June 13, 2023

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Working Paper

🚧 Obligation upon Obligation is valid and useful

by Marie-Anne Frison-Roche

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 Full Reference: M.-A. Frison-RocheThe role of will in the Compliance Obligation: Obligation upon Obligation is valid and useful, Working Paper, June 2023.

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🎤  This working paper was originally drawn up as a basis for the talk, Obligation on Obligation is worth, on the first day of the conference I co-organised:🧮Compliance : Obligation, devoir, pouvoir, culture (Compliance: Obligation, duty, power, culture), on 13 June 2023.

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It was subsequently used as the basis for a forthcoming article:

📝La part de la volonté dans l’obligation de compliance : Obligation sur Obligation vaut".

in📕L'obligation de compliancein the collection 📚Régulations & Compliance

📝The role of will in the Compliance Obligation: Obligation upon Obligation is valid and useful,

in📘Compliance Obligation, in the collection 📚Compliance & Regulation

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 Summary of this Working Paper: The demonstration of the part played by the entreprises' Will in the Compliance Obligation incumbent on them is carried out in 3 stages.

The first stage of the demonstration consists in finding the part played by the free will of companies in their Compliance Obligation by putting an end to two confusions: the first which, within the Law of Contract and Tort itself but also within Compliance Law, splits and confuses "free will" and "consent", which would no longer require freely expressed acceptance; the second, specific to Compliance Law, which confuses "Compliance" and "conformity", reducing the former to mechanical obedience which could exclude any free Will.

Having clarified this, the rest of the study focuses on the 2 ways in which a company subject to a Compliance Obligation by compulsory regulations expresses a part of its free Will, which the study expresses in this proposed adage: Obligation upon Obligation is valid, since the legal obligation to which the company responds by the obedience owed by all those subject to the regulations may be superimposed by its free Will, which will then oblige it.

The first case of Obligation upon Obligation, studied in a second part, concerns the means by which the compulsory Compliance Obligation is implemented, the company subject to the Monumental Goals set by the Legislator remaining free to choose the means by which the company will contribute to achieving them. Its free Will will thus be exercised over the choice and implementation of the means. This can take two legal forms: Contracts on the one hand and "Commitments" on the other.

In the third part, the second case of Obligation upon Obligation, which is more radical, is that in which, in addition to Compliance's legal compulsory Obligation, the company draws on its free Will to repeat the terms of its legal Obligation (because it is prohibited from contradicting it), a repetition which can be far-reaching, because the legal nature (and therefore the legal regime) is changed. The judgment handed down by the The Hague Court of Appeal on 12 November 2024, in the so-called Shell case, illustrates this. What is more, the company's free Will can play its part in the Compliance Obligation by increasing the legal Obligation. This is where the alliance is strongest. The interpretation of the specific and diverses obligations that result must remain that of the Monumental Goals in a teleological application that gives coherence to the whole.

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🔓read the developments below⤵️

1. Laisser place à la puissance de la libre volonté pour atteindre des buts d'intérêts collectifs et général🎯 Le Droit de la Compliance a parfois été critiqué en ce qu'il robotiserait les êtres humains📎!footnote-3890, obligés d'intérioriser par avance la règlementation, comme l'on écrit mécaniquement, sans procès et à l'acier les auteurs des règles, quelles qu'elles soient, dans la peau du supplicié de La colonie pénitentiaire📎!footnote-3956Cette critique peut être justifiée si l'on ne met pas à leur juste place les institutions et les organisations en charge, les outils utilisés, les positions visées, les personnes impliquées.

Cette juste place se mesure à partir du but posé, lequel définit le Droit de la Compliance : préserver les êtres humains impliqués de gré ou de force dans des systèmes présents et futurs, non seulement pour qu'ils n'en soient pas broyés mais encore pour qu'ils en bénéficient📎!footnote-3891. Ce "But Monumental" permet de cerner l'Obligation de Compliance qui pèse sur les organisations les plus à meme de le concrétiser 📎!footnote-3892 : les entreprises globales et systémiques📎!footnote-3893.

Pour ces entreprises, la tâche est immense, le coût est très élevé. Elles s'en plaignent beaucoup : la Compliance serait comme une plaie supplémentaire de la "masse réglementaire"📎!footnote-3894. L'on comprend que le Droit de la Compliance à première vue ne plaise à personne...., ni à ceux qui font face aux entreprises, ni aux entreprises elles-mêmes.... Bien téméraire celle qui veut expliquer cette nouvelle branche du Droit et la justifier....

Il est exact que les Buts visés, qu'il s'agisse d'éviter qu'à l'avenir les systèmes concernés, systèmes bancaire, financier, sanitaire, énergétique, climatique, numérique, algorithmique, etc., ne s'effondrent pas (Buts Monumentaux négatifs), voire s'améliorent (Buts Monumentaux positifs) paraissent inatteignables et pourtant impératifs et urgents. Les discussions sont donc violentes. Les débats autour du climat le montrent, le Droit climatique📎!footnote-3957 n'étant qu'une illustration d'un impératif plus général : l'on pourrait faire la même démonstration pour chacun des autres systèmes impliqués.

Pour que de telles ambitions systémiques aient une chance d'être satisfaites, la question de la volonté des entreprises assujetties est essentielle📎!footnote-3895. En effet si les entreprises n'étaient qu'assujetties par les lois, leur volonté n'interféreraient pas car c'est une façon de parler que de dire que l'on veut obéir à ses obligations légales, la "sujétion volontaire" de La Boétie étant un oxymore📎!footnote-3958. Il est plus encore inexact d'affirmer juridiquement que la Loi rendrait l'assujetti débiteur de ceux qui par ailleurs bénéficient de l'exécution par celui-ci de l'obligation légale qui lui est propre. Ainsi, la loi de 2017 qui impose aux grandes entreprises un "devoir de vigilance" les assujettit, ce qui bénéficie certes à d'autres sujets de droit mais ne rend pas les entreprises débitrices de ceux-ci📎!footnote-3896. Cela modifie les situations de fait, peut justifier des actions en responsabilité, notamment en concurrence déloyale📎!footnote-3959, mais cela ne rend pas les tiers créanciers : une obligation légale ne rend pas l'assujetti débiteur des tiers📎!footnote-3961.

Mais il demeure que pour que l'Obligation de Compliance porte ses fruits, qu'elle soit efficiente c'est-à-dire que l'ensemble du système en bénéficie📎!footnote-3960, il faut qu'il y a à l'oeuvre l'entreprise, puisque c'est sur elle que tout repose : elle l'est à deux titres. L'entreprise est tout d'abord à l'oeuvre comme assujettie, pouvant à ce titre utiliser sa volonté dans le choix des outils pour exécuter son obligation légale ; elle l'est ensuite en exprimant sa libre volonté, qui permet d'accroître tout le système de compliance au regard de ses Buts Monumentaux. puisqu'à l'obligation légale à laquelle l'entreprise répond par l'obéissance que doit tout assujetti à la loi, peut se superposer sa libre volonté, qui va alors la rendre débitrice et obliger les autres, mais d'une tout autre manière et en accroissant le cercle de son Obligation de Compliance.

C'est pourquoi, en distinguant les deux, il faut en penser en pratique la combinaison et poser en la matière : Obligation sur Obligation vaut.

 

2. Construction de l'étude🎯 Pour faire fonctionner ce principe Obligation sur Obligation vaut, il convient de procéder en trois temps. Le premier temps de la démonstration consiste à trouver la part de la libre volonté des entreprises dans leur Obligation de Compliance en mettant fin à deux confusions (I).  : la première, qui affecte à la fois le Droit des obligations et le Droit de la compliance, confond "libre volonté" et "consentement" (I.A.), tandis que la seconde, propre au Droit de la compliance, confond "Compliance" et "conformité" (I.B.).

Cela éclairci, l'étude vise les diverses façons dont l'entreprise assujettie par la Loi à une Obligation de Compliance exprime une part de libre volonté. Dans la deuxième partie, l'Obligation sur Obligation s'opère parce que l'entreprise choisit les moyens par lesquels elles réalise son Obligation légale de compliance (II). Elle le fait notamment par les contrats (II.A)  et les "engagements" (II.B.).

Mais la figure d'Obligation sur Obligation devient plus radicale lorsque l'entreprise passe de la maîtrise des moyens à celle des sources (III). Il peut s'agir pour elle de recopier la lettre des réglementations, ce qui fait changer le régime juridique applicable (III.A.), voire de s'instaurer comme source autonome de droit (III.B.), ce qui est admissible mais d'une part ne doit jamais contrarier la loi et d'autre part doit toujours être interprété au regard des Buts Monumentaux que seul le Législateur fixe.

