Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : E. Maclouf, "Entités industrielles et Obligation de compliance", in M.-A. Frison-Roche (dir.), L'Obligation de ComplianceJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "Régulations & Compliance", 2024, à paraître

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📕lire une présentation générale de l'ouvrage, L'Obligation de Compliance, dans lequel cet article est publié

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► Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : L'article prend le sujet sous l'angle des sciences de gestion et entreprend de résoudre le paradoxe d'organisations industrielles qui expriment l'ambition d'un progrès au bénéfice des personnes, ambition humaniste qui est contredite par les effets produits par cette industrialisation même qui sont dommageable à cette même humanité. L'Obligation de Compliance en ce qu'elle est fondée sur les Buts Monumentaux et s'ancre dans les organisations industrielles tente de résoudre ce paradoxe. 

La science des organisations humaines vise à allouer le plus efficacement les ressources rares de la nature en faisant coopérer les individus, cette ingénierie produisant des destructions naturelles, industrielles et sociales plus ou moins anticipées. L'Obligation de Compliance porte l'espoir de mieux les prévenir (But monumental négatif) et les gérer, voire d'améliorer la vie des personnes (But monumental positif) en dépassant les disciplines traditionnelles et en se développant en Ex Ante. Mais les organisations industrielles peuvent aussi récuser le poids des contraintes ainsi engendrées sur elles, et parvenir à l'inverse à une dérégulation. Le débat est actuellement ouvert.

En effet, les entreprises en passant de la logique mécanique de conformité à la logique dynamique de l'Obligation de Compliance se trouvent en incertitude systémique et doivent décider de la stratégie à mettre en oeuvre, entraînant une managérialisation du Droit et autant de nouvelles décisions à prendre. La notion de "projet" revient alors au centre de la régulation des organisations industrielles, plus précisément celle de "projet humaniste" portée par l'Obligation de Compliance, dans de nouvelles configurations où chacun prend sa part dans la chaine de valeur.

L'auteur puise dans les travaux de Raymond Aron et dans le rapport Rueff-Armand pour montrer que le développement de l'organisation industrielle comme mode dominant d’agencement des activités humaines – fondé sur le calcul économique – portait un projet humaniste politiquement élaboré mais que sa réalisation était dès l’origine identifiée comme incertaine par ses auteurs. L’Obligation de Compliance émerge aujourd’hui comme une réponse nécessaire,  la régulation des activités industrielles au service d’un progrès humain ne pouvant venir de la seule somme des actions individuelles (salariés, consommateurs, investisseurs), ni des forces stratégiques présentes dans l’environnement stratégique, ni des entités elles-mêmes.

En passant en revue les trente-deux propositions faites par MM. Gauvin et Marleix dans leur rapport d’évaluation, l'auteur montre l’Obligation de Compliance tend à évoluer vers des formes d’ingénieries managériales pour incarner réellement le projet humaniste dans notre contexte industriel. Elle crée des entités capables, au service de l'intérêt général, d’entrer en relation stratégique avec les entités industrielles et de négocier des Obligations qui permettraient d’introduire enfin le projet humaniste dans leur agenda stratégique : la loi dite "Sapin 2" en est un parfait exemple, incitant aux réponses stratégiques adéquates des organisations industrielles, qui ont modifié leurs procédures managériales, pour intégrer de nouveaux projets stratégiques et y impliquer les parties prenantes.

Cependant, parce que l'Obligation de Compliance vise à introduire des buts humanistes dans les projets industriels, elle se retrouve livrée aux forces stratégiques déjà présentes dans leurs activités, confiant aux différents organes des organisations le pouvoir et la mission de définir les stratégies par des délibérations qui seront ensuite, dans l'approche précitée de rationalité économique, déclinées en objectifs et en plans. Or la théorie des organisations montre qu’il n’existe pas un « but » dans une organisation industrielle mais une population de buts dynamiques aux issues incertaines. Contrairement à ce qui est généralement affirmé, la recherche de profit n’est d’ailleurs pas en soi un « but » car il existe une infinité d’agencements et de clés de répartition de la valeur possibles : c'est la condition sine qua non de sa survie, ce qui est différent. Ainsi une organisation rationnelle détermine son projet et doit exclure que, pour l'atteindre, elle ne risque de tomber en faillite. L'Obligation de Compliance vise à propulser des Buts monumentaux au sommet de projets industriels, mais, pour fixer ces projets, l'organisation doit résoudre les oppositions (la conflictualité) par un jeu complexe d'interactions dont les résultats échappent aux participants et leur revient comme des auto transcendances (Jean-Pierre Dupuy).

