Updated: Feb. 5, 2022 (Initial publication: Oct. 10, 2021)

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🚧Duty of Vigilance, Whistleblowing and International Competitiveness

by Marie-Anne Frison-Roche

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► Full Reference: Frison-Roche, M.-A., Duty of Vigilance, Whistleblowing and International Competitiveness, Working Paper, September 2021.

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🎤 this Working Paper is the basis for a conference , in the colloquium Effectiveness of Compliance and International Competitiveness, co-organised  by the Journal of Regulation & Compliance (JoRC) and the Center for Law and Economics of the Panthéon-Assas University (Paris II),   November 4, 2021

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📝this Working Paper is also the basis for an article. This article is to be published 

in its French version in the book 📕Les buts monumentaux de la Compliancein the series 📚Régulations & Compliance

 in its English version in the book 📘Compliance Monumental Goals, in the series la collection 📚Compliance & Regulation

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► Working Paper Summary: The "Compliance Tools" are very diverse. If it has been chosen to study more particularly among these the obligation of vigilance and the whistleblower, these rather than others and to study them together, it is because they present in the perspective of the specific topic chosen, namely "international competitiveness", and for companies, and for economic zones considered, and for legal system inseparable from them, a uniqueness: these are mechanisms which release Information. 

By order of the law, the company will not only stop ignoring what it covered with the handkerchief that Tartuffe held out to it or that a conception of Company Law legitimately allowed it to ignore. This article does not examine if this revolution made by Compliance Law expresses in the legal system is on the one hand legitimate and on the other hand effective: the article measures what is happening at the regard to "international competitiveness".

Compliance Law is therefore be examined here through its instruments, and not in relation to its normativity. In fact, its instruments are intended to provide Information and to make this information available, in its presentation, in its intelligibility and in the hands of those who are able to use Information in perspective of the Compliance Monumental Goals, achieving them. 

Regarding this central notion of Information, international competitiveness will be more particularly concerned because Compliance Law will oblige the company itself to seek out, then expose to everyone's eyes, in particular its competitors, its weaknesses, its projects, its alliances, its flaws. This does not pose a problem if its competitors themselves are often subject to this new branch of Law, which goes far beyond transparency, which is already a new mechanism because a company is not a transparent organization and Competition Law that governs ordinary businesses never required this. But if they are not subject to this incredibly special branch of Law that is Compliance Law, then there is a distortion of competitiveness by the very fact of the Law.

It is possible to pretend that the markets like virtue, that they give it credit because they are themselves based on the idea of "promise", which is ultimately based on a moral concept, but this provision of Information to others, while others remain opaque, is a major problem of competitiveness, which the legal requirement of "loyal commercial practices" only very partially considers.

Therefore, it is necessary to first examine what is the economic and financial power of the information captured by the company on itself thank to Compliance Law making available to all but firstly to the compagny itself through the whistblowing mechanism, organised by the laws, differently in the US and Europe (I). Compliance Law also obliges companies to be accountable not only for what they do but also for what others do for them. Through the obligation of Vigilance, objective Ex Ante obligation and duty, the company obtains a power of Information on others which could well resolve what is often presented as the dispute aporetic of the extraterritoriality of Compliance Law, thus making accountable companies hitherto protected by their "preserved" legal system and thereby affected by the effectiveness of Compliance Law (II).

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read below the developments

I. ASSOCIATION PAR LE DROIT DU LANCEMENT D'ALERTE D'UN SOUCI EFFECTIF DE NE PAS DIMINUER LA COMPÉTITIVITÉ INTERNATIONALE DE L'ENTREPRISE ET EFFET D'UN ACCROISSEMENT DE L'APTITUDE DE L'ENTREPRISE À AFFRONTER LA COMPÉTITION PAR L'ACCROISSEMENT DE SON INFORMATION

Avant de confronter le lancement d'alerte avec l'impératif de compétitivité internationale, il faut soigneusement définir le lancement d'alerte. Cette définition est essentielle car elle donne les contours de la protection légale qui ne doit bénéficier qu'au lanceur d'alerte, qui ne doit par exemple pas bénéficier à celui qui organise des fuites dans les médias. Comme le lanceur d'alerte est comme un personnage de roman ou de film, le second est souvent assimilé au premier et réclame souvent la protection qui n'est pourtant légalement due qu'au premier. Cela est d'autant plus répandu que de nombreuses personnes ayant organisé des fuites massives de documents internes au bénéfice direct de médias, ce qui est une divulgation et non pas un lancement d'alerte, ne cessent de se présenter comme des "lanceurs d'alerte", les médias reprenant cette formule, qui ne correspond pourtant pas à la qualification juridique.

En effet, en Droit, la divulgation est un stade qui vient après l'alerte : en cas d'échec de l'alerte, parce que l'organe auquel l'information a été transmise n'en a pas fait un usage adéquat, qu'il s'agisse d'une alerte interne ou d'une alerte externe📎!footnote-2480

 

Préalable : Présentation de l'organisation légale du lancement d'alerte.

Comme le font avec soin les lois, il faut distinguer le lancement d'alerte de la divulgation d'information, ce que l'on confond très souvent. Les lois les distinguent pourtant avec soin (1). Cette distinction était déjà présente dans la loi du 9 décembre 2016 (dite "Loi Sapin 2"), elle a été renforcée dans la loi du ... février 2022, qui transpose la Directive européenne de 2919 (2).

 

1. Distinguer le lancement d'alerte de la divulgation publique

Le lancement d'alerte consiste pour une personne ayant en sa possession une information non partagée (ce qui pourrait correspondre à la situation de l'initié) à transmettre celle-ci à un organe qui en fera l'usage adéquat, qu'il s'agisse d'un organe au sein de l'entité dans lequel il est lui-même (entreprise, autorité publique, association) ou d'un organe à l'extérieur de cette entité, selon l'option désormais offerte par la loi de 2022 entre l'alerte interne et l'alerte externe. Si l'organe auquel l'information est transmise n'en fait pas un usage adéquat, alors - et alors seulement - le lancement d'alerte peut se transformer en "divulgation publique", devenant ainsi partagée avec vous, par exemple grâce à une communication massive, par le numérique, la presse écrite ou d'autres médias. 

Le lancement d'alerte protégé par le Droit est donc le contraire de la validation des "fuites" : même si éventuellement celles-ci se justifient, le régime juridique de la protection du lanceur d'alerte ne devra pas s'appliquer.

 

2. De la loi du 9 décembre 2016 à la loi du ... février 2022

Même si le Législateur français n'est pas parvenu à ne faire qu'un seul système général de lancement d'alerte, laissant par exemple persister d'une part l'obligation d'une transmission d'information à propos de la déclaration de soupçon dans la lutte contre le blanchiment d'argent📎!footnote-2478et d'autre part le lancement d'alerte autonome en matière de santé publique et d'environnement auprès de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement (cnDAspec) mise en place en 2013 📎!footnote-2347, le principal dispositif est celui organisé par la loi dite "Sapin 2"  de 2016 qui définissait en 2016  le personnage dans son article 6, al.1 :


Un lanceur d'alerte est une personne physique!footnote-2351 qui révèle ou signale!footnote-2352, de manière désintéressée!footnote-2353 et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.
Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l'alerte défini par le présent chapitre.

 

Les hésitations jurisprudentielles, sans doute dues au fait qu'en Europe l'on ne sait toujours pas si ce personnage📎!footnote-2467 relève du héros, voire du martyr, ou de l'agent de la légalité qui, pour des raisons obscures et plus ou moins avouables, rend service au système, les tribunaux se perdant dans ce que peut signifier "être désintéressé et de bonne foi", ont conduit le législateur français à modifier la loi à l'occasion de la transposition en droit français de la Directive du 23 octobre 2017, cet article 6, al.1 a été modifié par la loi du ... février 2022📎!footnote-2468 disposant désormais : 

Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi!footnote-2472, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance!footnote-2473.

L'article 8,1 intégré par référence dans cet article 6 qui définit le lanceur d'alerte légalement protégé, vise quant à lui :

Les personnes physiques... qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l’article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

Cette faculté appartient :

1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s’est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;

 2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ;

3° Aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;

4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;

5° Aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous‑traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous‑traitants, ainsi qu’aux membres de leur personnel.

A lire la proposition à l'origine de la loi de transposition, il s'agissait davantage de stabiliser le sens du texte en mettant les points sur les i de la lettre de celui-ci, car si la loi nouvelle modifie un peu ce personnage, ces traits principaux demeurent les mêmes que ceux dessinés par la loi de 2016, traits repris dans la Directive européenne de 2019📎!footnote-2357

D'ailleurs, la suite de la discussion parlementaire, telle qu'elle a abouti au texte arrêté en Commission mixte paritaire, montre que si les travaux parlementaires n'ont pas modifié le séquençage dans le temps du lancement d'alerte - entre l'information portée à l'intérieur de l'entreprise et l'information directement à l'extérieur de l'entreprise, ce qui impacte la conception que le Législateur a du rôle de l'entreprise en la matière, la conception du personnage du lanceur en Europe reste en 2022 la même que celle exprimée en 2016, d'ailleurs partagée par le Droit de l'Union européenne dans la Directive de 2019 : un héros, mu par son sens du devoir moral. 

