15 septembre 2021

Publications

En hommage à Geneviève Viney, dont j'ai eu la si grande chance d'être l'étudiante

🚧 La Responsabilité Ex Ante

par Marie-Anne Frison-Roche

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Référence complète : Frison-Roche, M.-A., La Responsabilité Ex Ante, document de travail, septembre 2021.

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📝Ce document de travail a été élaboré pour servir de base à un article à paraître dans les Archives de Philosophie du droit (APD), dans le volume sur 📙La Responsabilité (2022).

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► Résumé du document de travail :Le Droit est aujourd'hui placé devant un impératif stratégique : tourner sa force vers le futur, pour faire face à des enjeux (numérique et climat) sur lesquels la loi et le contrat n'ont pas l'emprise requise, puisque trop locale ou trop peu systémique, tandis que la responsabilité ex post n'est pas adéquate face à l'irréparable. La responsabilité se saisit donc de l'avenir, le juge devenant le personnage central du monde sans qu'il l'ait voulu. Ce déplacement dans le temps peut continuer à s'ancrer dans le passé, du fait d'engagements des Etats ou des entreprises. Mais cette responsabilité pour le futur engendrant une obligation non de réparer mais de faire peut venir plus directement encore du seul fait que l'entité visée est "en position" d'agir pour qu'autrui soit préservé. Preuves préconstituées, office ex ante du juge, devoir pour autrui mais aussi pouvoirs de l'entreprise et de l'Etat pour porter cette responsabilité ex ante, pilier du droit de la compliance, droit de l'avenir, sont les nouvelles règles qui se mettent en place. 

Introduction : Quel est le temps dans lequel s'ancre la Responsabilité ? La question est si classique, toutes les réponses semblent en avoir été dessinées : si l'on est responsable plus aisément par rapport au passé car l'on peut plus aisément faire un lien entre la situation appréhendée, puisque plus détectable, comme sont plus faciles à poser les conséquences à en tirer sur une personne, cela n'exclut pourtant pas d'articuler la responsabilité avec le futur : concevoir la Responsabilité Ex Ante.

Cela est possible si l'on désarticule la construction de cette responsabilité avec un évènement ou une situation passés. Le Principe Responsabilité de Jonas ou l'Éthique de la Responsabilité font ainsi voyager la Responsabilité dans le temps, par un relais entre le Droit et l'Éthique, qui ne regarde alors que vers l'avenir pour que celui-ci existe encore. Par principe. Mais cette perspective devient plus difficile à soutenir si l'on reste dans le seul ordre juridique.

L'on pourrait pourtant soutenir que le Droit pourrait faire un effort, affirmer même que cela ne lui est pas difficile puisque le Droit fait ce qu'il veut. Il pourrait ainsi imputer une responsabilité à quiconque pour le temps qu'il désignerait, par exemple désigne comme porteur d'une responsabilité, c'est-à-dire porteur d'un poids, celui qu'il voudrait, au besoin une personne future pour un fait futur. Le "responsable" serait alors le titulaire d'une sorte de "poids pur", qui le chargerait parce que le Droit l'aurait voulu pour le temps qu'il voudrait, par exemple un devoir d'agir pour que le futur soit dessiné comme le voudrait le Droit, alors même que le Responsable n'aurait rien à se reprocher dans le passé. 

Mais le Droit n'est pas l'arbitraire, il est justement bâti pour que l'arbitraire ne règne pas. Le vocabulaire change et c'est alors un "devoir de vigilance" que la Loi française du 23 mars 2017 a fait peser sur les entreprises et non pas une obligation tant le Droit est mal à l'aise d'obliger sans causalité. C'est plus généralement pourquoi les Cours constitutionnelles et les Cours suprêmes défendent un rapport minimal entre la Responsabilité et le poids que celle-ci fait porter à une personne, fut-elle morale, notamment entre le poids qu'elle endure et ce qu'elle a fait, gardant ainsi le lien consubstantiel entre le Droit et la Morale, la technique juridique de la Responsabilité ne pouvant équivaloir à celle d'un prélèvement obligatoire.

Ainsi l'idée d'une Responsabilité Ex Ante est circonscrite dans son principe. Elle est celle d'un poids juridiquement posé sur une personne soit par elle-même (engagement), soit par la Loi ou par le Juge sur une personne lui enjoignant de faire quelque chose pour que n'advienne pas quelque chose qui adviendrait si elle ne fait rien, ou pour qu'advienne quelque chose qui n'adviendrait pas si elle demeure inactive.

Cette dernier conception, qui justifie la Responsabilité Ex Ante, s'insère dans la logique du Droit de la Compliance, branche du Droit Ex Ante qui prévient les comportements nocifs (ce qui correspond aux "Buts Monumentaux négatifs") et engendre les comportements positivement requis, produisant les comportements adéquats pour dessiner le futur voulu.

Mais les conditions juridiques pour admettre un tel poids, alors même que le lien avec une situation passée serait brisé, sont plus difficiles à concevoir que dans les mécanismes de la Responsabilité Ex Post. Pour admettre celle-ci, on peut tout d'abord continuer à voir dans le futur la projection du passé, technique de "virtualité" qui permit le contrôle des concentrations, lequel se résout par des conditionnalités et des engagements proposés par les entreprises pour obtenir l'autorisation. 

Mais la question climatique implique une autre logique : celle des engagements imposés sans compensation. L'on retrouve ainsi le cœur du Droit de la Régulation et de la Compliance, qui est alors utilisé pour contraindre sur le fondement général de la Responsabilité ceux qui avaient promis de faire quelque chose. Se noue ainsi non seulement le rapport entre le passé et le futur, puisqu'on devient responsable si l'on ne fait pas ce qu'on avait dit, mais encore se nouent le présent et le futur, puisqu'on est condamné à faire immédiatement non seulement ce qu'on avait dit, mais encore ce que la science indique de faire pour que le résultat soit effectivement atteint dans le futur. Est alors posé un "programme" selon une "trajectoire" pour que cela advienne effectivement.

