Matières à Réflexions

3 octobre 2014

Conférences

Si l'on veut bien admettre que la régulation est identifiée par la mise en balance du principe de concurrence avec un autre principe, a-concurrentiel, voire anti-concurrentielle, alors la paix a vocation à se glisser dans cette définition technique de la régulation.

En effet, si l'on considère que le libéralisme a quant à lui partie liée avec la concurrence, l'on peut au contraire considérer que des mécanismes économiques qui sont "colorés" par le souci de justice sociale, la répartition équitable des richesses, la construction des infrastructures pour le bien commun futur, peuvent s'interpréter comme pouvant s'appuyer sur le concept de paix, conçue comme projet kantien. Ainsi organisée, la régulation relève alors du droit international public.

Mais l'on peut concevoir un système dans une perspective plus économique, relevant davantage du droit des affaires. Ainsi, si l'on prend le programme "pétrole contre nourriture", on peut exactement le lire comme une régulation du commerce pour engendrer la paix, négativement pour empêcher la constitution des trésors de guerre et pour permettre de nourrir la population.

Plus encore, lorsque l'on examine les limitations faites aux droits des créations par le CERDI, ce fût bien au nom du droit des Etats d'exercer un pouvoir expressément de "régulation" pour apporter la paix grâce à la dévaluation afin que le citoyen puisse demeurer consommateur.

Peut-on aller plus loin ? Peut-on aller au-delà de la casuistique ?

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1 octobre 2014

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Cet arrêt de la Cour de cassation du 1er octobre 2014 résulte du croisement de deux thèmes juridiques classiques : "Juge et contrat" et  "Le relevé d'office de la règle de droit par le juge".

Le plus souvent, les arrêts rendus sur ces thèmes par la Cour de cassation énoncent que le relevé d'office constitue pour les juges non pas un devoir mais bien plutôt un pouvoir, c'est-à-dire que le juge "peut" appliquer le droit sans que la partie au litige le lui demande, mais n'y est pas contraint par le système juridique.

Tout change lorsque l'ordre public est impliqué, dans le cas présent, constitué par le droit de la consommation.

En l'espère, le demandeur est une association de consommateurs, qui s'appuie sur des dispositions spécifiques du Code de la consommation lui permettant d'obtenir l'annulation de clauses abusives de tous les contrats particuliers, reflet d'un "contrat-type".

La Cour de cassation rend un arrêt de cassation et de principe, en posant que "le juge est tenu d'examiner d'office le caractère abusif des clause contractuelles invoquées par une parties dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet", c'est-à-dire impose au juge l'obligation de relever d'office le caractère abusif de la clause.

30 septembre 2014

Base Documentaire : 05.1. CEDH

30 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit forme un "système". En cela, il fonctionne selon des règles et des procédures préétablies. Le principe en est la hiérarchie entre les prescriptions obligatoires (normes), la norme inférieure devant être conforme à la norme supérieure. Cette mise en hiérarchie permet la prévisibilité, à travers le "principe de légalité" et le "principe de constitutionnalité". Dans le système juridique français, on continue de feindre en affirmant, en posant que ce que dit le juge n'appartient pas à la hiérarchie des normes. Cette pyramide s'est dédoublée, car à la pyramide interne s'est superposée la hiérarchie entre le droit national et le droit supra-national. Des solutions complexes et subtiles tentent de concilier ces deux pyramides.

Mais l'on cherche désormais à faire fonctionner le système juridique sur un mode moins hiérarchique. Par exemple en rendant compatible des règles ou principes contradictoires. Plus encore par le "droit souple" qui se glisse partout, voire qui recouvre tout. A ce jeu, chacun devient créateur de droit.

 

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29 septembre 2014

Blog

La liberté d'expression est une condition de la société démocratique. C'est pourquoi elle est à la fois un droit de l'homme et un principe constitutionnel. Peu importe que l'opinion ne soit pas "convenable". Il n'en fût pas toujours ainsi et Sade fût emprisonné en raison de ses écrits.

