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Mise à jour : 24 avril 2024 (Rédaction initiale : 15 décembre 2023 )

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 Référence complète : M.-A. Frison-RocheDevoir de vigilance : progresser, document de travail, document de travail, décembre 2023

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🎤 Ce document de travail avait été élaboré dans une première version pour servir de base à la conclusion du colloque Le devoir de vigilance : l'âge de la maturité ? organisé par l'Université de Montpellier le 25 mai 2023

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📝 Ce document de travail a été élaboré dans une seconde version actualisée et plus développée pour servir de base à l'article qui constitue la conclusion de l'ouvrage Le devoir de vigilance des entreprises : l'âge de la maturité ? Editions Bruylant, 2024.

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 Résumé du document de travail : En 2017 en France la loi dite Vigilance a exprimé une grande ambition. Le projet de directive aussi. Mais en 2024  les institutions européennes ont modéré cette ambition en n'accroissant ni le type d'entreprises assujetties ni les contraintes auxquelles le devoir de vigilance est associé. La directive a sur l'essentiel arrêté ce qui était pour certain la "marche du progrès". L'ambition n'existe-t-elle plus ? L'avenir est-il à une extension de la philosophie du devoir de vigilance, c'est-à-dire d'entreprises qui devraient toujours se soucier plus d'autrui ? Ce qui serait alors aboutir sans doute à "l'âge de la maturité", là où d'autres voient l'âge de la folie, car cela serait un contresens de demander à une entreprise de se soucier d'autre chose que de son propre déploiement.

Il convient donc d'envisager cette hypothèse même d' "âge de la maturité" comm étant une ambition maintenue malgré une directive qui dans sa version adoptée est affaiblie et des oppositions intactes (I). Il faut tout d'abord admettre que la notion de "maturité" cache le plus souvent un jugement de valeur lorsqu'elle est appliquée à une notion juridique (I.A.) et que cela est flagrant concernant le devoir de vigilance qui est considéré par les uns et par nature par les uns comme un bien et par les autres comme un mal (B).

Pour ne pas demeurer ce qui apparaît comme une guerre de tranchée, il faut ne pas s'enfermer excessivement dans la législation de référence de 2017 et ce qui paraît être un bégaiement européen en 2024, en se disputant avec tant d'éclats de voix qu'on les entend raisonner à l'écrit, en prêtant attention à des voies de progrès moins visibles et aujourd'hui plus prometteurs (II). En effet, le devoir de vigilance peut progresser par le seul effet de l'écoulement du temps (A), par une meilleure fixation du vocabulaire (B), par la consolidation des principes de Responsabilité et de Dialogue (C), par l'unicité de la  voie juridictionnelle (D).

Cette dernière perspective du progrès que va permettre l'unicité de la voie juridictionnelle mène vers une dernière voie de progrès. En effet et par nature les lois sont des à-coups, d'autant plus violents qu'ils sont disputés. A l'instant si l'on veut progresser, ces deux autres sources que sont le contrat et le juge doivent être favorisés (III). La directive se soucie d'ailleurs à juste titre de l'accès au juge et envisage avec mesure l'efficacité du contrat comme moyen d'efficacité du devoir de vigilance, le juge devant veiller à ce que le contrat ne détruise pas l'esprit du système. C'est écrire ce que le Droit connait déjà entre le rapport entre le contrat, le juge et l'Obligation de compliance (A). La nouveauté de 2024 tiendra plutôt dans l'institution d'un Superviseur  (B). Là encore, l'on retrouve la vigilance comme "pointe avancée" du Droit de la compliance, car celui-ci prolonge le Droit de la régulation.  

Il en résulte en cela, par l'interprétation, le maniement des principes, et pour formuler une conclusion plus générale, c'est le juge qui tient et tiendra l'équilibre du devoir de vigilance.