Ce maniement du Droit de la Responsabilité fait peser un poids nouveau non seulement sur les entreprises mais encore sur les États. Cette contrainte issue de la Responsabilité Ex Ante est alors entre les mains du Juge, dont l'office lui-même devient un office Ex Ante. Les puissances obligées Ex Ante par une telle responsabilité maniée par le Juge sont les pouvoirs qui disposaient précédemment seuls du futur, à savoir le Législateur et les personnes, qui maniaient le futur seules ou par le contrat ; ils sont aujourd'hui soumis par le Droit de la Responsabilité qui non seulement est manié par le Juge mais qui le fait dans une perspective Ex Ante, ce qui produit à leur endroit des obligations de faire, dans une nouvelle répartition des pouvoirs par rapport au temps.

Une telle révolution, qui se déroule sous nos yeux, se justifie parce qu'il faut agir maintenant pour que le futur ne soit pas catastrophique. La science nous informe qu'il le sera entéléchiquement si rien n'est fait selon un "programme" dont on connait dès maintenant les termes et le calendrier. Il est donc juridiquement requis de désigner des responsables, non pas parce qu'ils auraient fait quelque chose dans le passé, la dimension Ex Post n'étant pas le sujet, mais pour qu'ils fassent quelque chose ; la Responsabilité juridique Ex Ante étant un élément central de cette nouvelle branche du Droit qu'est le Droit de la Compliance. Ce ne serait plus tant l'engagement mais la "position" des entités qui les rendrait responsables, cette responsabilité étant activée par les "personnes concernées", comme le Droit de la Compliance sur les données l'a montré. Le procès en Responsabilité en est donc lui-même bouleversé puisque le juge doit accueillir des demandes sans litige (ces questions seront développées techniquement dans un autre article ; v. aussi Concevoir le pouvoir). 

Le Droit est ainsi placé devant un choix stratégique, c'est-à-dire qu'il doit tourner son regard non plus tant vers le passé mais vers le futur, car il y a urgence en la matière, le Droit de la responsabilité étant le mécanisme le plus adéquat pour opérer ce déplacement du passé vers le futur (I). Pour opérer ce placement de la Responsabilité dans l'Ex Ante afin qu'elle se saisisse du Futur, il faut trouver les voies juridiques : ce déplacement dans le temps peut continuer à s'ancrer dans le passé, du fait d'engagements, mais il peut aussi figurer dans le futur qui, parce qu'on le connait, peut devenir alors présent, l'aptitude à être responsable tenant à la "position" de l'entité : le Juge peut ainsi agir sans prendre la place des autres pouvoirs, puisqu'il ne prend pas la place du Législateur ou des contractants, lesquels demeurent seuls légitimes à se saisir du "futur inconnu" (II).  Une fois ce déplacement opéré, les fruits peuvent en être recueillis, à la demande des "personnes concernées, à savoir non plus une obligation de réparer mais une obligation de faire, faire ce qui a été promis ou ce qui est nécessaire, avec un chemin à parcourir (une transition, une trajectoire), à travers un "programme", la question ouverte étant alors de savoir qui supervise un tel parcours par l'obligé. Cela est examiné dans un article apparenté : Concevoir le pouvoir.

 

Lire les développements ci-dessous

I. L'URGENCE À PLACER LA RESPONSABILITÉ EX ANTE

Pourquoi s'évertuer à orienter vers le futur le Droit de la Responsabilité, puisqu'il est naturellement tourné vers le passé en ce qu'il contraint les personnes à "rendre des comptes"📎 !footnote-2383, ce qui suppose des actions accomplies, tandis que le futur rendrait impossible cette tâche, temps où ces actions ne sont pas réalisées ? En raison d'une actualité nouvelle qui rend aujourd'hui le Futur prioritaire (B), situation à l'aune de laquelle la répartition traditionnelle des temps entre les sources du Droit (A) s'avère inadéquate (C).

 

A. LA RÉPARTITION TRADITIONELLE DES TEMPS ENTRE LES SOURCES DU DROIT

Dans le système juridique, la répartition du temps est affaire de pouvoir📎 !footnote-2424. Elle a longtemps été canalisée par la distinction faite entre les différents titulaires du pouvoir de dire efficacement du Droit. Les pouvoirs qui expriment une volonté, pouvoirs légitimes à disposer donc du réel, sont ainsi aptes à se saisir de l'avenir pour en faire ce qu'ils veulent : ce sont le Législateur et ces "petits législateurs" que sont les contractants. Ils s'approprient le futur parce que leur volonté légitime le construit, ce qui fait de la Loi par nature un acte qui "dispose" du futur par une application à la fois immédiate 📎!footnote-2402 et erga omnes, tandis que le contrat est par nature un "acte de prévision" 📎 !footnote-2384.

Le principe dit de "sécurité juridique" 📎 !footnote-2401, notamment dans son substrat technique de "prévisibilité" implique que d'autres pouvoirs ne viennent pas perturber ce que les législateurs et les contractants ont décidé de ce que seraient, selon leur dessein, l'avenir. Le principe de non-rétroactivité des lois nouvelles et le principe de survie de la loi ancienne dans les situations contractuelles expriment ces règles élémentaires et fondamentales, règles qui gardent les pouvoirs. 