Pour mieux évaluer et piloter l'Obligation de Compliance, il faut donc observer et comprendre les mécanismes de réponses stratégiques des organisations industrielles. Bien au-delà de la logique de conformité, elles le font notamment en construisant des référentiels ou en contribuant à la construction de ceux-ci et en rattachant elles-mêmes expressément des buts comme la lutte contre la souffrance au travail ou l'égalité entre les femmes et les hommes comme relevant de l'Obligation de Compliance. Le législateur et les agents de régulation doivent donc intégrer, au besoin à l'aide de recherches interdisciplinaires avec les sciences de gestions, les dynamiques de cadrage stratégique des organisations.

Ainsi l'Obligation de Compliance doit être envisagée selon l'auteur comme des "réponses adaptatives face aux crises systémiques et à leurs causes", parant à l'anomie elle-aussi monumentale dont souffre notre société actuelle qui a perdu ses repères et se retrouve dans des incertitudes existentielles. Cette Obligation de Compliance a vocation, au besoin par la contrainte, aux entités industrielles de s'intégrer dans la société en devenant les vecteurs des droits humains et des attentes sociales et environnementales. Le succès de cette Obligation de Compliance suppose une certaine appropriation stratégique par les grandes entreprises des buts, ce qui rend cette Obligation elle-même incertaine.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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11 mars 2025

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le juriste, requis et bien placé pour le futur", in Groupe Lamy Liaisons, Les Éclaireurs du Droit,  Hôtel de l’Industrie, Place Saint Germain des Près, Paris, 11 mars 2025, 16h.

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Cette intervention ouvre une manifestation composée de 4 ateliers dont les thèmes respectifs sont :

Le défi de la confiance

Le défi du risque

Le défi de la transmission

- Le défi du leadership

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🧮consulter le programme complet de cette manifestation

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consulter les slides consistant la base prévues pour cette intervention (qui ne furent pas projetées)

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🎥regarder la courte présentation video faite après le colloque

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📝lire le compte-rendu qu'il fût fait de l'intervention par Lamy online 

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► Résumé de l'intervention préparée : Les 4 sessions aborderont les thèmes successifs de confiance, de risque, de transmission et de leadership, auxquels les professionnels de droit sont confrontés, notamment du fait des algorithmiques.

Pour d'une part ne pas traiter en soi ces sujets que d'autres vont traiter et parce que d'autre part, il convient d'aborder la question à partir de ce qu'est le futur. 


Le futur a une part de stabilité : à cette stabilité, c'est-à-dire le maintien du passé, le juriste peut contribuer (I).

Le futur a une part de prévisibilité : à cette part, le juriste doit l'accroitre (II).

Le futur a une part de nouveauté radicale : à cette part, qui peut correspondre à un précipice, si personne n'avait imaginé, le juriste peut aussi être là. Or, l'on pense aux juristes plutôt dans les 2 premières hypothèses, moins dans celle-ci (III).


A chacune de ces 3 dimensions, les juristes, en tant qu'ils forment une communauté qui doit demeurer soudée autour de l'idée même du droit (les algorithmes ne conçoivent pas d'idée, ce sont les humains qui les transmettent à d'autres humains, le système algorithmique devant demeurer être un média), doivent être présents.
Dans chacune de ces dimensions, le système algorithmique (AI) est présenté comme remplaçant l'humain ou dominant l'humain.

En ce qui concerne la stabilité de l'avenir, le juriste peut et doit y contribuer notamment par la transmission car il n'y a d'autant moins de page blanche que la "création" algorithmique s'appuie sur les données du passé, la formation, où l'humain va être d'autant plus au centre qu'il faut manier des machines.

