May 29, 2019
Publications
► Full Reference: M.-A. Frison-Roche, "Avant-propos" ("Foreword"), in M.-A. Frison-Roche (ed.), Pour une Europe de la Compliance (For the Europe of Compliance), series "Régulations & Compliance", 2019.
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📕read a general presentation of the book, Pour une Europe de la Compliance, in which this foreword is published.
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► The Foreword: It is sometimes said the construction of Europe is blocked, or even is in decline. But this construction can only advance because it is not only community to be rediscovered by the effect of a common culture or the result of an agreement between States or the benefit of commercial exchanges: it is also a legal Order. And Law is moving forward, sometimes like a goat through rulings of lightning justice, sometimes through legislation whose development have certainly the step of the turtle but also the strength of this military figure.
For this, any legal mechanism is good to take, so foreign, even aggressive, it may seem at first. Compliance, on which everyone questions the definition, in which we sometimes see the enemy to fight, about which we often doubt that it is really a legal mechanism, could well be useful.
So, let's seize the opportunity. It is not so common that a branch of law appears. The framework is still young, it is appropriate to take advantage of what is sometimes presented as defects, for example the uncertainty of definitions, but which are only defects of youth, or what is perceived as archaisms, in particular the violence of the compliance mechanisms, in their scale, their procedure and their territorial scope. But isn't a means of reconstituting the regalian at the moment when the states are struggling to recover from a report given to the cause to the territory ? Allowing them to pursue goals in the pretension that they must be satisfied (for example the fight against corruption or the sale of human beings)? Compliance Law allows the states to claim again and with a stronger voice their prerogatives.
Moreover, let us take advantage of this still malleable idea of the Compliance Law to obtain that Europe imbues the compliance mechanism with its legal Order. Compliance Law is undoubtedly the Law of tomorrow, the law without frontiers by which the legitimate public authorities set the Law, by fixing Ex ante goals and internalizing them in the crucial operators who carry them out in ways they build, public supervisors continuously monitoring the results achieved the goals set by the authorities. The Compliance Law allows that the powerful worldwird companies are not our masters because is the master who sets the goals and not the one who reaches them.
This is where Europe brings to the Compliance Law, where Europe can be exemplary of the Law of tomorrow. Indeed, where long-established systems, as American Law did, have developed Cmpliance techniques to prevent systemic risks, Europe can put back to the center its primary concern: the Person, a notion that Europe invented in order to protect by rights and obligations human beings against the only game of powers.
A Europe strengthened by Compliance Law; a Compliance Law transfigured by the European tradition: how not to be For a Europe of Compliance?
This is what the authors of this book demonstrate to us.
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May 28, 2019
Conferences
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Participation à la journée d'étude: « J’ai toujours été pour tout être » : Guillaume Dustan ou l’infinité des possibles in Laboratoire du Changement Social et Politique, Paris-Diderot, Paris, 28 mai 2019.
Consulter le document de travail servant de base à la participation à la journée d'étude.
Consulter la présentation générale du programme.
Consulter la présentation du colloque.
May 27, 2019
Publications
Ce document de travail sert de base à une conférence dans la Journée d'étude : "J'ai toujours été pour tout être". Guillaume Dustan ou l'infini des possibles", du 28 mai 2019.
Il est aussi référencé dans l'Emission qui lui est consacrée par France Culture le 15 février 2020.
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J'ai toujours été pour Tout Etre.
"Tout Etre", c'est un très bon plan. Personne ne l'a : ce plan est trop onéreux, trop aristocratique, trop dévastateur pour celui qui le conçoit et le déroule.
C'est pourtant ce qui fît William. Etre un homme accompli.
Le poser, le dire, le mener, suppose des qualités consubstantielles qui se cumulent, qui sont immédiatement acquises, visibles, constantes. Elles font se diriger toutes les flèches contre l'impudent. Depuis le départ et jusqu'à la fin. L'essentiel, la beauté, la prouesse d'un tel plan tiennent en ce qu'aucune de ces qualités ne se contredisent, ne s'affaiblissent les unes les autres, alors qu'on les met usuellement soit en choix exclusif soit en balance.