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🔓lire le document de travail ci-dessous⤵️

18 avril 2024

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "L’usage des puissances privées par le droit de la compliance pour servir les droits de l’homme", in J. Andriantsimbazovina (dir.), Puissances privées et droits de l'Homme. Essai d'analyse juridique, Mare Martin, coll. "Horizons européens", 2024, à paraître 

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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► Résumé de l'article : Si l’on suit la tradition du Droit l’on associera la puissance à une source légitime qu’est l’État, la puissance publique étant son apanage, les entreprises n’exerçant leur puissance que dans l’ombre portée de cette puissance Ex Ante. À l’inverse la trivialité du Droit économique, dont le Droit de la concurrence serait le cœur, consistant à partir de l’activité des entreprises qui utilisent leurs puissances sur des marchés, relèguent l’action de l’État au rang d’exception, admissible si celui-ci, qui prétend exercer cette puissance contraire, le justifie. La distribution des rôles est donc symétrique, en ce que les places sont échangées, mais le modèle de l’opposition est partagé. Ce modèle de l’opposition épuise les forces des organisations qui sont reléguées à n’être que soit le principe soit l’exception. Or, si l’on veut porter de grandes ambitions, par exemple concrétiser des droits humains au-delà du système juridique à l’intérieur duquel les Autorités publiques exercent leurs pouvoirs normatifs, il faut s’appuyer sur une nouvelle branche du Droit, remarquable par son pragmatisme et par l’ampleur des ambitions, y compris humanistes, qu’elle porte : le Droit de la Compliance.

Il apparaît que le Droit de la Compliance est ainsi la branche du Droit qui fait porter le souci d’autrui, concrétisé par des droits humains, par les entités en position de le satisfaire, entités que sont les entités systémiques, les grandes entreprises en étant l’exemple privilégié, sujets de droit directs de la Compliance (I). Il en résulte une nouvelle répartition entre les autorités publiques, légitimes à formuler le But Monumental de protéger les êtres humains, et les organisations privées, qui s’ajustent à cela selon le type de droits humains et au regard des moyens mis en place pour les préserver. Les entreprises sont recherchées parce qu’elles sont puissantes, en ce qu’elles sont en position de concrétiser les droits humains, dans leur indifférence au territoire, dans la centralisation des informations, des technologies et des moyens économiques, humains et financiers. Cette alliance est essentielle pour que le système ne conduise pas à un transfert de choix politique et que cela aboutisse à une efficience systémique. Il en résulte une nouvelle définition de la souveraineté telle qu’on la voit se dessiner dans l’espace numérique, lequel n’est pas un secteur particulier puisque c’est le monde qui s’est digitalisé, la question climatique justifiant la même nouvelle répartition des rôles (II).

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📝lire l'article 

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8 avril 2024

Auditions Publiques

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, audition par la Commission des Lois, Assemblée Nationale, sur la proposition de loi relative à la confidentialité des avis juridiques, 8 avril 2024.

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J'ai eu l'occasion d'exprimer mon avis sur la nécessité pour le Droit français de mieux assurer la confidentialité des avis juridiques que les entreprises élaborent par un article publié en 2023 au Recueil Dalloz : "La compliance, socle de la confidentialité nécessaire des avis juridiques élaborés en entreprise". 

C'est dans le prolongement de cet article et tant que spécialiste du Droit de la Régulation et de la Compliance que j'ai été conviée par la Commission des Lois de l'Assemblée Nationale à exposer mon opinion sur la Proposition de loi n°2022 relative à la confidentialité des consultations des juristes d'entreprises.

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► Résumé de la présentation : J'ai montré qu'il faut partir non pas des personnes et pas même d'une façon centrale de l'information dont il s'agit mais des buts poursuivis, c'est-à-dire du Droit de la Compliance.

Or à ce propos il faut ne pas se fourvoyer. L'on pourrait le faire en commettant une confusion, souvent faite par réduction, entre la "conformité" mécanique et ce qu'est cette nouvelle branche du Droit : le Droit de la Compliance. La conformité n'est qu'un outil du Droit de la Compliance. Par souci du bon usage de la langue française, la Compliance apparaissant à beaucoup comme un terme américain, la proposition de loi utilise le terme "conformité" mais renvoie au Droit de la Compliance. La "conformité" n''est que l'obligation mécanique d'obéir aux règles applicables, ce qui est le sort de tout sujet de droit assujetti au Droit, position passive commune à tous dans un État de Droit.