 

I. PRÉSERVER LA LIBRE VOLONTÉ DANS L'OBLIGATION DE COMPLIANCE EN DONNANT LEUR PLACE EXACTE AU "CONSENTEMENT" ET À LA "CONFORMITÉ" 

3. Toujours préserver la libre volonté des personnes🎯 Il Dans un système libéral, qu'il soit politique ou/et économique, l'essentiel est la liberté des personnes. Aujourd'hui et plus que jamais, il faut préserver cette liberté, la technologie aidant plus encore ceux qui veulent s'en débarrasser. Pour préserver la libre volonté de chacun, il faut maintenir le "consentement" à sa juste place dans l'Obligation de Compliance afin qu'il n'élimine pas la libre volonté (A). Celle-ci est également menacée dans son existence-même par la définition souvent avancée de la "compliance" comme pure et simple "conformité" consistant à obéir aveuglement et mécaniquement, ce qui expulse toute libre volonté du système de Compliance (B). 

 

A. PRÉSERVER LA LIBRE VOLONTÉ DANS L'OBLIGATION DE COMPLIANCE EN DONNANT SA PLACE AU "CONSENTEMENT" DES PERSONNES CONCERNÉES

 

3.  Au départ, est le consentement dans son rapport avec la libre volonté🎯 L'obligation pesant sur une personne peut naître de deux façons : soit parce qu'elle a un comportement, (constituant un fait juridique) qui est en distance par rapport à un standard de comportement posé par une règle juridique, manquement qui l'obligera à réparer ; soit parce qu'elle a elle-même usé de sa volonté autonome pour se contraindre à l'égard d'autrui. C'est pourquoi le "Droit des obligations" vise comme source d'obligations pour les personnes le contrat, qui suppose cette émission d'au moins 2 libres volontés dont les consentements sont l'expression, et la responsabilité, qui nait de la réunion des 3 éléments qui sont le fait générateur, le dommage et le lien de causalité entre les 2. Le contrat suppose que la volonté de la personne rencontre la volonté d'une autre personne, les volontés se nouant dans un lien d'obligations par l'échange des consentements de celles-ci. Ainsi, le consentement est ce par quoi le lien contractuel se noue, il est ce par quoi une trace est conservée de l'expression de la libre volonté de celui qui s'oblige. Dans la conception classique et libérale de l'Obligation, le consentement est donc insécable de la volonté dont il est ce par quoi celle-ci rencontre celle de l'autre📎!footnote-3882

 

4. Le consentement, notion en conséquence centrale du droit positif de la Compliance🎯 De la même façon, les textes applicables en matière de compliance engendrent de nombreux obligations pour les opérateurs de recueillir le consentement des personnes concernées, par exemple lorsqu'il s'agit de recueillir des informations ou d'utiliser celles-ci, soit à des fins non immédiatement nécessaires soit pour les transmettre à des tiers📎!footnote-3884. L'on trouve ici le rôle que le consentement, en tant qu'il exprime la libre volonté joue soit par la formation d'un contrat avec l'opérateur (contrat d'usage de données contre rémunération, par exemple), soit le rôle qu'il joue dans une situation de fait, l'acceptation neutralisant ce qui aurait été un fait générateur de responsabilité, par exemple la captation d'informations personnelles et/ou leur transmission à l'autrui et/ou leur exploitation.

L'expression par la personne concernée serait suffisant. Cette aptitude du consentement à emporter avec lui l'expression de la libre volonté de la personne concernée est logique dès l'instant que l'on en reste à l'idée classique que le constat d'un consentement émis par l'autre est effectivement la preuve de sa libre volonté. Dans cette conception, l'entreprise que le Droit de la Compliance oblige à prendre en charge l'intérêt d'autrui, par exemple l'intérêt du consommateur, l'intérêt de l'internaute, doit, mais ne doit que, s'assurer du consentement de la personne à protéger, par exemple le consentement du visiteur qui fournit des informations le concernant, puisque "consentir, c'est donner la preuve que l'on a voulu librement".

En raison de l'obligation probatoire qui repose sur les entreprises📎!footnote-3885, les entreprises ne devraient, mais n'auraient que, pour objet de preuve le consentement de celui dont elles ont utilisé une information qui les concerne. Le consentement est ainsi une notion centrale en Droit de la compliance, comme il l'est en Droit des obligations.

 

5. Le rejet de la juste place du consentement, destruction du Droit humaniste de la Compliance🎯Le doute sur l'aptitude du consentement à emporter avec lui ipso facto la preuve de la libre volonté vient du constat que bien souvent, voire systématiquement, le consentement s'y exprime d'une façon mécanique, les techniques numériques et les algorithmes étant aujourd'hui indissociables. Les clics sont assimilés à des consentements et présentés comme des acceptations, ou des approbations, ou des renoncements par ceux qui en bénéficient, sans qu'en réalité ceux qui cliquent ou ne contredisent pas ne mesurent l'ampleur de leur acceptation, approbation, renoncement, ni qu'ils y aient même reçu l'information préalable à une telle mesure.

Ainsi, parce que la Compliance a un terrain de développement privilégié dans l'espace numérique et parce que le maniement des données qui s'opère dans l'espace non-numérique s'opère dans l'espace cyber, les consentements sont non pas l'expression des libres volontés mais des procédures mécaniques qui accompagnent la captation d'information, captation technologiquement nécessaire ou non📎!footnote-3936. Mais le Droit de la Compliance, en ce qu'il a pour but de protéger les personnes impliquées dans les systèmes, et donc leur libre volonté📎 !footnote-3937 en est contrarié.

 

6. La scission précédente et en appui de la volonté et du consentement en Droit des contrats 🎯 Cela a été possible parce qu'antérieurement dans le Droit des obligations et plus particulièrement des contrats, Volonté et Consentement s'étaient scindés. J'ai montré en 1995 comment en droit commun le "consentement" n'était plus seulement la trace d'une libre volonté mais était devenu un objet autonome, constituant ainsi apte à circuler sur un marché📎!footnote-3883. Ce marché des consentements que l'on observe en Droit financier dans son rapport avec le Droit des sociétés pouvait ainsi devenir la règle dans l'espace numérique par l'achat massif des consentements mécaniques📎!footnote-3962.

 

7. Réaction progressive du Droit européen pour restaurer  le lien entre l'Obligation de Compliance et la libre volonté d'autrui 🎯 La situation ici observée n'est pas la disparition de la libre volonté de l'entreprise soumise à une Obligation légale de Compliance mais la disparition de la libre volonté de celui dont, de par la loi, elle est obligée de protéger les intérêts. C'est une sorte de perte en chaîne : les individus perdent leur liberté du fait du consentement devenu un objet marchand autonome, les entreprises perdent leur liberté du fait de la compliance réduite à être une obligation de se conformer à la réglementation📎!footnote-3963. Tout le monde y perd : l'individu, l'entreprise, le système.  En effet, la personne consent à renoncer à ne pas laisser transférer ses données, à ne pas en permettre l'exploitation, à ne pas admettre leur vente à un tiers, etc. C'est ainsi le But Monumental même de protection de l'internaute qui est transgressé, ce But pour lequel le système de compliance a été construit qui est ainsi écarté.

Dans la mesure où ce système fût d'abord pensé par des juridictions📎!footnote-3938, il est normal que ce soit d'abord des juridictions, notamment belges, puis des autorités de supervision, notamment la CNIL, et la Cour de justice de l'Union européenne dans les arrêts Schrems📎!footnote-3964, qui ont exigé que le consentement émis expriment la libre volonté de la personne dont les informations personnelles sont ainsi exploitées. 

 

8. Performance avérée du totalitarisme de marché : l'exemple nord-américain et chinois🎯 L'on retrouve ici la nature profonde de ce qui doit être le Droit de la Compliance dans la place que la libre volonté des personnes, non seulement celles des entreprises qui ne doivent pas seulement aveuglement obéir aux réglementations📎!footnote-3939, mais encore celles des personnes concernées, si l'on accorde de l'importance à celles-ci, c'est-à-dire si l'on a une conception humaniste du Droit de la Compliance📎!footnote-3940. Il faut alors permettre aux personnes de savoir, de comprendre, de dire non ou de dire oui. Si cela n'est pas possible, il y a alors totalitarisme. Une certaine conception du marché, ce qu'Alain Supiot désigne comme le "Marché total"📎!footnote-3941, peut s'y prêter puisque le consentement, objet de marché, se substitue à la libre volonté des marchés. L'on peut considérer que le Droit américain, société de marché, y a tendance. Pour de tous autres raisons, le Droit chinois s'appuie également sur des consentements qui remplissent la place que devraient avoir des libres volontés, lesquelles n'ont jamais eu la place centrale qu'elles ont dans un système juridique occidental construit sur le sujet de droit.  Il est certain que dans chacun des 2 systèmes de compliance, la performance est grande. Mais justement, le Droit de la Compliance ne doit pas se définir par le critère de l'efficacité : c'est la voie européenne. Elle doit être plus que jamais défendue.

