conférences "Penser les pratiques juridictionnelles au service d’un espace de justice", 21 novembre 2024.

83

🕴️M.-A. Frison-Roche📝Appréciation du lancement d'alerte et de l'obligation de vigilance au regard de la compétitivité internationalein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022. ; 🕴️A. Hatchuel & 🕴️B. Segrestin, 📝Devoir de vigilance : la norme de gestion comme source de droit ?, 2020 ; 🕴️Cl. Cavicchioli, 🕴️El. Hannezo et 🕴️J.-Ch. Jaïs, 📝French Duty of Vigilance Law: first decision on the merits rendered by a French Court, Linklaters, 6 décembre 2023.

85

🕴️B. Querenet-Hahn & 🕴️L. Babst, 📝Due Diligence Obligations under German and French Laws, 2023.

86

🕴️M. Fabre-Magnan, 📝Critique de la convergence des responsabilités contractuelle et délictuelle. L'exemple du devoir de vigilancein 📗Mélanges en l'honneur du Professeur Loïc Cadiet, 2023. Cette auteure souligne que : "C’est alors sans doute aussi une influence anglo-américaine qui est à l’œuvre, en particulier s’agissant du devoir de vigilance qui s’inspire clairement du mécanisme de la compliance. On sait que la common law ne connaît pas un principe général de responsabilité pour faute (ce que l’on appelle couramment la clause générale de responsabilité de l’article 1240 – ex-art. 1382 – du Code civil) mais seulement un ensemble de torts particuliers. Le tort le plus général et le plus connu – à savoir le tort de negligence issu du fameux arrêt Donoghue v. Stevenson de 1932 – est très différent de notre classique responsabilité pour faute. Dans un passage célébrissime de cette décision, Lord Atkin posait ainsi le fameux neighbour principle selon lequel une personne est tenue d’un duty of care, en d’autres termes de prendre des précautions raisonnables, uniquement vis-à-vis des proches (neighbours), c’est- à-dire des personnes « qui sont si étroitement et directement affectées par mon acte que je devrais raisonnablement les avoir en tête comme étant ainsi affectées lorsque je dirige mon esprit vers les actes ou omissions en question ».

La loi sur le devoir de vigilance est imprégnée de cette même façon de penser, et c’est tout naturellement que plusieurs auteurs en ont proposé le rapprochement. Ce mode de raisonnement de type contractuel conduit à rechercher qui serait « bénéficiaire » ou protégé par ce devoir de vigilance, ce qui conduit à relativiser la faute délictuelle.

Or si quelques règles spéciales ont sans doute pour objet de ne créer de devoirs que dans un certain cercle ou à l’égard de personnes précises (ainsi, l’amant ou la maîtresse ne sont pas tenus d’une obligation de fidélité ou de loyauté envers l’époux ou l’épouse délaissés), il en va autrement pour le devoir général de prudence et de diligence qui protège également tout le monde." (p.554-555).

88

🕴️E. Gaillard, 📓La notion de pouvoir en droit privé, thèse Paris 2, 1981, publiée sous le titre 📗Le pouvoir en droit privé, 1985.

89

C'est à son tour la « vigilance » qui reprend son sens courant. Ainsi l'on trouve dans une présentation pour praticiens (LexisNexis, Due diligence : tout ce que vous devez savoir, consulté le 12 avril 2024) la définition suivante : "La due diligence est un concept emprunté à la jurisprudence des États-Unis, que l'on utilise en France dans le contexte du droit des achats. Dans la langue française, on parle d'obligation de vigilance, mais l'expression anglaise tend à se généraliser, en raison de sa spécificité juridique, liée au droit spécifique des États-Unis. En quelque sorte la diligence, qu'elle soit raisonnable ou renforcée, renvoie à l'obligation pour l'acheteur d'être vigilant, selon le principe juridique du caveat emptor. Son but est de sécurisé achats et transactions.".

Il est remarquable qu'il ne s'agit pas du tout de veiller à l'effectivité des normes ou à la protection des êtres humains mais à la sécurisation du transfert de propriété.

90

Un titre complet est consacré à cette question dans l'ouvrage 🕴M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕L'Obligation de Compliance, 2024, à paraître, notamment au regard de la responsabilité civile : v. 🕴J.-S. Borghetti, 📝Le rapport entre le droit de la responsabilité civile et l'obligation de compliance.

