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March 10, 2022

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► Référence complète : Frison-Roche, M.-A., "Secrets professionnels : spirale d'une importance accrue et d'un affaiblissement fulgurant", participation à la Table-Ronde sur le thème du secret professionnel, in Comité de Liaison des Institutions Ordinales (CLIO), Secret professionnel et indépendance : deux leviers, garants de l’efficacité et de la confiance envers les professions réglementées, 10 mars 2022.

Cette Table-Ronde est animé par Fabrice Lundy, journaliste à Radio-Classique ; y participent également Jean-Luc Sauron, Conseiller d'Etat et Jacques Lucas, Président de l'Agence du Numérique en Santé.

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Lire la synthèse écrite du colloque 

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 Revoir la vidéo de la table-ronde

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► Résumé de l'intervention : Le thème du secret professionnel est appréhendé comme illustration du rôle essentiel joué par les Ordres professionnels dans le monde d'aujourd'hui (le colloque traitant dans un second temps de la question de l'Indépendance). 

Avant toute participation active au débat proprement dit, l'intervention a pour utilité de présenter le Secret professionnel en lui-même, puis en quoi le monde actuel apporte des éléments nouveaux au besoin impératifs de celui-ci, dans le même temps qu'il le met particulièrement en difficulté.

 

I. LA PERMANENCE DES SECRETS PROFESSIONNELS

Le Secret professionnel, comme tout secret, porte sur une information. C'est une information qu'une personne a sur elle-même ou sur une autre, et qui potentiellement peut mettre cette personne en danger, ou la fragilise, ou l'expose, la constituant en situation de faiblesse par rapport à autrui : l'information peut concernant son état de santé, sa filiation, un acte dont un autre pourrait se prévaloir pour la punir plus tard.

Cette information, que la personne garde pour elle ou qu'elle partage avec peu de personnes, elle va la confier à un "professionnel". Pas n'importe quel professionnel : un professionnel en qui elle a confiance, non seulement parce qu'elle croît qu'il est techniquement compétent (un avocat qui connait le Droit, un médecin qui connait la Médecine) mais parce qu'elle croit qu'il va lui aussi garder pour lui cette information sur la faiblesse de son client, malgré le profit qu'il pourrait tirer de la communiquer à d'autres (presse, juge, voisin de table dans un diner, etc.). C'est donc la confiance que la personne en situation de faiblesse a dans le titre même de la personne, parce qu'il est "avocat" ou "médecin" ou "infirmier", etc., qu'il donne cette information, car il sait que parce qu'il est médecin (et pas seulement parce qu'il connait la Médecine), qu'il garde ce secret. Ainsi ce n'est pas le diplôme comme signe de compétence mais le titre comme signe d'appartenance à une profession qui garde les secrets qui est considéré : c'est pourquoi la profession va pouvoir valoriser cette garde des secrets au-delà des frontières par des associations (American Bar Association, par exemple), si elle peut crédibiliser cela (Ordre et secret sont intimes).

Le rapport que le professionnel, nouveau titulaire de l'information, a avec celle-ci découle de cela. Le professionnel est le "gardien" de l'information. Il n'en dispose pas : la personne concernée lui a confié non pas tant l'information que "la garde de l'information". Il exerce donc sur ce secret, c'est-à-dire le fait de ne pas révéler à autrui l'information, un pouvoir📎!footnote-2494. C'est pourquoi par exemple tandis que la personne concernée peut donner l'information à autrui, la presse par exemple, le professionnel, auquel elle s'était confiée, ne le peut pas. Dans la perspective du secret professionnel, dans la notion de "pouvoir", c'est la notion de "charge" qu'il faut voir, une "charge au bénéfice d'autrui"📎!footnote-2494

Cette conception juridique est stable depuis que les professions, notamment les professions libérales, existent : ce n'est pas par les compétences techniques, ni même par le lien personnel, que le secret professionnel se noue : c'est par l'appartenance à une profession : c'est donc par l'organisation même de cette profession et la crédibilité de celle-ci, le contrôle à l'entrée de qui y entre et doit en sortir en cas de manquement, l'effectivité, l'efficacité et l'efficience de la discipline. 