 

9. Défendre une Obligation de Compliance qui repose sur la libre volonté de ceux qui sont concernés, conception européenne  🎯 Parce qu'un marché peut certes fonctionner avec uniquement des consentements et des puissances, les algorithmes étant plus performants avec ces objets-là, il est plus difficile de bâtir et de faire accepter une Obligation de Compliance à la charge des entreprises, impliquant pour elles d'obtenir l'expression de la libre volonté des personnes qui sont concernées. C'est pourtant l'ambition européenne depuis l'origine. Cela insère dans l'Obligation légale de Compliance qui pèse sur les entreprise une obligation d'information, d'explication et de pédagogie vis-à-vis des personnes concernées, pour leur permettre de dire Non et de dire Oui en connaissance de cause, c'est-à-dire d'avoir véritablement souci d'elles.

La preuve de ce souci de ne pas mécaniser la personne concernée afin qu'elle ne se dépossède pas de la libre volonté mais au contraire l'exprime par son consentement, est une obligation légale aujourd'hui affinée par une série de process requis par les textes européens du paquet ePrivacy📎!footnote-3944. L'entreprise doit démontrer qu'elle a mis l'internaute en mesure d'exprimer sa libre volonté, obligation probatoire de moyens, dont elle doit préconstituer la démonstration 📎!footnote-3943. Cette obligation pédagogique peut être contractualisée📎!footnote-3942et développée, changeant alors de nature📎!footnote-3945.

 

 

B. PRÉSERVER LA LIBRE VOLONTÉ DANS L'OBLIGATION DE COMPLIANCE EN METTANT LA "CONFORMITÉ" À SA JUSTE PLACE : UN OUTIL DE LA COMPLIANCE ET PAS DAVANTAGE 

 

10. Les  conséquences pratiques d'une définition adéquates🎯 Il ne faut jamais en Droit, art pratique, dissocier l'art de la définition, auquel celui de la qualification est lié📎!footnote-3947, et la pratique quotidienne du traitement des situations. De la même façon que c'est la définition du "consentement" comme objet autonome de la volonté et non plus comme trace de celle-ci qui a permis en pratique la constitution de marchés des consentements et la soumission des êtres humains accrue par la puissance algorithmique📎!footnote-3946, c'est dans l'art de la définition qu'en pratique l'on peut préserver ou restaurer la place à la libre volonté, non plus seulement celle des personnes concernées qui bénéficient du système de compliance, mais de la libre volonté des entreprises qui en supporte la charge par l'Obligation de Compliance qui pèse sur elles.

 

11. Lutter contre le marché des consentements à la disposition des "maîtres" : l'exemple du devoir de vigilance🎯 Il L'expression choisie par le Législateur dans la loi de 2017 dite "Vigilance" d'"entreprise donneuse d'ordre", qualification alternative à celle de société-mère pour imposer sur celle-ci un devoir de vigilance, vise expressément à la fois la puissance de l'entreprise et le fait qu'elle est active, sa volonté étant la source même de la chaine de valeur qu'elle a construite et structurée par une série de contrats de régulation avec des partenaires. L'idée du Législateur, reprise par la Directive CS3D, est non pas de lutter contre le fait de cette volonté de l'entreprise puissante mais au contraire de l'utiliser, en ce que l'entreprise a ainsi construit par sa libre volonté une filière alternative au marché, lequel tient sa puissance de la liquidité produite par des innombrables contrats-échanges alors que la filière est une structure rigide.

Pour que l'aliénation des consentements, qui s'opère sur les marchés, ne se reproduise pas dans la filière qui elle-aussi est bâtie sur des contrats, le Législateur injecte une obligation légale de vigilance, qui va contraindre l'entreprise à utiliser son pouvoir de régulation par le contrat au-delà de son intérêt particulier, c'est-à-dire non seulement pour créer la permanence dans le temps de la filière dont elle est maîtresse, ce qu'elle a spontanément fait en construisant dans la durée une chaîne de valeur, mais encore la protection des personnes qui y sont impliquées, ses partenaires et les parties prenantes, et plus encore les systèmes extérieurs, comme la probité ou l'équilibre climatique.

C'est ainsi que les principe de proportionnalité📎!footnote-3948 d'une part et de durabilité📎!footnote-3949 d'autre part, prennent un tout autre sens qui à la fois donnent à l'entreprise de nouveaux pouvoirs et de nouveaux contraintes à l'entreprise. Les nouvelles contraintes, chacun y insiste mais elles sont corrélées à de nouveaux pouvoirs parce que la myriade d'obligations de compliance auxquelles elles sont assujetties peuvent se regrouper dans une seule et unique nouvelle Obligation de Compliance, à savoir contribuer à la réalisation de Buts Monumentaux qu'elle n'avait pas elle-même fixés : préserver les systèmes et les êtres humains qui y sont impliquées. Lorsqu'elles ont elles-mêmes construit en alternative au marché des chaînes de valeur, c'est cette Obligation de Compliance dont elles ont la charge, avec tous les pouvoirs nécessaires pour l'accomplir. En cela, le devoir de vigilance est la "pointe avancée" de l'Obligation de Compliance📎!footnote-3950.

Mais l'entreprise elle-même, ainsi contrainte par la Loi à user de sa puissance, notamment contractuelle, pour protéger et agir sur le long terme pour d'autres intérêts que le sien, ne doit pas elle-même faire l'objet d'une obligation absolue d'obéir sans aucune marge de manœuvre à la "réglementation" sans rien avoir ni à comprendre ni à choisir : il est totalement contradictoire de demander aux entreprises de tous faire pour qu'autrui soit préservé, comprendre ses obligations, utilise véritablement ses droits et ses libertés, tandis que l'entreprise en charge de cela n'aurait en rien les mêmes prérogatives.

Mais dans une conception où l'on réduit le Droit de la Compliance à un process de conformité, c'est ce qu'on prétend, voulant tout à la fois que les individus protégés ne soient pas réduits à leur consentement mécanique ( ce qui est à approuver) tout en prétendant exiger des entreprises assujetties qu'elles obéissent aveuglement et sans même chercher à comprendre. En se consolant certes par la précision selon laquelle à la conformité, il conviendrait de rajouter un peu d'éthique, un supplément d'âme permettant de rajouter un peu de sens à tout cela....

 

12. La "conformité" cascade de "consentements" comme autant d'obéissances mécanique, mécaniquement confiées à des algorithmes🎯 Dans cette confusion entre "Compliance" et "conformité"📎!footnote-3951, les entreprises se le tiennent pour dit et prennent la conformité comme une externalité à gérer. Puisqu'il ne s'agirait que de "se conformer" à toutes les réglementations applicables, et de le donner à voir en Ex Ante, les entreprises font face à cette obligation qui serait alors gigantesque📎!footnote-3952 et inhumaine, en recourant à un moyen a-humain : les algorithmes. Ceux-ci permettent de stocker toute la "masse réglementaire", de stocker les décisions prises à son propos, de corréler celles-ci, de générer des dispositifs contractuels, etc. Ainsi, parce qu'il ne s'agirait pas de comprendre, ni d'adhérer à quoi que ce soit, dans un mode robotisé, où par exemple la "durabilité" devient simplement non pas la solidité et la contribution de chacun à un projet collectif mais l'obligation d'agir aveuglement aujourd'hui au regard de ce qu'était hier selon la volonté de ceux qui injectent de la norme réglementaire, l'entreprise applique mot à mot réglementation après réglementation, silo réglementaire après silo réglementaire. Dans cette cascade de consentements, la "conformité" est le moyen d'un système sans aucune norme fondamentale substantielle📎!footnote-3953

Il est essentiel de ne pas prendre cette définition mécanique et de donner à la "conformité", sa juste place : celle d'un outil pour connaître les règles juridiques applicables avant d'agir, ce qui est toujours mieux, sans que ce savoir technique ne se substitue à l'action. L'affirmation comme quoi l'aptitude de l'outil algorithmique ne doit pas remplacer la décision est répétée à l'envi, notamment pour l'acte de juger, mais cela n'est pas toujours intégré en matière de Droit de la Compliance, en raison de cette prégnance de la conformité qui se substituerait à la Compliance. 

C'est bien parce qu'on affirme que les entreprises n'auraient d'autres perspectives que la soumission pure et simple à leur Obligation légale d'obéir aux réglementations que, puisqu'il en serait ainsi, elles choisissent alors d'externaliser ce qui serait, et ne serait que, une "obligation mécanique", à ce qui sait toujours mieux un algorithme qu'un être humain qui sait inventer dans un contexte indéterminé. Dans une telle conception, la "culture de compliance" n'est par ailleurs pas de sens, puisqu'il ne s'agit que d'obéir, et n'est pas requise📎!footnote-3954.