Le Droit de la Compliance est tout autre chose, la conformité n'étant que l'un de ses outils. D'une part le Droit de la Compliance pose une obligation active et d'autre part il ne vise que certains sujets de Droit : les entreprises.  Il s'agit pour elles de faire en sorte que certains buts visés par le Législateur soient effectivement atteints, ce qui devient effectivement et efficacement possible grâce à la puissance des entreprises ( puissance financière, d'organisation, de management, d'information, d'implantation, d'information). Ces "buts monumentaux" sont soit négatifs (éviter que les systèmes ne s'effondrent) soit positifs (faire en sorte que les systèmes s'améliorent).  

Pour que les entreprises jouent ce rôle là, rôle qui n'est pas demandé aux autres assujettis  "ordinaires" car ils ne sont pas "en position" de prendre une telle charge, notamment financière et d'organisation, ceux qui ont en charge de s'organiser et d'agir, les entreprises donc, doivent "détecter et prévenir" les défaillances des systèmes (ce que demandent des lois comme FCPA, Sapin 2, Vigilance, CSRD, CS3D, etc.). Pour "détecter et prévenir", ce qui est un ordre du Législateur, les entreprises doivent connaître les faiblesses de leur organisation et des personnes dont elles répondent afin d'y remédier : la "remédiation" est un "remède" pour assurer la "durabilité" des "systèmes".

Cet ensemble de notions-clés est au centre du Droit de la Compliance, branche du Droit ayant l'avenir pour objet.

Ce sont les avis juridiques, par exemple et notamment le rapport résultant des enquêtes internes, qui permettent à ceux qui décident et contrôlent de cette organisation (les managers) de remplir ce rôle que l'Etat leur a confié. Si ces avis ne sont pas confidentiels, le résultat n'est pas la remédiation et la préservation des systèmes globaux (systèmes concurrentiel, climatique, numérique, énergétique, bancaire, financier, etc.) : la solution managériale efficace consiste alors en Ex-Ante non plus à chercher l'information mais à l'inverse à ne pas chercher cette information, puisque son obtention entraînera l'affaiblissement de l'entreprise par la sanction que l'information produit, faute de confidentialité.

L'intérêt du système, de l'Etat et de l'entreprise sont disjoints, car que le Droit de la Compliance implique leur alliance, ce que produit la confidentialité des avis juridique.

C'est en cela que le Droit de la Compliance doit engendrer, par sa nature même, la confidentialité des avis juridiques.

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Par ailleurs, interrogée sur le texte même de la proposition, j'ai estimé que l'exposé des motifs me paraissait particulièrement pertinent, puisque le lien entre le Droit de la Compliance (appelé certes "conformité" par un respect un peu trop mécanique de la langue juridique française dont pour l'instant le législateur français n'arrive pas à se départir....) apparaît clairement, que cette confidentialité est attachée au document, que l'entreprise peut y renoncer, qu'elle se distingue nettement du secret professionnel, ces trois éléments devant être approuvés.

J'ai pour ma part suggéré une modification en ce qui concerne la procédure, qui doit être effectivement ouverte sur le processus de confidentialité.

En effet, les Autorités publiques, par exemple les Autorités de Régulation, sont plutôt hostiles à cette confidentialité.

Ayant pour ma part beaucoup contribué à l'élaboration du Droit de la Régulation et continuant à le faire, j'estime que les Autorités de Régulation ont une logique qu'il faut comprendre. Elle est la suivante : les Autorités de Régulation sont en Ex-Ante (ce fut moins vrai pour l'Autorité de la concurrence, mais elle-aussi l'est de plus en plus) et sont en situation d'asymétrie d'information. Leur premier souci est de lutter contre cette asymétrie. Si l'on traduit cela en termes juridiques, cela signifie que pour réaliser leur mission d'intérêt général, elles recherchent tous les éléments d'information. Or, les avis juridiques, notamment le rapport de l'enquête d'interne, est ce que j'ai pu qualifier de "trésor probatoire". Dans leur logique, les Autorités de Régulation veulent s'en saisir.

L'on a donc un conflit entre deux logiques d'intérêt général : l'intérêt général des Buts Monumentaux du Droit de la Compliance activement servi par les entreprises, sur ordre de la Loi, qui requiert la confidentialité des avis juridiques, et l'intérêt général de l'action des Régulateurs qui luttent contre l'asymétrie d'information et recherchent à se saisir des trésors probatoires des avis juridiques.