En effet, si la personne qui révèle un dysfonctionnement ou une faute, correspond à cette définition héroïque, elle accède alors au "statut légal" du lanceur d'alerte et bénéfice d'une protection organisée par la loi, notamment en ce que l'entreprise ne pourra pas se retourner contre elle. L'on pourrait donc considérer, et cela fut souvent dit, que l'entreprise nourrit en son sein une vipère qui l'affaiblit en mettant en pleine lumière ses turpitudes, ce qui justifie que les dommages que lui cause le lanceur d'alerte soient justifiés et couverts par la loi d'une irresponsabilité non seulement civile mais pénale.

Les détracteurs de la loi estiment que ce pouvoir d'alerte📎!footnote-2479 ne pourrait donc qu'affaiblir l'entreprise par rapport à ses compétiteurs, notamment ses compétiteurs étrangers que leur système juridique n'expose pas à de telles mésaventures📎!footnote-2358. Ce grief d'atteinte à la compétitivité des entreprises prend de l'ampleur du fait que la modification du système légal initial de 2006 a été modifié par la loi de 2022 et admet désormais à celui qui veut lancer l'alerte peut le faire directement à l'extérieur de l'entreprise et non plus nécessairement dans un premier temps en communiquant l'information à l'intérieur de celle-ci. Le système légal offre désormais au titulaire de l'information une option entre l'alerte interne et l'alerte externe. Ce n'est que si l'une ou l'autre échoue qu'il peut passer à une autre pratique : non plus l'alerte mais la "divulgation", c'est-à-dire la communication dans les médias par exemple. 

Mais cette critique faite à l'aune de l'impératif de compétitivité internationale des entreprises n'est pas fondée. 

Il faut poser au contraire qu'en concevant ce mécanisme, le système juridique, notamment français, même dans son ajustement opéré en 2022, prend en considération la compétitivité, souci général dont tant de rapports se font l'écho en demandant au système juridique de l'intégrer, voire de la servir📎!footnote-2349. Le fait que le lancement d'alerte est plus largement et depuis plus longtemps mis en place aux États-Unis, dont l'alliance entre le Droit et le libéralisme est posée, est d'ailleurs un indice de l'alliance naturelle entre libéralisme économique et mécanisme de lancement d'alerte.

En effet, le mécanisme du lancement d'alerte l'intègre : en ce qu'il permet aux "responsables", c'est-à-dire à ceux qui ont pour fonction dans l'entreprise de "répondre" et de "décider", de découvrir dans leur entreprise ce qu'ils ne connaissaient pas, ce qui accroît leur aptitude à affronter leurs compétiteurs (A). Cela montre alors l'erreur du Législateur français de n'avoir pas admis l'incitation financière et en revanche ce qui était la pertinence de son choix dans le mécanisme initialement choisi en 2016 en ce qui concerne les deux temps du lancement d'alerte, d'abord en interne, puis en externe s'il s'avère que l'information transmise n'est pas utilisée à bon escient, perspective constituant une forte incitation à l'action immédiate. L'incitation est donc forte pour que cette articulation en deux temps demeure grâce à la promotion que l'entreprise elle-même doit en faire, la Loi de 2022 ayant élaboré un système très compliqué pour articuler alerte interne et alerte externe, à visée principalement probatoire (B). 

 

A. LE REFUS DU DROIT EUROPÉEN ET FRANÇAIS DE TIRER TOUTES LES CONSÉQUENCES DU BÉNÉFICE TIRÉ PAR L'ENTREPRISE DU LANCEMENT D'ALERTE  

L'on doit considérer qu'une entreprise a toujours intérêt à savoir ce qui se passe en son sein. C'est pourquoi le Droit de la Compliance en ce qu'il vise à faire sortir de l'information converge avec les sciences de gestion et du management, qui elles-mêmes visent à mettre à disposition de l'entreprise les informations pertinentes pour décider au mieux de ses intérêts et pour concevoir au mieux une stratégie qui lui soit propre📎!footnote-2469. C'est ainsi, par exemple, que le mécanisme de l'audit de compliance est dans la continuité des audits de gestion📎!footnote-2350.

Il faut donc inciter celui qui a l'information et qui ne peut pas en faire directement bon usage, parce qu'il n'a pas le pouvoir requis (il n'est pas manager), à la transmette à celui qui est en position de le faire : le "responsable📎"!footnote-2470. Celui-ci le fera, par exemple, en licenciant celui qui a commis un abus de marché ou un harcèlement, ou/et en réorganisant le service. 

Le Législateur français n'a pas raisonné en ces termes d'incitations, ni en 2016 ni en 2022, ne produisant pas d'incitation sur le premier titulaire de l'information, puisque cette transmission n'est pas récompensée 📎!footnote-2359 (1). Cela tient à une conception du lanceur d'alerte qui, selon la conception française, ne devrait avoir comme récompense que le sentiment d'avoir bien agi, l'idée même contrepartie financière n'étant toujours pas admise ... (2). 

 

1. L'erreur constante du Législateur français de ne pas inciter pleinement l'informé à transmettre l'information au responsable interne, pourtant bien placé pour en faire un usage adéquat

Le lancement d'alerte est donc bénéfique pour la compétitivité d'une entreprise puisqu'il réduit l'asymétrie d'information au bénéfice du manager. Pour cela, le Droit doit inciter celui qui a l'information à la révéler.

Or, le portrait que le législateur français a fait du lanceur d'alerte est proprement celui d'un "héros" 📎!footnote-2345. C'est le portrait qu'il a fait de lui dans la loi dite "Sapin 2" de 2016 et c'est encore celui qu'il trace dans l'exposé des motifs de la loi française de transposition de la Directive européenne du 23 octobre 2019 de protection des lanceurs d'alerte ; l'exposé des motifs le dessine ainsi : "les lanceurs d’alerte représentent un garde-fou démocratique et citoyen dans nos États de droit, notamment sur des enjeux majeurs comme la lutte contre la corruption, les atteintes à l’environnement, ou les questions de libertés individuelles.".

De jure, il devrait donc s'agir d'un "acte citoyen", éclairé par une ambition éthique animant, d'une part, le lanceur d'alerte lui-même, qui agit par conviction morale 📎!footnote-2343, et, d'autre part, le système juridique visant à servir la démocratie et non d'un calcul d'intérêt personnel pour le lanceur d'alerte, ni d'une protection systémique de la part de l'Autorité publique, ce qui rejette avec contentement la perspective américaine : c'est pourquoi la loi française, même si la notion juridique de "désintéressement" est éliminée parce que techniquement trop incertaine, continue d'exclure toute rémunération directe 📎!footnote-2333.

La seule raison pour agir, pour se mettre en danger, est donc la vertu et le sens du bien commun, la puissance du Droit, telle que conçue par le Législateur n'intervenant qu'en Ex Post pour protéger le lanceur d'alerte de la pluie d'ennuis que son acte citoyen lui apporte.

La dimension vertueuse du lancement n'est certes pas exclue📎!footnote-2360 mais ce sens du bien commun menant au sacrifie de soi ne fonctionne pas sur tous, surtout si la personne possède l'information initiale du fait dommageable, peut-être constitutif d'un manquement à la loi, parce qu'il y a lui-même participé. 

En effet, si la loi organise une "irresponsabilité", y compris pénale, c'est uniquement celle qui consiste, Ex Post, à protéger le lanceur d'alerte des conséquences de son lancement, notamment en ce qu'il peut avoir méconnu des secrets protégés ou d'autres règles ou engagements, y compris contractuels ; elle n'offre aucune protection visant un comportement antérieur au lancement, notamment si le fait révélé constituant un délit, ou manquement ou un acte engageant la responsabilité du lanceur lui-même. 

La Directive européenne ayant laissé aux États-membres leur marge d'appréciation sur cette question, le système français continue de refuser d'insérer l'incitation triviale de la récompense financière, les commentaires continuant de désigner souvent par l'appellation méprisante de "chasseur de primeur" celui qui rend ainsi service à l'entreprise qui, enfin informée, peut s'engager dans une réforme d'elle-même. 