Il est alors logique que le juge, agent neutre d'effectivité de ce qu'ont décidé les deux premiers, ait pour temps naturel le passé, lui qui, dans le système traditionnel, n'a pas vocation à avoir une volonté autonome : il prend ce qui est déjà là, à savoir les situations de fait et de droit déjà constituées et les règles de droit qui lui sont disponibles, ainsi que le rappelle l'article 12 du Code de procédure civile 📎!footnote-2411.

Le meilleur exemple en serait précisément le Droit de la responsabilité, en grande partie d'origine prétorienne, y compris dans les systèmes de droit romano-germanique, ce qui ne saurait troubler puisque le juge n'appréhendant que des faits et des actes constitués, la responsabilité actée des personnes, sanctionnées à ce titre est donc une responsabilité Ex Post. Certes, Christian Mouly avait le premier relevé la "super-rétroactivité" de la jurisprudence 📎!footnote-2403 , comme l'on souligne que toute la jurisprudence en matière de responsabilité s'articule sur les mécanismes d'assurance, lesquels sont Ex Ante 📎!footnote-2412. C'est d'ailleurs avant tout sur ce lien de fait et de droit entre l'assurance et la responsabilité que s'ancre l'Analyse économique du droit qui montre qu'in fine le droit de la réparation est ciselé pour dissuader les potentiels auteurs de dommages afin qu'ils renoncent par calcul à les commettre. Mais la répartition des temps était demeurée acquise puisque si l'interprétation du Droit par le juge le rend maître de l'ensemble il restait acquis que les situations futures lui restaient hors d'atteinte.

Ainsi dans la conception traditionnelle, aller contre cette répartition équivaut à remettre en cause la séparation des pouvoirs : dans une première direction, cela reviendrait à contester l'exclusif pouvoir du Législateur ou des contractants de disposer de l'avenir comme ils le veulent, le premier erga omnes et les seconds dans la portée donnée à leur échange ; dans la direction réciproque, cela reviendrait à  prétendre que le Juge pourrait se saisir de l'avenir, en Ex Ante, ce qui serait lui attribuer un pouvoir politique, selon l'expression si souvent utilisée du  "gouvernement des juges", soit pour dire qu'on y est favorable soit pour exprimer son hostilité et qu'il conviendrait d'y mettre bon ordre. 

Dans cet environnement conceptuel très ancré, parce que la Responsabilité est en Droit maniée par les juges, la notion de "Responsabilité Ex Ante" peut apparaître comme aporétique. Cela serait très dommageable car aujourd'hui le temps qui requiert le plus la force du Droit est le temps futur. 

 

B. LA PRIORITÉ DU FUTUR 

Comme l'écrivit en 1992, à propos du Droit de l'environnement, Pierre Godé, ce qui doit être l'objet de réflexion ce n'est pas tant "l'avenir du Droit" que le "Droit de l'Avenir" 📎!footnote-2385. 30 ans plus tard, l'expression d'une urgence juridique à le bâtir est générale, associée à l'idée qu'elle implique des changements juridiques radicaux 📎!footnote-2400.  La Responsabilité Ex Ante en est un. Les faits l'impliquent. C'est en effet sans doute la première fois qu'il est possible qu'un événement local susceptible de se réaliser puisse avoir un effet catastrophique sur l'ensemble de la planète. 

Les effets systémiques ont toujours existé, justifiant des dispositifs Ex Ante, de détection et de prévention concernant des structures, des personnes et des comportements pouvant mettre en péril des systèmes complets : c'est l'objet du Droit de la Compliance, lequel constitue une branche du Droit Ex Ante 📎!footnote-2386, qui prolonge le Droit de la Régulation, branche du Droit elle-aussi Ex Ante 📎!footnote-2404

Le Droit de la Compliance a pour objet de faire en sorte qu'un événement systémiquement catastrophique ne se réalise pas, soit en lui-même, soit dans tous ses effets systémiques. Cela constitue son "but monumental négatif" 📎!footnote-2405.  Cette dimension systémique s'est amplifiée au fil des siècles, ce qui explique en partie l'apparition tardive de cette branche du Droit 📎!footnote-2387

Mais si l'on en retient cette définition substantielle, qui fut initialement celle de l'Europe notamment à propos des informations personnelles 📎!footnote-2406, le mécanisme de la Responsabilité est alors requis au sein du Droit de la Compliance, non pas seulement Ex Post, pour que soient sanctionnés les manquements constatés dans le passé par les opérateurs soumis à des obligations de compliance (ce qui est classique 📎!footnote-2413), mais encore et surtout en Ex Ante pour que les entités qui peuvent faire quelque chose au regard des Buts Monumentaux concernant l'avenir en jeu et le fassent immédiatement, alors même qu'elles n'auraient commis aucun manquement. Or, il paraît hors de portée en ce que la répartition du pouvoir entre les sources du Droit s'y oppose. Il faut donc souligner cette inadéquation, afin de mieux remédier celle-ci.  

 

C. L'INADÉQUATION DE LA RÉPARTITION TRADITIONNELLE DU TEMPS ENTRE LES SOURCES DU DROIT

En effet, le Législateur et l'Exécutif exercent l'emprise sur le futur, par des textes qui engagent les assujettis, mais l'expression erga omnes est trompeuse car leur volonté n'a de prise qu'à l'égard de ceux qui relèvent du système juridique dans lequel l'ordre juridique en question se déploie. Or, les enjeux systémiques qu'il faut détecter et prévenir dans leur potentialité néfaste par une organisation à bâtir dès aujourd'hui excèdent les frontières géographiques de chacun des systèmes juridiques, puisqu'il s'agit d'enjeux globaux et qu'il n'existe pas de Droit global 📎!footnote-2388

La question de "l'extraterritorialité", qui fait tant réagir comme une agression d'un gouvernant contre un autre, répond pourtant à la dimension systémiquement globale du sujet. En effet, la corruption et le blanchiment d'argent sont considérés non pas en tant que tels mais en tant qu'ils détruisent les économies, puis les sociétés et conduisent à la guerre ; le changement climatique étant le plus violent exemple de cette dimension systémique.