Que le corbeau, cher à Guillaume d'Occam, puisse être effectivement pleinement noir et encore être aussi pleinement blanc, en même temps, et pour autant n'en jamais devenir gris. Sinon la vie ne serait plus que grisaille, gribouillage et improvision. Il fallait que jamais la pureté du blanc ne vienne assombrir la pureté du noir. Tout noir et tout blanc, pleinement. Pour William faire différemment aurait été gâcher ses talents. Qui étaient si grands. Dès le départ, quand il était tout petit. Et jusqu'à la fin. Si douloureuse.
Cela fût un plan bien conçu, bien mené. Très réussi. Nous parlions souvent ensemble du dialogue de Platon, Le Philèbe , dans lequel celui-ci récuse le "mixte" pour louer la beauté du geste pur, du plaisir pur, ceux qui sont liés à l'inattendu et à la pureté de l'âme. Tout ce que les mécanismes d'intérêt, de calcul et d'opportunisme détruisent. Parce que William "a toujours été" du côté de la pureté, c'est-à-dire de l'absence de calcul, il ne pouvait y avoir de place pour le gris, ce mixte par exemple. L'âme de William était si pure.
Ainsi, Guillaume Dustan ne gâcha pas William Baranès. L'intensité de la couleur de l'un laissa intacte la pureté de la couleur de l'autre. Car " Tout Etre" demande avant tout de ne pas transiger, ni avec autrui ni avec soi.
Etre du côté du Tout, puisque William a "toujours été pour Tout Etre", cela ne laisse pas la place à grand chose, pas même pour la respiration. L'on comprend qu'à un moment le souffle lui ait manqué. Et là personne n'est venu puisque Tout Etre c'est prétendre se suffire.
Car qui réussit à " Tout Etre" ?
Cest-à-dire à Etre totalement Tout d'une façon substantiellement ontologique et contradictoire, si cela n'est le Christ ?
Celui-ci affirma être à la fois totalement Dieu et totalement homme. Il est vrai que ce personnage ne plût pas à tout le monde et qu'il fût crucifié à la grande joie de beaucoup et grâce à la souplesse du Tribunal dont il relevait de jure, l'eau étant disponible en abondance pour effacer toutes traces sur les mains de ceux qui auraient eu à perdre s'ils avaient exercé leurs responsabilités, le reste s'efffaçant dans l'indifférence .
"Tout Etre" c'est affronter dès le départ la perspective possible de cela. Avec la douleur par avance du spectacle non pas de ceux qui vous crucifient, non pas de ceux qui vous jettent des pierres sur le chemin, mais de tous ceux qui n'en ont rien à faire alors que l'ascèce de cette vie Totale fût conçue et menée pour eux. La dimension christique de la vie de William Baranès est tangible par cette complétude qu'il attînt en étant tout aussi pleinement Guillaume Dustan. Quand le calvaire commença pour cette personne entière, littérallement entière, personne ne bougea.
Un plan de cette ambition, Tout Etre, tout de suite et pour toujours l'on le retrouve chez Napoléon, qui fût lui aussi tout de suite Tout et qui ne trouva quelque repos qu'à Sainte-Hélène. Car il faut des îles pour contenir des personnages si grands : en les entourant d'eau, on peut tenter de les sauver d'eux-mêmes. D'ailleurs William partit dans des îles pour y exercer son office de juge.
Il pensait peut-être que l'eau pourrait éteindre le feu. Mais dans la maison qui brûlait, quand il fallut ne sauver qu'une chose, il fît comme répondît Cocteau : il ne sauva que le feu. Cocteau ne disait cela que pour faire de l'esprit, allant quant à lui de fête en fête, alors que William se consuma pour ne garder que le plus précieux des précieux pour qui ne veut que le Tout : garder la flamme. Comme une vestale. William était un classique.
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je ne saurais dire quelle place avait l'amitié et encore moins l'exercice du Droit pour Guillaume Dustan, mais je crois pouvoir dire celle qu'ils occupaient pour William.
Là encore, cela serait méconnaître qui était William de monter l'un contre l'autre, d'opposer l'ami et le juriste, comme si l'on devait décrire un personnage privé, celui qui fut l'ami par exemple, et un personnage public de la fonction publique, juge administratif, auteur d'écrits de Droit ou de réflexion sur le Droit.