Pour ma part, j'estime pour les raisons développées ci-dessus que les Buts Monumentaux de la Compliance doivent prévaloir. Et ce d'autant plus que les droits de la défense convergent pour cela.

Mais in fine c'est au juge, en cas de conflit ouvert, de mettre en équilibre ces deux prétentions qui se fondement sur le service de l'intérêt général. 

Or, à lire le titre, il me paraît que la procédure, assez compliquée, confie cela à une multiplicité de juges... Mais puisque c'est bien le Droit de Compliance qui fonde le mieux de legal privilege "à la française", Droit de la Complique qui est le prolongement du Droit de la Régulation, et dont la pointe avancée est le Droit de la Vigilance, il serait plus adéquat et logique de confier ce contentieux à la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris.

Cela aurait un autre un effet heureux : sur recours, la dispute sera apportée devant la Cour d'appel de Paris, qui connaît en compétence exclusive (sauf exceptions) des contentieux sur les décisions sur les Autorités de Régulations. Les magistrats du pôle 5 (12 chambres spécialisées en Droit économique) sont aguerris et seraient adéquats pour faire cet équilibre nécessaire entre les deux intérêts généraux impliqués.

Je pense qu'une modification procédurale du texte dans ce sens serait bienvenue.

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► Voir dans mes travaux ceux qui peuvent présenter un intérêt au regard de cette audition ⤵️

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le rôle du juge dans le déploiement du Droit de la Régulation par le Droit de la Compliance, in 📗Conseil d'État et Cour de cassation, De la Régulation à la Compliance : quel rôle pour le Juge ?2024.  

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Compliance et conformité : les distinguer pour mieux les articuler, 2024.

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.),📕L'obligation de compliance, 2024.

🕴️M.-A. Frison-Roche et M. Boissavy (dir.), 📕Compliance et droits de la défense, 2024.

🕴️M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕 Compliance et droits de la défenseLes Buts Monumentaux de la compliance,  2022.

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022.

🕴️M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la compliance, 2016.

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4 avril 2024

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le rôle du juge dans le déploiement du droit de la régulation par le droit de la compliance", in Conseil d'État et Cour de cassation, De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ? Regards croisés du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation - Colloque du 2 juin 2023, La Documentation française, coll. "Droits et Débats", 2024, pp.

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🎥cet article fait suite à l'intervention de clôture prononcée lors du colloque biannuel organisé par la Cour de cassation et le Conseil d'État, qui portait en 2023 sur le thème De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?, le 2 juin 2023

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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 Présentation de l'article de synthèse : Il est remarquable de constater l'unité de conception et de pratiques entre les professionnels qui évoluent plutôt dans l'ordre des juridictions administratives et les professionnels qui évoluent plutôt dans l'ordre des juridictions judiciaires : ils constatent tous et dans des termes semblables un mouvement essentiel : ce qu'est le Droit de la Régulation, comment celui-ci a opéré sa transformation en Droit de la Compliance, et comment dans l'un et plus encore dans l'autre le Juge y est au centre.

Les juges, mais aussi les Régulateurs et les responsables européens l'expliquent et disent à partir d'exemples différents la transformation profonde que cela apporte pour le Droit, pour les entreprises en charge d'accroître l'effectivité systémique des règles par la pratique et la diffusion d'une culture de compliance.

Le Juge participant à cette transformation Ex Ante voit son office renouvelé, qu'il soit juge de droit public ou juge de droit privé, dans une unité accrue du système juridique.

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► Résumé de l'article : La querelle de mots qui nous épuise, entre "Compliance" et "conformité", masque l'essentiel, c'est-à-dire la grande nouveauté d'une branche du Droit qui assume une vision humaniste exprimant l'ambition de modeler l'avenir, afin que celui-ci ne soit pas catastrophique (prévention de l'effondrement des systèmes), voire qu'il soit meilleur (protection des êtres humains dans ces systèmes).