À cela, le Droit international public ne peut répondre par les conventions internationales conclues entre les sujets de droit souverain que sont les États, insuffisants à construire un plan d'ensemble, de la même façon qu'aucune institution internationale ne peut, pour l'instant, globalement détecter et prévenir les crises systémiques globales futures, qu'elles soient sectorielles, notamment bancaires, financières ou énergétiques, et encore moins lorsqu'elles ne sont pas sectorielles, c'est-à-dire numériques et climatiques 📎!footnote-2409

L'on pense alors à se tourner vers les "petites lois" que sont les contrats internationaux des entreprises, lesquelles ont pour elles de n'être pas bridées par le lien consubstantiel qu'ont les États à un territoire 📎!footnote-2389, voire les engagements unilatéraux des entreprises qui pourraient suffire à produire des effets de droit véritablement erga omnes, puisque leurs émetteurs sont eux-mêmes véritablement "globaux" 📎!footnote-2390. Mais manque ici la légitimité normative de la source, car si le Législateur ne saisit pas tous et tout, ce qui le rend inadéquat par rapport à l'objet, il demeure légitime à décider politiquement pour le futur du groupe, ce que des contractants ou une entreprise ne peuvent prétendre. 

C'est donc bien vers la voie de la Responsabilité qu'il faut se tourner. Or, le Droit de la Responsabilité est bien l'affaire du Juge 📎!footnote-2391. Il faut donc trouver les voies juridiques pour permettre au Juge de placer cette responsabilité en Ex Ante.

 

II. LES VOIES JURIDIQUES POUR PLACER LA RESPONSABILITÉ EX ANTE

Pour déplacer la responsabilité dans le temps, le Juge peut se fonder sur l'engagement, ce qui ne constitue pas véritablement un déplacement, puisque l'engagement est par nature un fait ou un acte qui est dans le passé. La Responsabilité n'en est donc pas bouleversée. Cela valide au contraire l'idée que la Responsabilité relève plutôt de l'exécution (A). Le Droit va dans ce sens, puisque cela ne malmène pas la répartition des pouvoirs préalablement exposée. En revanche, l'affirmation par les Juges que la connaissance du futur catastrophique est si acquise que les droits des victimes futures deviennent immédiatement présents est une conception révolutionnaire de la Responsabilité Ex Ante (B). Plus encore, l'idée que l'on pourrait faire peser le poids de la Responsabilité pour le futur à une entité parce qu'elle est en position d'endurer cette charge, car il faut que quelqu'un le fasse et qu'elle est en position de le faire serait un fondement révolutionnaire (C). 

 

A. L'ENGAGEMENT PASSÉ, FONDEMENT POUR DECLENCHER LA RESPONSABILITÉ EX ANTE

A propos du contrat, Philippe Rémy avait souligné que la responsabilité contractuelle était essentiellement distincte de la responsabilité délictuelle en ce que la première visait à contraindre celui qui s'est engagé à s'exécuter, certes en principe par équivalent mais cela suffisant à la distinguer d'une indemnisation comme celle déclenchée dans le second type de responsabilité 📎!footnote-2392

Plus globalement ce raisonnement qui attache la Responsabilité non pas tant à une faute mais à un engagement, par rapport auquel il y a manquement s'il n'y a pas exécution, ce qui permet à travers une déclaration de responsabilité par le Juge qui constate dans le passé l'existence d'un engagement et conclut que l'auteur de cet engagement doit le tenir, vaut bien au-delà de la sphère du contrat, l'engagement unilatéral faisant désormais partie du droit positif 📎!footnote-2410

Si l'on examine en effet la décision Grande Synthe rendu par le Conseil d'État le 1ier juillet 2021 📎!footnote-2393, par cette décision ce Juge de l'excès de pouvoir annule un refus implicite opposé par le pouvoir réglementaire d'agir par ce qu'il est contraint d'une part par le Règlement européen du 30 mai 2018 et d'autre part par l'article L.100-8 du Code de l'énergie qui ont expressément formulé une "trajectoire de réduction des émissions des gaz à effet de serre" au regard des objectifs poursuivis par les textes, à savoir ladite réduction. Or, à la date de la décision, l'absence de disposition prise, c'est-à-dire le refus implicitement formulé d'en prendre, rendait d'ores et déjà impossible le respect de cette trajectoire, laquelle avait été fixée par le décret du 21 avril 2020 pour atteindre les objectifs fixés. Dès lors, le refus implicite devait être annulé. Il en résultait par effet de miroir pour le Gouvernement, auteur du refus, une responsabilité prenant la forme d'une obligation d'agir 📎!footnote-2394

Cette décision remarquable n'est pas révolutionnaire, puisque si le pouvoir législatif, au sens large (sens européen, visant aussi le pouvoir parlementaire que le pouvoir exécutif), ne s'était pas engagé, la nullité du refus implicite, c'est-à-dire sa Responsabilité Ex Ante d'agir parce qu'il s'y était lui-même contraint, n'aurait pas été explicitée par le Juge. Mais le Juge ne fait que déployer un engagement que l'Autorité politique a lui-même pris.