Tout cela n'est pas remis en cause. Au contraire, plus l'Etat a des difficultés en raison de la disparition des frontières et plus cette structure devient en pratique pertinente.

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Mais le choc vient d'ailleurs. Il faut du fait que précisément si les secrets que nous avons tous en nous et que nous voulons tous donner à garder n'ont pas changé, en revanche le monde dans lequel nous vivons a changé : ce monde est devenu numérique. 

 

II. LE CHOC DU NUMERIQUE SUR LES SECRETS PROFESSIONNELS ET L'URGENCE DE LES ACCROITRE

Or, par cette transformation totale du monde dans lequel nous vivons les secrets n'existent plus, les secrets professionnels pas moins mais pas plus que les autres.

Il faut mais il suffit qu'une "fuite" apparaisse dans l'espace digital et l'information est disponible à la fois partout et en un instant : la viralité est la loi naturelle de l'espace numérique qui recouvre le monde.

L'on peut s'en réjouir, parce que l'information est un bien commun, que nous sommes dans un marché de l'information, une économie de l'information, une société de l'information, une civilisation de l'information.

Si l'on est plus mesuré, l'on dira que certaines informations doivent être gardées par ceux qu'elles concernent et dans le cercle choisi des personnes qui ont leur confiance : c'est l'invention européenne des "données à caractère personnel", qui recoupent largement les secrets professionnels. 

Pour l'instant, le Droit tâtonne tant la situation est nouvelle ...

Tout d'abord, le Droit est dans une sorte d'adoration de l'information disponible sur tout, partout et pour tous... Il y développe des principes comme le "droit à l'information" (sans contrepartie financière), le "droit d'alerte" (vite confondu avec le droit de divulguer publiquement, qui n'existe pas ab initio n'apparaissant qu'en cas d'échec du mécanisme d'alerte, le "droit à la transparence" (qui méconnait l'idée même de droits de la défense) qui vont aller de plus en plus contre les secrets, même professionnels.  

Ensuite et surtout, la technologie numérique, qui a structuré l'espace numérique fait qu'une information à l'instant où elle est mise dans cet espace est diffusée immédiatement, partout et demeure disponible pour toujours. 

Dès lors, l'on peut toujours continuer à affirmer le principe des secrets professionnels, ceux-ci n'ont plus d'effectivité.

Or, et c'est lors le paradoxe, l'espace numérique non seulement n'a pas diminué la fragilité des personnes, fragilité compensée par la confiance dans la garde des secrets conservés par les professionnels ; au contraire le numérique a accru cette fragilité. 

Les revenge porn ou les meurtres en direct en sont un exemple : la personne est encore plus fragile dans l'espace numérique. Les "discours de haine" sont un enjeu majeur, non seulement pour la personne qui en est la victime mais pour le système lui-même puisque, comme le démontre Thimothy Snyder c'est aujourd'hui le système démocratique qui peut chuter. 

La "désinformation" peut partir d'une violation d'un secret professionnel, car il peut s'agir d'une information exacte exploitée à des fins nocives, constituant alors une infox, le conspirationnisme étant un phénomène lié au numérique.

Que peut faire le Droit ? 

Il peut aller dans deux directions :

Tout d'abord armer davantage les structures classiques : Ordres professionnels, police, Autorités de poursuites et Juridictions. 

Ensuite, internaliser dans les opérateurs numériques cruciaux, notamment les plateformes, le devoir de bloquer en Ex Ante la diffusion des informations qui doivent demeurer secrètes (données à caractère personnel, et secrets) : c'est le "Droit de la Compliance".

L'exercice de ce devoir par les entreprises numériques cruciales est lui-même supervisé par des autorités publiques : en France, la CNIL et l'Arcom. 

De nouveaux textes sont en cours d'adoption pour obliger les entreprises cruciaux de veiller à ce que les secrets ont préservés. C'est l'un des enjeux du Digital Services Act, Réglement de l'Union européenne en cours de discussion. 