L'article décrit tout d'abord l'émergence du Droit de la Compliance, en prolongement du Droit de la Régulation et en dépassement de celui-ci. Cette nouvelle branche du Droit rend compte d'un monde nouveau, en porte les bénéfices et veut parer à ces dangers systémiques pour que les êtres humains en bénéficient et n'en soient pas broyés. Cette branche du Droit Ex Ante est en cela politique, souvent portée par des Autorités publiques, comme les Autorités de Régulation, mais dépasse aujourd'hui les secteurs, comme le montre sa pointe avancée qu'en est le devoir de Vigilance.

Les "Buts Monumentaux" dans lesquels s'ancre normativement le Droit de la Compliance implique une interprétation téléologique, mène à une "responsabilisation" des opérateurs cruciaux, non seulement les Etats mais encore les entreprises, en charge de l'effectivité des multiples nouveaux outils de compliance.

L'article montre ensuite que le juge est toujours plus au centre du Droit de la Compliance. En effet, les procès visent à responsabiliser les entreprises. Dans cette transformation, le juge a aussi pour fonctionner de demeurer le gardien de l'Etat de Droit, aussi bien dans la protection des droits de la défense que dans celle des secrets, l'efficacité n'étant pas ce qui définit la Compliance, qui ne serait être réduite à une pure et simple méthode d'efficacité, ce qui mènerait à être un instrument de dictature. C'est pourquoi le principe de proportionnalité est essentiel dans le contrôle que le juge opère des exigences issues de cette branche du Droit si puissante. 

Le juge est ainsi saisi d'un contentieux d'un type nouveau, de nature systémique, dans l'espace qui lui est propre et qu'il ne faut pas dénaturer : l'espace de justice. 

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📝lire l'article

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2 avril 2024

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Les voies d'innovations juridiques face aux nouveaux "défis climatiques"", in C. Arnaud, O. de Bandt et B. Deffains (dir.), Innovations économiques et juridiques face aux défis climatiques. Nouveaux défis regards croisés : Droit Économie et Finance, Banque de France et CRED/Université Paris Panthéon-Assas, Paris, Centre de Conférence de la Banque de France, 2 avril 2024

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🧮Consulter le programme complet de cette manifestation

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🔲consulter les slides ayant servi de support à la conférence

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 Présentation de la conférence : À la question posée de la façon dont le Droit peut produire des "innovations" pour répondre aux "défis climatiques", il est procédé à partir des trois sources traditionnelles du Droit, que sont en premier lieu les lois et réglementations, en deuxième lieu les engagements des personnes et principalement les contrats, et en troisième lieu les décisions de justice.

À première vue, le Droit dans sa conception et son fonctionnement classique est faible face au changement climatique. Cette faiblesse est inhérente à la nature du changement climatique, qui est à la fois futur, global et systémique, face à ces trois sources du Droit qui s'appréhendent pas ces trois dimensions à la fois. L'on mesure donc l'ampleur de l'innovation juridique requise pour qu'une source, ou plusieurs articulées, puissent se saisir du futur, du global et du système. C'est pourtant ce qui est en train de se produire.

En ce qui concerne les lois et réglementations, elles paraissent peu appropriées parce qu'elles sont par nature une limite territoriale, les traités internationaux étant très difficiles à négocier. L'intermaillage des règlements européens, par exemple la CSRD et la CS3D qui se font miroir, peut être plus efficace. En ce qui concerne les "engagements", notion qui en Droit demeure peu précise en dehors du contrat et des hypothèses de responsabilité📎!footnote-3568, les contrats sont surtout un moyen pour les entreprises d'exécuter leurs obligations légales et un contrat suppose toujours un juge. Or, à première vue le Juge est le moins bien placé pour répondre aux "défis climatiques", notamment en France où on le dit ou on le veut sans pouvoir, où il statue sur le passé et où, surtout le juge civil, il tranche un litige ponctuel entre deux parties singulières.

Mais un changement majeur est intervenu par l'émergence d'une nouvelle branche du Droit : le Droit de la Compliance, branche téléologique du Droit dont la normativité juridique est logée dans les Buts Monumentaux📎!footnote-3572 qu'elle poursuit, à savoir la préservation des systèmes, par exemple le système climatique. En France la loi dite "Sapin 2" en 2016, puis la loi dite "Vigilance" en 2017, l'illustrent. Or, le Juge y est au centre.