Mais de la même façon, lorsque Jean-Jacques Pauvert, décédé le 27 septembre 2014, publia en 1948 les oeuvres complètes de Sade, que les éditeurs se gardaient de faire, prenant soin d'ôter les passages les plus sulfureux et violents contre les hommes et contre Dieu, Pauvert fût poursuivi et condamné par la justice pénale pour "outrage aux bonnes moeurs".

Dans ce procès qui se déroula à Paris en 1956, André Breton écrivit aux juges pour leur expliquer d'une part que Sade était un moraliste. Était-ce un argument pertinent pour un juge ? D'autre part, il reprit l'argument selon lequel un auteur n'est pas responsable de ceux qui le lisent mal. Est-ce suffisant pour n'être pas responsable ? En troisième part, il insista sur le fait que Pauvert représentait la liberté d'expression. Cela ne suffit pas en première instance, même si le jugement de condamnation fût dans un second temps réformé en appel.

La littérature, qu'incarne aussi André Breton, peut-elle venir à la barre ?

Un procès, comme celui qui se déroula en 1956, aura-t-il lieu aujourd'hui ? Se déroulerait-il de la même façon ?

Enfin, ayons une pensée pour Jean-Jacques Pauvert, grand éditeur, pourchassé pour faire son métier, car il n'y a pas de littérature sans éditeur.

28 septembre 2014

Blog

Qui ne connaît la jurisprudence Baby-Loup ?Sur le moment, chacun s'en est ému, a eu son opinion, a commenté les retournements entre le premier arrêt de la Cour de cassation, l'arrêt de résistance de la Cour d'appel de Paris sur conclusions flambloyantes du Procureur général, l'arrêt contraire et protecteur de la crèche de l'assemblée plénière de la Cour de cassation.Mais aujourd'hui, faute de subventions, la crèche va sans doute fermer. Le conseil municipal de Conflan-Saint-Honorine le dira le 29 mars 2014.

1. Cette fermeture est corrélée au procès. L'association dût changer de commune, en raison de l'affaire. La nouvelle commune n'est pas tenue par les engagements de l'autre.

2. La petite crèche Baby-Loup restera pour toujours célèbre, car dans tous les cours portant sur la laïcité, les étudiants entendront parler d'elle. Elle est entrée au Panthéon du droit.

3. C'est si souvent le cas : Rose Jand'heur et Agnès Blanco , ces deux petites filles d'une dizaine d'années, depuis longtemps disparues ... Savaient-elles, vieilles dames, que leur patronyme, Jand'heur, Blanco, était et serait récité, couché sur des copies, invoqué par les plus grands auteurs ?

A petites filles, grands cas. A petite crèche, grand destin dans le paysage du droit.

26 septembre 2014

Blog

La filiation est un élément fondamental des sociétés.

Il a été démontré en anthropologie que certaines règles étaient fondamentales pour l'équilibre des sociétés. Ainsi en est-il de la prohibition de l'inceste, entre les parents et les enfants, entre les frères et les soeurs.

L'une des raisons pour lesquels le droit prohibe d'une façon absolue les conventions de maternité pour autrui (que certains appellent "G.P.A.") tient au fait que non seulement le bébé est vendu comme une chose, non seulement la mère de celui-ci, la mère qui le porte, est alors une esclave, mais encore tient au fait que si on le permettait, l'on pourrait arriver à valider l'inceste.

Ainsi, lorsque les arrêts du 26 juin 2014 de la CEDH condamnèrent la France pour ne pas prendre en considération le lien entre l'enfant issu d'une "GPA" faite à l'étranger, le professeur de droit Muriel Fabre-Magnan affirma que le droit fondamental de la filiation était si heurté que l'on pouvait craindre dans un choc en retour la levée de la prohibition de l'inceste.