91

Dans ce sens, 🕴️J. Andriantsimbazovina (dir.), 📗Puissances privées et droits de l'Homme. Essai d'analyse juridique, 2024.

93

C'est pourquoi les parties prenantes ne sont pas juridiquement responsables du plan de vigilance, alors que l'entreprise l'est car elle en est l'auteur.

 

94

Sur la nécessaire "prise en considération des générations futures" par le Conseil constitutionnel, voir la décision 🏛️Cons. const., 27 octobre 2023, n°2023-1066 QPC, Association Meuse nature environnement et autres.

95

Par exemple sur la notion de "procès en responsabilisation", v. 🕴️N. Cayrol, 📝Des principes processuels en droit de la compliancein 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2023.

97

Sur l'entreprise instituée comme Juge d'elle-même par le Droit de la Compliance, et les difficultés techniques qui en résultent car il est difficile d'être juge et partie, v. 🕴M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕La juridictionnalisation de la compliance, 2023.

98

M. Porter, Value Chain. Competitive Advantage, 1985.

99

Organisation des Nations Unies (ONU), Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » des Nations Unies, 2011, 41 p.

102

Dont il est ainsi reconnu que les logiques sont différentes. Tandis que la conformité peut être considérée comme servante du Droit de la concurrence, la Compliance, et notamment l'obligation de Vigilance, impliquant une collaboration sur le long terme, est une figure qui s'oppose à celle du Droit de la concurrence. On le comprend d'autant plus que la "filière" qu'est la structuration de la chaîne de valeur est une figure alternative de la mobilité du marché concurrentiel. Sur cet aspect, v. 🕴M.-A. Frison-Roche, 📝Droit de la concurrence et Droit de la Compliance, 2018 ; 📝Naissances d'une branche du Droit : le Droit de la Compliancein Mélanges L. Vogel, 2024.

105

Sur les contentieux systémiques que la "durabilité" va donc engendrer, v. 🕴M.-A. Frison-Roche, A. Gazzo et F. Peybernès, 🧮Le rapport de durabilité : Obligations et Contentieux Systémiques Émergents, 9 septembre 2024.

108

Sur l'interprétation nécessairement téléologique de la loi de 2017, v. supra n°9.

109

La "place de Paris" comprend aussi  le quartier de La Défense, lequel relève certes de la compétence territoriale de Nanterre, ce qui renvoie à la Cour de Versailles, mais cette Cour articule sa politique jurisprudentielle avec celle de la Cour d'appel de Paris.

110

Sur ce qui est aujourd'hui de l'histoire ancienne, l'autonomie de la branche du Droit ayant été admis par tous, 🕴M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la Régulation, 2001 ; 📝Définition du Droit de la régulation économique, 2004 ;  sur le lien entre le Droit de la Régulation et le Droit de la Compliance, l'ouvrage dont il est remarquable qu'il soit copublié par le 🏛️Conseil d'Etat et la 🏛️Cour de cassation, 📗De la régulation à la compliance: quel rôle pour le juge ?, 2024.

111

Sur la notion de "cause systémique", v. 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧L'hypothèse de la catégorie des "causes systémiques" portées devant le juge, 2021 ; sur la notion de "Contentieux Systémique", 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🎤L'émergence du Contentieux Systémique, 2024 ; sur l'articulation entre la Vigilance et le contentieux systémique émergent, v. 🕴️J. Boulard, 💬Contentieux systémique : il est important de rester au plus près des réalités, entretien avec Olivia Dufour, ActuJuridique, 27 mars 2024.

112

Sur l'articulation entre l'article 5 du Code civil et les "causes systémiques", 🕴M.-A. Frison-Roche, 📝L'hypothèse des causes systémiques et l'office du juge, 2021.

113

Conférence-débat 🧮La Vigilance, nouveau champ de contentieux systémique, 26 avril 2024.

114

Voir par exemple, 🕴F. Ancel, 🕴M.-A. Frison-Roche et 🕴J.-Ch. Roda, Conférence-débat, 🧮L'incidence du devoir de vigilance sur les litiges commerciaux, 25 septembre 2024.

115

Sur cet ensemble, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022 ; 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2024.

116

Sur cet ensemble, v. 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022 ; 🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Compliance et Contrat, 2024.

les commentaires sont désactivés pour cette fiche