Dans cette perspective globale, systémique, extraterritoriale et dont l'objet est le futur, le Droit de la Compliance étant d'ailleurs rejeté par de nombreux juristes, l'innovation législative est majeure. En effet, la loi du 27 mars 2017, dite "Vigilance" a désigné les grandes entreprises, parce qu'elles sont "puissantes", parce qu'elles sont "en position d'agir" pour "détecter et prévenir" les atteintes à l'environnement et aux droits humains. La loi de 2017 a recopié les "outils de compliance"📎!footnote-3573 mis en place par la loi Sapin 2 contre la corruption : cartographie des risques, plan, alerte, audit, enquêtes internes, etc. 

Sont sujets de droit uniquement les grandes entreprises puisqu'elles sont seules en position d'agir, ici les "sociétés-mères ou les entreprises donneuses d'ordre", et les frontières ne sont plus des limites puisque l'obligation, créant une responsabilité personnelle de l'entreprise📎!footnote-3574, se prolonge tout au long de la "chaine de valeur". Un "contentieux systémique" émerge devant le juge. Le Tribunal judiciaire de Paris en a la compétence exclusive. La législation européenne se construit plus difficilement car si l'obligation d'information sur ces sujets "extrafinanciers" sont obligatoires (CSRD), la directive sur le devoir de vigilance qui vient d'être adoptée ne va pas plus loin que la loi française de 2017.

Sur le deuxième point, à savoir celui des engagements, nous n'en sommes qu'au début. En effet, les juges ne transforment pas les propos ou les déclarations éthiques en "engagements juridiques unilatéraux" et la vigilance ne transforme pas le Droit des sociétés en cogestion des entreprises. Mais les contrats forment un intermaillage global par lequel les entreprises ajustent leurs diverses obligations légales. C'est ainsi que les arbitres, les seuls "juges globaux", vont bientôt entrer dans ce contentieux systémique📎!footnote-3575 et la jurisprudence est d'une façon plus générale à venir sur les "contrats et clauses de compliance"📎!footnote-3576.

Mais le plus innovant vient sans doute de la part des juridictions. Peut-être parce que c'est de là où l'on s'y attend le moins, le juge civil du fond, que vient l'imagination mais aussi la garde des grands principes de l'État de Droit car pour l'instant la jurisprudence est raisonnable. Cette innovation n'est pas venue proprio motu : les juges ne se saisissent pas, ce sont les ONG qui mènent une sorte de politique contentieuse, en mettant en demeure systématiquement les grandes entreprises énergétiques, mais aussi les grandes banques et les grands assureurs sur les questions climatiques en alléguant la non-conformité de leur plan de vigilance. Le juge des référés du Tribunal judiciaire de Paris doit alors apporter des réponses dans des contentieux systémiques, dont le cas dit "Total Ouganda"📎!footnote-3577 est un exemple.

Les juridictions font preuve de beaucoup d'innovations. Le juge des référés du Tribunal judiciaire a nommé des amici curiae📎!footnote-3569, la Cour d'appel de Paris a institué une chambre spécialisée📎!footnote-3570, des conférences de formation se sont mises en place sur ce "Contentieux Systémique Emergent"📎!footnote-3571.

En conclusion, le Droit est en train de se reconstruire à travers une nouvelle branche du Droit, le Droit de la Compliance, dont l'objet même, prolongement et dépassement du Droit de la Régulation📎!footnote-3578, est la préservation des systèmes, notamment le système climatique, dans un office du juge profondément renouvelé📎!footnote-3580.

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29 mars 2024

Conférences

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "L’émergence du Contentieux Systémique", in Importance et spécificité du Contentieux Systémique Émergentin cycle de conférences-débats "Contentieux Systémique Émergent", organisé à l'initiative de la Cour d'appel de Paris, avec la Cour de cassation, la Cour d'appel de Versailles, l'École nationale de la magistrature (ENM) et l'École de formation des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Paris (EFB), sous la responsabilité scientifique de Marie-Anne Frison-Roche, 29 mars 2024, 11h-12h30, Cour d'appel de Paris, salle Masse

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🧮consulter le programme complet de cette manifestation

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🧮consulter le programme de l'ensemble du cycle Contentieux Systémique Émergent

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🌐consulter sur LinkedIn le compte-rendu de cette intervention