Trois mois après, le conseil d'éthique propose en Allemagne de lever la prohibition juridique de l'inceste entre frère et soeur. Ce n'est pas la solution technique qui est bouleversante, mais la motivation. En effet, le Conseil estime qu'il ne convient pas de sanctionner ainsi deux "adultes consentants" qui s'aiment.

Le consentement serait donc seul maître à bord.

Le marché, qui ne fonctionne que sur l'ajustement des consentements et ne connaît que cela, a gagné pour être le seul modèle de référence. Le marché devient le modèle de la société même.

Qu'en aurait dit Claude Lévi-Strauss ?

25 septembre 2014

Blog

J'écoutais la radio dans le taxi en sortant de mon cours.

Les journalistes parlent sur toutes les ondes ce qui serait un "arrêt" rendu par la Cour de cassation. Celui-ci aurait admis l'efficacité en France de la procréation médicalement assistée (P.M.A.), lorsque l'une des femmes d'un couple lesbien l'a réalisée à l'étranger, sa conjointe voulant procéder par la suite à l'adoption de l'enfant.

Les journalistes affirment que l'arrêt est justifié par "l'intérêt supérieur de l'enfant" et qu'il "tire les conséquences de la loi du 17 mai 2013". Les journalistes expliquent que l'arrêt est conforme au Code civil et aux engagements internationaux de la France.

Cela suffit à écarter la prohibition du droit français de recourir à la P.M.A. par convenance, sans constat d'une stérilité médicalement constatée.

Rentrée à mon bureau, j'écoute les médias sur lesquels l'information repasse en boucle et je vais chercher le document.

Il ne s'agit en rien d'un arrêt, mais de deux avis, que les journalistes n'ont pas lus. En revanche, ils ont lu le "communiqué" que la Cour a diffusé dans toutes les salles de rédaction, qui exprime la philosophie de ce qui est présenté comme une décision. C'est de ce communiqué qu'est tirée cette sorte d' "auto-commentaire" que la Cour fait de ses avis, pourtant si laconiques, selon lequel sa position est conforme au droit interne et international de l'adoption.

En revanche, les deux avis, qui se réduisent à une phrase, ne contiennent aucune discussion et ne développent aucun motivation. Dans l'unique phrase, il est posé  : il suffit désormais que le droit de l'adoption soit respecté et que l'intérêt de l'enfant ne soit pas contrarié pour que le non-respect du droit français par la pratique des adultes ne fasse pas obstacle à l'établissement de la filiation de l'enfant.

Par un simple avis, à peine motivé, la Cour anéantit et la loi et sa propre jurisprudence.

Sous l'Ancien Régime, l'on connaissait les arrêts de règlement. Nous connaissons désormais les "avis de règlements".

 

Lire les avis de la Cour de cassation du 22 septembre 2014

Lire les conclusions de l'avocat général.

 

 

24 septembre 2014

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

Par son arrêt du 24 septembre 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel qui avait fait application de la règle de l'estoppel.

Lire le billet de blog à propos de l'arrêt.

23 septembre 2014

Base Documentaire : Doctrine

23 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit constitutionnel fût longtemps considéré, et l'est encore parfois, comme une branche du droit public. Aujourd'hui, il est au coeur du système juridique et irradie celui-ci, reflétant par ailleurs la substance du droit international. Dès lors, la Constitution n'est plus tant "en haut" du système juridique, conception formelle du droit, qu'en son "coeur", dans une conception plus substantielle.

Dès lors que la Constitution prend de l'importance, son gardien devient puissant. Plus les contours de la Constitution s'étendent et plus le gardien de la Constitution a de la matière pour exprimer la norme constitutionnelle, qui pose l'équilibre des pouvoirs, les modes d'exercice des pouvoirs et les libertés et droits fondamentaux. Or, le bloc de constitutionnalité n'a cessé d'accroître sa dimension, à travers le préambule de la Constitution de 1958, la Déclaration de 1789 et les Principes Fondamentaux des Lois de la République.

