MAFR TV - cas

8 janvier 2020

MAFR TV : MAFR TV - cas

Regarder la video qui présente et analyse la décision n°2019-796 du 29 décembre 2019 du Conseil constitutionnel, Loi de finance pour 2020.

Lire l'extrait ici pertinente de cette décision du Conseil constitutionnel.

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Pour lutter contre la fraude fiscale, la contrebande et le blanchiment d'argent qui en résulte, le Gouvernement avait souhaité prendre l'information là où elle se trouve, là où chacun a tendance désormais à étaler sa vie privée, et celle des autres : sur les réseaux sociaux.

C'est pourquoi le projet de Loi de finance pour 2020 prévoyait, à titre expérimental (3 ans), de conférer aux administrations fiscales et douanières de pouvoir collecter des données accessibles publiquement sur les plateformes aux fins de rechercher des "manquements et infractions en matière fiscale et douanière".

L'on avait pu s'en inquiéter au regard de la Constitution et notamment du "droit à la vie privée".

Il n'est pas étonnant que lors du contrôle opéré par le Conseil constitutionnel de la Loi de finance votée, l'alléguation d'une violation de la Constitution ait été formulée par les requérants. 

Mais c'est le contraire qui arriva.

Tout d'abord, il était soutenu que le Gouvernement avait glissé cette disposition, qui serait attentatoire aux libertés, dans la Loi de finance pour mieux la masquer mais qu'elle est sans rapport, ce qui est contraire à la méthode constitutionnellement requise dans l'art législatif. Le Conseil rejette cette critique car c'est pour lutter contre la fraude fiscale et améliorer le recouvrement de l'impôt que ces informations sont collectées, but financier de l'Etat qui justifie une place dans une Loi de finance. 

Substantiellement, s'il est vrai que le Conseil constitutionnel, par sa décision du 29 décembre 2019, Loi de finance pour 2020, déclare la loi contraire à la Constitution, ce n'est que sur une modalité accessoire du dispositif. En effet une disposition spécifique prévoyait la possibilité d'utiliser une majoration de 40% pour défaut ou retard de production de déclaration pour la recherche de manquement, ce qui est disproportionné. Mais cela ne touche en rien l'ensemble du dispositif qui est quant à lui validé dans son principe et dans son organisation technique.

Il est particulièrement important dans l'équilbre que le Conseil pose et les conséquences probatoires qu'il implique.

En effet et à la base, il y a le principe constitutionnel de la liberté d'expression, en ce que celle-ci est à la racine de la Démocratie. Lorsque les internautes postent des informations sur l'espace numérique publique, c'est un acte de cette nature et de cette portée. Ensuite, l'objet ainsi produit, l'information qui les concerne, la "donnée à caractère personnelle", est elle-aussi l'objet d'une protection constitutionnelle. En effet le droit à la vie privée est de valeur constitutionnelle et vient protéger également la personne.

Face à ces deux sources fondamentales, le Législateur et l'Etat qui captent des données sont qualifiés comme "y portant atteinte". Ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont pas légitimes à le faire. Mais ils doivent se justifier. C'est avant tout un système probatoire que le Conseil constitutionnel met en place. Tandis que la personne n'a pas à justifier l'usage qu'elle fait de sa liberté (d'expression) et de son droit (sur ses données), le Législateur doit justifier l'atteinte légitime qu'il y porte par un triple test : nécessité, ordre public, modalités adéquates et proportionnées.

 

I. CONFIRMATION DU NIVEAU CONSTITUTIONNE DU DROIT A LA PROTECTION DES DONNEES A CARACTERE PERSONNEL, S'ANCRANT DANS LA LIBERTÉ D'EXPRESSION, ET CONDITIONS CONSTITUTIONNELLES POUR Y PORTER LEGITIMEMENT ATTEINTE : NÉCESSITÉ, MOTIF D'INTERET GENERAL ET MISE EN OEUVRE ADEQUATE ET PROPORTIONNEE 

Le Conseil constitutionnel s'appuie sur l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789, lequel vise d'une façon très générale quatre droits dont les personnes sont titulaires et que toute organisation politique vise à protéger : "la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression". De cette "liberté" si généralement visée, la jurisprudence constitutionnelle a tiré de nombreuses libertés plus précises et de nombreux droits.