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🌐consulter sur LinkedIn une présentation générale de cette manifestation, renvoyant aux comptes-rendus de chaque intervention

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🧱consulter la fiche de coordination scientifique de cette manifestation, rendant compte des différentes interventions

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🔲consulter les slides servant de support à cette intervention

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🚧consulter le document de travail sur la base duquel cette conférence a été élaborée

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 Résumé de cette conférence : Nous voyons émerger ce qu'il convient de désigner comme constitutif d'une catégorie propre : le "Contentieux Systémique". Cette notion, proposée en 2021📎!footnote-3521, vise l'hypothèse dans laquelle un système est "impliqué" dans une "cause" particulière soumise au juge. Il ne faut pas confondre la présence d'un système et l'analyse systémique d'un phénomène. Le terme de "cause" doit être entendu au sens procédurale, tel que l'article 5 du Code civil l'utilise. Précisément, la prohibition portée par l'article 5 du Code civil ne s'applique pas parce qu'un système ainsi impliqué appelle des réponses et des solutions de fait et non pas nécessairement des solutions générales et abstraites : la solution de nature et de portée systémique que la présence d'un système dans une cause appelle peut être une solution de fait, même si elle irradie l'ensemble du système en cause. Mais précisément parce que la présence d'un système dans la cause entraîne souvent une question elle-même systémique, le juge s'il veut respecter l'article 4 du Code civil y répondre, non pas seulement a minima en n'éludant pas la question, par exemple celles des risques systémiques, mais encore pleinement en apporter des solutions systémiques, par exemple des remédiations pour préserver à l'avenir la solidité et la durabilité des systèmes impliqués dans le cas. 

Ces systèmes peuvent être de différente nature : bancaire, financier, transport, sanitaire, énergétique, numérique, algorithmique ou climatique. Leur présence dans des cas portés à la connaissance des juges, dont la variété et les difficultés seront vus dans des contributions ultérieures, amènent à des questions de base relative à l'émergence du Contentieux Systémique : en premier lieu, comment peut-on définir le Contentieux Systémique ? En second lieu, qu'est-ce qu'il fait émerger cette catégorie de contentieux ? Des réponses apportées à ces deux questions découlent des conséquences pratiques essentielles. 

Les solutions nouvelles doivent être conçues à partir d'une distinction classique, notamment utilisée en procédures pénale et administrative, plus objectives, mais aussi civile, notamment par Hébraud, à savoir la distinction entre la "partie au litige" et la "partie à l'instance". Suivant que l'on admet que le système doit être considéré comme une "partie au litige", qui lui permettrait par une entité étant légitime à l'exprimer, d'alléguer des prétentions et de formuler des demandes contre un adversaire, ou comme une "partie à l'instance", catégorie beaucoup plus vaste, qui permettrait au juge d'entendre les intérêts des systèmes impliqués sans que des personnes ne puissent pour autant au nom d'un système formuler des prétentions à l'encontre ou au bénéfice d'une partie au litige.

Cela permet à la fois d'innover, tout en conservant la mesure dont le juge est le gardien.

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28 mars 2024

Interviews

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, ""Nous voyons émerger aujourd’hui le contentieux systémique"", entretien avec Olivia Dufour, contrepoint à l'entretien réalisé avec le Premier Président de la Cour d'appel de Paris Jacques Boulard "Contentieux systémique : "Il est important, pour les magistrats, de rester au plus près des réalités"", Actu-Juridique, 28 mars 2024

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💬lire l'entretien

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Cet entretient vient en contrepoint de l'entretien mené avec Jacques Boulard, Premier Président de la Cour d'appel de paris sur la triple initiative de la Cour d'appel ayant établi le Conseil de Justice Économique (CJE), la chambre supplémentaire pour connaître notamment du contentieux de la vigilance (5-12) et la mise en place du cycle de conférences-débats sur le Contentieux Systémique Émergent : lire cet entretien

Cet entretien souligne la place de Marie-Anne Frison-Roche au sein du Conseil de Justice Économique et de sa qualité de responsable scientifique du cycle de conférences-débats. 