Ainsi, le Conseil constitutionnel, gardien exclusif de la Constitution, a évolué dans son emprise sur la Constitution, notamment par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui superposa un contrôle a posteriori  au contrôle a priori , à travers la Question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.). En revanche, sa composition n'a pas changé, pas plus que sa façon de rédiger les décisions, ce qui peut poser problème, si l'on finissait par voir dans le Conseil une sorte de "cour suprême".

En outre, au fil du temps, le Conseil constitutionnel a élaboré un corpus de règles et principes constitutionnels. Il a élaboré des principes constitutionnels fondamentaux, qui sont souvent le reflet de principes élaborés par le Conseil d'État, comme le principe d'égalité ou le principe d'impartialité. Il développe de plus en plus des libertés et droits à portée générale, comme le droit de propriété ou la liberté contractuelle.

En cela, le droit constitutionnel participe au mouvement général de subjectivisation du système juridique français, le rapprochant du droit anglo-saxon. En outre, l'État devient de plus en plus un justiciable. Certains y voit dès lors un "gouvernement des juges".

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22 septembre 2014

Base Documentaire : 02. Cour de cassation

16 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit n'est pas une technique neutre. Sa valeur tient dans ce qu'il n'est pas disponible à la force, quelle que forme que prenne cette forme, physique, politique ou économique. Mais la première valeur du droit est d'affirmer sa neutralité par rapport à des valeurs qu'il considère comme du cercle des individus, comme l'est aujourd'hui la religion. Ainsi, à la fois l'Etat est laïc, mais il protège dans le même les libertés religieuses.

Dans le même esprit, le droit tout à la fois ne s'immisce pas dans les choix individuels et n'impose pas des convictions aux individus, tandis qu'il assure l'effectivité de la vie privée ou la liberté d'expression, les libertés étant premières par rapport aux droits fondamentaux, mais à un moment cette valeur de neutralité et de tolérance s'arrête devant l'ordre public.

Pourtant, le droit est imprégné de valeurs. Tout d'abord, intrinsèquement, le droit a de la "valeur", non seulement économiquement parlant s'il est "performant", mais également parce qu'il est construit sur des valeurs qui lui sont propres, comme les droits de la défense, le droit au juge, ou d'une façon tautologique, le "droit au droit". Il est aussi perméable à des valeurs extrinsèques, comme des valeurs morales, des valeurs sociales, des valeurs économiques.

L'évolution de notre société fait que l'on semble prôner le relativisme des premières, la considération des deuxièmes et la suprématie des troisièmes.

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- Un algorithme peut-il être "loyal" ?

15 septembre 2014

Blog

Le statut de l'animal en droit est désormais une question ouverte.

Revenons à la base. Le système juridique est construit sur un système binaire, qui classe les réalités du monde dans deux catégories possibles : soit les personnes, soit les choses. On ne peut être les deux à la fois, on ne peut prétendre être ni l'un ni l'autre, on ne peut être autre chose.

Dès lors, l'animal est pour l'instant une chose.

Or, une chose se définit en droit comme ce dont la personne dispose de "la façon la plus absolue" (article 544 du Code civil) : la chose est à la disposition de la personne ; la personne est ce qui est maître des choses.

Aujourd'hui, cela ne convient plus pour l'animal, chacun le perçoit, et le droit doit évoluer. Mais comment ? Par quelle source du droit ? Et faut-il pour cela remettre en cause la catégorisation binaire chose/personne ? Il faut aussi être prudent avant d'être si vite à cette conclusion.

La question particulière de la corrida est exemplaire. Beaucoup s'insurgent contre ce qui leur paraît un traitement cruel et inutile, une souffrance atroce faite à l'animal, mis lentement à mort au nom d'une beauté dionysiaque d'un spectacle enivrant et séculaire ... Si ce courant d'opinion l'emporte, qui devrait exprimer en droit la dénégation de la corrida ?