 

13. La juste place du système algorithmiques dans l'exécution par les entreprise de leur Obligation légale de Compliance afin de collecter de l'information 🎯 Si l'on estime au contraire, comme il faut le faire, que le Droit de la Compliance  consiste à demander à certaines entreprises, parce qu'elles sont en position de le faire, de contribuer effectivement, efficacement et d'une façon efficiente, à la réalisation de Buts Monumentaux systémiques posés par le Politique et les Autorités publiques, alors le système algorithmique, qui permet la performance de la conformité, retrouve sa juste place. Comme le Droit de la Compliance ne se résume pas à montrer sa conformité aux réglementations, en détectant tout d'abord les "non-conformités", puis en montrant les "conformités", puis en imposant à soi-même puis aux autres la "conformité"  à toutes les réglementations, ce qui finit par supprimer la liberté de tous, il faut poser que les algorithmes sont, mais ne sont, que des outils de collectes d'information.

Cette question est développée plus largement dans l'étude sur la définition même de l'Obligation de Compliance📎!footnote-3965. Il ne s'agit ici que souligner que la libre volonté de l'entreprise et des personnes concernées ne peut être submergées par ces outils. C'est une question majeure, que les tribunaux et les premiers textes de régulation commencent à aborder📎!footnote-3955.

 

 

 

 

II. L'ENTREPRISE QUI S'OBLIGE EN DUPLICATION DE SON OBLIGATION LÉGALE DE COMPLIANCE  : "OBLIGATION SUR OBLIGATION VAUT" QUANT AUX MOYENS

 

19. La libre volonté de l'entreprise à l'oeuvre dans l'exécution de son Obligation légale de Compliance⛔ Comme il a été montré d'une façon plus générale et par la définition même de l'Obligation de Compliance, l'entreprise est obligée par la loi à exécuter son Obligation de Compliance au regard des Buts Monumentaux📎!footnote-3899 . C'est donc la libre volonté du Législateur qui s'impose en fixant ces Buts à partir desquels tout s'organise, la source légale étant première📎!footnote-3900.  Mais l'entreprise, si elle doit de par les lois mettre en place telle et telle structures de compliance📎!footnote-3901, demeure libre de choisir les moyens qui lui sont le plus appropriés pour exécuter son obligation de contribuer à l'ambition de soutenir les systèmes et de protéger les personnes qui y sont impliquées. Elle le fait par le plus classique instrument du Droit des obligations : le contrat. (A). Émerge un nouvel instrument, plus familier du Droit économique que du Droit civil : l'Engagement (B). 

 

 A. LE CONTRAT, MODE POUR L'ENTREPRISE D'EXÉCUTION DE SON OBLIGATION LÉGALE

20. Le "contrat de compliance, prestation pour externaliser la technologie de compliance⛔ Le "contrat de compliance" est une catégorie que j'ai proposée en 2022📎!footnote-3902. Il s'agit pour une entreprise de confier à un tiers de prendre en charge l'exécution de son obligation légale, par exemple la menée des enquêtes internes, ou la surveillance des tiers, ou la bonne gestion des données personnelles, ou la gestion d'une plateforme d'alerte, etc. Il s'agit alors d'un contrat de prestation de service.

 

20. L'incitation par la CS3D à recourir au contrat ⛔ Dans le mécanisme de Vigilance, l'entreprise assujettie, société-mère ou entreprise donneuse d'ordre, a structuré sa chaîne d'activités principalement par des "contrats de régulation" qui eux-mêmes structurent et encadrent des contrats-échanges, ce qui est naturel puisque le plus souvent la chaîne en question correspond à une filière de distribution, ensemble structurée de contrats-cadre, de contrats et de sous-contrats. Mais, davantage que ne le fait la loi française de 2017 qui l'inspire, la CS3D incite à utiliser le contrat qui lui-même structure et fait fonctionner la chaîne d'activité pour rendre efficiente l'Obligation de Compliance de l'entreprise maîtresse📎!footnote-3903.

 

21. Les "clauses de compliance", ajustement pour couvrir les contours du système et de la chaîne protégés⛔ Les "clauses de compliance" sont des clauses contractuelles insérées dans des contrats dont l'objet n'est pas la mise en oeuvre de l'Obligation de Compliance mais a un objet économique ordinaire, comme la réalisation d'une prestation ou le transfert de propriété d'un bien, la clause prévoyant que dans cette opération économique un souci de Compliance sera inséré au bénéfice du cocontractant ou d'un tiers à celui-ci ou d'un intérêt collectif, comme par exemple une obligation de collaboration à un audit, ou un droit de donner l'alerte, ou une obligation de transmettre des données pour réaliser une cartographie des risques ou concevoir une remédiation, etc.

Les clauses de compliance insérées dans un rapport contractuel bilatéral peuvent intégrer dans celui-ci la prise en considération de l'intérêt du système  (énergétique, climatique, informationnel, etc.), par exemple la durabilité de celui-ci, que les parties s'obligent à prendre en considération à l'occasion de leur échange économique, confortant ainsi l'efficacité de l'Obligation légale de l'entreprise maîtresse de la chaîne d'activité au sein de laquelle le contrat développe ses effets en amont (par ex., contrats d'approvisionnement) et en aval (par ex., contrats de transport). En cela, c'est l'intérêt des systèmes qui entre via les clauses de compliance dans les contrats.

 

22. La CS3D et les "clauses-type" ⛔ C'est pourquoi en juillet 2024, la Commission européenne a indiqué qu'elle mettrait  à la disposition des entreprises des lignes directrices contenant des clauses-type  à insérer dans la chaine des contrats amont et aval de la chaine d'activité pour que que soit réalisée l'obligation de Vigilance de l'entreprise maîtresse en donnant à chacun la part qu'il doit prendre dans celle-ci (ce qui relève d'une répartition de la "responsabilité Ex Ante"), tandis que la responsabilité Ex post demeurera toujours à la charge de l'entreprise maîtresse si elle est l'auteur d'un manquement ayant cause un dommage, démonstration qui peut être également faite à l'encontre d'une entreprise maillon de cette chaine. Ces "clauses-types" peuvent être des clauses d'information, des clauses de secret, des clauses d'audit, des clauses d'alerte, des clauses de médiation, de conciliation, voire d'arbitrage, etc. 

 

23. La très délicate limite : ne pas avoir pour objet ou pour effet l'irresponsabilité, par le contrat, de l'assujetti par la loi : l'entreprise doit "répondre", en organisant un juste "partage des responsabilités" ⛔ Cette ingénierie contractuelle déjà en place, désormais encouragée par le Législateur européen, a une limite : elle ne doit pas avoir pour objet d'écarter l'obligation légale de l'entreprise assujettie. C'est toujours celle-ci qui doit "répondre" du fait que son contribution est effective dans la réalisation de Buts Monumentaux. Ces contrats ne peuvent avoir pour objet d'organiser l'anéantissement de cette obligation légale, en la transférant de la tête de l'entreprise légalement assujettie sur la tête d'un autre ; ils ne peuvent avoir davantage avoir cet effet.

Mais le Législateur européen utilise souvent le terme "responsabilité" dans un sens davantage managérial que dans un sens juridique. Par exemple le Règlement européen du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme📎!footnote-3966 impose aux entreprises qui mettent en oeuvre leur obligation de contribuer à la lutte contre le blanchiment de bien répartir à ce titre les "responsabilités" en leur sein, c'est-à-dire les pouvoirs. En effet la "Responsabilité Ex Ante" est conçue à travers la notion de mission et de pouvoirs, dans le contexte de la position dans laquelle l'entreprise est, ce que ce texte particulier rappelle, mais ce qui est aussi une caractéristique générale de cette Responsabilité Ex Ante📎!footnote-3967.

 

24. La conséquence : la préconstitution des preuves par l'entreprise assujettie par la Loi⛔ La conséquence de cette délicate limite ainsi décrite, à savoir la tâche de répartir efficacement les "responsabilités" c'est-à-dire les fonctions et les pouvoirs, associée à l'interdiction de l'usage du contrat pour vider de sa substance l'obligation légale de Compliance qui pèse sur la grande entreprise, procédé qui sera sanctionné car l'on ne saurait permettre à celle-ci de transformer un instrument de réalisation de son obligation légale en instrument d'anéantissement de cette même obligation légale, est que l'entreprise assujettie par la loi doit préconstituer la preuve que les contrats et les clauses mises en place ont bien eu pour objet de rendre effective, efficace et efficiente son Obligation légale de compliance📎!footnote-3904. La démonstration, constituée par avance, d'un tel effet est la meilleur façon de prouver la réalité de cet objet.

L'entreprise doit donc faire remonter jusqu'à elle la preuve que tout ce maillage de contrats et de clauses lui donnent les moyens de répondre devant tous les parties prenantes, internes (ses collaborateurs) et externes (ses fournisseurs, les associations, etc.) de la bonne exécution de son obligation légale. Ainsi elle "répond" devant tous de l'exécution de la charge que l'État a mis sur elle. C'est pourquoi les mécanismes contractuels mis en place ont souvent un objet probatoire, par exemple la transmission à l'entreprise maîtresse d'informations ou la mise à disposition d'information dans la perspective d'enquêtes menées par celle-ci parmi toute la chaîne d'activités qu'elle a structurée dans l'espace et dans le temps.