En effet, lorsque nous discutions ensemble en soliloque partagé, le Droit avait une grande place. Nous n'étions qu'étudiants lorsque nous avons commencé à parler du Droit et de l'Injustice, ce qui nous permit plus tard, devenant plus grands en âge, de rédiger des écrits, de diriger des ouvrages et d'organiser des manifestations sur la Justice et sur le Droit.
Des descriptions de lui semblent présenter son "côté juriste" comme un élément annexe,ou paradoxal, ou un paravent, ou un pis-aller (il faut bien trouver une source de revenus...., être fonctionnaire....). C'est lui faire injure. Celui qui pose "Tout Etre" ne saurait perdre du temps avec des à-côtés, s'affaiblir avec des besognes sans intérêt ou sans rapport avec son plan. Dans son plan, la Justice et le Droit ont une grande place.
Prenons un autre auteur qui, avant que Guillaume Dustan ne l'exprime à son tour et à sa manière, avait réfléchi sur la façon dont la société broye les êtres humains, ce que l'on pourrait désigner comme l'injustice du monde, Kafka. Alain Supiot, professeur de droit, a montré dans sa leçon inaugurale au Collège de France en 2012 et dans un article paru récemment dans le Nouveau Magazine Littéraire sur "Kafka, artiste de la Loi", que Kafka était juriste pour une compagnie d'assurance, vérifiant la réalité des accidents du travail et que cela marqua profondément son oeuvre, que l'on dit romanesque. Il faut avoir étudié, dossier après dossier, les bras et les jambes brisés par les machines aveugles et qui ne s'arrêtent pas tandis que le sang coule et que le corps se révulse, pour écrire ensuite Le procès ou La colonie pénitentaire....
Pour William, cela fût la même démarche. A l'envers. Ayant vu enfant la famille et la société broyer les êtres humains innocents, il choisit de devenir juriste, de connaître le Droit, de parler du Droit et de le pratiquer. Non pas parce qu'il faut bien choisir un métier et que l'ENA mènerait à tout. Non. Parce que l'injustice qui fût pour lui comme un bain d'acide dans lequel il trempa, ce qui donne de l'acuité, puis vit chacun y couler, il décida de le décrire, et sans doute Guillaume le fît aussi totalement, mais il décida également de la combattre. Dans le Tout, il y a l'action.
Nous n'avons à nous résigner de rien. Surtout pas si nous sommes des personnes entières. L'injustice, on la repère par l'expérience. Comme le dit Ricoeur, l'injustice est un fait qui rend "perspicace" et nous évite de perdre des forces et du temps à chercher le point exact de ce qui pourrait être le "juste". Puis, nous devons le dire, car "dire l'injustice", c'est déjà faire quelque chose en faveur de celui qui en est victime (Arendt: dire, c'est déjà agir pour autrui). C'est pourquoi William fît de nombreux travaux de philosophie de la justice en tant que celle-ci est nouée par un souci pour autrui, constitue donc un lien avec celui-ci, c'est-à-dire constitue l'amitié (I).
Plus concrètement encore, William choisit d'être juge, non pas par dépit et mauvais classement de sortie à l'ENA du fait de notes de stage catastrophiques - il est vrai que faire des leçons de morale à ceux qui notent se paye -, mais parce qu'être juge représentait pour lui la concrétisation de la justice au bénéfice de tout un chacun (II).
Si William était juriste, et pleinement, c'était par amitié pour le genre humain, pour aider autrui, celui qui était plus mal loti que lui (III). Voilà le bénéfice d'une vision totale du monde : l'on trouve toujours encore plus malheureux que soi. Et William mena même l'exploit de trouver plus malheureux que lui : Autrui.
Updated: May 27, 2019 (Initial publication: May 13, 2019)
Publications
First of all, this working document was used as a support for an oral intervention done in French on the general topic. L'officier ministèriel est-il soluble dans la blockchain ? (Is the ministerial officer soluble in the blockchain?) at the "Club du Droit", which took place at the Conseil supérieur du Notariat on May 14, 2019, in Pars.
Consult the general presentation of the conference (in French).
Then it serves as a basis for an article to be published in the Revue Defrénois (in French).
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Introduction & Summary.
The technical analysis of the confrontation between the tool that is the blockchain and the function that ensure these particular people who are the "ministerial officers"!footnote-1542, might make it possible to deduce the use that they must make of it. .