La même analyse peut être menée à propos des entreprises, et ce d'une façon plus nette encore, le Droit de la responsabilité ayant été expressément utilisé par le Tribunal de La Haye dans le jugement rendu le 26 mai 2021, engageant la responsabilité de Shell 📎!footnote-2395. L'action a été portée par des associations contre l'entité RDS que le jugement décrit ainsi : "Les activités de RDS consistent à détenir les actions des sociétés intermédiaires, à remplir ses obligations envers les actionnaires au titre de ses cotations en bourse à New York, Londres et Amsterdam, et à déterminer la politique générale d'entreprise du groupe. Les Sociétés Exploitantes mènent les activités opérationnelles et sont responsables de la mise en œuvre de la politique générale du groupe Shell déterminée par RDS. Ces entités Shell possèdent des actifs et/ou des infrastructures qui produisent et commercialisent du pétrole, du gaz ou d'autres énergies et disposent de licences pour exploiter, produire ou extraire du pétrole. Les Sociétés de Services apportent aux autres sociétés du groupe une assistance et des services dans l'exercice de leurs activités.". Par la suite, le jugement se référera au "Groupe Shell". 

Cela revient à souligner qu'au-delà de la distinction, la multiplicité et la diversité des personnalités juridiques 📎!footnote-2396, en matière de responsabilité, branche qui appréhende les situations à travers la factualité de celles-ci, il s'agit d'une entreprise globale qui est en prise directe avec un sujet global : le climat. 

S'appuyant notamment sur les rapports du GIEC 📎!footnote-2397, le Tribunal de La Haye constate que les actions auxquelles les Etats s'engagent en principe à travers les différents accords, par exemple l'accord de Paris, seront insuffisants pour protéger la population des Pays-Bas.  Face à une longue description des "intentions politiques", le jugement décrit le dispositif propre au Groupe Shell en ces termes : "En tant que holding de tête, RDS détermine la politique générale du groupe Shell. Par exemple, RDS définit des lignes directrices pour les investissements visant à soutenir la transition énergétique et les principes commerciaux pour les sociétés Shell. RDS rend compte de la performance consolidée des sociétés Shell et entretient des relations avec les investisseurs. Dans le rapport de développement durable 2019 de RDS, le conseil d'administration de RDS est désigné dans un « organigramme de gestion du changement climatique » comme « supervision de la gestion des risques liés au changement climatique ». Les sociétés du groupe Shell sont responsables de la mise en œuvre et de l'exécution de la politique générale. Ce faisant, elles doivent se conformer à la législation applicable et aux obligations contractuelles. Chaque société Shell assume la responsabilité opérationnelle de la mise en œuvre des « politiques et stratégies relatives au changement climatique ».

Il est remarquable que le terme de "responsabilité opérationnelle" soit utilisé, pour décrire cette organisation Ex Ante. Plus encore, le Tribunal ajoute : "RDS écrit que son PDG est ultimement responsable de la gestion globale du groupe Shell. Le PDG est l'autorité finale et a la responsabilité ultime de toutes les questions de gestion, à l'exception de celles qui relèvent de la responsabilité ultime de l'ensemble du conseil d'administration de RDS ou relèvent de l'assemblée des actionnaires de RDS. En ce qui concerne le changement climatique, la déclaration du CDP indique :« Le PDG est la personne la plus élevée responsable du changement climatique. Cela inclut la mise en œuvre de la stratégie de Shell, par exemple à travers les plans de Shell (…) pour fixer des objectifs à court terme pour réduire l'empreinte carbone nette des produits énergétiques qu'elle vend (…). ; La déclaration du CDP 2019 exprime que la politique climatique dont le PDG de RDS est ultimement responsable est déterminée par le conseil d'administration de RDS, qui a « supervision des questions liées au climat ».

Puis le Tribunal analyse la façon dont le Groupe Shell traite le climat comme un risque à évaluer et met en place des technologies pour diminuer les effets négatifs des technologies utilisées actuellement par le groupe, en regrettant que les Etats n'agissent pas davantage en ce qui les concerne et confronte les déclarations au Conseil et aux actionnaires avec l'existence de clauses de non-responsabilité de l'entreprise en raison de la pollution maintenue et des déclarations publiques claires et nettes sur le maintien massif de l'exploitation du pétrole, tandis qu'on trouve sur le site de l'entreprise des déclarations comme : "« Nous avons la responsabilité et l'engagement de respecter les droits de l'homme en mettant fortement l'accent sur la façon dont nous interagissons avec les communautés, la sécurité, les droits du travail et les conditions de la chaîne d'approvisionnement. ».

De tout cela, le Tribunal conclut que RDS est obligé, au travers de la politique d'entreprise du groupe Shell, de réduire les émissions de CO2 des activités du groupe Shell d'ici fin 2030 de 45% net par rapport à 2019. Cette obligation de réduction concerne l'ensemble du portefeuille énergétique du groupe Shell et sur le volume combiné de toutes les émissions. Il appartient à RDS de définir l'obligation de réduction, en tenant compte de ses obligations actuelles et d'autres circonstances pertinentes.

 C'est donc d'une part la notion d'engagement et d'autre part la notion de cohérence qui sont utilisées, à partir du seul Code civil néerlandais dans ses dispositions générales sur le Droit de la Responsabilité, que le jugement a été rendu. Ces notions d'engagement et de cohérence, que l'on rapprochait classiquement davantage de l'éthique que du Droit, se développent aujourd'hui fortement en Droit portées par l'économie de la Régulation. Elles reposent sur l'idée que celui qui est assez puissant pour engager les autres dans le futur doit pouvoir être contraint d'être tenu par ses promesses et son discours. Cela revient, comme l'a parfaitement exprimé Alain Supiot, à "prendre la responsabilité au sérieux" 📎!footnote-2414

Le Tribunal reconnait en outre que cette responsabilité est partagée entre les Etats et l'entreprise, car celle-ci ne peut prétendre simplement "se conformer" à la réglementation (ce qui montre l'opposition entre la "conformité" et le Droit de la Compliance, dans ses liens avec la Responsabilité et l'Éthique 📎!footnote-2399), pas davantage que les Etats ne peuvent prétendre ne pas être contraints par le Droit de la responsabilité à agir sous prétexte qu'ils ne sont pas les auteurs des dommages.