En contrepoint, un entretien spécifique est mené par le journal avec Marie-Anne Frison-Roche sur la question particulière du cycle Contentieux Systémique Émergent

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► Présentation de l'entretien par le journal : "Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit de la régulation et de la compliance et responsable scientifique du cycle « Contentieux systémique émergent » nous explique la notion de contentieux systémique et l’importance de la démarche engagée par le Premier président."

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► Résumé de l'entretien sur le Contentieux Systémique Émergent : Le contentieux systémique implique un système, climatique, bancaire, numérique, énergétique, etc., soumis au juge du fond, puisque le système est un mélange de fait et de droit. La décision judiciaire a nécessairement des effets systémiques, extraterritoriales, immédiates et futures. Ces litiges vont se développer et aider les systèmes eux-mêmes à évoluer. Les juges doivent trouver les moyens de rapprocher les intérêts, de mesurer les résultats, de préserver les systèmes et les êtres humains qui y vivent. C'est l'objet même de ce cycle que de familiariser toutes les parties à ce nouveau contentieux, lequel appelle avant tout le dialogue. 

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Pour mémoire, les conférences-débats 2024 du cycle Contentieux Systémique Émergent :

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Pour mémoire, présentation de l'entretien du Premier Président par le journal : "Vendredi 29 mars aura lieu la première conférence-débat du cycle de formation « Contentieux systémique émergent » à la Cour d’appel de Paris. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une politique qui a menée à la création d’un Conseil de justice économique ainsi qu’à la mise en place d’une nouvelle chambre dédiée au devoir de vigilance et à la responsabilité écologique. Le Premier président de la Cour d’appel de Paris, Jacques Boulard, nous explique les objectifs et les enjeux de ces innovations.".

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16 mars 2024

Interviews

► Référence complète : R.-O. Maistre, "La place du Droit de la compliance dans la régulation de l’espace numérique", entretien mené par M.-A. Frison-Roche à l'occasion d'une série d'entretiens sur le Droit de la Compliancein Fenêtres ouvertes sur la gestion, émission de J.-Ph. Denis, Xerfi Canal, enregistré le 12 décembre 2023, diffusé le 16 mars 2024

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🌐consulter sur LinkedIn la présentation en décembre 2023 de l'entretien avec Roch-Olivier Maistre 

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🌐 lire la Newsletter Mafr Law-Compliance-Regulation de mars 2024 sur la base de l'entretien avec Roch-Olivier Maistre 

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🎥visionner l'interview complète sur Xerfi Canal

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► Point de départ : En 2022, Roch-Olivier Maistre écrit une contribution sur 📝Quels buts fondamentaux pour le régulateur dans un paysage audiovisuel et numérique en pleine mutation ?, dans 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance.

🧱lire la présentation de cette contribution ➡️cliquerICI

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► Résumé de l'entretien

Marie-Anne Frison-Roche : Question : L’Arcom a un rôle central en matière de Compliance. Pourriez-vous nous présenter cette Autorité de régulation qu’est l’Arcom ?

Roch-Olivier Maistre : Réponse : le Président Roch-Olivier Maistre décrit le rôle de l'Arcom, autorité qui résulte du CSA et de l'Hadopi, le législateur décidant de créer un nouveau grand Régulateur en charge à la fois de l'audiovisuel et du numérique. Cette Autorité collégiale s'assure du bon fonctionnement de ce secteur et est engagée dans la régulation des nouveaux acteurs du numérique.

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MaFR : Q. : Comment Régulation et Compliance s’articulent-elles dans la mise en œuvre des missions de l’Arcom ? 

R.O.M. : R. : Il répond qu'il s'agit d'une approche complémentaire. Coercition, sanctions s'y articulent. Il s'agit de préserver la liberté d'expression et de communication. Pour cela, objectifs de valeur constitutionnelle, les opérateurs doivent agir pour que ces objectifs soient atteints. Pour cela, ils sont supervisés par l'Autorité qu'est l'Arcom, qui intervient qu'ils ne se conforment à ces obligations de compliance. Lorsqu'il ne s'agit pas de l'audiovisuel, où le contenu est encore possible car il s'agit d'un "monde fini", mais qu'il s'agit du monde numérique, où les contenus se répandent d'une façon virale, c'est aux opérateurs d'agir : la Régulation et la Compliance agissent donc d'une façon complémentaire.

 

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