L'avenir est certainement dans un rapprochement entre les structures classiques, notamment les ordres et ses Autorités publiques de supervision. 

Le Droit de la Compliance, nouvelle branche du Droit Ex Ante qui concrétise la garde des secrets peut être une solution dans cette situation à la fois très nouvelle et très préoccupante. 

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► aller à la présentation d'une précédente participation au colloque annuel du CLIO : La déontologie professionnelle dans un monde ouvert et concurrentiel 

► voir la publication qui s'en suivit. 

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► pour aller plus loin : 

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Les droits subjectifs, outils premiers et naturels du Droit de la Compliance, in Frison-Roche, M.-A., 📕Les outils de la Compliance, 2021

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A.,💬 "Et si le secret de l'avocat était l'allié de la lutte contre le blanchiment ?", 2020

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Avocats et Ordres au 21ième siècle2017

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Secrets professionnels, 1999

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Déontologie et discipline des professions libérales1998

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March 8, 2022

Public Auditions

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, audition par la Commission des Lois du Sénat sur la Proposition de Loi constitutionnelle relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, 27 septembre 2022.

Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Audition par la Section du Rapport et des Etudes du Conseil d'Etat pour la préparation du Rapport annuel sur Les réseaux sociaux, Conseil d'Etat, 8 mars 2022.

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Résumé de la présentation faite avant la discussion : Pour la partie reproductible de cette audition, consistant dans la présentation qui a pu être faite de la relation entre le Droit de la Compliance et le phénomène des réseaux sociaux, il a été repris l'idée générale d'un impératif de "réguler un espace sans ancrage" et l'apport que représente pour cela le Droit de la Compliance, dès l'instant qu'il n'est pas défini comme le fait de "se conformer" à l'ensemble de la réglementation applicable à l'agent mais comme la charge d'atteindre des "Buts Monumentaux", négatifs ou/et positifs, l'opérateurs ainsi chargé de cette obligation de moyens parce qu'il est en position de le faire, devant avoir la puissance pour y parvenir.

Se dégagent alors des notions nouvelles, comme la "Responsabilité Ex Ante" ou une notion de "Pouvoir" qui est commune aux opérateurs de droit privé et de droit public, leur nationalité venant également en second plan, le Droit de la Compliance étant naturellement a-territorial. 

Cette définition substantielle du Droit de la Compliance qui met en première ligne les opérateurs requiert que ceux-ci soient supervisé (dans un continuum entre Régulation, Supervision, Compliance,) le Droit de la Compliance opérant un continuum du Droit de la Régulation en n'étant plus lié avec l'impératif d'un secteur. Les opérateurs cruciaux numériques sont ainsi "responsabilisés", grâce à une "responsabilité Ex Ante", et s'ils sont supervisés par des Autorités de supervision (dont le modèle historique est le superviseur bancaire, ici l'Arcom), c'est le juge qui a fait naitre cette nouvelle notion de "responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance, aujourd'hui délivré du territoire dans une jurisprudence à propos du Climat qu'il convient de concevoir plus largement.

Ainsi délivré du secteur et du territoire, le Droit de la Compliance peut affronter le mal des réseaux sociaux que sont la désinformation et l'atteinte des enfants, maux systémiques où peut se perdre la Démocratie, perspective face à laquelle l'Ex Post est inapproprié. 

Le Droit de la Compliance est donc pleinement adéquat. 

Il convient que le Juge continue sa mue en concevant lui-même non pas seulement dans un Ex Post plus rapide, mais dans un office Ex Ante, contrôlant des entreprises qui, elles-mêmes doivent avoir des fonctions des offices de gardiens (ici gardiens des limites concernant les contenus). 

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Voir ⤵️ la structure plus formelle de l'intervention, qui fut ensuite discutée

Feb. 23, 2022

Teachings : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., La régulation des prises de contrôle des sociétés dont le capital est exposé aux marchés financiers, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 23 février 2022.