Ainsi, le Conseil constitutionnel pose que la liberté de communication y est incluse ainsi que le "droit au respect de la vie privée". Par un raisonnement en poupée russe, dans ce droit au respect de la vie privée, le droit à la protection de ses "données personnelles", lui-même inclus dans le "droit au respect de la vie privée" est de valeur constitutionnelle.

En outre le Conseil se référence à l'article 11 de la Déclaration de 1789 qui se référe à la "liberté d'expression" et sa décision insiste spécifiquement sur le lien entre celle-ci et le mécanisme démocratique. Il le fait dans ces termes : " la liberté d'expression et de communication est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie et l'une des garanties du respect des autres droits et libertés."Le Conseil souligne d'une façon pédagogique que si le Parlement a la tâche de veiller à garantir les droits (article 34 de la Constitution), ceux-ci présuppose ce fonctionnement démocratique, lequel dépend de la liberté d'expression.

Ainsi la liberté d'expression est à la racine d'un Etat de Droit. Il faut donc comprendre que l'Etat étant lui-même en charge de veiller au fonctionnement démocratique de la société et devant concrétiser les droits constitutionnels des personnes, il doit respecter ces deux éléments premiers. 

L'essentiel du raisonnement, la portée de celui-ci, est dans cette préséance. 

Le système est en effet le suivant : le principe est du côté unifié des personnes et de la démocratie (fondant et la protection des données personnelles et la liberté d'expression) qui, sans avoir à se justifier, bénéficient du droit à n'être pas atteintes dans leur droit tout d'abord de communiquer librement sur les divers supports numériques puis de n'être pas dépossédées contre leur consentement de ces informations ("données personnelles"), tandis que le Législateur s'il veut le faire ne peut le faire que s'il peut justifier d'une part d'un motif d'intérêt général et d'autre part de modalités adéquates et proportionnées.

C'est donc une sorte de système probatoire, dans lequel les parties ne sont pas à égalité, système dans lequel c'est la personne qui prévaut : en effet la personne va toujours prévaloir car elle exerce une liberté par laquelle la Démocratie vie (s'exprimer librement), ce qui génère des données sur lesquelles elle a un droit (droit au respect de ses données) ; puisque c'est son droit à valeur constitutionnelle, elle n'a pas à le justifier.

Certes le Législateur peut y porter atteinte, car tout principe supporte des exceptions et aucun droit, même constitutionnel, n'est sans limite. Ainsi si le Législateur peut justifier d'un "motif d'intérêt général", alors il pourrait prétendre avec succès limiter le droit constitutionnel de chacun à la protection de ses données personnelles. Mais s'il parvient à arguer d'un tel motif, cela ne vaudra pas blanc-seing : il faudra que les modalités soient adéquates et proportionnés. 

Ici, le Conseil constitutionnel constate que le Législateur a effectivement porté atteinte au droit constitutionnel de toute personne à la protection de ses données personnelles qui, ici, s'ancre dans la liberté d'expression laquelle est le socle de la Démocratie. Le Législateur peut certes le faire mais il ne peut le faire que si cela est nécessaire, si cela est corrélé à un motif d'ordre public et les modalités sont adéquates et proportionnées. Un sorte de triple test....

En ce qui concerne la "nécessité", notion fondamentale pour toute atteinte aux libertés, il est souvent rappelé que le numérique a permis l'accroissement de la criminalité. Il est donc nécessaire que l'on recherche des nouveaux moyens de collecter l'information dans ce nouveau monde où il est si facile d'agir masquer Le Conseil constitutionnel souligne qu'il s'agit de rechercher des actes illicites rendus plus aisés par Internet. La loi vise trois types d'atteinte à l'intérêt public : la fraude fiscale, le blanchiment d'argent et la contrebande. Cela rejoint le "motif d'ordre public", requis. 