C'est notamment regrettable pour la prévention et la sanction des abus de marché financier, alors même que les abus de domination sur les marchés concurrentiels de biens et services peuvent donner lieu à un mécanisme de "clémence", ce qui correspond techniquement à cette récompense-là. Cela ne va pas non plus dans l'évolution générale du Droit de la régulation bancaire, puisque le Droit de l'Union bancaire lie expressément le droit des sanctions des abus sur les marchés financiers (manquements d'initiés, manipulations d'instruments financiers, diffusions de fausses nouvelles) et efficacité de la prévention de ceux-ci par une bonne information des marchés et une forte supervision de ceux-ci, c'est-à-dire un très fort Droit Ex Ante de la Compliance centré sur l'information📎!footnote-2474

 

2. L'obstacle de la dualité de conceptions du lanceur d'alerte entre l'Europe et les États-Unis

La dualité de conceptions renvoie à une vision, peut-être inconciliable, du lanceur d'alerte, entre l'Europe continentale et les États-Unis et illustre leur rapport différent à l'argent. 

Seule, parce que sans doute plus proche des réalités du monde et de l'âme humaine, l'Autorité de la concurrence lie le fait d'apporter une information, éventuellement sur la forme d'un programme de Compliance, qui intègre usuellement un mécanisme d'alerte au sein de celui-ci, à une récompense sous la forme d'une clémence 📎!footnote-2334 qui est alors accordée, comme l'a réaffirmé le document-cadre de l'Autorité du 11 octobre 2021 sur les programmes de conformité en Droit de la concurrence📎!footnote-2471.

Ce refus de récompense est regrettable. Il est plus vaste, comme le montre la réprobation de la Convention judiciaire d'intérêt public, souvent qualifié sous forme de reproche moral de "privatisation de la répression", voire "d'achat de la sanction" par l'auteur du manquement 📎!footnote-2475

En revanche, le système retenu en France en 2016 de deux alertes nécessairement successives, d'abord interne puis, éventuellement, externe, était une très bonne incitation pour les entreprises au regard de la compétitivité, car l'entreprise est maîtresse de son choix de ne pas passer à cette sorte de "phase 2", consistant pour le lanceur d'alerte à passer l'information au public, si elle décide d'en faire bon usage, c'est-à-dire d'agir ponctuellement sur le cas dénoncé et sans doute d'améliorer son fonctionnement, qui a rendu possible ce cas délétère.

Initialement écarté en partie dans la proposition de loi de transposition déposée en 2021, ce système a été en partie restauré dans la loi définitivement adoptée en février 2022, d'une façon plus nuancée mais efficace. 

 

 

B. L'ENTREPRISE, LÉGALEMENT INCITÉE À ÊTRE LA SEULE BÉNÉFICIAIRE DU LANCEMENT D'ALERTE

Les systèmes de lancement d'alerte fonctionnent encore différemment non plus dans le profil du lanceur d'alerte mais dans celui qui est alerté, le Droit français ayant d'abord opté, en 2016, pour un système obligatoirement en deux temps, infléchi en 2022 (1), ce qui produit une incitation heureuse sur l'entreprise (2). 

 

1. Incitation à double détente : l'incitation légale faite sur l'entreprise à inciter l'informé à opter pour l'alerte interne afin de capter l'information qui la concerne

Le Droit français différait en 2016 d'autres systèmes, notamment américain, en ce qu'il prévoyait un lancement d'alerte qui doit être obligatoirement opéré en interne. Cette contrainte résulte de l'article 8 de la loi dite "Sapin 2" dans sa rédaction de 2016 :

I. - Le signalement d'une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci.
En l'absence de diligences de la personne destinataire de l'alerte mentionnée au premier alinéa du présent I à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement, celui-ci est adressé à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative ou aux ordres professionnels.
En dernier ressort, à défaut de traitement par l'un des organismes mentionnés au deuxième alinéa du présent I dans un délai de trois mois, le signalement peut être rendu public.
II. - En cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles, le signalement peut être porté directement à la connaissance des organismes mentionnés au deuxième alinéa du I. Il peut être rendu public.
III. - Des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels sont établies par les personnes morales de droit public ou de droit privé d'au moins cinquante salariés, les administrations de l'Etat, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
IV. - Toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d'être orientée vers l'organisme approprié de recueil de l'alerte.

 

Il est vrai qu'à l'occasion de la transposition de la Directive de 2019, la loi de 2022 a adopté un modèle plus souple, superposant immédiatement à l'alerte interne la possibilité de l'alerte externe. Mais même dans le système modifié, les deux temps demeurent, puisque le premier temps demeure celui de l'alerte (interne et externe) et cela n'est qu'en cas d'échec de celui-ci que l'on passe au stade de la divulgation publique, laquelle est vraiment délétère pour la réputation de l'entreprise.

En outre, dès 2016, les modalités de l'alerte pouvaient être facilitées si l'entreprise est sujette à l'obligation de mettre en place une structure d'alerte interne (article 8. III de la loi). 

C'est donc une amélioration et non un changement de système que la loi de 2022 met en place, par l'insertion d'un article 7-1 dans la loi de 2016 qui superpose l'accès à l'alerte externe en ces termes :

Art. 7‑1. – Les lanceurs d’alerte définis au I de l’article 6 bénéficient des protections prévues au présent chapitre :

« 1° Si, ayant eu connaissance des informations concernées dans le cadre de leurs activités professionnelles, ils adressent un signalement interne dans les conditions prévues au I de l’article 8 ;

« 2° S’ils adressent un signalement externe dans les conditions prévues au II du même article 8, après avoir adressé un signalement interne ou directement ;

« 3° S’ils procèdent à une divulgation publique, dans les conditions prévues au III dudit article 8.

Lorsqu’un signalement ou une divulgation publique a été réalisé de manière anonyme, le lanceur d’alerte dont l’identité est révélée par la suite bénéficie des mêmes protections. Les dispositions des I et II du même article 8 qui imposent d’effectuer un retour d’informations auprès de l’auteur d’un signalement interne ou externe ne sont pas applicables en cas de signalement anonyme. Le 1° du III du même article 8 n’est pas applicable en cas de signalement externe anonyme.

 

Cette rédaction lourde et pointilleuse, opérant par multiples renvois, se retrouve également dans l'article 8, le destin des lois semblant de devenir obèses tant on ne parvient plus à distinguer la Loi et le réglementaire.

Il sera d'autant plus difficile à comprendre et donnera plus encore lieu à dispute pour son interprétation (par exemple qu'est que des "faits très susceptibles de se produire" par rapport à des "faits susceptibles de se produire"...). 

Le texte dispose désormais :

Art. 8. – I. – A. – Les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du présent A qui ont obtenu, dans le cadre de leurs activités professionnelles, des informations mentionnées au I de l’article 6 et portant sur des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité concernée, peuvent signaler ces informations par la voie interne, dans les conditions prévues au B du présent I, notamment lorsqu’elles estiment qu’il est possible de remédier efficacement à la violation par cette voie et qu’elles ne s’exposent pas à un risque de représailles.

Cette faculté appartient :

1° Aux membres du personnel, aux personnes dont la relation de travail s’est terminée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette relation, et aux personnes qui se sont portées candidates à un emploi au sein de l’entité concernée, lorsque les informations ont été obtenues dans le cadre de cette candidature ;

2° Aux actionnaires, aux associés et aux titulaires de droits de vote au sein de l’assemblée générale de l’entité ;

3° Aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance ;

4° Aux collaborateurs extérieurs et occasionnels ;

5° Aux cocontractants de l’entité concernée, à leurs sous‑traitants ou, lorsqu’il s’agit de personnes morales, aux membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ces cocontractants et sous‑traitants, ainsi qu’aux membres de leur personnel.

B. – Au sein des entités dans lesquelles il n’existe pas de procédure interne de recueil et de traitement des signalements, les personnes physiques mentionnées aux 1° à 5° du A du présent I peuvent signaler les informations concernées à leur supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent désigné par celui‑ci.

Sont tenues d’établir une procédure interne de recueil et de traitement des signalements, après consultation des instances de dialogue social et dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État :

1° Les personnes morales de droit public employant au moins cinquante agents, à l’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants, des établissements publics qui leur sont rattachés et des établissements publics de coopération intercommunale qui ne comprennent parmi leurs membres aucune commune excédant ce seuil de population ;

2° Les administrations de l’État ;

3° Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques, employant au moins cinquante salariés ;

 4° Toute autre entité relevant du champ d’application des actes de l’Union européenne mentionnés au B de la partie I et à la partie II de l’annexe à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.

Le décret mentionné au deuxième alinéa du présent B définit notamment les garanties d’indépendance et d’impartialité de cette procédure et les délais du retour d’informations fait à l’auteur du signalement, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée. Il détermine les modalités de clôture des signalements et de collecte et de conservation des données ainsi que les conditions dans lesquelles le recueil des signalements peut être confié à un tiers.