Les juges ont pu donc se saisir du futur parce que l'entreprise s'était elle-même prétendue assez puissante pour le faire. Au titre du Droit ordinaire de la responsabilité, les juges peuvent donc engager la responsabilité des entreprises en prenant appui sur les paroles engageantes que celles-ci ont élaborées : déclarations faites aux actionnaires et à l'opinion publique, portant sur la modification systémique du futur. Les juges n’obligent en rien les entreprises à s’engager, en cela ils ne « gouvernent » pas les entreprises. Mais en prenant au sérieux ce qu’elles disent, elles les contraignent à une obligation de sérieux. Parler sérieusement, ne pas être incohérent, accorder crédit à ce que l’on dit soi-même, devient ainsi une nouvelle sorte de devoir. Si l’on considère qu’il y a de la Raison dans le Droit, qui peut être contre ?

La question ouverte est celle d'un pouvoir juridique, Législateur ou Entreprise, qui ne serait engagé à rien, et à propos duquel une personne concernée viendrait pourtant demander à ce qu'il soit contraint d'agir au titre de sa responsabilité vis-à-vis du futur.

Cela supposerait que l'on connaisse déjà le futur, ce qui modifie la place du risque 📎!footnote-2462

 

B. LA CONNAISSANCE DU FUTUR CATASTROPHIQUE, FONDEMENT POUR PLACER LA RESPONSABILITÉ EX ANTE

Dans le Vocabulaire fondamental du Droit, dans un article admirable présentant "La responsabilité" 📎!footnote-2407, Geneviève Viney a souligné que ce à quoi répond avant tout la Responsabilité, c'est le "trouble". Si le juge connait par avance le trouble qui se déroulera dans l'avenir, puisque la détection en a été faite par la science, le droit subjectif processuel de demander au juge d'intervenir est d'ores et déjà présent.

C'est la puissance de la "virtualité" que de rendre d'ores et déjà présent ce qui est acquis dans le futur 📎!footnote-2408 : de la même façon que l'arbre qui sera coupé en bûche et vendu à titre de meuble même si à l'instant de la vente il est encore enraciné. Le Droit voyage dans le temps, non pas par la volonté mais par le respect même qu'il a de la réalité, par l'examen entéléchique de celle-ci. C'est par la soumission que le Juge, par rapport à la réalité, peut intervenir.  

Cette hypothèse est celle qui a été examinée par le Tribunal constitutionnel allemand, dans son arrêt du 29 avril 2021. Il a pu être qualifié à juste titre de "révolution juridique" 📎!footnote-2398, puisque le Juge avait à examiner la conformité de la loi allemande votée pour lutter contre le changement climatique à la Constitution allemande.

La question était procédurale, puisque le reproche fait était le fait pour le Législateur de n'avoir prévu d'action que jusqu'en 2050, laissant aux parlementaires du temps futur le soin de prendre à ce moment-là les dispositions appropriées. Les demandeurs soutenaient que si le Législateur choisissait alors de ne rien faire, il violait le droit fondamental à la vie des générations futures. Il leur avait été répondu que ce droit des "générations futures" ne pouvait être évoqué puisque ces générations n'étaient pas présentes leurs droits n'étaient pas effectifs et ne pouvaient être évoqués.  

Le Tribunal constitutionnel affirma que les travaux scientifiques étaient à ce point crédibles que s'il était possible pour le Législateur futur de ne rien faire, alors il était d'ores et déjà acquis que beaucoup de personnes de ces générations futures mourront. En Droit, il estime qu'un Législateur ne peut adopter une Loi dont l'objet est la lutte contre le changement climatique dont les mécanismes mis en place ne dépassent pas 2030, en laissant donc la possibilité pour celui qui dispose du Futur en 2030 d'éventuellement ne rien faire. Cela est incohérent et le Législateur (pas plus et pas moins qu'une entreprise) n'a pas le pouvoir d'être incohérent. 

L'on mesure qu'une telle décision n'est pas l'expression d'un "gouvernement des juges" mais l'affirmation d'une obligation de cohérence, par rapport à ce que dit le Législateur, c'est-à-dire la juste opposition entre le Droit et l'Arbitraire 📎!footnote-2415. C'est encore préserver la Souveraineté du législateur que de le garder d'être arbitraire lorsqu'il se saisit du Futur, c'est-à-dire de lier sa Volonté et sa Raison. 

La question qui reste ouverte est donc de savoir si le Juge peut aussi imposer une Responsabilité Ex Ante aux entreprises s'il n'y a pas eu d'engagements, du seul fait qu'il y a un "trouble", du seul fait qu'il y a trouble futur dont l'advenance est d'ores et déjà acquise et que l'entité devrait supporter le poids de faire quelque chose parce qu'elle est "en position" de le faire.

 

C. LA POSITION DE L'ENTITÉ, FONDEMENT SUFFISANT POUR DÉCLENCHER LA RESPONSABILITÉ EX ANTE  ?

Le Droit de la Responsabilité n'a pas encore franchi ce Rubicon. Il puise encore dans un engagement, recherche dans son temps naturel qui est le passé, un engagement pour faire peser un poids, même s'il étire ce passé vers le futur. 

Mais ce franchissement a d'ores et déjà été opéré par le Droit de la Compliance, branche révolutionnaire du Droit à partir de laquelle il convient de penser le Droit de la Responsabilité. 