La troisième condition porte en aval sur les modalités, elle provoquera en partie la chute du législateur. En effet, le dispositif passe le test puisque les administrations fiscales et douanires ne peuvent capter que les informations volontairement mise à disposition de tout public par les internautes, la reconnaissance faciale est une technique exclue et les informations "sensibles" sont retirées de toute exploitation. Les mesures sont donc "proportionnées", nouvelle forme de l'exigence de nécessité, la loi confiant au Réglement la rédaction de texte pour faire en sorte que les algorithmes soient paraphrés pour que ce lien de nécessité demeurent entre l'ampleur de la captation et du traitement et les buts légitimes visés ....

En ce qui concerne les modalités, 

 

II. PORTÉE DE L'ARTICULATION DU PRINCIPE CONSTITUTIONNEL POUR LA PERSONNE DE S'EXPRIMER DANS LE NUMÉRIQUE PUIS DE PROTÉGER SES DONNÉES PERSONNELLES ET DE L'EXCEPTION LÉGITIME DE L'ÉTAT A Y PORTER ATTEINTE 

Parce que les deux premiers (principe de la liberté constitutionnelle  d'expression, principe du droit constitutionnel de la personne sur les données qui la concernent) s'imposent sans qu'il soit besoin de les justifier, lorsque les textes seront silencieux, ce seront eux qui empliront ce silence.

Lorsque les Autorités ou un coconctractant, ou un Juge - dans son pouvoir de qualification des situations et des actes -, voudront faire prévaloir une autre considération, alors il faudra qu'ils se prévaloir d'un motif d'ordre public.

En effet les principes doivent être "conciilés", comme le dit le Conseil constitutionnel et les droits s'arrêtent là où les droits des autres commencent. Mais c'est à celui qui veut arrêter le principe de la liberté expression, le principe de la libre communication, le droit à la protection des données personnelles, de trouver le motif d'ordre public.

Celui-ci est dans le but : dans le cas présent, il s'agit de la lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent. 

Comme on le sait, l'interprétation restrictive des textes répressifs n'exclut pas leur interprétattion téléologique.

C'est dans une telle perspective probatoire, tracée par le Conseil constitutionnel, que le système va vocation à s'appliquer d'une façon plus générale.

 

 

 

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24 décembre 2019

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24 décembre 2019

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Regarder la vidéo commentant la décision rendue par la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF)

Lire la décision.

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En 2015, un document soi-disant émanant de l'entreprise Vinci est parvenu au média Bloomberg annonçant des résultats catastrophiques inattendus. Les deux journalistes l'ayant reçu l'ont dans l'instant répercutant sans rien vérifier, le titre Vinci perdant plus de 18%. Il s'agissait d'un faux grossier, ce qu'une vérification élémentaire aurait permis d'établir, vérification à laquelle les journalistes n'avaient pas faite.

4 ans plus tard, l'entreprise Bloomerg est sanctionnée pour le manquemement de "diffusion de fausse information" sur le marché financier, par une décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers du 11 décembre 2019. 

L'entreprise poursuivie faisait valoir que c'était aux journalistes d'en répondre et non pas à elle, car elle avait mis en place et un logiciel de détection et un code de bonne conduite, alors même qu'aucun texte ne l'y contraint. Il convenait donc de ne pas la poursuivre.

La Commission des sanctions de l'AMF souligne qu'indépendamment de celà c'est une règle générale de la déontologie des journalistes qui oblige ceux-ci à vérifier l'authentificité des documents qu'ils diffusent, ce qu'ils n'ont en rien fait, alors qu'une vérification élémentaire leur aurait permis de mesurer qu'il s'agit d'un faux grossier.

Pourtant l'agence de presse Bloomberge avait demandé à la Commission des sanctions de poser une "question préjudicielle" à la Cour de justice de l'Union européenne sur l'équilibre à faire entre la liberté de la presse et des opinions d'une part et la protection des marchés et des investisseurs contre les "fausses informations" d'autre part.

Mais la Commission des sanctions de l'AMF estime que les textes sont "clairs" : il s'agit ici de l'article 21 du Réglement européen sanctionnant les abus de marché qui pose que si la liberté des journalistes doit être préservée, il faut que ceux-ci respectent leur propre déontologie, et notamment vérifient l'authenticité des documents sur lesquels ils s'appuient. Or, en l'espèce, ils ne l'ont en rien fait. Le manquement est donc constitué.