Les entités mentionnées au 3° du présent B employant moins de deux cent cinquante salariés peuvent mettre en commun leurs procédures de recueil et de traitement des signalements, dans le respect des conditions prévues par le décret mentionné au deuxième alinéa du présent B. Il en va de même des communes et de leurs établissements publics mentionnés au 1° employant moins de deux cent cinquante agents.

Les communes et leurs établissements publics membres d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale peuvent confier à celui‑ci le recueil et le traitement des signalements internes dans les conditions prévues à l’article L. 452‑43‑1 du code général de la fonction publique, quel que soit le nombre de leurs agents.

C. – La procédure de recueil et de traitement des signalements peut être commune à plusieurs ou à l’ensemble des sociétés d’un groupe, selon des modalités fixées par décret. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles des informations relatives à un signalement effectué au sein de l’une des sociétés d’un groupe peuvent être transmises à une autre de ses sociétés, en vue d’assurer ou de compléter leur traitement.

II. – Tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6, peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne dans les conditions prévues au I du présent article, soit directement :

1° À l’autorité compétente parmi celles désignées par le décret prévu au sixième alinéa du présent II ;

2° Au Défenseur des droits, qui l’oriente vers la ou les autorités les mieux à même d’en connaître ;

3° À l’autorité judiciaire ;

4° À une institution, à un organe ou à un organisme de l’Union européenne compétent pour recueillir des informations sur des violations relevant du champ d’application de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée.

Un décret en Conseil d’État dresse la liste des autorités mentionnées au 1° du présent II, choisies parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargées d’une mission de service public pour recueillir et traiter les signalements relevant de leur champ de compétence. Ce décret fixe les garanties d’indépendance et d’impartialité de la procédure et les délais du retour d’informations réalisé par ces autorités auprès des auteurs des signalements externes, dans les conditions prévues par la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 précitée. Il précise également les modalités de clôture des signalements, les conditions d’évaluation des procédures et les obligations de formation des personnes concernées.

Les autorités mentionnées au 1° du présent II rendent compte annuellement de leur action au Défenseur des droits. Elles lui communiquent les informations nécessaires à l’élaboration du rapport prévu à l’avant-dernier alinéa du II de l’article 36 de la loi organique n° 2011‑333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. La nature de ces informations est précisée par décret en Conseil d’État.

Lorsqu’une autorité externe saisie d’un signalement estime que celui‑ci ne relève pas de sa compétence ou qu’il concerne également la compétence d’autres autorités, elle le transmet à l’autorité externe compétente ou au Défenseur des droits, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles les autorités externes peuvent échanger des informations en vue de traiter le signalement.

III. – Les protections prévues au présent chapitre bénéficient à tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6 de la présente loi, qui divulgue publiquement des informations mentionnées au même I :

1° Après avoir effectué un signalement externe, précédé ou non d’un signalement interne, sans qu’aucune mesure appropriée ait été prise en réponse à ce signalement à l’expiration du délai du retour d’informations mentionné au sixième alinéa du II du présent article ou, lorsqu’une autorité mentionnée aux 2° à 4° du même II a été saisie, à l’expiration d’un délai fixé par décret en Conseil d’État ;

2° En cas de danger grave et imminent ;

3° Ou lorsque la saisine de l’une des autorités compétentes mentionnées aux 1° à 4° dudit II ferait encourir à son auteur un risque de représailles ou qu’elle ne permettrait pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, notamment si des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou si l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts, en collusion avec l’auteur des faits ou impliquée dans ces faits.

Par dérogation au 2° du présent III, les protections mentionnées au premier alinéa du présent III bénéficient à tout lanceur d’alerte, défini au I de l’article 6, qui divulgue publiquement des informations obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible.

Les 2° et 3° et l’avant‑dernier alinéa du présent III ne s’appliquent pas lorsque la divulgation publique porte atteinte aux intérêts de la défense et de la sécurité nationales. »

...

 

Retenons donc l'essentiel : "Tout lanceur d'alerte ... peut également adresser un signalement externe, soit après avoir effectué un signalement interne..., soit directement". C'est en l'absence de réaction appropriée dans un délai fixé qu'il peut passer au stade de la "divulgation publique". 

L'usage du verbe "peut" fait davantage penser à la qualification du lancement d'alerte comme un "pouvoir" que comme un "droit subjectif".

Le changement opéré par le Législateur en 2022 n'est pas si radical par rapport au texte législatif de 2016 car tout est fait pour inciter les entreprises à susciter une alerte interne plutôt qu'une alerte externe, les deux se distinguant de la "divulgation publique".

Il est exact que jusqu'en 2022, les entreprises pouvaient se reposer sur la loi puisque ce n'était que si le manager, alors obligatoirement alerté, n'avait pas une réaction appropriée que l'information pouvait être transmise à l'extérieur, au besoin grâce à l'appui du Défenseur des droits.

Désormais, il ne tient qu'aux entreprises, si elles y trouvent intérêt de faire en sorte que le titulaire de l'information, également titulaire d'une option, choisisse de s'adresser à l'entreprise plutôt qu'aux autorités publiques.

Pour cela, il faut que l'entreprise donne à voir à ses managers, ses shareholders et ses stakeholders qu'elle est digne de leur confiance pour qu'ils choisissent l'alerte interne plutôt que l'alerte externe, ce qui correspond exactement à la définition du Droit de la Compliance dans son rapport consubstantiel avec la confiance📎!footnote-2482

 

2. L'apport du lancement d'alerte interne à la compétitivité internationale de l'entreprise concernée

Au regard de la compétitivité internationale de l'entreprise, inciter celle-ci à favoriser l'alerte interne est le meilleur système, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, l'information transmise peut n'être pas exacte. La porter à l'extérieur, par une alerte externe et ce avant même toute divulgation publique, peut être très dommageable pour l'entreprise et la mettre en difficulté ; ce qui est justifié si l'information est fondée et qui est injustifiée si elle ne l'est pas 📎!footnote-2339

En second lieu, si l'on ne remet pas en cause la pertinence de l'information transmise, considérant donc que l'information ainsi portée au manager est favorable à la compétitivité de l'entreprise, c'est parce qu'on suppose que le dirigeant en fera bon usage 📎!footnote-2338. Mais ce postulat est naïf, car le dirigeant désormais informé peut ne pas vouloir pour autant réformer l'entreprise, par exemple parce qu'il a des liens avec l'auteur des actes dénoncés ou parce qu'il ne veut pas engager les frais d'une réforme, frais pécuniaires et frais structurels de remise en cause, frais de remise en cause personnelle car révéler une faille peut sous-entendre une défaillance antérieure de son propre management 📎!footnote-2335. Le courage du lanceur d'alerte doit être partagé par le manager car c'est toujours se mettre en danger que de remettre en cause l'ordre établi et c'est cela qui est demandé au manager car, une fois informé, celui-ci doit non pas revenir à la situation antérieure mais accroître la solidité de l'entreprise, voire la modifier, ce qui suppose une remise en cause de l'ensemble, courage managérial que rien n'encourage 📎!footnote-2346

 

3. L'absence regrettable d'incitation non pas sur l'entreprise mais sur le titulaire de l'information lui-même

C'est pourquoi le Droit américain préfère non seulement organiser le lancement d'alerte en connexion directe avec l'Autorité de Régulation, l'alerte interne s'étant dans un second temps organisée spontanément et ayant été admise par l'Autorité de régulation, mais veille surtout à développer des incitations non pas tant sur l'entreprise mais sur le titulaire de l'information, afin d'obtenir qu'il la transmettre. Car l'essentiel est bien dans le début du processus.

C'est notamment le soin pris par la Securities and Exchange Commissions (SEC) ayant un département spécifique pour recevoir directement les informations des lanceurs d'alerte, qui ne préviennent personne en interne avant de le faire. Les titulaires d'information sont incités à le faire puisque le Régulateur publie les récompenses financières reçues par les apporteurs d'information et le marché financier, toujours en asymétrie d'information, est ainsi conforté 📎!footnote-2336

Mais l'entreprise et le marché sont deux structures différentes. C'est là encore une différence culturelle essentielle entre les États-Unis et l'Europe continentale, puisque les États-Unis font un continuum entre les marchés financiers et les entreprises, lesquelles sont poreuses aux apporteurs de fond, le Droit financier, porteur des marchés financiers eux-mêmes, structurant les entreprises en même temps qu'il permet leur financement direct d'une façon formidable (notamment au besoin sans capitaux propres ni bénéfice), tandis que l'Europe continentale conçoit l'entreprise comme une organisation autonome des marchés financiers, soutenue plutôt par le système bancaire, et qui ne doit pas être gouvernée par les principes du Droit des marchés financiers 📎!footnote-2337. La loi Pacte de 2019 a accentué cette différence. 

Pour que l'alerte directement faite vers l'extérieur accroisse la performance de l'entreprise, il faut que l'extérieur, ainsi informé, agisse directement ou indirectement sur l'entreprise. Mais qu'en est-il de cet apporteur de la vertu de la part des marchés financiers ? 