Il est bien possible que ce soit la Législation européenne qui le décide dans le courant septembre 2014 par la modification proposée des textes. Certains y verront un progrès d'une Europe soucieuse du droit des "êtres sensibles". D'autres y contesteront la légitimité d'une Union européenne méconnaissant des "traditions locales" auxquelles s'était référé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 septembre 2012, Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre, pour rejeter une Q.P.C. à ce propos.

C'est une question à suivre.

11 septembre 2014

Blog

La Cour européennes des droits de l'Homme a condamné la France par deux arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassées c/ France. Certains en ont immédiatement déduit que la France devait transcrire sur l'état civil une filiation entre l'enfant issu d'un contrat de maternité pour autrui (que beaucoup appellent G.P.A.) et les personnes qui l'ont commandité (qui se désignent eux-mêmes comme "parents d'intention" et que d'autres appellent "acheteurs de bébé").

Pour l'instant, l'Etat français n'a pas fait appel.

Mais a-t-on prêté attention à l'arrêt rendu moins de 15 jours plus tard, à propos de l'Etat belge ?

Dans l'arrêt du 8 juillet 2014, D. et autres c/ Belgique, la Cour semble prendre le contrepied de ce qu'elle a elle-même dit. Il faut dire que cela n'est pas la même section qui a rendu la décision. Mais ici, la décision est définitive.

L'arrêt, qui ici rejette la requête formée contre l'Etat belge par le couple ayant commandé le bébé à une jeune ukrainienne, est au contraire extrêmement sévère pour les commanditaires et pour l'enfant !

Comment comprendre cela ?

Alors que les arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassée c/ France, rendus une autre section de la même Cour ont condamné l'Etat français en donnant satisfaction au couple qui avait commandé le bébé à une jeune californienne ...

Une Cour schizophrène ?

9 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit est à la fois une technique, avec ses règles propres, et un système de valeurs qui sont formulées à travers le Droit. En cela, le droit ne peut pas ne pas être "dogmatique". A la fois, c'est ce qui le rend grand mais c'est aussi ce qui le rend contestable et fragile. Ainsi, le droit français est construit sur la distinction du droit public et du droit privé, laquelle est présentée comme "naturelle", alors qu'elle est peu présente dans d'autres systèmes juridiques. Elle correspond en réalité à une conception française de l'État. La remise en cause dogmatique de celui-ci entraîne des bouleversements techniques dans le droit, comme la création des Autorités Administratives Indépendantes ou la soumission des personnes publiques au droit commun. On cherche à dépasser la distinction, par l'Europe ou les droits fondamentaux, dans ce qui serait une nouvelle unité, substantielle, du système juridique. L'autre dogmatisme juridique très puissant à l'oeuvre aujourd'hui est l'affirmation de l'absence de valeurs dans le droit, technique simplement "posée", le droit réduit à sa technicité : le "droit positif". Ce positivisme a des conséquences considérables. Centrant toute l'attention sur la loi écrite, il détourne l'intérêt des pratiques d'application ou d'inapplication du droit. Le positivisme affirme une hiérarchie du droit sur le fait, ce qui conduit à insérer du droit partout, à une "passion du droit" et une indifférence par rapport aux faits. En outre, d'un point de vue moins sociologique et plus institutionnel, le positivisme identifie le droit et la loi, dans l'indifférence de la Constitution d'une part et du juge d'autre part. Cela ne correspond pas à la réalité. Pourtant, le positivisme ne recule guère. Quant à affirmer qu'un droit "naturel" existerait, les positivistes s'esclaffent...

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8 septembre 2014

Publications

Le 26 août 2014, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a mis en examen Madame Christine Lagarde. Le texte utilisé pour y procéder est l'article 432-16 du Code pénal qui permet de reprocher, au titre de faute pénale, la "négligence" d'un dépositaire de l'autorité publique qui a permis à un tiers de détourner des fonds publics.