En ce qui concerne la prévisibilité de l'avenir, il s'agit d'évaluer les risques, particuliers et systémiques, risques juridiques ou non-juridiques, pour ne pas les prendre ou pour les prendre. Plus le juriste sera associé à la prise de risque et plus il sera à sa place, avant et dans l'action.

En ce qui concerne le radicalement nouveau de l'avenir, il n'est pas aisé de qualifier d'AI comme tel ou non, mais la possible disparition de l'Etat de Droit aux Etats-Unis en est un. L'on attend alors du juriste d'avoir deux vertus (que l'algorithme ne soit pas) : la vertu de justice et la vertu de courage. C'est celles-là que nous devons transmettre et partager.

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L'actualité m'a conduite à consacrer le temps qui m'était imparti à insister sur une seule perspective, la troisième, pour dire ce que l'on attend des juristes si l'on perçoit du radicalement nouveau dans le futur proche.

En effet, aux Etats-Unis sont associés d'une part un chef de l'Etat pour lequel le Droit n'existe pas et qui utilise le pouvoir de la réglementation pour exprimer son indifférence absolue à l'encontre des Etats, des entreprises, des êtres humains, et d'autre part un entrepreneur qui affirme qu'il va devenir le maître de la technologique algorithmique, système sur lequel il exerce déjà une grande puissance.

Face à cette nouveauté radicale, l'on attend de la communauté des juristes, de tous les juristes, quelle que soit leur place, leur maîtrise technique, leur niveau, leur nationalité, qu'ils s'expriment pour dire Non. Comme l'ont fait Kelsen, Cassin ou Ginsberg. Dire Non et aider les autres à dire Non. Pour cela, ils faut que ces êtres humains que sont les juristes, en tant qu'ils se soucient des autres êtres humains, aient conscience de la double vertu qui est attendue d'eux : la vertu d'attachement à la justice et la vertu de courage.

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12 juin 2024

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, Participation au panel "Une Gouvernance responsable : vers un mieux vivre ensemble ?", in Grenelle du Droit 5. L'avenir de la filière juridique, Association française des juristes d'entreprise (AFJE), Cercle Montesquieu et Université Paris Panthéon-Sorbonne, Campus Port-Royal Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 1 rue de la Glacière, 75013 Paris, 12 juin 2024

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🧮Consulter le programme complet de cette manifestation

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🎥regarder l'interview fait juste après cette table-ronde

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🪑🪑🪑🪑🪑participent également à cette table-ronde :

🕴️Yves Garagnon, président de Dilitrust,

🕴️Pierrick Le Goff, avocat à la Cour, associé du cabinet De Gaulle Fleurance,

🕴️Sabine Lochmann, présidente d'Ascend,

🕴️Vincent Vigneau, président de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation

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 Présentation de mon intervention dans cette table-ronde d'ouverture de la manifestation : Dans cette table-ronde plénière qui ouvre la manifestation consacrée au thème de la "gouvernance responsable",  en raison de mes travaux l'occasion me sera donnée d'aborder plus particulièrement les différentes perspectives :

 

  • en quoi le nouveau Droit de la Compliance qui concrétise la responsabilité des entreprises dans un nouveau rapport avec les États et avec la société sociale constitue une "révolution juridique",

💡pour mémoire, mafr,📝Le droit de la compliance, 2016 ; (dir.) 📕Les buts monumentaux de la compliance, 2022

 

  • en quoi le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Paris le 28 février 2023 est remarquable et constitue d'ores et déjà un tournant dans la jurisprudence,

💡pour mémoire, mafr, 🎤audition comme amica curiae, audience du 26 octobre 2022 devant le Tribunal judiciaire de Paris ; (dir.) 📕La juridictionnalisation de la compliance, 2023

 

  • en quoi le rapport entre les États et les entreprises est renouvelé par ce mouvement juridique profond que la Compliance exprime,

💡pour mémoire, mafr et M. Boissavy (dir.), 📕Compliance et droits de la défense - Enquêtes internes, CJIP, CRPCmafr (dir.), 📕L'obligation de compliance2024

 