 

4. La croyance dans l'amour de la vertu de la part des marchés financiers

Les investisseurs sur les marchés financiers, par leur pouvoir négatif de retirer leurs fonds ou leur pouvoir de les apporter, et le mécanisme corrélatif des marchés de baisse et de hausse dans la valorisation des titres émis par la personne morale par laquelle l'entreprise apparaît dans le commerce juridique, ont un pouvoir direct sur les managers.

Si l'alerte permet de leur donner une information négative immédiatement sanctionnée par une baisse des titres, alors l'alerte directement externe sera la plus efficace pour que l'entreprise, parce qu'elle en redoute la perspective ou parce qu'elle veut en gérer immédiatement les effets, se réforme et accroisse donc sa compétitivité. 

Mais lorsqu'on observe les effets d'une alerte sur le cours d'un titre, par exemple le cours de Facebook à la suite de l'alerte donnée par France Haugen, qui ne subit que 4% de baisse, l'on ne peut que douter de la part que l'amour de la vertu tient dans les choix financiers des investisseurs, qui attendaient plus les résultats financiers de l'entreprise et son plan industriel pour le futur, sans se soucier particulièrement d'avoir ou de n'avoir pas tenu ses engagements moraux pris dans le passé, laissant le procès dans l'opinion publique se dérouler et les Parlements envisager d'en tirer les conséquences. 

L'on en revient donc au constat que l'information externe n'a pas de conséquences directes via les marchés financiers, qui demeurent intéressés, d'une façon tautologique puisqu'ils regroupent les investisseurs, par la capacité des émetteurs à rapporter de l'argent dans le futur, ce qui est l'engagement premier à leur égard, le seul pour lequel la fiabilité est intrinsèque et l'information comme quoi cet engagement vient avant tous les autres ne semble pas pris en mauvaise part. 

Dès lors, l'alerte externe n'est efficace que lorsqu'elle est portée à des Autorités publiques qui en feront usage parce que l'information constitue par ailleurs un manquement ou une information, faits sur la base desquels l'Autorité va demander des comptes à l'entreprise.

Les avantages incitatifs du système en deux temps apparaît alors pleinement.

 

5. L'incitation sur l'entreprise à se réformer par l'usage de l'information transmise, rendant sans objet toute divulgation à l'extérieur

En effet, soit l'information est inexacte et l'entreprise aura le temps de la vérifier, notamment en déclenchant une enquête interne, ce que le Droit de la Compliance permet d'autant plus qu'il fournit lui-même les outils pour de telles recherches 📎 !footnote-2340.  Les diligences internes sont menées par l'entreprise pour avoir à son tour les informations, soit pour contredire les premiers faits de vraisemblance sur lesquels l'allégation est bâtie 📎!footnote-2342, soit pour sanctionner légitimement un lanceur qui a agi par pure malveillance. 

L'incitation est expressément visée par la loi, puisque le texte n'autorise le titulaire de l'information à opérer une "divulgation publique" que si l'entreprise n'a pas adopté en réponse des mesures "appropriées", dont la première est l'enquête, l'enquête interne étant un sujet majeur dans le Droit de la Compliance en ce que, sur ordre de la Loi, cela transforme donc l'entreprise en policier, voire en procureur puis en juge!footnote-2489

Soit l'information est exacte et le Législateur offre à l'entreprise la meilleure des alternatives : soit elle agit en interne, par exemple en sanctionnant l'auteur, en protégeant à l'avenir les potentielles victimes, en améliorant ses structures, soit bien qu'informée de faits exacts, elle ne fait rien.

La diffusion à l'extérieur est alors une sanction objective de sa passivité. Le lanceur d'alerte peut alors de jure se transformer en justicier, lorsqu'il passe au mécanisme de la "divulgation publique", laquelle excède le stade de l'alerte externe 📎!footnote-2344. Si la diffusion de l'information à l'extérieur affaiblit alors l'entreprise par la captation qu'en font ses concurrents, elle n'a qu'à s'en prendre à elle-même. 

 

La perspective est différente concernant l'obligation de vigilance car il ne s'agit plus pour l'entreprise d'en apprendre sur elle-même grâce à autrui, mais d'utiliser ses propres forces pour en apprendre sur autrui. Cela peut tout changer au regard de la compétitivité internationale du système juridique auquel elle appartient. 

 

 

II. LE BON USAGE DE L'OBLIGATION ET DU DEVOIR DE VIGILANCE POUR ACCROÎTRE LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES EN CAPTANT L'INFORMATION CHEZ AUTRUI

L'obligation de vigilance ne semble pas avoir bonne presse auprès des entreprises qui y sont soumises. Cela se comprend dès l'instant qu'il s'agit d'une "obligation", car qui apprécie d'être "obligé", dans un système libéral où le principe de la liberté est premier, l'expression de la volonté devant donc être la première source première de mon obligation 📎!footnote-2348. Le fait que, pour généraliser cette obligation au-delà du secteur bancaire et de la lutte contre le blanchiment d'argent, le Législateur, par la loi du 27 mars 2017, a utilisé le terme plus doux de "devoir de vigilance" n'a sans doute pas assoupli le ressentiment car la responsabilité qui est associée aux manquements à ce devoir, débordant en 2017 le secteur bancaire, est très large.

Au contraire, ce mécontentement s'est accru du fait que cette obligation, d'une part, a été assortie d'une responsabilité civile et de possible injonction judiciaire en cessation, alors que, d'autre part, des compétiteurs économiques directs, parce que ne relevant pas du même système juridique, et, d'autre part, du fait que les entreprises relevant d'autres systèmes juridiques ne subissaient pas le coût d'une telle obligation aussi lourdement sanctionnée.

Cela  concerne directement notre perspective puisque c'est bien au nom de la compétitivité non plus de telle ou telle entreprises mais de l'ensemble des entreprises françaises que de nombreuses protestations se sont exprimées contre la loi du 27 mars 2017, dite "Loi Vigilance", affirmant que cet acte législatif entrave la compétitivité internationale de l'économie française au nom d'idéaux moraux, du souci d'autrui et de sauvegarde de la planète, ajoutant que ceux-ci, s'ils sont louables, doivent être alors portés par l'État et non par les entreprises dont cela n'est pas l'objet. 

 

A. LA VIGILANCE, OBLIGATION MAIS AUSSI PUISSANCE DE L'ENTREPRISE D'OBTENIR DE L'INFORMATION AU-DELÀ DE SON SYSTÈME JURIDIQUE 

Le Droit de la Compliance a développé depuis longtemps l'obligation de vigilance, notamment dans la lutte contre le blanchiment d'argent, les textes imposant expressément aux banques d'être "vigilantes" à l'égard de leurs clients.

L'obligation de vigilance est une invention française, issue de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés-mères et des entreprises donneuses d'ordre. Celle-ci a inséré l'article L.225-102-4 dans le Code de commerce qui impose désormais aux entreprises de grande dimension d'adopter un "plan de vigilance" qui concrétise des obligations, à la fois structurelles constituant alors une obligation de résultat, à savoir l'adoption d'un tel plan, et comportementales constituant alors des obligations de moyens. Cet article vise le plan de vigilance en ces termes : 

"Le plan comporte les mesures de vigilance raisonnable propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article L. 233-16, directement ou indirectement, ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.

Le plan a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société, le cas échéant dans le cadre d'initiatives pluripartites au sein de filières ou à l'échelle territoriale. Il comprend les mesures suivantes :

1° Une cartographie des risques destinée à leur identification, leur analyse et leur hiérarchisation ;

2° Des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;

3° Des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;

5° Un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d'évaluation de leur efficacité.

 

A première vue effectivement, la forte protestation contre ce dispositif très nouveau, formulée au nom de la compétitivité internationale, se justifie puisque des entreprises doivent prendre à leur charge l'effectivité d'un souci dont le coût devrait reposer sur des États, pour réparer ou parer des dommages qu'elles n'ont pas elles-mêmes causés et au bénéfice de leurs propres concurrents qui, s'ils sont soumis à d'autres systèmes juridiques, ne font rien !

Mais de la même façon qu'un droit va rarement sans une obligation, une obligation va rarement sans des pouvoirs, c'est-à-dire une puissance donnée par la même source, ici la loi, qui a imposé l'obligation : qui donne l'obligation donne tacitement mais nécessairement le pouvoir conféré pour exécuter l'obligation. En effet, il faut la puissance nécessaire pour que l'obligation puisse être exécutée. Alors qu'une obligation contractuelle ou éthique ne suffirait pas à donner un pouvoir sur les tiers, une obligation légale, si elle ne contrarie pas une norme supérieure, le peut, même tacitement si cela est nécessaire à l'entreprise assujettie pour réaliser son obligation (1).