For this, it is necessary to keep in mind this distinction so simple: the blockchain is a tool, a thing, a machine, an algorithm, a mechanical, mathematical power, while the ministerial officer is a human being.
This refers to the distinction that the Western legal system, whether Civil Law or Common Law, poses as summa divisio: the distinction between human beings and things. This first distinction is formulated so that we do not treat human beings as things, since they are legally qualified as "person"!footnote-1584. This is not a natural idea, because if the opportunity arises we would be inclined to treat the other human being as thing. It would be nice and effective. But Law, in its first principle, opposes it, to protect the one who can not afford to be a wolf for the other. This political reason implies that this distinction remains very clear and strong. Now, many try at any moment to make us forget it.
For this essential distinction to remain effective, not only should we not imagine human beings as things (reduced to their bodies, for example, or reduced to mechanical acts of consumption!footnote-1543), like this is notably described and denounced by Alain Supiot in his successive works!footnote-1582, but it is also necessary that, especially by an imagined vocabulary, one represents things as acting like people, whereas it does not only machines and tools.
But technology represents more and more things with anthromophormi forms and reactions , through robots which "speak", "intelligent" machines, etc. The economic success of promoters of machines and other human-like robots, mechanical solutions presented as "intelligent", is based on forgetting the distinction between the person and things. It is certainly possible to erase this distinction from our system of thought. The difficulty is that it is the basis of Western Lawl!footnote-1583 and that there are strong reasons to keep it because this distinction protects the weak human being from injustice, permits him and her to participate in the general order, to avoid an order built on a pure balance of power which can only lead to violence.
It is this background that is played in the practical questiond of insertion of blockchains and other technologies and the way in which the various professions must exercise their functions today. If these tools are consistent with these functions, or even improve them, professionals must welcome them without suspicion, or even participate directly in developing them. If these tools are not capable of fulfilling certain functions entrusted to these professionals, then these functions must not be inadvertently or maliciously inserted into a blockchain, whose capacity for preservation and reliability does not amount to anything, because a thing doesn't have any ability to think.
This is why we must start from the functions, by dinstinguising the technical function of conservation, duplication and elaboration of acts (I).
It seems that assuming the technical reliability of preservation and duplication acquired through the blockchain, as soon as there is a part of elaboration in the act, human intervention must step in because a machine is unfit to check the facts. Here we find the distinction between the retranscribed negotium, this retranscription never being mechanical, and the instrumentum itself, which, split from what gave rise to it, can be subjected to duplicative and conservation technologies. These technologies of conservation and duplication could be so efficient that the notions of original and copy could be questioned because of the reliability of the blockchain (II).
Thus the blockain is an effective technology on the instrumentum as documents divided from the negotium, but it can not guarantee the correspondence between the two ; it has only the reliability in the conservation, the availability and the duplication to infinity of the instrumentum, of what is extremely useful, and justifies that ministerial officers incorporate this technology. But the function of these are not limited to being agents of conservation and duplicators. We do not simply move from the copyist monk to the blockchain. The main and so precious function of the ministerial officers is to check the accuracy of the mentions of the instrumentum in relation to the reality of the negotium. This is so precious for a market economy to have this correspondance!footnote-1585. The ministerial officer does so as a human being, while a machine can neither check this correspondence nor advise the parties - especially not the weak part in the negotium. This is why the State - which has never ignored the effectiveness of "decentralization" techniques - has decentralized its office and its correspondance. With a sole and autonomous machine, it is not possible to know if acts correspond to the objective reality of the transactions (their object) as well as to their subjective reality (consent). If we choose not to entrust this to human beings carrying this function, for which a machine is unfit, it would be a political choice It will have a price (III).
This would be the choice of a very liquid and unsecured market (without intermediary, with the benefit of lower cost in Ex Ante and higher risk for the long term). In policy, the balance is always between security and liquidity, especillay in financial systemic policy. This was done by American Law, wich prefered low costs and high liquidity, especially for real estate loans, which were securitized by subprime mortgages. For the moment, this choice is not made in this sense by European Law, safety concern in the elaboration of the acts being preferred and the distinction between the human aptitude and the mechanical aptitude remaining. And we know that in the first system the reajustment takes the form of a general crisis, which reinjects the reality of the negotiums, lost in the instrumentums. What price are we ready to pay ?