  • en quoi les juristes d'entreprises ont un rôle décisif et central à jouer dans ce mouvement, notamment dans le mécanisme de vigilance, "pointe avancée" du Droit de la Compliance,

💡pour mémoire, mafr, 📝Contrat de compliance, clause de compliance, 2023 ; (dir.), 📕Compliance et contrat, 2025

 

  • en quoi consiste cette "responsabilité Ex Ante" des entreprises, qui n'entraîne pas pour autant sa responsabilité Ex Post, distinction dont les juristes sont les gardiens,

💡pour mémoire, mafr, 📝La responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance, 2021

 

  • en quoi le droit européen de la compliance est profondément humaniste, identité qui distingue la compliance européenne de la Compliance américaine et, surtout de la Compliance chinoise.

💡pour mémoire, mafr (dir.), 📕Pour une Europe de la Compliance, 2017

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Lire le compte-rendu de cette table-ronde fait par Delphine Bauer le 8 juillet 2024 dans Actu-Juridique

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6 novembre 2018

Interviews

Référence complète :  Frison-Roche M.-A., « Je pense que l'Europe peut et doit se construire sur une vision humaniste de la compliance », entretien avec Olivia Dufour, in Les Petites Affiches,  n°222, novembre 2018, pp.4-7.

Cet entretien a été réalisé par Olivia Dufour, à la suite de deux conférences, la première réalisée au Collège de France sur la question de la convergence du Droit et de l'Economie dans la construction de l'Europe de la Compliance (4 octobre 2018), la seconde réalisée lors de la première journée des RegTechs de Paris (9 octobre 2018). 

 

Résumé par le Journal :

« L’entreprise ne gagne pas à transformer les salariés en charlots », estime le professeur Marie-Anne Frison-Roche qui développe une vision humaniste de la compliance dans laquelle l’être humain et le droit occupent une place centrale. Elle nous explique en quoi l’Europe a une carte à jouer sur le terrain international en s’appropriant cette vision et comment les compliancetechs peuvent y aider.

 

Lire l'entretien.

21 avril 2017

Blog

Par le site "Open culture", il est possible d'écouter Hayao Miyazaki qui, en mars 2017, affirmait que les jeux videos dont les dessins sont faits par des procédés d'intelligence artificielles sont des "insultes à la vie".

Lire ci-dessous l'histoire, les propos que le Maître a tenus, son conception de ce qu'est la création et un travail "réellement humain", ce qui est fait écho aux définitions données par Alain Supiot, qui lui aussi réfléchi sur ce que font les robots.

Cela ramène à la notion même de "création" et de travail créateur.

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Lire ci-dessous.

 

8 avril 1966

Base Documentaire : Doctrine

► Référence complète : Foucault, M., Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, collection des sciences humainesGallimard, 1966, 404 p.

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► Texte de la 4ième de couverture : Les sciences humaines d'aujourd'hui sont plus que du domaine du savoir : déjà des pratiques, déjà des institutions. Michel Foucault analyse leur apparition, leurs liens réciproques et la philosophie qui les supporte. C'est tout récemment que l'«homme» a fait son apparition dans notre savoir. Erreur de croire qu'il était objet de curiosité depuis des millénaires : il est né d'une mutation de notre culture. Cette mutation, Michel Foucault l'étudie, à partir du XVIIe siècle, dans les trois domaines où le langage classique - qui s'identifiait au Discours - avait le privilège de pouvoir représenter l'ordre des choses : grammaire généraleanalyse des richesseshistoire naturelle. Au début du XIXe siècle, une philologie se constitue, une biologie également, une économie politique. Les choses y obéissent aux lois de leur propre devenir et non plus à celles de la représentation. Le règne du Discours s'achève et, à la place qu'il laisse vide, l'«homme» apparaît - un homme qui parle, vit, travaille, et devient ainsi objet d'un savoir possible.
Il ne s'agit pas là d'une «histoire» des sciences humaines, mais d'une archéologie de ce qui nous est contemporain. Et d'une conscience critique : car le jour, prochain peut-être, où ces conditions changeront derechef, l'«homme» disparaîtra, libérant la possibilité d'une pensée nouvelle.".