Or, si la loi française de 2017, bientôt confortée par une directive européenne, a imposé un devoir de vigilance, elle a donc tacitement mais nécessairement donné à l'entreprise le pouvoir d'extraire les informations des entreprises tierces, y compris celles qui ne sont pas en rapport contractuel avec elle (2

 

1. Toute obligation légale confère tacitement les pouvoirs nécessaires pour réaliser l'obligation imposée 

En 2021 Bernard Teyssié a dressé un panorama des plans de vigilances élaborés et mis en œuvre par des grandes entreprises françaises 📎!footnote-2355. Il y souligne que le dispositif est en train de prendre sa maturité et prend appui tout autant sur les dispositions légales que sur la volonté des entreprises de mettre en œuvre une politique dont l'obligation de vigilance est l'expression : ainsi l'obligation de vigilance est le résultat convergent à la fois de la Loi et du "Plan de Vigilance" qui exprime également la volonté de la société elle-même. Ce faisant, il en résulte bel et bien pour l'entreprise des "obligations de vigilance", relevant des "obligations de compliance".

C'est donc à ce double titre que la responsabilité de l'entreprise sera engagée, en tant que la Loi l'oblige et en tant que son engagement l'oblige. 

Même s'il apparaît dans une Réponse ministérielle du 21 janvier 2021 que l'Autorité publique n'est pas compétente pour enjoindre à l'entreprise de mettre à exécution ses engagements de vigilance📎!footnote-2356, c'est bien en application de la Loi que l'entreprise est vigilante et c'est bien au titre de son obligation légale que sa responsabilité est engagée. 

Plus encore, le Conseil constitutionnel a posé dans sa décision du 17 mars 2017📎!footnote-2483 relative à la loi que ne pas l'exécuter engage la responsabilité personnelle de la personne morale par laquelle la société mère ou l'entreprise donneuse d'ordre entrent dans le commerce juridique (et non pas une responsabilité pour autrui) et que le Législateur était légitime à lui imputer une telle responsabilité dans une perspective d'ordre public. 

Cette obligation relève donc de l'ordre public économique, lequel a été présenté en doctrine, par exemple par Pierre Delvolvé 📎!footnote-2354, comme une forme de police administrative.

 

2. Puissance accordée à l'entreprise autant qu'il est besoin pour réaliser son obligation de vigilance ou son devoir de vigilance

L'obligation de vigilance est centrée autour de l'obligation d'être informée de ce qui se passe effectivement, pour éventuellement faire bon usage de l'information ainsi obtenue. L'on mesure ainsi l'unicité qui existe entre le lancement d'alerte et l'obligation de vigilance, puisque l'entreprise, obligée d'être vigilante, est obligée de lancer l'alerte. C'est donc deux mécanismes qui se définissent autour de la captation informations et du bon usage qu'il convient d'en faire. 

Il est d'ailleurs remarquable que dans la description légale du "plan de vigilance" figure expressément le mécanisme du lancement d'alerte📎!footnote-2477

En quelque sorte, l'obligation de vigilance est un raccourci de l'ensemble du Droit de la Compliance. Concernant l'obligation sectorielle de vigilance, des professionnels spécialement désignés par la loi, notamment les banques, qui ont une obligation de vigilance sur leurs clients doit s'informer sur ceux-ci (know your customers)📎!footnote-2484 et sur tout fonctionnement objectivement anormal d'un compte ou d'un comportement, puis tirer eux-mêmes les conséquences de cette vigilance en faisant une déclaration de soupçon. C'est donc un concentré de la captation de l'information, de son traitement et de son bon usage pour atteindre le But Monumental fixé par le Droit de la Compliance : arrêter le blanchiment d'argent et la criminalité sous-jacente à celui-ci.

De la même façon, le devoir de vigilance imposée par la loi du 27 mars 2017 et bientôt imposée par la Directive européenne impose aux entreprises de capter des informations sur autrui, ce qui est la première étape pour traiter l'information et pour en faire usage, à savoir prévenir la violation des droits des personnes et assurer effectivement le respect de la santé publique et de l'environnement. Sans l'exécution de cette première étape qu'est la vigilance, c'est-à-dire la captation de l'information sur les tiers, les étapes suivantes qui sont les obligations de moyens pour concrétiser les Buts Monumentaux de la Compliance ne peuvent se déclencher. 

Cela signifie que sur ordre du Législateur nationale et bientôt du législateur européen, les entreprises ont un devoir, et donc un pouvoir 📎!footnote-2361, pour capter des informations sur autrui. 

 

 

B. POUVOIR D'OBTENTION D'INFORMATION SUR LES ENTREPRISES TIERCES, PUISSANCE DE SUPERVISION, RESPONSABILITÉ EN EX ANTE ET SANCTIONS SUR LES TIERS

Puisque l'entreprise a l'obligation d'obtenir des informations sur d'autres entreprises, celles-ci cessent d'être pour la première d'être des boîtes noires, l'obligation de vigilance conférant en bien des points la position de superviseur de la première entreprise sur la seconde. Les entreprises ont pu se plaindre d'être ainsi transformées en auxiliaires des autorités publiques mais à la réflexion dans la compétitivité mondiale où l'information est un bien si précieux n'est-ce pas une bonne position que d'être superviseur des autres opérateurs ? 

Car si l'on doit répondre personnellement d'un autre opérateurs, au titre non seulement, si l'on est une banque de la lutte contre le blanchiment, et si l'on est un grande entreprise de la lutte contre la corruption, et si l'on est une entreprise maîtresse puisqu'on donne des ordres de la lutte contre la violation des droits humains et de la santé et de l'environnement, est-ce que cela ne donne pas plus de pouvoirs que les Etats eux-mêmes n'en ont sur les entreprises relevant d'autres systèmes juridiques que les leurs 📎!footnote-2362

 

1. L'obligation de vigilance, pouvoir de supervision sur autrui tacitement attribué par la Loi

Lorsqu'une entreprise a l'obligation d'être vigilante, cela lui confère les pouvoirs d'avoir des informations sur la façon dont toute entreprise dont l'activité lui profite conçoit, structure et exerce sa propre activité. 

Si la jurisprudence est à ce point violente sur la façon dont sa responsabilité personnelle peut être engagée par le seul "point de contact" qui peut exister entre elle et une autre entreprise, alors même qu'il n'existe pas de relations contractuelles entre elles, alors l'entreprise a nécessairement, associée à une obligation d'une telle ampleur, un "pouvoir" à l'ampleur de même contour de la responsabilité qui en découle.

Cela ressort particulièrement bien d'une jurisprudence de la Cour d'appel de Paris en matière de rapport de distribution. Dans un arrêt rendu le 5 mai 2021, à propos des relations entre la centrale de référencement utilisée par le groupe Carrefour avec ses fournisseurs, le cas concerne un fournisseur qui avait offert des vacances à celui qui au sein de cette centrale, en contrepartie, l'avait référencé. Visant le Code de conduite, Carrefour avait immédiatement cessé toutes relations avec ce fournisseur mais celui-ci avait saisi les tribunaux du fait du caractère brutal de cette rupture car ce Code avait été adopté postérieurement aux faits. La Cour d'appel valide néanmoins la rupture, pourtant brutale, car elle résulte plus largement de l'obligation légale de vigilance que le distributeur doit exercer sur ses fournisseurs qui ne doit notamment pas corrompre ceux qui référencent les produits en prenant pour seul critère la qualité et le prix de ceux-ci.

Ce remarquable exemple montre que la reprise par une charge éthique ne disqualifie pas la source légale de l'obligation, ce qui accroît le "pouvoir" de l'entreprise vis-à-dire de l'entreprise sur laquelle la Loi exige sa vigilance, ce qui lui permet notamment une rupture brutale des relations économiques. 

Les entreprises soumises à cette obligation qui, parce qu'elle est légale, excède le cercle contractuel, doivent non pas s'en plaindre mais en tirer profit pour devenir ainsi les superviseurs des entreprises dont, du fait de la loi, elles doivent répondre. C'est ce que font à juste titre les entreprises qui exercent leur activité dans l'espace numérique qui, parce qu'elles en répondent, exercent un contrôle sur le contenu de ce qui est publié sur leur plateforme, alors même qu'elles ne sont pas éditeurs. Car l'on ne peut pas être contraints de répondre personnellement sans avoir aucun contrôle sur ce qui est fait par celui dont on répond.

En conséquence, dans la continuation de la conception du Droit de la Compliance comme une alliance entre les Autorités publiques et les entreprises, il convient que celles-ci, puisqu'elles sont obligées de "répondre", ont aussi le "pouvoir" de disposer sur les entités dont elles répondent des informations pour prévenir chez elles des comportements susceptibles d'engager leur responsabilité.