 

25. La pertinence de l'organisation contractuelle de la préconstitution de ce qu'on doit qualifier de "preuves lointaines"⛔ Il est ici proposé de qualifier ces informations requises de "preuves lointaines", en ce qu'il s'agit d'informations portant sur des réalités éloignées de l'entreprise maîtresse soit dans l'espace, parce qu'il s'agit par exemple des conditions de travail chez un sous-fournisseur agissant dans un lieu géographique éloigné, soit dans le temps parce qu'il s'agit par exemple de l'impact informationnel ou climatique dans un futur lointain. Ces preuves lointaines de la façon dont l'entreprise maîtresse d'une part va mettre en place des préventions des risques ou va établir des remédiations ou va agir pour avoir des informations sur des dommages possibles, etc., est un élément essentiel, car les preuves lointaines sont très difficiles à atteindre et suppose une collaboration de ceux qui ont une connaissance des "situations lointaines", soit parce qu'ils sont sur place (pour l'éloignement géographique), soit parce qu'ils ont une connaissance du futur parce qu'ils ont une connaissance scientifique de celui-ci.

Des contrats avec ceux qui savent à un titre ou un autre, les "sachants", ceux que l'on retrouvera à l'occasion des procès systémiques dont l'objet est le futur📎!footnote-3905, peuvent organiser cette articulation préalable d'informations et d'actions en Ex Ante que l'entreprise maîtresse organise et mène pour exécuter son obligation légale.

 

 B. L'AMBIGUITE DES "ENGAGEMENTS" : L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE LA HAYE DU 12 NOVEMBRE 2024, SHELL

26. L'engagement : le moyen de conférer de la durabilité ⛔ Les engagements sont en Droit de la régulation ce qui donne de la sécurité aux secteurs, puisqu'ils permettent d'assurer que demain la situation de l'ensemble du secteur et des opérateurs qui y développent leurs activités sera régie par les mêmes termes que ceux régissant leur situation présente📎!footnote-3906. Engagements et sécurité juridique sont donc mêlés. Plus encore, Engagement et Durabilité sont intimes.

Le contrat, instrument commun d'engagement, est ainsi ce qui sécurise l'avenir📎!footnote-3908. Mais lorsqu'il s'agit de sécuriser un système, c'est davantage vers des engagements des Régulateurs eux-mêmes que l'attention se porte, leurs engagements s'avérant plus précieux que des actes législatifs puisque le Législateur, si par nature une Loi se saisit du futur, a le pouvoir souverain de modifier du jour au lendemain ce qu'il édicte pour le futur, sa souveraineté étant ainsi par nature une source d'insécurité📎!footnote-3910. C'est pourquoi désormais le droit souple des lignes directrices ou un contrat-cadre ou une charte d'une entreprise maîtresse d'une chaine d'activités qu'elle est en charge de réguler produisent un effet de durabilité plus élevé que celui produit une loi qui toujours varie, et sont à ce titre support d'une plus grande confiance.

 

27. La non-reconnaissance de la contrainte juridique intrinsèque d'un engagement éthique ⛔Mais le plus souvent lorsque les entreprises mettent une place une "politique d'engagement", même s'il peut exister désormais une obligation générale d'avoir une "politique générale" de groupe (policy) parce qu'il faut y insérer le dispositif complexe de vigilance📎!footnote-3915 ou de lutte contre le blanchiment ou de préservation de la concurrence, un engagement n'a pas d'effets juridiques intrinsèques en tant qu'acte isolé.

Les entreprises peuvent néanmoins produire des engagements, et ceux-ci avoir une grande importance, de deux façons.  En premier lieu, dans sa politique interne de ressource humaine, pour que ses collaborateurs "s'engagent" dans le projet collectif qui constitue l'entreprise elle-même, définie comme un projet📎!footnote-3968. En second lieu, à l'égard d'elle-même, en affirmant qu'elles "s'engagent" à améliorer tel ou tel système, par exemple en luttant contre le changement climatique néfaste, ou en promouvant les femmes, ou en luttant contre l'exclusion numérique, etc. Cela s'opère souvent par le biais d'adoption de chartes éthiques. Ces "policies" nous ramènent vers la distinction élémentaire entre le Droit et l'Éthique, le premier étant contraignant le second ne l'étant pas en lui-même. Comme on le mesure à propos de la déontologie📎!footnote-3911, à laquelle une telle démarche peut ressembler, une telle pratique constitue alors un fait qui devient un standard qui sera pris en considération si une action en responsabilité est engagée Ex Post contre l'entreprise.

 

28. Les engagements : des faits pouvant constituer des standards pertinents dans une possible action en responsabilité civile contre l'entreprise légalement assujettie⛔ Ainsi, lorsque l'entreprise adopte des documents de communication, quelque que soit leur media (interne ou externe ; écrit, oral, numérique), par lesquels elle affirme qu'elle s'engage à faire ceci ou cela, cela ne constitue pas un engagement unilatéral de volonté, catégorie dont on sait qu'il est soumis à un formalisme très strict, notamment par rapport aux destinataires pour lequel il crée des droits de créance📎!footnote-3912.

Mais si les engagements de l'entreprise ne font pas naître de droits de créance📎!footnote-3913, ils n'en constituent pas moins des faits comportementaux qui peuvent constituer des standards, au regard desquels un manquement de l'entreprise peut être ultérieurement établi. Dès lors, dans une action en responsabilité, pour le succès de laquelle la triple preuve d'un fait générateur, d'un dommage et d'un lieu de causalité entre les 2 doit être rapportée, le fait d'un engagement peut contribuer à prouver le manquement. Ainsi, même si l'engagement n'est pas un acte juridiquement contraignant, à l'égard duquel les parties prenantes seraient des créanciers📎!footnote-3914, il constitue un fait, dont l'importance dans le management d'une entreprise a une grande répercutions en Droit.

 

29. Par l'engagement, la cristallisations par l'entreprise de normes juridiques externes non-contraignantes : l'arrêt Shell  de la Cour d'appel de La Haye du 12 novembre 2024⛔L'arrêt rendu par la Cour d'appel de La Haye le 12 novembre 2024, dans le cas dit Shell, apporte une solution à la fois nouvelle et nuancée📎!footnote-3917. En effet, l'arrêt infirme le jugement, si commenté, du Tribunal de La Haye du ... 2021📎!footnote-3916. Dans la motivation très méticuleuse développée par la Cour saisie par des associations sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile et évoquant ce qui serait un devoir général d'agir contre le changement climatique néfaste, il est rappelé que la responsabilité de l'entreprise ne peut être engagée à ce titre que s'il est démontré un manquement de sa part, l'existence d'un dommage et un lien de causalité, auxquels doit s'ajouter une qualité et intérêt à agir dont doivent pouvoir se prévoir les associations qui ont saisi la justice. Faute de cela, les demandes de celles-ci ont été rejetées, alors qu'elles avaient été accueillies par les juges de première instance. Mais sur le terrain de l'engagement, la Cour de La Haye relève que le groupe Shell a expressément repris à son compte des normes internationales qui, en elles-mêmes, n'ont pas de portée contraignante et ne peuvent obliger les entreprises, telles les normes de l'ONU en la matière. En les reprenant à son compte, Shell s'oblige à "prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique néfaste"📎!footnote-3918.

 

30. La maîtrise conservée de la mise en oeuvre des normes juridiques externes transformées par le fait des engagements⛔ Cet arrêt montre qu'en engageant, l'entreprise ne peut prétendre qu'elle ne modifie pas sa situation. Elle dit qu'elle va faire quelque chose : elle doit donc le faire. Par exemple "prendre sa part" dans la réalisation des Buts Monumentaux, ici la lutte contre le changement climatique. Mais c'est encore à l'entreprise de formuler l'ampleur de cette part.

Ainsi, en premier lieu et contrairement à ce qui fut soutenu par beaucoup et notamment en s'appuyant sur le jugement de première instance du Tribunal de La Haye, c'est bien la volonté de l'entreprise qui, par son engagement, transforme un principe international, qui n'est pas contraignant📎!footnote-3919, en ce qui va l'obliger. En second lieu, parce que l'entreprise est maîtresse de la mise en oeuvre, dès l'instant que celle-ci est crédible dans la trajectoire qui s'opère, elle va choisir les modalités et l'ampleur de celle-ci,. Cela met une nouvelle fois en lumière la dimension probatoire de l'Obligation de Compliance de l'entreprise puisqu'elle devra montrer en permanence qu'elle agit certes librement mais selon une "trajectoire crédible"📎!footnote-3920,.