En effet, lorsque le Droit de la Compliance fait peser sur les banques des obligations de détecter et de prévenir des comportements de blanchiment d'argent ou de corruption, ce n'est ni parce qu'elles en seraient, même potentiellement, les complices, ni parce qu'elles auraient pris des engagements de participer à cette lutte : c'est parce qu'elles sont en position de le faire efficacement. De la même façon et d'une façon extraordinaire, la Banque Centrale Européenne pose que son premier objectif est la lutte contre le changement climatique, affirmation dont le seul fondement est la nécessité de la mener. "But Monumental" qui est inséré par son pouvoir et par les Autorités de marchés financiers dans les opérateurs bancaires et financiers non pas parce qu'ils auraient un rapport avec le phénomène (car ils n'ont pas d'activités énergétiques - contrairement à Shell ou à un législateur qui adopte une loi en la matière -) mais parce qu'ils sont en position de le faire. 

Le Droit de la Compliance, Droit de l'Avenir par excellence, désigne comme sujets de droit obligés ceux qui sont "en position" d'agir. Dans sa décision du 17 mars 2013 📎!footnote-2417, le Conseil constitutionnel a ainsi distingué la responsabilité civile qu'encourent les entreprises au titre de la responsabilité personnelle que leur fait porter le "devoir de vigilance", le Conseil estimant qu'il s'agit d'une responsabilité personnelle que le Législateur est en droit de leur imposer pour atteindre un but d'ordre public, à savoir la protection de l'environnement et des êtres humains. Et c'est bien parce que la responsabilité prend un aspect de sanction, retrouvant ainsi son lien avec la faute et le passé, que le Conseil a déclaré contraire à la Constitution l'amende civile que la loi dite "Vigilance" avait également prévue 📎!footnote-2416

Parce qu'il faut penser la Responsabilité Ex Ante comme faisant partie intégrante du Droit de la Compliance, branche du Droit Ex Ante qui place sa normativité dans ses "Buts Monumentaux" qui sont le respect effectif de la dignité humaine, laquelle est dissociable du souci de prévenir la disparité de l'Humanité en raison d'un changement climatique fatal, le principe de nécessité et de trouble doit suffire pour faire peser ce poids sur les entités "en position" de faire quelque chose. 

Puisque la "Révolution" de l'arrêt Jand'heur a été possible, pourquoi celle-ci ne le serait-elle pas ? 

_____

 

 

1

V. par ex. 👤Viney, G., 📝La responsabilitéin Archives de philosophie du droit, 📙Vocabulaire fondamental du Droit1990.

2

Voir par ailleurs Frison-Roche, M.-A., Concevoir le pouvoir, 2021. 

3

La théorie de l'application de la loi dans le temps n'est elle-même qu'une projection de la conception que l'on a des sources du Droit. Il a suffi que le 👤Doyen Roubier souligne dans son ouvrage de 1960, Le droit transitoire (les conflits de lois dans le temps), que la Loi était la plus importante, que la nouvelle était fortement meilleure que l'ensemble, pour la non-rétroactivité de la loi nouvelle cesse d'être le premier principe et prend la seconde place, cédant le pas devant ce qui est désormais le premier principe : l'application immédiate de la loi nouvelle, sans même qu'il soit besoin de toucher à la lettre de l'article 2 du Code civil : "La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif".  L'auteur n'hésite d'ailleurs pas à affirmer que lorsqu'il lise l'article 2 de cette façon, la lecture qui en était faite était "une erreur totale". 

D'une façon plus générale, pour qui aime le Législateur et partage cette conception selon laquelle la loi nouvelle est toujours meilleure que la loi ancienne, v. 👤Carbonnier, 📝​Toute loi est un mal ?, 1992 ; ce n'est pas ce que l'on pense par ailleurs à propos des vieux impôts (v. L'impôtArchives de philosophie du droit, 2002).

4

Lécuyer, H., 📝Le contrat par acte de prévision, in L'avenir du Droit, Mélanges François Terré,📙 L'avenir du Droit, 1992, p.643-649..

5

Comme on le verra plus loin, ce partage du temps étant remis en cause par la priorité du Futur, ce principe de "sécurité juridique" que l'on présente comme si intangible et comme naturel, sera remis en cause si l'on change les perspectives et fait prévaloir la détection et la prévention des crises systémiques futures. Voir dans ce sens, 👤Frison-Roche, M.-A., 🚧 Instituer l'insécurité juridique comme principe, outil de prévention des crises systémiques catastrophiques totales, 2021. 

6

Article 12 du Code de procédure civil : Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé."

7

Mouly, Ch., 📝Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles ?, Petites Affiches, 18 mars 1994.  

8

Ce que montra la thèse de 👤Geneviève Viney, 📙Le déclin de la responsabilité individuelle, préf. André Tunc, LGDJ, 1965. 

9

👤Godé, P., 📝Le droit de l'avenir (un droit en devenir), in Mélanges offerts à François Terré, 📙L'avenir du Droit, 1992. 

10

V. par ex., 👤Cohendet, M.-A. et 👤Fleury, M., 📝Constitution et droit international de l'environnement, 2020. 

11

Sur l'apparition du Droit de la Compliance, v. par ex., 📝Compliance : avant, maintenant, après, in 👤Borga, N., 👤Marin, J.Cl. et 👤Roda, J.-Ch. (dir.), 📕  Compliance : Entreprise, Régulateur, Juge 2018.

13

Sur la distinction entre les "buts monumentaux négatifs" et les "buts monumentaux positifs", v. 👤Frison-Roche, M.-A., 📝Approche juridique des Outils de la Compliance à partir de la définition du Droit de la Compliance par ses "Buts Monumentaux", in 👤Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Les outils de la compliance, 2021.

Sur l'idée même des "buts monumentaux" qui définissent la nouvelle branche du Droit que constitue le Droit de la compliance, v. Frison-Roche, M.-A. (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance2022. 