Car l'exemple précité en matière de distribution peut et doit être généralisé. 

 

2. La cristallisation contractuelle du pouvoir de supervision dans les contrats-organisation

Paul Didier a montré qu'économiquement et juridiquement l'on distingue le "contrat-échange" et le "contrat-organisation" 📎!footnote-2363. Ainsi de la même façon que dans un "contrat de régulation", se mêle des exigences légales reprises par les parties dans un contrat-organisation qui structure pour le futur le cadre dans lequel des contrats d'exécution dérouleront l'organisation structurelle arrêtée entre les deux parties, des droits ou obligations d'origine légale peuvent être insérés.

Il en résulte pour les parties au contrat des obligations pour la partie obligée et des pouvoirs pour la partie assujettie à la Loi supérieure à ce qu'un seul contrat aura lui-même pu engendrer, comme le montre l'exemple précédent tiré du rapport de distribution.

Si l'on étend l'exemple-  et rien ne s'oppose à ce qu'on le fasse, puisque l'obligation de Compliance est rattachée à l'ordre public économique, voire à une activité de police administrative 📎!footnote-2364, l'insertion d'obligation de vigilance des entreprises donneuses d'ordre dans tous les rapports économiques ayant un lien avec elles, cristallisée par une référence à son code de conduite, ou sa charte éthique, ou sa charte de compliance, en ce que ceux-ci ne sont que la reprise d'obligations ou devoirs dont la source n'est pas la volonté particulière partagées entre les cocontractants mais l'expression de la volonté publique. 

Cette emprise nécessaire ainsi obtenue sur les entreprises tierces est légitime, y compris - voire surtout - sur les entreprises tierces qui ne sont pas elles-mêmes soumises directement au Droit de la Compliance. En effet, il n'est pas juridiquement concevable qu'une entreprise puisse être juridiquement responsable à titre personnel des agissements d'une entreprises non astreinte à des obligations d'information et que la première ne puisse pas savoir ce que la seconde entreprise fait. 

Il est donc nécessaire que l'entreprise ait de jure ce pouvoir puisque la Loi a mis à sa charge une responsabilité personnelle ; pour l'endurer, la Loi lui a nécessairement et donc tacitement conféré un pouvoir d'information sur les entreprises tierces, même et surtout celles qui ne sont pas soumises au Droit de la Compliance. 

Cet effet de chaîne ainsi obtenu par le contrat conforte la nature consubstantiellement extraterritoriale du Droit de la compliance. 

En cela, l'obligation de vigilance, en ce qu'elle implique nécessairement un pouvoir d'information sur les tiers, est un extraordinaire pouvoir des entreprises sur les autres entreprises, instituant les premières si elles le veulent superviseurs des secondes, avec les mécanismes de transparence et de monitoring qu'impliquent la supervision 📎!footnote-2365

Sans doute, ce qui reste alors à parfaire, c'est le juge puisque ce n'est pas l'Autorité administrative qui veille à l'effectivité de l'obligation de vigilance 📎!footnote-2366. Mais précisément c'est alors à l'arbitrage international de prendre alors pleinement sa part. 

 

3. Développer l'effectivité du Droit de la Compliance dans l'arbitrage international

L'arbitre international est le juge naturel du commerce international et il est temps que plutôt que de protéger celui-ci contre ce qui serait une intrusion incongrue des Droits internes, notamment répressif, ou d'incursions ponctuelles, ils deviennent un acteur décisif du Droit de la Compliance 📎!footnote-2367

De la même façon que l'arbitre a rendu effectif l'ordre public concurrentiel, puis l'ordre public de la régulation📎!footnote-2486, il va devenir celui qui rendra effectif l'ordre public de la Compliance, notamment à travers l'obligation de vigilance, laquelle va de plus en plus s'entremêler de stipulations négociées, la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris 📎!footnote-2368 n'étant pas un obstacle à la compétence arbitrale. 

Mais ce n'est pas parce que la puissance est tacitement donnée aux entreprises d'obtenir des informations sur d'autres afin de supporter leur propre responsabilité personnelle de vigilance qu'elles doivent devenir régentes du monde. Le pouvoir de régulation qui, via cette supervision, leur est ainsi conféré, n'est que de second niveau : elles-mêmes doivent demeurer supervisées par des Autorités publiques de premier niveau qui appartiennent à leur propre système juridique dont elles sont les sujets. 

 

4. Nécessité de développer corrélativement la supervision publique des entreprises obligées d'exercer leur pouvoir de vigilance

Le Droit de la Régulation a, notamment en matière de Régulation financière, depuis longtemps mis en place des systèmes de régulation à deux niveaux : le niveau supérieur, composé des Autorités publiques et un niveau intermédiaire composé d'opérateurs, éventuellement privés, qui exercent sur des opérateurs ordinaires des fonctions de régulation.

En finance ce sont par exemple les entreprises de marché ou les chambres de compensation. Dans les industries de réseau, ce sont les gestionnaires de transport ou de distribution (que le contenu soit par exemple de l'énergie, de l'eau ou des communications, ou plus globalement encore des informations, dites "données"). Dans l'espace numérique, ce sont les entreprises qui permettent le déplacement des internautes vers l'information (moteur de recherche) ou l'expression des uns et des autres, la diffusion et la mise en connexion (réseaux sociaux). Les banques sont l'épigone de cette catégorie, dont il a été proposé de les désigner plus globalement comme les "opérateurs cruciaux📎!footnote-2369.

L'ensemble de ces opérateurs cruciaux ont des pouvoirs📎!footnote-2487 sur les opérateurs ordinaires, même s ces opérateurs cruciaux sont contrôlés par des opérateurs par ailleurs en compétition avec ceux-là qu'ils contrôlent. Cela s'avère extrêmement précieux dans l'espace financier et dans l'espace numérique parce qu'ils sont eux-mêmes supervisés par une Autorité publique d'un système juridique localisé alors qu'ils supervisent eux-mêmes des opérateurs économiques qui ne sont en rien limités à la même zone économique. 

Cela est particulièrement important pour l'espace numérique. Ainsi l'Autorité de Régulation de la Communication (ArCom) supervise tous les opérateurs numériques cruciaux, y compris ceux qui ne sont pas sujets du système juridique français, tandis que ceux-ci régulent les comportements de tous les opérateurs qui, à travers les diverses activités rendues techniquement possible par les plateformes, s'y activent. 

Cela signifie que lorsque le Législateur, par exemple le Législateur européen, internalise dans les opérateurs numériques l'obligation d'être vigilant aux discours de haine, afin de lutter contre ceux-ci, il l'oblige mais aussi légitime le pouvoir de l'opérateur numérique crucial de contrôler les contenus dont il n'est pourtant pas l'éditeur, tandis que l'Autorité publique supervise un opérateur qui lui-même n'est pas sujet de droit dans l'espace européen. 

La localisation est donc en train de devenir, grâce au Droit de la Compliance, indifférente ce qui peut devenir un atout de compétitivité majeure puisque cela implique des exigences qui peuvent ainsi être portées par des opérateurs privés à l'encontre d'opérateurs privés extérieurs qui n'y étaient pas soumis, sous le contrôle (et donc sous la protection) d'Autorités publiques du système juridique européen.

L'accord historique qui est en train de se dessiner au sein de l'OCDE en matière de fiscalité, depuis le 8 octobre 2021 et que chaque sommet du G20 consolide, va dans le même sens.

Cela montre que c'est le fonctionnement même du Droit qui, grâce au Droit de la Compliance, évolue puisque le Droit international, public comme privé, pourrait cesser de fonctionner comme celui qui garde les frontières et permet alors l'action directe d'un Etat, via ses entreprises puissantes, parce qu'elles sont systémiques, parce qu'elles sont cruciales, parce qu'elles sont en position, parce qu'elles sont donneuses d'ordre, là où cela se passe.

Le système de compliance arrive à une configuration systémique où le fait que cela se passe hors du système juridique dont l'entreprise en cause est sujet de droit pourrait cesser d'être déterminant. On le voit se dessiner à propos de la "foret systémique" qu'est la forêt amazonienne. Pour cela, il convient de changer le Droit en empruntant au Droit de la Compliance son atout (que l'on présente le plus souvent comme un défaut) : son indifférence au territoire.

Cette indifférence au territoire doit s'exprimer par un nouveau principe : le principe de proximité systémique active, fruit et corrélation d'un nouveau rapport entre le Droit de la Compliance et le Principe de Souveraineté!footnote-2488

 

____

1

V. supra. 

2

Ce qui montre l'unicité conceptuelle entre l'obligation de vigilance, le lancement d'alerte et le devoir de vigilance, car les trois mécanismes juridiques sont des moyens de captation de l'information pour la porter à l'organe le plus à même d'en faire bon usage. 