 

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En outre, la Commission des sanctions se référe au Réglement européen sur les abus de marchés qui dans son article 21 vise le statut particulier à réserver à la liberté de la presse et au statut particulier des journalistes mais y associe cette obligation déontologique de vérification des documents. Or, la Commission des sanctions relève que cette obligation visée, et par la déontologie des journalistes et par le texte de référence de Droit financier, a été totalement méconnue par les deux journalistes. C'est donc à l'agence de presse d'en répondre.

Pourtant celle-ci soutenait que l'équlibre entre le principe de liberté de la presse et le principe de liberté d'opinion d'une part et le principe de la protection du marché financier et des investisseurs contre les fausses informations diffusées nécessite une interprétation du Droit de l'Union européenne, ce qui doit contraindre la Commission des sanction à saisir la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.

La Commission des sanctions écarte cette demande car elle estime que les textes communautaires sont "clairs", ce qui leur permet de les interpréter elle-même. Et précisément le Réglement européen sur les abus de marché dans son article 21 prévoit l'exception en faveur de la presse et des journalistes mais les contraint à respecter leur déontologie, notamment la vérification de l'authenticité des documents. En l'espèce, ils ne l'ont en rien fait. Ils sont clairement auteurs d'un manquement, imputable à l'entreprise.

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Dans un cas moins net, l'on pourrait pu considérer que cet équilibre entre deux principes, tout deux d'intérêt public, est délicat et qu'une interprétation par la Cour de Justice serait toujours utile.

En effet et plus fondamentalement, le Droit financier demeure-t-il un Droit autonome, mettant en premier l'objectif la préservation de l'intégration du marché financier et la protection des investisseurs ou bien est-il la pointe avancée d'un Droit de l'information préservant chacun contre l'action de tout "influenceur" (catégorie à laquelle Bloomberg appartient) consistant à diffuser des informations inexactes (notion de "désinformaton") ?

Et cela n'est pas si "clair"....

 

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11 décembre 2019

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Regarder la vidéo qui présente, analyse et mesure la portée de la Décision de la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers du 4 décembre 2019, Morgan Stanley International. 

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La banque, à travers sa filiale anglaise, a dû répondre devant la Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers où l'a conduite une notification de griefs de manipulation de cours sur des instruments financiers reposant sur des titres émis par le Trésor public français sur le marché réglementé (OAT), ces divers instruments financiers étant eux-mêmes construits par ailleurs et proposés sur diverses places financières nationales, par exemple pour la France des FOAT, qui sont des contrats à terme relatif à ces OAT non négociés sur un marché réglementé. 

La décision de condamnation du 4 décembre 2019 est instructive. Sur le principe même de la compétence de l'autorité de sanction (I), sur le mécanisme probatoire des faits (II).  Ce qui correspondait aux "3 éléments de l'infraction", qui devraient en principe se retrouver dans le droit administratif répressif, qui relève de la "matière pénale.  Mais comme le dit expressément la décision, l'élément intentionnel n'est pas requis pour les abus de marché.

Il reste donc l'élément légal, qui requiert que le comportement soit précisément visé par un texte, et l'élément matériel. 

Voyons leur sort.
 

I. LE PRINCIPE DE LEGALITE DES DELITS ET DES PEINES N'ENTRAVE PAS L'EFFET NATUREL DE LA DEFINITION "NATURELLE" DU COURS DU TITRE SOUS-JACENT AFFECTE PAR LA MANIPULATION

En premier lieu la Banque contestait la compétence même du Régulateur à en connaître car ce n'est que postérieurement aux faits reprochés que les textes applicables ont dit qu'étaient sanctionnables les agissement sur des instruments financiers "liés" aux instruments financiers émis sur un marché réglementé. Au nom du principe d'analyse restrictive et de la non-rétroactivité des textes d'incrimination qui gouvernent la matière pénale, la Banque soutenait n'être pas apte à être poursuivie.