Le comportement de Madame Christine Lagarde est celui qu'elle a eu lorsqu'elle était alors Ministre des Finances et de l'Économie, en décidant de recourir à l'arbitrage pour trouver une issue aux multiples contentieux opposant indirectement l'État et le groupe Bernard Tapie, puis en décidant de ne pas former un appel-nullité contre la sentence arbitrale de 2008.

Cette mise en examen est une atteinte à la séparation des pouvoirs, qui est un principe constitutionnel majeur, visé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui rappelle que sans ce principe "il n'y a point de Constitution".

Il s'agit d'une mise sous tutelle du Politique par les magistrats. En effet , un ministre, parce qu’il est ministre et non pas administrateur, doit pouvoir décider. Doit pouvoir ne pas suivre l’opinion de son administration.

Ne pas l'admettre, c'est de la part des magistrats non seulement ne pas suivre toute la jurisprudence mais encore violer le coeur de la Constitution française.

7 septembre 2014

Blog

Le couple "fait/droit" est un couple de contraires qui constitue un élément de base des systèmes juridiques. Le fait est donné et le droit est construit par ceux qui ont le pouvoir d'émettre du droit.

La question ne paraît guère avoir de sens, puisque "les faits sont les faits" tandis que le droit se détecterait par la source. Cela signifierait qu'on en repère les "auteurs", à savoir le législateur, le juge, les contractants, et que ceux-ci, parce qu'ils sont "sources de droit", ne peuvent dire que du droit. Celui-ci est  donc "artificiel" : le droit est une construction, alors que les faits appartiennent au donné. Par exemple, la loi est une construction de langage, qui n'existait pas avant que le Législateur n'utilise sa puissance performative. Alors que les faits préexistent à l'intervention puissante des auteurs du droit. Par exemple, les êtres humains existent, c'est un fait, avant que le droit n'en déclarent deux étant mariés l'un à l'autre. Ainsi, à première vue, personne ne "pose" un fait. Un fait "s'im- pose". Le droit s'ouvre aux faits qui l'entourent, même si le droit, parce qu'il est puissant et dogmatique, peut faire plier les faits, peut les sanctionner (ce qui est encore une façon d'admettre leur existence).

Mais les choses ne sont pas si simples ....

Il est si difficile de savoir ce qu'est un fait ... d'en dessiner les contours ... de distinguer une notion de fait d'une notion de droit ...

Celui qui a le pouvoir à l'intérieur du système juridique de raconter les faits, le pouvoir de la narrativité, le pouvoir de faire advenir les faits à l'intérieur de l'espace normatif du droit, a sans doute un pouvoir plus grand que celui de dire le droit.

7 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le Président François Hollande a indiqué fin août 2014 qu'il allait recourir aux Ordonnances pour élaborer une législation en faveur de la croissance. Cela incite à revenir sur la dimension politique de ce mécanisme des ordonnances.

La Constitution a deux fonctions majeures : organiser les rapports entre les Institutions de la Républiques et fonder les libertés et droits fondamentaux.

A ce premier titre, l'article 34 vise les matières réservées au Parlement tandis que l'article 37 se réfère aux domaines laissés au pouvoir réglementaire.

La technique des ordonnances brouille cette répartition à première vue simple. Elle la trouble et, depuis 1958, elle déplace la frontière entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif au profit de celui-ci.

Cela s'est opéré en droit, puisque l'interprétation des textes par le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel est favorable au pouvoir exécutif, qualifiant les ordonnances d'acte de nature réglementaire.

Cela s'est également opéré en fait. Et cela dès le début. En effet, c'est par une Ordonnance de 1959 que la méthode d'élaboration de la Loi de Finance a été posée. Ainsi, c'est le Gouvernement qui a conçu la façon dont le consentement à l'impôt est donné par le Parlement. Cela perdura jusqu'à l'adoption de la LOLF en 2001.