 

2.  La volonté sociétaire, à travers la "raison d'être" et la société à mission, en points de contact avec l'Obligation de Compliance

 

31. La volonté sociétaire d'exprimer un but au-delà de l'intérêt financier, point de contact avec les Buts Monumentaux ⛔ Les auteurs qui exposent ce qu'est l'Obligation de Compliance dans son rapport avec le Droit des sociétés évoquent tous à la fois la "raison d'être" et "l'entreprise à mission", en ce qu'elles expriment l'au-delà de l'argent, la recherche d'un intérêt collectif, le souci d'autre chose et d'autrui📎!footnote-3921. En cela, l'entreprise s'institue par un souci de prendre sa part dans une ambition de nature plus politique. Dans une sorte de montée en puissance qui s'exprima par la réécriture de l'article 1832 du Code civil par la loi dite Pacte, puis la volonté sociétaire de l'insertion d'une "raison d'être", puis la volonté de s'instituer entreprise à "mission", l'on retrouve la volonté de se concevoir comme un participant à un projet interne et externe collectif, pour la réalisation duquel des outils de compliance sont requis, allant de l'information, à l'évaluation jusqu'à la remédiation.

 

32. La superposition de la volonté sociétaire et de la responsabilité des administrateurs ⛔ La volonté sociétaire vient ainsi renforcer l'Obligation légale de Compliance au cœur même des statuts en l'inscrivant dans ceux-ci. Cela ne transforme pas pour autant les principes généraux du Droit des sociétés, notamment dans son rapport avec le Droit de la responsabilité. C'est pourquoi pour engager la responsabilité personnelle d'un administrateur ou d'un mandataire social, il faut que le non-respect de la reprise dans la raison sociale ou la mission de l'Obligation légale de Compliance, puisse être prouvé par le tiers qui agit contre lui comme constituant une "faute détachable de ses fonctions", c'est-à-dire une faute intentionnelle d'une particulière incompatible avec l'exercice normal de son mandat et fonctions sociétaires.

 

III. OBLIGATION SUR OBLIGATION VAUT QUANT À LA SOURCE : L'ENTREPRISE QUI S'OBLIGE EN EXPANSION PUIS EN AUTONOMIE DE SON OBLIGATION LÉGALE DE COMPLIANCE 

 

33. L'exclusion de l'autorégulation⛔ Il est parfois soutenu que l'entreprise, surtout la grande, peut constituer un "ordre juridique" à elle toute seule. On aura d'autant plus tendance à le dire que des lois, comme l'impose la CS3D, lui impose d'apporter des solutions aux plaintes qui sont formulées auprès d'elle, fonction juridictionnelle, tandis que la politique générale établie par de multiples chartes et déclarations conduit des auteurs, notamment Gunter Teubner à considérer les entreprises globales comme les "néo-constituants" du monde📎!footnote-3922. Mais le Droit de la Compliance s'oppose à cette hypothèse de l'autorégulation car les Buts Monumentaux, à savoir la protection des êtres humains impliqués de gré ou de force dans les systèmes, sont fixés par les Etats et les Autorités publiques et non pas par les entreprises. Elon Musk ne peut être roi du monde, en ce qu'il ne peut prétendre gouverner un réseau social selon les buts qui lui conviennent, ni envisager de construire une planète dont il fixerait la Constitution.

 

33. L''entreprise ne constitue pas un "ordre juridique" autonome, apte et légitime à fixer les Buts Monumentaux, socle normatif du Droit de la Compliance⛔ Les entreprises ne sont pas un ordre juridique📎!footnote-3924 parce que, comme le démontra Kelsen dans La théorie pure du droit de 1931 à propos de la puissance du politique📎!footnote-3923, elles ne peuvent disposer de la substance essentielle, qui est au-delà d'elles si puissantes soit-elles. Elles peuvent, et ne peuvent, que prolonger. Si elles peuvent accroître, ce n'est que dans le prolongement. Et ce prolongement se mesure  à l'aune des Buts Monumentaux dont la fixation est l'apanage des Etats et des Autorités publiques.

 

34. Prolonger et  accroître les Buts Monumentaux fixés par le Politique, sans jamais s'en détourner ⛔ Il est donc exclu que l'entreprise puisse utiliser sa volonté pour se détourner des Buts Monumentaux qui fonde le Droit de la Compliance en prétendant créer de nouvelles obligations ou de nouveaux buts qui auraient pour objet ou pour effet de se soustraire à son Obligation de Compliance (A). Mais en premier lieu et cela est très fréquent l'entreprise recopie son obligation légale, notamment par la contractualisation de celle-ci, devenant alors soit débitrice, soit créancière  (B). 

 

 A. EXCLUSION DE L'OBLIGATION DE L'ENTREPRISE QUI CONTREDIT

35. Exclusion de l'obligation contractuelle ou de l'engagement qui soustrait  l'entreprise à son obligation légale⛔ Parce que le Droit de la Compliance est une branche du Droit téléologique📎!footnote-3925, un engagement de l'entreprise, un contrat ou une clause contractuelle rendant l'entreprise débitrice ou créancière, qui auraient pour objet ou pour effet de contrarier le principe de sa contribution aux Buts Monumentaux qui sont le socle normatif du Droit de la compliance📎!footnote-3926, devra être considéré comme contraire à l'ordre public et atteint de nullité absolue.

 

36. Difficulté à mesurer la contrariété d'un engagement ou d'une obligation contractuelle au regard des Buts Monumentaux et de leur pluralité technique⛔ De la même façon que les buts monumentaux sont ce par quoi les outils de la compliance doivent être utilisés📎!footnote-3927 et les diverses lois et réglementations doivent être interprétés📎!footnote-3928, ils excluent que le pouvoir de s'obliger et obliger autrui en retour puisse contrarier ces buts, au-delà de l'organisation de l'irresponsabilité, hypothèse expressément interdite par les considérations de la directive CS3D.

Mais les obligations techniques de compliance sont multiples. Elles peuvent être littéralement contradictoires, par exemple dans certains cas ou certains textes obliger à divulguer et dans d'autres obliger à garder secret. C'est bien au titre de l'Obligation de Compliance qu'il faut "connaître son client" et qu'il faut ne pas lui demander son état de santé. Le tableau de ces différentes obligations techniques de compliance a été dressé pour les agencer au regard de l'Obligation légale générale de Compliance📎!footnote-3929. 

Il peut être aisé de se prévaloir de l'obligation de garder secrète une information et de recopier dans des chartes et dans des contrats en cascades l'obligation de ne pas utiliser et de ne pas divulguer des informations à caractère personnel, en confiant éventuellement cela à des délégués à la protection des données à caractère personnel, voire en demandant des avis à la CNIL, pour se soustraire aux exigences en sens contraire qu'auraient peut-être formulées des tiers, des victimes, des régulateurs sectoriels, des procureurs, etc.

Cela sera sans doute à la jurisprudence de faire l'équilibre, sauf dans un premier temps pour les entreprises à justifier à travers leurs engagements et leurs contrats pourquoi une dimension l'emporte sur l'autre, ce qui peut se justifie par exemple en raison de leur activité mais qui ne doit pas demeurer implicite. 

 

 B. TAUTOLOGIE DE L'OBLIGATION CONTRACTUELLE RECOPIANT L'OBLIGATION LÉGALE

37. La fréquence du recopiage des dispositions légales dans les actes volontaires des entreprises assujetties⛔ Il est très fréquent que dans les chartes diverses comme dans les contrats les dispositions des réglementations de compliance soient recopiées à la lettre par exemple le RGPD, les lois dite Sapin 2 et Vigilance. L'on s'est parfois moqué de cette tautologie en ce que recopier la loi ne modifie pas l'assujettissement du sujet de droit qui se contenterait de répéter l'obligation qu'il a d'obéir à la loi ,  exprimant peut-être le plaisir qu'il aurait à le faire, rendant ainsi plus concret l'amour des lois que Rousseau présume. Cela n'est pas techniquement exact.

 

38. Le changement de statut entraîné par la contractualisation de l'Obligation de Compliance, rendant l'entreprise débitrice ⛔ Cela n'est pas exact car l'assujetti devient tout d'abord débiteur, les lettres de la loi devenant lettres contractuelles. C'est alors l'engagement d'une responsabilité contractuelle, ou une exécution forcée qui pourra être demandée au juge, les conditions de la responsabilité civile n'étant pas requises.  Il peut y avoir cumul d'une action de nature contractuelle, avec ses conditions, attentée par les uns et d'une action de nature délictuelle, avec ses conditions, attentée par les autres. S'il y a pas une telle contractualisation, seule voie pour rendre l'entreprise juridiquement débitrice, seule l'action en responsabilité civile est ouverte📎!footnote-3930.