Once this distinction is clearly made, because the elaboration of an acte mus be made bye the ministerial officer, human being invested by the State of the particular charge ensures the accuracy of the mentions of the act with the reality of people, wills, obligations and goods, it is all the more expedient for ministerial officiers to organize themselves to develop blockchain technology. Indeed, once this act has been developed reliably, ans as such deserves to be "authentic", because of the continuum between elaboration, preservation and duplication, because it is up to the ministerial officiers to draw up the deeds more incontestably reliable. It is up to them to equip themselves with the technological means of best conservation and duplication of acts elabored by them (IV).
May 23, 2019
Law by Illustrations
Lorsqu'on veut évoquer la justice, les procès, la prison, le rôle et les devoirs des avocats tels que le cinéma nous les représente, l'on se refère assez peu souvent le film réalisé en 1991 par Martin Scorsese, Cape Fear (Les nerfs à vif, dans sa version française).
C'est pourtant le sujet.
Il est vrai que lorsqu'on parle de ce film, c'est souvent peu sous son angle juridique. Et c'est sous cet angle-là que Martin Scorsese, qui a le goût du documentaire (cf Hugo Cabret) va le prendre, ce qui lui donne du coup un aspect beaucoup plus théâtral que ne l'a la première version qu'en donna le film (dans lequel jouait déjà Grégory Peck, auquel le cinéaste cinéphile redonne un petit rôle dans la nouvelle version transfigurée).
Car un procès pénal c'est avant tout du théâtre : faire acquitter un coupable, n'est-ce pas le rôle d'un avocat, qui dira le contraire de la vérité, qui racontera des histoires au jury ? L'avocat qui peut techniquement le faire, qui a les moyens de présenter la victime comme celle qui méritait son sort et obtenir ainsi que son ignoble client sort libre de la salle de spectacle, et ne le fait pas parce que son client a commis un crime trop abject ne mérite-t-il pas sanction professionnelle, ne mérite-t-il pas d' "apprendre à perdre" ? C'est le sujet du film.
Car "la vérité" dans un procès, qui s'en soucie vraiment ? Clouzot lui-aussi dressa de la scène judiciaire un tableau assasin sous le titre le plus cruel qui soit : "La vérité" :
L'avocat doit défendre le coupable, puisqu'il doit défendre tous. C'est aussi cela, la leçon du Procès de Nuremberg.
Dans ce film, la personne poursuivie était coupable. D'un crime horrible. L'avocat eut entre les mains une pièce lui permettant, en raison des us et coutumes des jurys aux Etats-Unis dans cet Etat-là, d'obtenir l'acquittement. Mais moralement, l'avocat cacha cette pièce, pour que son horrible client n'échappe pas au devoir de payer sa faute. Il préféra une stratégie de défense permettant à l'accusé d'éviter la prison à vie, voire la peine de mort, grâce à une requalification des faits, mais ce qui envoya l'accusé 14 ans en prison.
14 ans durant lesquels le condamné apprit non seulement à lire, mais encore et la Bible et le Droit. Et la réalité de son dossier.
Nous sommes donc dans l'inverse du film d'Hitchock, que celui-ci présentait également comme un document, Le faux coupable, dans lequel le cinéaste présente également le système américain de procédure pénale, mais jouant à propos d'un homme innocent.
La dimension biblique est tout aussi présente dans les deux films mais dans Cape Fear le coupable aurait mérité une peine plus lourde ; comme le système aurait pu le faire gagner l'acquittement, il va demander des comptes à la pièce maîtresse du système : l'avocat.
Une fois sorti, il se place face à lui, se présente lui-même comme avocat, lui parle de confrère à confrère, lui fait des leçons de Droit. Il lui parle aussi de la Bible, lui explique qu'il va lui faire comprendre, à traver le "Livre de Job" qu'il faut qu'à son tour qu'il apprenne à tout perdre, son travail, sa femme et sa fille, lui montre qu'il a tout compris d'un système judiciaire américain dans lequel une jeune femme violée et violentée, si elle est de "moeurs légères", sera celle qui sera véritablement jugée par le jury, provoquant ainsi l'acquittement du tortionnaire.