Plus encore, en 1986, le Président François Mitterrand refusa de signer les ordonnances élaborées par le Gouvernement dont Monsieur Jacques Chirac était Premier Ministre. En avait-il le droit ?

6 septembre 2014

Blog

L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 4 septembre 2014,Germanwings , illustre parfaitement ce qu'est la méthode juridique.

La qualification est l'exercice juridique par excellence. C'est en elle que réside le véritable pouvoir du droit.

Elle consiste à faire entrer un fait dans une catégorie juridique afin de lui appliquer le régime juridique attaché à cette catégorie juridique. Ainsi, suivant que le fait est "subsumé" dans cette catégorie ou ne l'est pas, le régime lui sera appliqué ou non.

Par exemple, si l'on considère qu'un voyageur est "arrivé" plus ou moins tard dans le long processus de l'atterrissage de l'avion et de son débarquement, cela sera plus ou moins profitable pour la compagnie aérienne. En effet, celle-ci doit une compensation financière au voyageur victime d'un "retard". Encore faut-il connaître son "heure d'arrivée". Encore faut-il déterminer juridiquement ce qu'est le fait pour un voyage d'"arriver".

Pour limiter les cas de compensation, les compagnies aériennes ont fixé contractuellement  le moment d'arrivée des voyageurs, à l'instant où l'appareil touche le sol, ce qui réduit les hypothèses de retard et donc le nombre de fois où elles devront de l'argent. Mais le pouvoir des parties à manier les qualifications a des limites.

C'est le juge qui fixe ces limites, exemple du conflit permanent entre le pouvoir des contractants, ici bien inégaux (compagnies aériennes versus passagers) et le pouvoir du juge. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 4 septembre 2014, Germanwings, affirme que le contrat ne peut définir d'autorité ce qu'est une "arrivée". Elle opère elle-même cette opération, et le fait au regard du droit du passager à obtenir compensation pour cause de regard.

Ainsi la volonté contractuelle ne peut pas tout, surtout lorsqu'une partie (compagnie aérienne) est beaucoup plus puissante que l'autre (passager). Le juge écarte cette volonté pour analyser la réalité des choses, en se souciant avant tout de la personne faible, ici le passager.

6 septembre 2014

Blog

On ne sait plus si la propriété intellectuelle est une discipline juridique ou une discipline économique. C'est une des question qui court tout le long de l'ouvrage que dirige Michel Vivant, Droit et Économie de la propriété intellectuelle, qui vient de paraître.

On peut penser qu'il s'agit là d'une vaine dispute. On constatera que les travaux les plus nombreux et les plus "inventifs" sont le fait d'économistes. Le fait que cet ouvrage soit construit par les juristes et par des économistes soutient donc qu'à tout le moins la propriété intellectuelle est fortement une discipline économique. Le droit serait donc un outil économique.

En viendrait-on à oublier que le droit de propriété n'est pas "naturel" ? Que lorsqu'il s'agit d'une "propriété intellectuelle", celle-ci est attribuée par l'État, qu'elle résulte de l'imperium  du droit ?

Parfois, on semble l'oublier pour penser la propriété comme simple outil. Il conviendrait alors de l'écarter en conséquence si la performance est moindre que d'autres mécanismes, par exemple le droit à rémunération.

L'analyse économique du droit dessine de plus en plus la propriété intellectuelle en la confrontant aux enjeux du système économique, dans une définition purement fonctionnaliste du droit, en césure du droit de propriété "ordinaire".

Pourquoi pas. Mais cet ouvrage est suffisamment raisonnable pour à la fois faire large place aux analyses économiques et rappeler qu'il s'agit de mécanismes juridiques, en cela "créés" par le droit, insérés dans une logique juridique d'ensemble, et qu'il faut aussi la prendre en considération. Ainsi, les titulaires de droits de propriété intellectuelle doivent pouvoir défendre leur droit subjectif comme le font les autres propriétaires.