14

👤Frison-Roche, M.-A., 📝Compliance : avant, maintenant, après, in 👤Borga, N., 👤Marin, J.Cl. et 👤Roda, J.-Ch. (dir.), 📕  Compliance : Entreprise, Régulateur, Juge, 2018.

15

👤Frison-Roche, M.-A.,📝Penser le monde à partir de la notion de "donnée", in 👤Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Internet, espace d'interrégulation2016. 

16

Le thème des sanctions et de la responsabilité dans le Droit de la Compliance concerne pour l'instant et en abondance la Responsabilité Ex Post. Les études disponibles sont donc relativement classiques, puisqu'il s'agit d'appliquer le Droit classique de la responsabilité, dans une matière aujourd'hui bien maîtrisée qui est le "droit des sanctions". V. par exemple 👤Segonds, M., Compliance, proportionnalité et sanction. L'exemple des sanctions de l'Agence française anticorruption in 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022.  L'on y retrouve les principes classiquement exposés de proportionnalité des sanctions, et les principes de procédure comme les droits de la défense, etc. Si l'on se place dans la perspective d'une Responsabilité Ex Ante, il ne peut plus s'agir d'une simple transposition, puisque notamment le procès apparaît comme étant sans "litige". Voir dans cette perspective le remarquable article de 👤Nicolas Cayrol, 📝Des principes processuels en Droit de la Compliancein 📕La juridictionnalisation de la Compliance, 2022. Sur ces perspectives procédurales, v. infra⤵ 

17

Sur la perspective de "Droit global", notamment au regard des Etats, v. 👤Frison-Roche, M.-A., 📝La mondialisation vue du point de vue du Droitin Association Capitant, 📙La mondialisation 2017 ; 👤Racine, J.-B., 📝La prégnance géographique dans le choix et l'usage des outils de la Compliance, in 👤Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕Les outils de la Compliance, 2021.

18

👤Frison-Roche, M.-A., Compliance Law, Health and Future, 2020. 

19

👤Ruiz-Fabri, H., 📝..., Archives de philosophie du droit, 📙L'international... ; 👤Mossé, M., 📝..., Archives de philosophie du droit, 📙....

20

👤Mossé, M., 📝... Archives de philosophie du droit, 📙....

21

Sur le fait que la Responsabilité est avant tout l'affaire du Juge, v. infra. 

22

👤Rémy, Ph., 📝La "responsabilité contractuelle" : histoire d'un faux concept, Rtd. civ. 1997, p.323. Sur la "controverse sur la notion de responsabilité contractuelle", v. 👤Fabre-Magnan, M., 📙Droit des obligations. 1. Contrat et engagement unilatéral, 6ième éd., coll. Thémis, 2021, n°1059 et s., p. 820 et s., cet auteur relevant les nombreux obstacles à la conception développée comme Philippe Rémy de l'exécution. 

23

Le titre de l'ouvrage de 👤Muriel Fabre-Magnan est en cela exemplaire : 📙Droit des obligations. 1. Contrat et engagement unilatéral, 6ième éd., coll. Thémis, PUF, 2021.

25

Sur les conséquences, et notamment l'obligation de faire, v. infra

27

Ce qui la met en correspondance directe avec le Droit de la Compliance. V. dans cette perspective, Frison-Roche, M.-A.,📝 Compliance et personnalité ; 🚧 Compliance et Personnalité, 2019.

28

Sur la question de la "connaissance du futur", v. infra

29

👤Supiot, A., Introduction, in 👤Supiot, A. et 👤Delmas-Marty, M. (dir.), 📙Prendre la responsabilité au sérieux2015. 

30

V. l'introduction, supra

31

Voir d'une façon générale la place centrale du risque dans d'autres disciplines que le Droit, par exemple la Sociologie  (Menger, P.-M, 📺Le risque sous l'angle de la sociologie, 2019) ou dans le Droit (Mestre, J., Le droit et le risque). Le Droit de la Compliance vise à accumuler et à traiter les informations pour connaître le futur et, par la maîtrise des risques, d'en prévenir les conséquences systémiques ; c'est notamment l'enjeu de la cartographie des risques (Frison-Roche, M.-A., Le statut juridique de la cartographie des risques ...). 

32

👤Viney, G., 📝La responsabilitéin Archives de philosophie du droit, 📙Vocabulaire fondamental du Droit1990 ; 10 ans plus tard dans le prolongement de cet article, 👤Viney G., 📝Pour ou contre un "principe général" de responsabilité pour faute ? Une question posée à propos de l'harmonisation des droits civils européensin Études offertes à Pierre Catala, 📙Le droit privé français à la fin du XXe siècle, 2001.

33

Pour plus de développement sur cette notion juridique de "virtualité" qui permet de distinguer le futur "nouveau" et le futur "acquis", lequel est de ce fait traité juridiquement comme du présent, v. 👤Frison-Roche, M.-A., 📝L'immatériel à travers la virtualité, in Archives de philosophie du droit, 📙L'immatérial , 1999. 

Cela correspond exactement au cas présent. 

34

👤Lepage, C., 📝Le jugement du Tribunal constitutionnel allemand, une révolution juridique, ...

35

Sur l'opposition entre le Droit et l'arbitraire, v. supra l'introduction

37

Cela valide donc la distinction de la Responsabilité Ex Ante, fondée lorsqu'elle s'insère dans une perspective de Droit de la Compliance. Si l'on reste dans une perspective de Droit de la Responsabilité, la distinction entre la responsabilité civile et la responsabilité-sanction faite par le Conseil constitutionnel n'est pas compréhensible. Elle a d'ailleurs été critiquée, et par ceux qui excluaient toute responsabilité, y compris civile, et par ceux qui voulaient une pleine responsabilité, y compris répressive. 

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