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Résumé de la leçon sur la Régulation des prises de contrôle des sociétés dont le capital est exposé aux marchés financiers : Dans son lien avec la gouvernance, le Droit de la régulation bancaire et financière a l'ambition d'organiser la façon dont les pouvoirs s'organisent au sein des entreprises, son prisme le conduisant à orienter cette gouvernance vers la protection de l'épargne, des investisseurs et des marchés. Imprégnant ainsi le Droit des sociétés, c'est contre cela que le rapport Notat-Senard a réagi, ce que la loi PACTE a donné forme. 

Il demeure que si la société est cotée, ce qui ne correspond pas à toutes les entreprises, le Droit de la régulation continue à influer cette gouvernance à travers le principe de transparence. Ce principe devient impératif lorsqu'il y a une perspective de changement de contrôle. En effet les marchés financiers ne sont pas seulement des marchés de rendements pécuniaires, ils sont aussi des marchés de pouvoirs, ce qui renvoie à la double nature du titre de capital qu'est l'action : celle-ci offre à son titulaire des droits patrimoniaux potentiels et droits politiques actifs, même s'ils n'emportent pas forcément pouvoir de décision.

Ce marché du pouvoir et du contrôle des sociétés est par excellence le marché boursier.  Les prises de contrôle, qui pourraient en rester à la nature de contrats d'achat et de vente, sont entièrement gouvernées par l'Autorité de Régulation, en France l'AMF.  L'on part donc du principe d'une offre, mais il peut arriver que cette offre d'achat (ou d'échange) devienne "obligatoire", lorsque des seuils de prise de contrôle sont déjà atteints (30%). Même lorsque des textes interviennent dans un sens libéral, comme en ce qui concerne le contrôle des montants proposés par les offreurs dans le mécanisme d'OPA ou d'OPE les directives de l'Union européennes demandant à ce que les Régulateurs ne contrôlent plus le caractère "équitable" de celui-ci, les juges admettent que par le visa de l'office général du Régulateur et la bonne information de l'actionnaire un tel contrôle soit maintenu, voire accru (cas Altice).

Le marché financier pénètre déjà dans cette régulation des pouvoirs sociétaires lorsque la société est "exposée" au marché financier par la cotation de ses titres sociaux, ou par le mécanisme plus général de financement de marché, les investisseurs titulaires de titres de créance demandant le bénéfice de la même transparence, voire des droits politiques analogues à ceux dont bénéficient les titulaires des titres de capital. Mais les entreprises, à travers leur structuration sociétaire, sont définitivement "ouvertes" lorsque leur capital, c'est-à-dire non seulement leur richesse mais encore le pouvoir politique, est disponible sur ce marché financier spécifique qu'est le marché boursier. Le Droit régule alors les procédés de "prise de contrôle", tâche première de l'Autorité des marchés financiers, car si le pouvoir est par principe disponible, la "loi des volontés" ne peut suffire.  L'on retrouve alors, mais sous une forme plus nette, les lois du capital, des volontés et des intentions.

Le Droit pose en effet le principe même des "offres publiques", les opérateurs devant tout d'abord révéler leur "intention" de prendre le contrôle, puis devant offrir à tout actionnaire une contrepartie soit en argent soit en titres. Dans cet achat du pouvoir, le Régulateur boursier joue un rôle central, mais les textes européens dans une perspective plus libérale que précédemment ont posé qu'il n'a pas à contrôler le caractère équitable du prix que l'initiative de l'offre propose, concentrant davantage son pouvoir sur l'information due aux personnes "intéressées", ce qui est excède le seul cercle des titulaires des titres de capital, pour concerner le cercle de la catégorie qui commence à s'implanter dans le nouveau Droit des sociétés qui se dessine : les "parties prenantes". Par la régulation des "prises de contrôle des sociétés ouvertes", l'on quitte de plus en plus l'idée d'une Régulation jouxtant l'économie administrée, parce qu'il s'agirait de la puissance étatique tenant les structures du marché financier afin que celui-ci soit fiable, le premier principe étant la transparence, pour aller vers une Régulation jouxtant la "Gouvernance" des sociétés qui sont exposées aux marchés financiers et qui à ce titre doivent admettre que leur fonctionnement politique doit être transparent, notamment au regard du futur de l'entreprise, voire partagé avec ceux qui ont un intérêt financier avec ce fonctionnement, voire avec également ceux qui y ont un intérêt non directement financier. En cela, le Droit de la Régulation des marchés financiers, en procéduralisant et en contrariant le fonctionnement trop brutal de ceux-ci, est le bastion avancé d'un fonctionnement plus général des sociétés, de nombreuses dispositions ayant tendance à être bilatéralisées dans le Droit des sociétés non-cotées, puisque cette distinction n'existe pas formellement par ailleurs dans le Droit des sociétés. 