Il fût sans doute un temps où il fallait suggérer que le droit prenne "en considération" l'analyse économique. Peut-être le temps est-il venu de rappeler que dans les mécanismes juridiques, les fondamentaux du droit ne doivent pas être passés en perte du seul fait que l'impératif économique le suggérerait.

 

5 septembre 2014

Blog

Par un arrêt du 10 juillet 2014, la Cour d'appel de Caen rejette la demande formulée par un père de modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale sur sa petite fille de 4 ans, laquelle réside principalement chez sa mère, dont il est séparé depuis plus d'un an

Pour l'obtenir, celui-ci se prévalait de la modification des rythmes scolaires, opérés à l'époque, ce qui, selon lui, permettait à l'enfant de demeurer plus longtemps chez lui, maintenant que sa fille avait atteint ses 4 ans.

Les juges du fond refusent pour deux motifs.

En premier lieu, ils soulignent que cette modification du rythme scolaire est une décision ministérielle. En cela, elle constitue une "donnée extérieure et collective, s'imposant à toutes les familles". Dès lors, toutes les familles doivent s'en accommoder. Une personne particulière ne peut donc s'en prévaloir.

En second lieu, les juges estiment que considérer l'âge de la fillette comme un élément nouveau en soi conduirait les juridictions à ré-examiner indéfiniment les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ce qui serait contraire aux exigences de sécurité et de stabilité requises par le développement d'un enfant.

La demande de modification formée par le père est donc rejetée.

La lecture des décisions des juges du fond est parfois plus instructive que la lecture des arrêts des Hautes juridictions, sur la façon dont les lois s'animent sous la plume des juges apportant des solutions aux cas concrets qui leur sont soumis...

4 septembre 2014

Base Documentaire : Doctrine

2 septembre 2014

Base Documentaire : Doctrine

Cet article fait un commentaire développée des deux arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l'Homme du 26 juin 2014 Mennesson c/ France  et Labasse c/ France.

L'article rappelle les faits des espèces, à savoir un couple hétérosexuel qui va en Californie et rémunère une mère-porteuse, avec don d'ovocyte et insémination artificiellee. Ils sont transmis sur l'état civil californien mentionnés comme père et mère de l'enfant qui nait. Mais l'administration française, puis les juges français refusent la transcription sur l'état civil français.  L'Etat

 

 

 

2 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

On a parfois du droit une vision à deux dimension, comme s'il n'existait que dans sa forme présente, le droit nouvellement revêtu de la force obligatoire par le pouvoir de l'Etat le "droit positif".

C'est faux. En effet, le droit actuel est le résultat de l'Histoire de France (I). Cela est particulièrement vrai de l'organisation institutionnelle de la France (II).

I. Le droit actuel est le résultat de toute une histoire. Ainsi, le droit français qui nous régit est le résultat de l'histoire du droit français, qui lui-même a été "poli" par l'Histoire de France. On ne peut le comprendre si l'on ignore tout ce qui s'est passé avant, car l'histoire demeure vivante. Aussi bien le droit romain, que le droit médiéval, que le droit de l'Ancien Régime, que le droit intermédiaire de la Révolution Française. Dès lors, les influences fortes du droit nord-américain après la seconde Guerre Mondiale ainsi que la construction européenne ne peuvent que poser problème. En outre, le droit en tant qu'il est un système normatif autonome a posé sa neutralité par rapport aux faits historiques, mais cela n'est pas si aisé.

II. Cette imprégnation du droit par son Histoire explique que toute l'organisation institutionnelle française est marquée par son histoire, notamment politique, dans le rôle premier de l'exécutif, la place faite au Parlement, le peu de considération pour la Constitution, et l'ignorance agressive dont on voile le juge. L'organisation juridictionnelle française elle-même est le résultat de l'histoire de France, par la dualité des ordres de juridictions, et au sein des juridictions judiciaires les rapports entre le siège et le parquet.

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