La Commission des sanction écarte le moyen en affirmant qu'elle respecte ces principes inhérents à la matière pénale, mais qu'il faut regarder la finalité des textes. Or la manipulation de cours, manquement ici en cause, est un manquement parce que l'agissement a pour objet ou pour effet de perturber le cours du titre qui est sur le marché réglementé. En agissant sur un instrument financier, même situé sur un marché non-réglementé, dont le sous-jacent est sur un marché réglement, le cours de celui-ci est perturbé, alors la manipulation du premier ayant pour effet de perturbé le cours du second justifie la pourrsuite et la sanction. Sans qu'il y ait rétroactivité des textes. 

 

II. LES PRESOMPTIONS SIMPLES D'AGISSEMENTS LEGITIMES OU ILLEGITIMES SUR LES TITRES ET LE "FAIT JUSTIFICATIF DE COMPLIANCE"

En second lieu, la Banque soutient que son action sur les différents instruments financiers sur les différents marchés a été justifiée par son intérêt légitime démontré en raison de l'absence de liquidité du titre et pour dénouer une position déficitaire appelant une intervention massive dans un temps très court de sa part sur plusieurs marchés en même temps et que si le cours en a été modifié, il n'en est pas devenu pour autant "anormal", ce qui est un élément matériel du manquement. 

La Commission des sanctions pose tout d'abord que l'opérateur peut à la fois avoir des motifs légitimes démontrés d'agir sur un titre et néanmoins opérer sur celui-ci une manipulation de cours. 

Revenant sur la définition de la manipulation de cours, la Commission ne reprend pas la notion d'"anormalité" dans le sens où il faudrait que le cours ne soit pas conforme aux attentes, il faut mais il suffit qu'il soit inattendu : le "normal" est donc dans le sens de l'inhabituel. Si la Banque parvient à justifier son action, comme elle arrive à le faire pour un titre (le FGBL et FGBX), alors il n'y a pas de sanction (n°90 de la décision) mais dans les autres cas la Commission estime que les agissements ont eu pour effet de faire varier le cours des sous-jacents émis par le Trésor public français (OAT), ne s'expliquent pas autrement, les autres opérateurs agissant comme si la hause de la valeur des OAT avait une autre origine. Or, la Banque avant cet effet a revendu immédiatement les OAT. L'ensemble des agissements ayant duré moins d'un quart d'heure, la Commission considère que l'élément matériel de la manipulation de cours est constitué. 

Pourtant la Banque se prévalait d'une sorte de fait justificatif : elle avait agi en "conformité" avec "une pratique de marché" (article 631-1 Réglement général de l'AMF).  La Commission récuse cela, car elle considère que ce texte ne vise que trois hypothèses : contrats de liquidité obligatoires, contrats de liquidité sur actions et acquisitions d'actions.... pour les opérations de croissance externe". C'est donc tout à fait une conception très restrictive que la Commission adopte pour ce qui vient en restriction des textes répressifs....

Quand à "l'intention manipulatoire", les choses sont encore plus claire. Pour sanctionner un manquement, il n'est besoin d'aucune démonstration d'une intention puisque les textes sur les abus de marché "ne font référence pas à un quelconque élément intentionnel"...

Pour se protéger, la Commission estime que l'intention découle de toutes les façons du manquement...

 

QU'EN PENSER ?

Il est probable que cette décision fera l'objet d'un recours. 

L'on comprend bien le raisonnement du Régulateur.

Il fait prévaloir l'efficacité, la sanction n'étant qu'un moyen de préservation l'intégrité du système financier dans son coeur même à savoir le caractère adéquat des prix des instruments qui y sont offerts. En cela la sanction n'est qu'un instrument au service du marché, n'est qu'un instrument de Compliance. 

Il est assez savoureux, et amer, de lire comment la "conformité à une pratique de marché" est balayée d'un revers de main, le caractère général, de principe et téléologique n'étant tout à coup plus un raisonnement recevable....

Il est vrai que le Conseil d'Etat conçoit la sanction de la même façon. A propos du mécanisme de gel des avoirs, autre instrument du Droit de la Compliance, la sanction infligée à une banque par l'ACPR est maniée de la même façon.

Mais que reste-t-il du Droit pénal, qui devait innerver dans son esprit et ses principes fondamentaux, repris dans la "matière pénale" le Droit administratif répressif ?