14 ans ayant suffi pour faire des études de droit approfondi, le violeur obtient la condamnation de l'avocat par ses pairs pour menance, tandis que l'avocat ne peut pas se défendre - car où est la morale dans un Droit qui prend comme cible les femmes victimes -, tandis qu'à la fin du film dans un naufrage général, se transformant en juge, celui qui demande des comptes condamne à un jury imaginaire qui est l'ensemble des spectateur la mise à à mort lu système. Lorsqu'il meurt, coulant, ce sont les yeux ouverts. Regardant en face l'avocat qui n'ôta jamais ses lunettes de tout le film.
Tout lecteur de Kafka appréciera tout particulièrement la scène dans laquelle le tortionnaire-torturé se fait sciemment mettre en garde à vue et déshabillé devant l'avocat, qui se croit dissimulé derrière une vitre teinté tandis que l'autre le regarde dans ses yeux qu'il ne voit pourtant pas (la justice a les yeux bandés), afin que l'avocat puisse lire sur l'ensemble de son corps des tatouages la "loi", la "justice", la "vengeance" et les textes cités. Le personnage explique à la femme de l'avocat épouvantée que pendant 14 ans il n'eut pas d'autre chose à faire que de torturer sa peau, lui montrant que c'est le "système pénitentaire" qui le fit : l'auteur de la Colonie Pénitentaire, qu'Alain Supiot qualifie d' "artiste de la loi" aurait approuvé cette mise en scène dans la mise en scène. Cette mise en abîme.
Ce film, que l'on présente souvent comme grandiloquent, voire grandguignolesque, n'est qu'une description minutieuse, du Droit.
De la même façon que plus tard Scorceses fera un documentaire sur le Droit financier dans The woolf of Wall Street, il décrit ici les procédures pénales ordinaires.
Même les coupables et les monstres, ce que le condamné ne récuse pas un instant être, ont droit à un avocat. Ce qu'il rappelle simplement en citant les textes et en obligeant l'avocat à les répéter. Car tout est répétition.
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May 20, 2019
Interviews
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Interview à propos de l'ouvrage Pour une Europe de la Compliance, entretien avec Ondine Delaunay in La Lettre des Juristes d'Affaires, n° 1397, 20 mai 2019, p 4.
Présentation par La Lettre des Juristes d'Affaires:
"Les Éditions Dalloz et le Journal of Regulation & Compliance viennent de publier un ouvrage intitulé Pour une Europe de la compliance.
Placé sous la direction du professeur Marie-Anne Frison Roche, il tend à prouver que la compliance pourrait constituer le droit de demain, un droit sans frontière qui servirait à construire l’Europe.
Explications."
May 16, 2019
Publications
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Game of Thrones : un droit si classique. Pour l'instant, in Le Pluard, Q., et Plouhinec, P., (dir.), Du droit dans GAME OF THRONES, 2019, pp. 19-34.
Résumé. Dans cette série emplie de surprises grandioses, de personnages épiques, de retournements, et ce d’autant plus qu’elle se mit à courir plus vite que le livre dont elle naquit, on semble ne trouver que ce que l'on connaît déjà du Droit : il suffirait de soulever les déguisements, comme on le fait dans une fable. On y retrouve alors les règles juridiques classiques (I), la reproduction en décalque de l'organisation juridique féodale (II), parfois contestée au nom de principes exogènes (III). Mais il est remarquable que la série ne soit pas encore finie. Or, ce qui va arriver ne renvoie-t-il pas à des problématiques juridiques que nous ne maîtrisons pas nous-mêmes ? Saison inconnue au sens plein du terme, terrain juridique glacé et sol incertain d’un Droit qui prendrait la forme des "sans-visages" et des "morts qui marchent" ? (IV).
Consulter une présentation générale de l'ouvrage.
May 14, 2019
Conferences
Référence complète : Frison-Roche, M.-A., participation à la table-ronde L'officier public ministériel est-il soluble dans la blockchain?, conférence-débat organisée par Le Club du Droit & le Conseil supérieur du Notariat, 14 mai 2019, Paris.
Consulter la présentation générale du colloque.
Consulter le document de travail sur la base duquel l'intervention a été faite.
Lire le compte-rendu qui en a été fait dans la presse.