Le cas Veolia/Suez a mêlé toutes ces dimensions, qui se contredisent souvent, voire s'affrontent.

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Voir ci-dessous la bibliographie de base et d'approfondissement relative au Droit des prises de contrôle des sociétés ouvertes ⤵️

Feb. 16, 2022

Teachings : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les principes et la place de la répression dans le Droit de la Régulation et de la Supervision bancaire et financière, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 16 février 2022.

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 Résumé de la leçon sur les principes et la place de la répression dans le Droit de la Régulation et de la Supervision bancaire et financière : Après avoir vu précédemment les règles techniques qui gouvernent la sanction et la prévention des Abus de marché, il convient pour mieux comprendre les décisions et les conflits de revenir sur la tension permanente et peut-être définitive qui marque les principes et la place de la répression dans le Droit de la régulation bancaire et financière : dans le même temps qu'elle est un outil presque ordinaire de la Régulation, puisque la répression des abus de marché assure l'intégrité et le fonctionnement des marchés financiers, la répression ne peut et ne doit se soustraire à ce avec quoi elle entretient un lien de filiation : le Droit pénal. Dès lors et par exemple, alors qu'au premier titre, l'efficacité est son premier souci, au second titre, les droits de la défense et le souci des secrets demeurent, tandis que la nature régalienne du Droit pénal trace un cercle par nature national alors que la Régulation financière est au mieux mondiale, au moins européenne. 

Il convient de reprendre cette question à travers une perspective plus générale, notamment à travers le Droit pénal et le droit européen.

En effet, dans le même temps et parce qu'il s'agit de mécanismes qui ne peuvent pas faire sécession avec le système juridique, sa structure et ses fondements, l'on pourrait penser que la répression en matière bancaire et financière est une déclinaison du droit pénal général, qu'elle en emprunte et en respecte les principes généraux, concevant des infractions spéciales pour les besoins qui lui sont propres. Ainsi, tout ce qui caractérise le Droit pénal , l'élément intentionnel de l'infraction, le caractère restrictif de l'interprétation des textes, le principe de la personnalité des délits et des peines, le système procédural indissociable des règles substantielles (comme les charges de preuve ou le principe non bis in idem) devrait s'appliquer dans des infractions générales qui concernent le secteur , comme l'escroquerie ou l'abus de confiance comme dans les infractions plus particulières, comme l'abus de biens sociaux, voire des infractions spécifique comme le blanchiment d'argent.

Mais et tout d'abord, par souci d'efficacité , le droit a tout d'abord développé un système de répression qui a emprunté d'autres méthodes, imprégnées avant tout du souci d' efficacité . En outre, le droit a organisé une sorte de double jeu répressif, par un droit administratif répressif à la disposition des régulateurs, qui prend assez souvent distance par rapport au droit pénal classique, lequel continue pourtant de s'exercer.

Les tensions ne peuvent qu'apparaître. A l'intérieur du droit pénal , dont les principes sont assouplis alors que la rigidité du droit pénal est dans sa nature même, dans l'articulation du droit pénal avec le droit administratif répressif , guidé par le service efficace de l'ordre public de marché, les Cours constitutionnelles tentant de garder un équilibre à l'ensemble. 

Il faut sans doute prendre acte que contrairement aux principes classiques, le droit pénal financier n'est plus autonome du reste de la régulation , la répression devient objective, l' efficacité est son critère et ses objectifs sont systémiques. La loi dite "Sapin 2" le manifeste en internalisant tout le dispositif répressif dans les opérateurs eux-mêmes, devenant à la fois les assujettis et les agents d'effectivité de la Régulation .