 

38. Le changement de statut entraîné par la contractualisation de l'Obligation de Compliance, rendant l'entreprise créancière⛔ Mais un contrat rend le plus souvent le contractant non seulement débiteur mais encore créancier. Par exemple, une clause d'audit ou de transmission d'information  va rendre l'entreprise créancière d'une obligation de faire à la charge de son cocontractant, ce qui lui permettra de mieux exécuter son Obligation légale de Compliance, par exemple de Vigilance. L'entreprise va ainsi pouvoir d'autant plus exiger, notamment au regard du secret des affaires mais parce qu'elle sera obligée de mener des enquêtes internes, par exemple pour détecter ou prévenir la corruption (Sapin 2) ou le harcèlement (loi Vigilance). Plus elle sera assujettie par la Loi et plus elle pourra être contractuellement créancière.

 

38. La "mission", notion rendant compte de la position de créancier contractuel pour réaliser l'Obligation légale de Compliance requise pour contribuer à des Buts imposés par des Autorités politiques ou publiques ⛔ Il apparaît ainsi que de la même façon la notion de "mission" appliquée à la société met celle-ci en contact avec les Buts Monumentaux de la Compliance📎!footnote-3931de la même façon, appliquée au contrat, parce que l'Obligation de Compliance concrétise à la charge de l'entreprise en position de la porte une "mission", celle de contribuer à la réalisation de ces Buts, cette mission transforme la grande et puissance entreprise en ce qui caractérisa les entreprises publiques📎!footnote-3932. Cela est d'autant plus logique que le Droit de la Compliance est le prolongement du Droit de la Régulation, que beaucoup associent traditionnellement à la logique du Droit public📎!footnote-3933.

 

 

 C. ADMISSION DE L'OBLIGATION CONTRACTUELLE QUI SURENCHÉRIT

39. Admissibilité d'accroissement des ambitions publiques ⛔ Les entreprises peuvent encore affecter leurs ressources (information, temps, argent, matière première, innovation, personnel, organisation, etc.) à ne pas recopier ou servir mais à surenchérir, par exemple en favorisant une catégorie, une zone, une action. Il convient alors de faire attention à ne pas heurter le principe juridique d'égalité. Dans cette matière-là aussi le principe de motivation, trace de l'Obligation processuelle📎!footnote-3934, doit être respecté par l'entreprise, qui veillera à justifier en quoi sa position justifie un tel accroissement par rapport aux ambitions publiques.

 

40. Admissibilité d'édiction de buts extrafinanciers autonomes compatible ⛔ Ce principe de motivation soutient également la part que la volonté des entreprises peut prendre pour édicter des Buts Monumentaux que la loi ne fait pas peser sur elles. L'on peut notamment penser au but de l'éducation. L'éducation est certes centrale dans le Droit de la Compliance!footnote-3935,mais il en s'agit que de former à la compliance. Des entreprises consacrent des moyens très importants à l'éducation, notamment des enfants. L'on en revient à l'idée d' entreprises-citoyennes, l'éducation étant essentielle dans la société politique, les banques diffusant l'éducation financière élémentaire, les entreprises numériques l'éducation élémentaire au respect de l'autre.

 

40. Reddition par le rapport de durabilité ⛔ Dès l'instant que d'une par  cela ne contrarie pas un But fixé par le Politique et que d'autre part des Autorités publiques peuvent superviser ces activités, il n'y a pas de raison de ne pas l'admettre. Les rapports de durabilité seront un des moyens pour que les entreprises justifient de ces actions sociales autonomes afin qu'elles ne les transforment pas en régentes, ces mécanismes de reddition des comptes (accountability) s'opérant toujours sous le contrôle du juge.

________

 

 

1

C'est notamment l'opinion qu'en a Alain Supiot, qui développe de ce fait une hostilité à son égard (retrouver une référence... ; peut-être dans l'ouvrage qu'il a dirigé sur les entreprises et la mondailisation....).

Sa critique s'accroît lorsque les normes ainsi internalisées n'ont plus même comme source l'Etat mais les entreprises elles-mêmes, sous couvert de RSE. V. 

2

F. Kafka, La colonie pénitentiaire (compléter la référence ; ajouter une ou deux anayses juridiques du texte, not. A. Supiot, F. Kafka, Artiste de la Loi...)

4

On this concept, see 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Monumental Goals, beating heart of Compliance Lawin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Monumental Goals2023.

6

It also has to do with the fact that they do not understand why such a cost is being imposed on them and not on others, why it is not up to States to carry out such a public service mission. It also has to do with the fact that compliance is presented to them as a punishment, even though they have done nothing and the tools are Ex Ante, that some present it as punishment for past crimes, such as colonisation, or as crimes they will always commit, such as international corruption, in a kind of recognition of the ‘born criminal’. It's true that this is hardly encouraging...

All this is the result of an accumulation of confusions, notably between "regulations" and Law, between Compliance Law and conformity techniques... (see 🕴️M.-A. Frison-Roche🚧Compliance and conformity: distinguishing them to articulate them, 2024 and infra No. 00 et s.). The first part of this article aims to untangle these confusions.

7

Sur la distinction entre le Droit du climat et le Droit de l'environnement, et la spécificité du premier, v. Ch. Huglo, ..., in Les buts monumentaux....

8

This question of the will of companies was approached from a specific angle, that of the confrontation of possible sources of action by companies with regard to systemic ambitions, either out of obedience to the orders of legislators and regulators, or out of ethical concern, or out of calculation, in 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Will, Heart and Calculation, the three traits encercling the Compliance Obligationin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

9

V. par ex.  J.-L. Lantoine et C. Chevalier, La servitude volontaire. Postérité, réappropriation et perspectives critiques, 2024.

10

This is why companies subject to a ‘duty of vigilance’ under the 2017 French law do not thereby become ‘debtors’. Presenting it in this way allows those who do so to present the performance of the legal obligation as performance not with regard to the law but with regard to persons who would be ‘creditors’ (since the companies would be ‘debtors’). This is no mere quibble, as the legal regime changes completely. Numerous organisations now present themselves as ‘creditors’ of the duty of vigilance, holding both procedural rights, claiming to be able to bring cases before special courts and ordinary courts on this basis, and substantive rights, claiming to be able to obtain enforcement, whereas the duty of vigilance refers to a system of liability, which presupposes proof of a breach, damage and a causal link.

🕴️Muriel Fabre-Magnan points to this confusion in liability actions : 📝Critique de la convergence des responsabilités contractuelle et délictuelle. L'exemple du devoir de vigilance (Criticism of the convergence of contractual and tortious liability. The example of duty of vigilance)in 📗Mélanges en l'honneur du Professeur Loïc Cadiet, 2023.

11

Voir la jurisprudence qui engage la responsabilité d'une société pour n'avoir pas exécuté son obligation légale de lutter contre le blanchiment d'argent, alors que ses concurrents ont exécuté leur obligation légale à ce titre, ce qui crée une situation de fait de concurrence déloyale : Com., ... (me retrouver l'arrêt et éventuellement le commentaire de celui-ci, merci).

12

V. par ex. F. Terré,..., Les obligations, Précis Dalloz , ....: "§1. Devoir moral et obligation juridique. A s'en tenir au domaine du droit, le mot obligation n'a pas non plus une signification unique. De manière générale, il désigne en effet tout ce que l'ordre juridique commande à une personne de faire, sans que corresponde nécessairement à l'obligation qui, passivement, pèse sur elle, un droit au profit d'un autre personne.  (c'est une citation de l'édition de 2019, est-ce que cela a changé depuis ?)

13

Sur l'articulation entre l'effectivité, l'efficacité et l'efficience, marquant les outils de la Compliance qui sont conçus et mis en pratique au regard des buts, v. mafr (citer un ou deux articles où j'explique le plus clairement cela....).

14

On the definition of the contract as the emission of two obliged wills which, in a second stage, are tied together, here is the remarkable thesis of 🕴️Grégoire Forest, 📗Essai sur la notion d'obligation en droit privé2012.

15

For a list of the various compliance obligations, in particular those involving the obligation to obtain the consent of the person concerned, see 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

16

On the importance of this evidential dimension of the Compliance Obligation, see 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

17

For a description of this technological, managerial, economic and sociological phenomenon, see 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧Having a good behavior in the digital space, 2019. 

18

🕴️M.-A. Frison-Roche📝Rights, primary and natural Compliance Toolsin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Tools2021.

20

mafr, .... (article dans les mélanges Pierre Godé)

21

V. infra n°00.

22

On the historical dimension of Compliance Law, which explains in particular the fundamental differences that will persist between American, European and Asian Compliance Law, 🕴️M.-A. Frison-Roche🚧Compliance: before, now, after, 2018; 🚧Births of a branch of Law: Compliance Law, 2024.

23

mettre les arrêts Schrems et un peu de commentaires, merci.

24

See infra No. 10 et s.