Comment ne pas être inquiet quand il est désormais affirmé que d'élément intentionnel, il n'en est plus besoin ?

L'on peut effectivement penser que le Droit retient la sanction, et l'accroît, mais met de côté la matière pénale : de la répression sans droit pénal... N'est-ce pas un oxymore ? Ne faut-il pas chercher au moins à le résoudre ? 

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5 décembre 2019

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Regarder la video expliquant le contenu, le sens et la portée de la décision rendue par le Conseil d'Etat le 15 novembre 2019. 

L'ACPR a prononcé une sanction très élevée, représentant 7% du résultat net annuel de la société La Banque Postale. Le manquement est constitué par le fait de n'avoir pas prévenu l'usage de la technique bancaire du "mandat-cash" qui a été utilisé pour échapper au gel des avoirs.

Le Conseil d'Etat rappelle que par nature s'il y a gel des avoirs, il ne faut pas que quiconque veut disposer de ces avoirs. Or, par l'usage de "mandats cash" des personnes visées par des décisions de gels des avoirs, décidés en lien avec la lutte contre le blanchiment d'argent et la lutte contre le terrorisme, avaient pu faire circuler de l'argent à partir de comptes gérés par La Banque Postale, dont ils n'étaient pas clients.

Ce cas d'un usage d'un moyen par une personne qui n'est pas client de la banque n'était pas prévu au moment où les faits reprochés se sont déroulés et la Banque poursuivie prétend ne pouvoir être donc punie puisqu'en matière répressive il faut respecter le principe de non-rétroactivité des textes, ultérieurement complété pour viser une telle hypothèse, la non-rétroactivité étant un principe majeur lui-même lié au principe de la légalité des délits et des peines. 

Nous sommes donc dans l'hypothèse d'un silence des textes. 

La Banque peut-elle être condamnée et si lourdement ou non par l'ACPR ?

La Banque ne le pense pas, puiqu'elle forme un recours. 

La Banque agit contre cette décision de sanction en premier lieu parce que ceux qui l'ont ainsi utilisé n'étaient pas ses clients. Elle a de fortes raisons pour se prévaloir de ce fait, puisqu'ultérieurement à celà les textes ont été complétés pour viser non seulement l'usage de cette technique par ceux qui ont un manque dans la banque et ceux qui agissent avec des "mandats-cash hors compte", c'est-à-dire sans titulaire d'un compte. Comme nous sommes en matière pénale, l'interprétation restrictive et la non-rétroactivité des texte devrait conduire à suivre le raisonnement de la Banque. Mais le Conseil en le fait pas car il considère qu'implicitement mais nécessairement même avec la modification ultérieurme du texte, celui-ci visait aussi cet usage-là. 

Pour cela, le Conseil développe une conception très large des obligations des banques dans leur rôle dans la lutte contre le blanchiment d'argent, et donc très répressive, ce qui imprègne leur "obligation de conformité". Ainsi, lorsque la banque soutient par ailleurs que l'on ne peut la sanctionner puisque cette activité de mandat-cash est pour elle déficitaire et qu'elle n'a pas causé de préjudice à ses clients en assumant mal ses obligations, le Conseil d'Etat souligne qu'il ne s'agit pas de cela puisque l'obligation de conformité relève de "l'intérêt général impérieux de protection de l'ordre public et de la sécurité publique auquel répond la législation des gels des avoirs".  

 

Lire la décision du Conseil d'Etat. 

4 décembre 2019

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Regarder le film de 5 minutes sur le contenu, le sens et la portée de l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 27 novembre 2019, M.X.A. c/ Google.

 

 

Cet arrêt casse l'arrêt de la Cour d'appel de Paris qui valide le non-déférencement, après que la CNIL a demandé l'interprétation des textes, notamment du RGPD, parce que le droit à l'oubli doit limiter l'exception ici invoquée, à savoir le droit à l'information, même s'il s'agit d'une décision pénale concernant un commissaire-aux-comptes, car il s'agit d'une affaire privée et non pas ce qui concerne l'exercice de sa profession réglementée coeur du système financier. 

 

 

Lire la décision de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 27 novembre 2019, M.X.A. c/ Google