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Voir ci-dessous le reste des supports utiles au suivi profitable de la leçon 

Feb. 9, 2022

Teachings : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Prévention et sanction des Abus de Marchés, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 9 février 2022.

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 Résumé de la leçon sur les Abus de marché : Dans une conception classique et du Droit et du "libre marché", le principe est la liberté d'action de la personne. Même si l'exercice de cette liberté, voire d'un droit subjectif peut causer un dommage, par exemple un dommage concurrentiel, c'est en quelque sorte le prix légitime d'une société libre et concurrentielle. Ainsi dans une conception libérale, seul l'abus est sanctionné, c'est-à-dire l'exercice fautif que l'on fait de sa liberté ou de son droit, allant parfois jusqu'à l'exigence d'une faute qualifiée.

Mais les secteurs bancaires et financiers ne sont pas gouvernés par le principe de libre concurrence. Ils sont gouvernés par le principe de régulation, le principe de concurrence n'y a qu'un rôle adjacent. Cela ne pourra qu'engendrer de graves difficultés lorsque le Droit de la concurrence et le Droit bancaire et financier font s'appliquer d'une façon cumulée ou confrontée sur une même situation.

Les marchés financiers sont construits sur le principe de régulation qui pose le principe de transparence et de partage d'une information exacte : c'est ainsi que l'intégrité des marchés financiers est assurée, l'Autorité des Marchés financiers en étant le gardien.

La prévention et la sanction des "abus" de marché est donc non pas une part résiduelle du Droit financier, mais un pilier de celui-ci, contrairement au Droit des marchés ordinaires concurrentiels, sur lesquels l'opacité et le non-partage des informations est la règle. 

Cela explique l'état du droit des "abus de marché", dont l'effectivité de la prohibition est essentielle pour le bon fonctionnement ordinaire des marchés financiers. Leur prohibition nationale a été harmonisée par le Droit de l'Union européenne, à travers des textes dont les signes reprennent l'appellation anglaise : Market abuses (ainsi le nouveau Règlement communautaire sur les abus de marché est dit Règlement MAR (Market Abuses Regulation) et la directive qui l'accompagne MAD (Market Abuses Directive).

Il sanctionne un certain nombre de comportements, qui portent atteinte à l'intégrité des marchés, 

Mais il n'exprime plus des exceptions par rapport à un principe : des fautes par rapport à des libertés ou à des droits. Il exprime des moyens par rapport à des principes dont la sanction des abus ne constitue que la concrétisation de principes dont ils sont la continuité même : l'efficacité du marché, son intégrité, sa transparence, l'information de l'investisseur.

C'est pourquoi la sanction des abus de marché ne sont pas du tout un phénomène périphérique par rapport à la Régulation des marchés financiers et à l'activité et au fonctionnement des bancaires, comme l'est le Droit pénal : elle est au contraire à la fois ordinaire et centrale. Cette différence des deux ordres publics va se retrouver dans la question lancinante de la sanction pénale et de la sanction administrative des mêmes abus de marché (par exemple "manquement d'initié" et "délit d'initié", qui ont tendance à se cumuler dans des techniques de répression qui seront l'objet de la prochaine leçon. 

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Utiliser les matériaux ci-dessous pour aller plus loin et pour préparer votre conférence de méthode ⤵️

Feb. 7, 2022

Editorial responsibilities : Direction of the collection "Cours-Série Droit privé", Editions Dalloz (33)

Référence complète : Cayrol, N., Procédure civile, 4ième éd., Coll. "Cours Dalloz-Série Droit privé", Dalloz, 2022, 569 p.

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Présentation de l'ouvrage : L'étude de la procédure civile est indispensable à tous les étudiants désireux d'embrasser une « carrière judiciaire » : magistrat, avocat, huissier, etc. Par nombre d'aspects, la procédure civile est bien, en effet, un droit professionnel, un droit à l'usage des professionnels du procès. La matière figure d'ailleurs aux épreuves des concours et examens d'accès à ces professions.