4

Cela va changer avec la loi de transposition, qui va étendre la possibilité d'accéder au statut protecteur par exemple aux syndicats. 

5

La loi de transposition de la directive va étendre la protection (sans changer la définition du lanceur d'alerte lui-même) au "facilitateur", pour traduire le fait que le lancement d'alerte n'est pas un phénomène soudain, mais au contraire assez souvent des confidences successives, qui peinent à trouver leur chemin, celui ou celui qui aide (le "facilitateur") étant tout aussi nécessaire que le "lanceur", et méritant donc la même protection. 

6

Cette exigence juridique de désintéressement a posé difficulté non pas sur le fond mais techniquement. C'est pourquoi la nouvelle formulation proposée par la loi de transposition de la direction est "l'absence de contrepartie". Mais le fait qu'il ne soit pas financièrement intéressé est un principe concerné. Sur ce point, v. infra. 

7

Sur ce "personnage", Frison-Roche, M.-A., ..., in Charcornac, J., ....

8

Loi du ... février 2022 ... protection du lanceur d'alerte ...

9

Mis en caractères gras par nos soins

10

Mis en caractères gras par nos soins.

11

Frison-Roche, M.-A., ..., déc., 2021. 

12

Sur la question de savoir si lancer l'alerte est pour celui qui le fait un "pouvoir", un "droit", ou un "devoir", v. notamment l'étude du Conseil d'Etat qui a coïncidé avec la perspective du dépôt du projet de loi de ce qui allait devenir la loi dite "Sapin 2" : ...

13

Puisque le lanceur d'alerte agit en application de la loi, son statut le protégeant contre l'entreprise, sa protection étant indissociable de son statut même. Ainsi être lanceur d'alerte entraîne de jure la perte par l'entreprise des droits qu'elle détient d'ordinaire contre la personne qui agit contre elle, non seulement le licenciement mais encore le reproche d'avoir trahi des secrets (la loi faisant la liste des secrets professionnels qui ne peut être atteint par les pouvoirs du lanceur d'alerte). C'est en cela que le lanceur d'alerte, personnage juridique, ne doit pas être confondu avec celui qui organise des "fuites" (leaks), qui n'est pas protégé par le Droit. 

15

Sur les rapports entre Droit de la Compliance et Sciences de gestions et du management, v. Frison-Roche, M.-A., Droit de la Compliance, Précis Dalloz, 2022. 

16

Sur la notion d' "audit de compliance", 👤Gutierez-Crespin, A., 📝 L'audit du dispositif de Compliance : un outil-clé pour en vérifier la robustessein 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕Les outils de la Compliance, 2021. 

17

V. Frison-Roche, M.-A., La responsabilité Ex Ante ; Concevoir le pouvoir, 2021. 

18

Alors même qu'il a produit une bonne incitation sur le responsable dans l'entreprise auquel cette information sera transmise, puisque s'il n'agit pas, alors il sera sanctionné par une transmission en externe : v. infra 

19

Voir dans ce sens, 👤Hermitte, M.-A., 📝Le lanceur d'alerte, héros des sociétés scientifiques et techniques, 2014. Ce personnage se retrouve d'ailleurs dans bien des films, soit qu'on détecte dans d'anciennes figures les linéaments du lanceur d'alerte, soit qu'on consacre séries, émissions et films à des lanceurs d'alerte contemporains. Le cinéma renvoie l'image d'un lanceur d'alerte sur le dévouement au bien public, notamment parce que les secrets sont vaincus et la vérité rétablie, dévouement sur lequel  l'on insiste pour mieux mettre en valeur le succès de son action comme constituant sa récompense, tandis l'on reconstitue des biographies en présentant la personne comme le "premier lanceur d'alerte", comme dans le film The Secret Man, désignant ainsi  celui qui, au sein du FBI, Mark Felt, donna les informations à partir desquelles l'affaire dite du Watergate, prend son essor. 

20

V. par exemple dans ce sens, 👤Disant, M. , 📝​Les lanceurs d'alerte saisis par le droit, 2018. 

21

Comme la vertu est elle-même présente dans les mécanismes de la Compliance d'une façon générale ; en ce que la Compliance se diffuse par l'exemple, v. 👤Canto-Sperber, M., 📝La Compliance et les définitions traditionnelles de la vertu, in 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A. (dir.), 📕​Pour une Europe de la Compliance, 2019.

Sur le lien concret entre Compliance et Ethique, v. Meziarni, L., ....

22

Cela est particulièrement net pour le "plan d'action pour l'Union des marchés de capitaux" : voir la Consultation ciblée lancée en novembre 2021 par la Commission européenne, qui lie l'ensemble

23

Autorité de la concurrence, Document cadre sur les programmes de conformité aux règles de concurrence, 11 octobre 2021.

24

Sur le reproche fait à la Convention judiciaire d'intérêt public comme achat des sanctions, v. par ex., ....

25

Frison-Roche, M.-A., Compliance et Confiance, 2017.

26

V. infra. 

27

V. supra. 

28

C'est pourquoi à juste titre Marie-Angèle Hermitte, dans son étude sur le lanceur d'alerte, prend plutôt comme modèles non seulement les guerriers antiques mais ceux qui dans la science ont proposé en premier des nouvelles théories et ont été punis pour cela (

29

Sur cette différence essentielle, v. toute l'oeuvre d'Alain Supiot, par exemple Supiot, A. (dir.), L'entreprise dans la mondialisation ....

30

Sur le fait que l'entreprise a été transformée par le Droit de la Compliance procureur et juge d'elle-même, v. le premier titre de La Juridictionnalisation de la Compliance, 2022. 

31

Sur la différence et l'articulation entre la charge de vraisemblance et la charge de preuve, v. 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A. (dir.), Le système probatoire de la Compliance, 

32

Sur ce thème majeur de l'enquête interne et de l'entreprise instituée juge et procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance, v. Frison-Roche, M.-A. (dir.), La Juridictionnalisation de la Compliance, 2022.

33

Sur la distinction pertinente que fait Mathieu Disant entre le lanceur d'alerte qui agit en interne car son but est de faire cesser un dysfonctionnement et celui qui organise des fuites (leaks) dont le but est la morale publique et la transparence absolue, les deux personnages étant différents (👤Disant, M. , 📝Les lanceurs d'alerte saisis par le droit, 2018).

34

Archives de Philosophie du Droit (APD), 📙L'obligation, 2000.

35

👤Teyssié, B., 📝​Le plan de vigilance. Trois années d'application, 2021. 

36

Ce qui permet de concentrer l'exécution forcée dans les mains d'un seul, en l'espèce le Tribunal judiciaire de Paris.

37

Cons. Const., 23 mars 2017, Loi ...

38

👤Delvolvé, P., 📝Conclusion, in ​👤Lager-Mayer, A (dir.),  📕L'ordre public économique, 2018 , qui pose : "L'expression amène évidemment à celle de police, et plus spécialement de police administrative, classiquement définie comme ayant pour objet d'assurer l'ordre public" (p.395).

39

"Il comprend les mesures suivantes :

...

4° Un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société ;"

40

Frison-Roche, M.-A., Compliance et Personnalité, ...

41

Le "pouvoir" se distingue d'un "droit" en ce qu'il est une prérogative dont une personne juridique est titulaire afin d'exercer une charge au bénéfice d'autrui. Le Droit de la Compliance confère de nombreux pouvoirs, qui se définissent de cette façon-là : 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., Concevoir le pouvoir, 2021.

42

Sur la question du pouvoir des États, v. infra

43

👤Didier, P., 📝Brèves notes sur le contrat-organisation, in Mélanges François Terré, 📙L'avenir du Droit1999.

44

👤Delvolvé, P., 📝Conclusion, in 👤Lager-Mayer, A (dir.),  📕L'ordre public économique, 2018 , qui pose : "L'expression amène évidemment à celle de police, et plus spécialement de police administrative, classiquement définie comme ayant pour objet d'assurer l'ordre public" (p.395).

45

Sur le lien essentiel entre Régulation, Supervision et Compliance, v. 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕 Régulation, Supervision et Compliance, 2017. 

46

S. supra

47

Racine, J.-B., Compliance et arbitrage. Problématique, in 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📕La juridictionnalisation de la Compliance2022. 

48

Frison-Roche, M.-A., Arbitrage et Droit de la Régulation, ...

49

Sur la loi de 2021 décidant cette attribution, 👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📧 Pour trancher les litiges sur l'obligation de vigilance, qui est le plus "compétent" ? Juge civil ou juge commercial ? oct. 2021. 

50

👩‍🏫Frison-Roche, M.-A., 📝Proposition pour une notion : l'opérateur crucial, 2006. 

51

Frison-Roche, M.-A., Concevoir le pouvoir, 2021.

52

Sur ce lien singulier avec la Souveraineté, v. Frison-Roche, M.-A., ....

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