26

🕴️A. Supiot, 📗The Spirit of Philadelphia: Social Justice vs. the Total Market, Verso Books, 2012, 160 p.

27

Directive 2002/58/EC of the European Parliament and of the Council of 12 July 2002 concerning the processing of personal data and the protection of privacy in the electronic communications sector (Directive on privacy and electronic communications - so-called "ePrivacy Directive"). Proposal for a Regulation of the european Parliament and of the Council concerning the respect for private life and the protection of personal data in electronic communications and repealing Directive 2002/58/EC (Regulation on Privacy and Electronic Communications - so-called "ePrivacy Regulation").

28

On the preconstitution of evidence, see 🕴️M. A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025, No. 00 et s.

29

See infra No. 20 et s.

30

See infra No. 48 et s.

31

Le maniement et la portée de cette opération intellectuelle traverse les diverses branches du Droit. V. par ex. 🕴️Fr. Terré, 📗L'influence de la volonté individuelle sur les qualifications1957 ; 🕴️J. A. Salmon, 📝Quelques observations sur la qualification en droit international public, 1978 ; 🕴️I. Voulgaris, 📝Réflexion sur l'approche comparative de la qualification en droit international privé, 1999.

32

See supra No. 5 et s.

34

🕴️M.-A. Frison-Roche📝Why the Texts and Practices on Sustainability Reporting will give rise to Systemic Litigation, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📕Contentieux Systémique Émergent2025.

35

🕴️M.-A. Frison-Roche📝Systemic Articulation between Vigilance, Due Diligence, Conformity and Compliance: Vigilance, Total Share of the Compliance Obligation, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

37

For further developments on the impact of the confusion between ‘Compliance’ and ‘conformity’ on the definition of the Compliance Obligation, see the study on the very definition of the latter: 🕴️M. A. Frison-Roche, 📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislator, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025, No. 00 et s.

38

On the relevance of the Kelsenian perspective, see n°00.

39

On the contrary, see 🕴🏻M.-A. Frison-Roche📝Training: Content and Container of Compliancein 🕴🏻M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Tools, 2021.

40

mafr, première contribution in L'obligation de compliance

44

On the concept of ‘compliance structure’ and the resulting obligations to achieve results, whereas other compliance obligations are obligations of best efforts, see the classification made and the consequences drawn from it in 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

46

See in this way 🕴️M.-A. Frison-Roche🚧Duty of vigilance: the way forward, 2024.

47

Règlement (UE) 2024/1624 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2024 relatif à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme

48

D'une façon plus générale, mafr, La responsabilité Ex Ante, pilier du Droit de la Compliance,

49

On the fact that the company's Compliance Obligation is mainly an evidential obligation, see the last part of the study 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025, No. 00 et s.

More generally, on the evidential system and what it produces on the company subject to the Compliance Obligation, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝The Judge, the Compliance Obligation and the Company. The Compliance Evidence Systemin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Jurisdictionalisation, 2024.

50

🕴️F. Ancel, 🎤Face au futur, la transformation de l’office du juge civil et commercial, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (coord.), Dans l’espace de justice, les pratiques juridictionnelles au service du futur, in Cour de cassation, Cycle de conférences "Penser les pratiques juridictionnelles au service d’un espace de justice", 21 novembre 2024, captation vidéo accessible à l'adresse : https://www.courdecassation.fr/agenda-evenementiel/dans-lespace-de-justice-les-pratiques-juridictionnelles-au-service-du-futur.

52

🕴️H. Lécuyer, 📝Le contrat, acte de prévision, in 📗Mélanges en hommage à François Terré. L'avenir du droit, 1999.

53

retrouver dans l'ouvrage Les engagements dans les systèmes de régulation, une contribution qui met en valeur l'instabilité législateur (par rapport à l'aptitude d'un régulateur à s'engager).

54

Sur l'insertion des dispositifs de vigilance dans la "politique générale des groupes", telle que le conçoit la CS3D, voir....

55

Sur la définition de l'entreprise comme un groupe de personnes réunies toujours d'un projet, v. A. Supiot, ..., in A. Supiot (dir.), L'entreprise.....

56

On deontology, 🕴️D. Gutmann, 📝L'obligation déontologique entre l'obligation morale et l'obligation juridiquein Archives de Philosophie du Droit (APD), 📗L'obligation, t. 44, Dalloz, pp. 115-127.

57

On the conditions for classification as a ‘unilateral act of will’ and its effects, see 🕴🏻M. Fabre-Magnan, 📗Droit des obligations, t. 1 : Contrat et engagement unilatéral, 2021, p. 877 et seq., §117 et seq., which defines a ‘unilateral undertaking of will’ as "the manifestation of the will of a person expressing his intention to bind himself towards another" (p. 877, §117, free translation) and deduces 4 conditions for its validity: the formulation of an explicit promise, the intention of the author to be bound, the existence of an advantage for the beneficiary of the promise and the latter's legitimate belief in the undertaking. See also 🕴️M.-A. Frison-Roche📝What a commitment is, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

58

For example, in Competition Law, if the commitments taken by a company have legal effect, either in merger control or in proceedings for anti-competitive behaviour, this is not due intrinsically to the commitments themselves, but to the decision taken unilaterally by the Competition Authority which, taking into account this fact that these commitments constitute, decides, for example, to accept the merger or not to continue the proceedings for anti-competitive behaviour.

59

Those who assert this are often the same ones who say that the law which obliges the company would make it a ‘debtor’. On this misunderstanding, which is perhaps deliberate, see supra No. 00 et seq.

61

remettre la date exacte, la référence et quelques commentaires du jugement.

62

Shell s'oblige à "prendre sa part dans la lutte contre le changement climatique néfaste" : je traduis ici en français ce qui est la traduction officielle en anglais par la Cour d'appel de La Haye de son arrêt rédigé en néerlandas (vérifier le texte anglais, merci)

63

See contra 🕴️L. Dubin, 📝Tensions and contradictions between corporate due diligence instruments. From a due diligence process to the establishment of a standard of responsibility, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

64

On the criterion of ‘credible trajectory’, a central evidential concept, see 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025, No. 00 et s.

65

V. not. 🕴️A.-V. Le Fur, 📝Interest and “raison d’être” of the Company: How Does It Fit Together with the Compliance Monumental Goals?in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Monumental Goals, 2023; 📝Corporate and Financial Markets Law facing the Compliance Obligation, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

67

Contra, see for example Jean-Philippe Robé's well-documented article, 📝L'entreprise en droit, 1995, which develops the thesis that the company develops a legal order.

68

🕴🏻H. Kelsen, 📗Reine Rechtslehre (Théorie pure du droit), 1934.

This is one of the essential points of opposition between Kelsen and Schmitt, since Kelsen bases the formal pyramid of norms on the ‘fundamental norm’, which is not at the disposal of the political power and must therefore be guarded by a jurisdictional body, whereas Schmitt conceives of the legal system as a system inhabited by the political and therefore hierarchically by the head of state, who ultimately disposes of it. Tragically, the opposition between the two ideas developed in Domestic Law; it also applies to International Law, where Kelsen developed his ideas after the Second World War. See, for example, 🕴🏻N. Zanon, 📝La polémique entre Hans Kelsen et Carl Schmitt sur la justice constitutionnelle, 1991.

69

On the Teleological nature of Compliance Law, 🕴️M.-A. Frison-Roche🚧Compliance Law, 2016 ; 🚧Births of a branch of Law: Compliance Law, 2024.

71

🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Monumental Goals, 2022.

73

The very purpose of this study is to draw up a picture of the diverse and sometimes seemingly contradictory technical compliance obligations, which must find their coherence and articulation in the context of a single, simple and clear Compliance Obligation, is the topic of the study: 🕴️M.-A. Frison-Roche📝Compliance Obligation: building a Compliance Structure that Produces Credible Results in terms of the Monumental Goals targeted by the Legislatorin 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

74

On the fact that, unless there is a contract in which the company is involved, it does not owe a Compliance Obligation, the action against it for breach of its legal Compliance Obligation takes the form of a civil liability action which requires proof of a breach, damage and a causal link, see supra No. 00.

75

See supra No. 31 et s.

76

For a more detailed demonstration, 🕴️M.-A. Frison-Roche, 🚧Use of private companies by Compliance Law to serve Human Rights, 2023.

77

See in this way, voir dans ce sens, 🏛️Conseil d'Etat (French Administrative Supreme Court) and the 🏛️Cour de cassation (French Judicial Supreme Court), 📗De la régulation à la compliance: quel rôle pour le juge ?, 2024.

78

🕴️M.-A. Frison-Roche📝General Procedural Law Obligation, Prototype of the Compliance Obligation, in 🕴️M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Obligation, 2025.

79

🕴🏻M.-A. Frison-Roche📝Training: Content and Container of Compliancein 🕴🏻M.-A. Frison-Roche (ed.), 📘Compliance Tools, 2021.

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