Mais la procédure civile n'est pas seulement un droit professionnel : elle traite de problèmes qui intéressent tous les juristes, quels qu'ils soient, qu'ils pratiquent ou non la procédure. La connaissance des notions procédurales de base est nécessaire pour la bonne compréhension de nombreuses questions de droit.

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Lire la table des matières.

Lire la quatrième de couverture.

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📚Voir l'ensemble des ouvrages de la même collection "Cours Dalloz -Série Droit privé", créée et dirigée par Marie-Anne Frison-Roche,

et notamment ceux qui traitent des branches du Droit interférant avec la Procédure civile :

📕  Procédure pénale

📕  Procédures civiles d'exécution

📕  Institutions juridictionnelles

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Updated: Feb. 5, 2022 (Initial publication: Oct. 10, 2021)

Publications


► Full Reference: Frison-Roche, M.-A., Duty of Vigilance, Whistleblowing and International Competitiveness, Working Paper, September 2021.

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🎤 this Working Paper is the basis for a conference , in the colloquium Effectiveness of Compliance and International Competitiveness, co-organised  by the Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and the Center for Law and Economics of the Panthéon-Assas University (Paris II),   November 4, 2021

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📝this Working Paper is also the basis for an article. This article is to be published 

in its French version in the book 📕Les buts monumentaux de la Compliancein the series 📚Régulations & Compliance

 in its English version in the book 📘Compliance Monumental Goals, in the series la collection 📚Compliance & Regulation

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► Working Paper Summary: The "Compliance Tools" are very diverse. If it has been chosen to study more particularly among these the obligation of vigilance and the whistleblower, these rather than others and to study them together, it is because they present in the perspective of the specific topic chosen, namely "international competitiveness", and for companies, and for economic zones considered, and for legal system inseparable from them, a uniqueness: these are mechanisms which release Information. 

By order of the law, the company will not only stop ignoring what it covered with the handkerchief that Tartuffe held out to it or that a conception of Company Law legitimately allowed it to ignore. This article does not examine if this revolution made by Compliance Law expresses in the legal system is on the one hand legitimate and on the other hand effective: the article measures what is happening at the regard to "international competitiveness".

Compliance Law is therefore be examined here through its instruments, and not in relation to its normativity. In fact, its instruments are intended to provide Information and to make this information available, in its presentation, in its intelligibility and in the hands of those who are able to use Information in perspective of the Compliance Monumental Goals, achieving them. 

Regarding this central notion of Information, international competitiveness will be more particularly concerned because Compliance Law will oblige the company itself to seek out, then expose to everyone's eyes, in particular its competitors, its weaknesses, its projects, its alliances, its flaws. This does not pose a problem if its competitors themselves are often subject to this new branch of Law, which goes far beyond transparency, which is already a new mechanism because a company is not a transparent organization and Competition Law that governs ordinary businesses never required this. But if they are not subject to this incredibly special branch of Law that is Compliance Law, then there is a distortion of competitiveness by the very fact of the Law.

It is possible to pretend that the markets like virtue, that they give it credit because they are themselves based on the idea of "promise", which is ultimately based on a moral concept, but this provision of Information to others, while others remain opaque, is a major problem of competitiveness, which the legal requirement of "loyal commercial practices" only very partially considers.

Therefore, it is necessary to first examine what is the economic and financial power of the information captured by the company on itself thank to Compliance Law making available to all but firstly to the compagny itself through the whistblowing mechanism, organised by the laws, differently in the US and Europe (I). Compliance Law also obliges companies to be accountable not only for what they do but also for what others do for them. Through the obligation of Vigilance, objective Ex Ante obligation and duty, the company obtains a power of Information on others which could well resolve what is often presented as the dispute aporetic of the extraterritoriality of Compliance Law, thus making accountable companies hitherto protected by their "preserved" legal system and thereby affected by the effectiveness of Compliance Law (II).

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read below the developments

Feb. 2, 2022

Teachings : Droit de la régulation bancaire et financière - semestre 2022

 Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Le Droit européen de régulation et de supervision bancaire et financière, in Leçons de Droit de la Régulation bancaire et financière, Sciences po (Paris), 2 février 2022.