Dans cette table-ronde, un professeur d'économie expose la dimension technologique et économique de la blockchain.
Puis est abordée la dimension juridique, dont l'exposé m'était plus particulièrement confié.
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A ce titre, après avoir replacé la question technique dans ce que doit garder le Droit, à savoir la distinction entre la Personne et les choses, ce que la technologie présentée aujourd'hui comme un ensemble de choses "intelligentes" et "décidantes" remettant en cause...., l'intervention porte sur 4 points (qui sont développés dans le document de travail).
En premier lieu, avant de porter une appréciation sur ce qui est adéquat et sur l'avenir il faut distinguer les fonctions techniques de conservation des actes, de duplication des actes et d'élaboration des actes, la distinction entre negotium et instrumentum n'étant en rien effacée par la technologie des blockchains.
En deuxième lieu, dès l'instant qu'il y a une altération substantielle de l'acte instrumentaire parce qu'un nouveau negotium a eu lieu, parce que les mentions doivent mesurer la reproduction de la réalité de ce qui fut décidé par les parties, l'on n'est plus dans l'acte de conserver et de dupliquer à l'identique, mais dans l'acte d'élaboration. Or, dans l'acte de conservation et de duplication, la blockchain peut être un atout technologique très précieux, en ce qu'à supposer sa fiabilité acquise, l'erreur étant exclue, c'est comme si l'on pouvait produire des originaux indéfiniment. La fiabilité est telle que la distinction entre original et copie n'aurait plus lieu d'être. Mais pour l'élaboration de l'instrumentum au regard du negotium , comment une machine pourrait-elle "dresser" un acte, c'est-à-dire en vérifier son rapport d'exactitude par rapport à la réalité ? Elle ne le peut pas. Seul un être humain le met, l'Etat ayant "déconcentré" son pouvoir de dresser uniléralement des actes (en cela, les notaires sont issus de la même idée de déconcentration....) en exigeant qu'ils vérifient la conformité à la réalité pour que l'incontestabilité soit ensuite attachée aux mentions.
En troisième lieu, il apparaît alors que la blockain est un outil de conservation et de duplication, mais que l'intermédiation d'un tiers de confiance humain vérifiant l'exactitude des mentions est nécessaire si l'on veut par sécurité que ce qui est dit dans l'acte écrit, puis conservé, puis dupliqué, soit la reproduction de la réalité. S'opère alors un choix de politique économique, souvent lié à la culture des pays. L'on peut considérer que le coût de l'intermédiation est élevé et qu'il faut mieux assumer le risque de l'inexactitude des mentions (quant aux parties, à la réalité de leur consentement, à la consistance de l'objet, à l'ampleur des obligations, etc.) et s'assurer ainsi un marché liquide. Le réajustement des actes par rapport à la réalité des choses se fait alors par la crise, qui réinjecte l'information, l'exemple en étant la crise des prêts immobiliers financiarisés des subprimes. C'est le choix anglais et américains. L'on peut préférer la sécurité par l'intermédiation en ralentissant le marché. C'est le choix du droit romano-germanique. Ces options demeurent ouvertes. La technologie du blockchain n'interfère pas, parce qu'elle ne doit pas viser l'établissement des actes. Si elle devait la viser, alors on aurait choisi la liquidité à la sécurité. Ou en termes plus généraux, l'on aurait choisi la Concurrence contre la Régulation. Mais plus que jamais le souci Ex Ante des risques systémiques (et le fossé entre la réalité et les actes qui doivent la transcrire est un risque systémique majeur) est premier.
En quatrième lieu, en ayant ainsi un tableau des fonctionnalités, l'on voit que les notaires peuvent avoir grand usage des blockchains. Sans laisser des machines établir des actes, ils peuvent les utiliser comme le furent des coffreforts et des photocopieuses, avec une fiabilité et une mise en commun que seul le numérique et la capacité de calcul peuvent offrir à travers cette nouvelle technologie. Plus encore, l'articulation de l'amont (élaboration) et de l'aval (conservation et duplication) étant de nouveau reconnue comme la plus efficace, les officiels ministériels sont les mieux placés, en tant qu'ils dressent des actes instrumentaires dont ils ont vérifié les mentions et après avoir conseillé les parties, à conserver et à dupliquer ceux-ci.
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