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 Résumé de la leçon sur le Droit européen de Régulation et de Supervision bancaire et financière : L'Europe est avant tout et pour l'instant encore une construction juridique. Elle fut pendant longtemps avant tout la construction d'un marché, conçu politiquement comme un espace de libre circulation (des personnes, des marchandises, des capitaux). C'est pourquoi le Droit de la Concurrence est son ADN et demeure le cœur de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, qui tient désormais l'équilibre entre les diverses institutions, par exemple la Banque Centrale Européenne, dont les décisions peuvent être attaquées devant elle. Mais aujourd'hui le Droit de l'Union européenne se tourne vers d'autres buts que la "liberté", laquelle s'exprime dans l'immédiat, notamment la "stabilité", laquelle se développe dans le temps. C'est pourquoi la Banque y prend un si grande importance. 

En outre, face aux "libertés" les "droits" montent en puissance : c'est par les institutions juridiques que l'Europe trouve de plus en plus son unité, l'Europe économique et financière (l'Union européenne) et l'Europe des droits humains (le Conseil de l'Europe au sein duquel s'est déployée la Cour européenne des droits de l'Homme) exprimant les mêmes principes. C'est bien à travers une décision prenant appui sur le Droit de la concurrence que la Commission européenne le 18 juillet 2018 a obligé Google à concrétiser le "droit d'accès" à des entreprises innovantes, apte à faire vivre l'écosystème numérique, tandis que le Régulateur financier doit respecter les "droits de la défense" des personnes qu'il sanctionne.

Aujourd'hui à côté de l'Europe économique se développe en même temps par des textes une Europe bancaire et financière (on ne sait pas si par le Droit - par exemple le droit de la propriété intellectuelle - existera une Europe industrielle).La crise a fait naître l'Europe bancaire et financière. L'Union bancaire est issue de Règlements communautaires du 23 novembre 2010 établissant des sortes de "régulateurs européens" (ESMA, EBA, EIOPA) qui donnent une certaine unité aux marchés financiers qui demeurent nationaux, tandis que les entreprises de marché, entreprises privées en charge d'une mission de régulation, continuent leur déploiement selon des techniques de droit privé. L'Union bancaire est née d'une façon plus institutionnelle encore, par trois piliers qui assurent un continuum européen entre la prévention des crises, la résolution des crises et la garantie des dépôts. En cela, l'Europe bancaire est devenue fédérale. 

Sur les marchés de capitaux, des instruments financiers et des titres, l'Union européenne a utilisé le pouvoir que lui confère depuis la jurisprudence Costa et grâce au processus Lamfallussy d'une sorte de "création continuée" pour injecter en permanence de nouvelles règles perfectionnant et unifiant les marchés nationaux. C'est désormais au niveau européen qu'est conçu la répression des abus de marché mais aussi l'information des investisseurs, comme le montre la réforme en cours dite "Prospectus 3". A l'initiative de la Commission Européenne, les textes sont produits en "paquet" car ils correspondent à des "plan d'action " . Cette façon de légiférer est désormais emprunté en droit français, par exemple par la loi dite PACTE du 29 avril 2019. Cette loi vise - en se contredisant parfois - à produire plus de concurrence, d'innovation, à attirer l'argent sur des marchés dont l'objectif est aussi la sécurité, notion d'égale importance que la liberté, jadis seul pilier du Droit économique. Conçue par les but, La loi est définitivement un "instrument", et un instrument parmi d'autres, la Cour de Justice tenant l'équilibre entre les buts, les instruments et les institutions.

La question du "régulateur" devient plus incertaine : la BCE est plus un "superviseur" qu'un "régulateur" ; le plan d'action pour une Europe des marchés de capitaux ne prévoit pas de régulateur, visant un capitalisme traditionnelle pour les petites entreprises (sorte de small businesses Act européen).

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Documentation spécifique à cette leçon sur

l'Europe du Droit de la Régulation bancaire et financière 

 

Documentation sur les textes et les institutions : 

 

Documentation sur la jurisprudence : 

 

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