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28 mars 2018

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Dans un État de droit libéral, le Droit est un pouvoir, qui prétend exercer sa puissance pour que les libertés demeurent, voire que dans certains secteurs des équilibres s'établissent et se maintiennent. Dans une conception libérale, les organisations, qu'elles soient contractuelles ou institutionnelles, sont fondées sur la puissance des libertés et leurs fonctionnements sont autorégulés. Ainsi, dans un système économique et financier libéral, si les marchés financiers sont construits par le Droit, à l'inverse le pouvoir est exercé à l'intérieur des sociétés par un principe de pouvoir qui est interne à la société, à savoir dans un système capitaliste la corrélation entre la détention du capital et la détention du pouvoir, le fléau de la balance étant constituée par le droit de propriété. Dans un système libéral lié au capitalisme, le Droit des sociétés traduit cela et demeure peu corrélé au phénomène de l'entreprise, qui n'est que son "sous-jacent". C'est cette relative déconnexion, traduite dans le système juridique dans l'hétéronomie entre le Droit des sociétés et le Droit du travail, que semble vouloir remettre en cause le projet de loi dite "loi PACTE".

Pour l'instant, dans la lancée d'une jonction entre le Droit financier et le Droit des sociétés, un système de "gouvernance" (corporate governance) est mis en place qui consiste à faire pénétrer les acteurs juridiques des marchés financiers dans le fonctionnement des sociétés exposées aux marchés, notamment les "sociétés cotées" mais aussi toutes les sociétés qui ont recours aux financements par les instruments financiers, ce qui a un effet plus déstabilisateur. En effet, les règles de "gouvernance des marchés financiers" sont en train de devenir les règles de "gouvernance des sociétés".  Le principe juridique  du libre exercice du pouvoir dans les sociétés qui repose sur la volonté des associés serait donc remis en cause. Le projet de loi dite PACTE a pour ambition de contrer cette pénétration de la logique des marchés financiers dans les entreprises via le Droit des sociétés, mais ce n'est pas pour revenir à la "loi de la volonté des associés", parce qu'elle est exprimée via la "loi du capital". Cela serait pour y substituer un autre principe directeur, celui de l'entreprise, en tant que celle-ci est un groupe de personne, dont il faudrait prendre en compte "l'intérêt collectif", la "société" n'étant qu'une personne morale par laquelle l'entreprise entre dans ce que l'on désigne classiquement le "commerce juridique".

Pour l'instant,  le pouvoir dans les sociétés est régi par une "loi" dont le principe est clair : la "loi du capital", que le Droit de la Régulation bancaire et financière ne remet pas en cause puisqu'il est le socle des marchés et protège les prêteurs et les investisseurs.

Il est vrai que le Droit commun, notamment le Droit civil de la responsabilité, voire le Droit pénal, vient toujours limiter ce qu'ont d'excessifs les principes. 

C'est ainsi qu'il est venu raboter les excès à travers les sanctions des abus de majorité ou de minorité.

De la même façon, le Droit commun de la procédure a adouci le mécanisme de la révocation ad nutum par des contraintes procédurales.

Mais peut-être ne sommes-nous plus dans la période des "adoucissements" d'un principe, mais sommes-nous dans une période de "transformation" pour reprendre les termes même de la loi "PACTE" qui n'est qu'un élément du Plan d'Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises. Et il est vrai que les très grandes entreprises ont déjà donné l'exemple et que le Droit de l'Union européenne fait désormais place aux informations "non-financières" données aux marchés financières par les emprunteurs, c'est-à-dire les sociétés, c'est-à-dire le plus souvent les entreprises.

 

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27 mars 2018

Enseignements : Droits sectoriels de la régulation, semestre de printemps 2018

Le droit sectoriel de la régulation bancaire est dans une situation paradoxale.

En premier lieu, alors qu'il exprime un ordre public le plus fort, car il garde la monnaie souveraine, longtemps les banques ont prétendu tenir le système en autorégulation et prétendent encore le faire, soit en affrontant le Droit de la concurrence, soit en exprimant des valeurs morales (la "haute banque"), à travers notamment une corporate social responsability, plus forte chez ces opérateurs cruciaux que dans d'autres entreprises, notamment au regard de l'impératif d'inclusion bancaire.

Mais les établissements ont donné lieu à la théorie de l'auto-capture. C'est Napoléon qui le premier a imposé le statut public de la Banque centrale, appelée "Banque de France". Le superviseur bancaire fût longtemps un département interne de celle-ci, dans une division organique, l'un en charge du contrôle des entrées et des changements structurelles (CECEI) et l'autre en charge des sanctions (Commission bancaire). Le continuum entre l'Ex Ante et l'Ex Post justifia la fusion des deux dans l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), modification également entraînée par la condamnation de la France dans l'arrêt rendu par la CEDH Dubus.

Ce changement intervenu en 2010 est de type procédural, prenant acte que ce superviseur étant fonctionnellement un Tribunal, en raison de ses pouvoirs, lesquels étant nécessaires en raison de la mission assignée à l'institution. Mais le changement le plus important est intervenu en 2013 lorsque l'ACP est devenue l'ACPR : Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation.

Après avoir exploré quelques questions ouvertes :

 

l'on peut analyser l'arrêt rendu par le Conseil d’État le 13 décembre 2016, Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM).

 

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24 mars 2018

Blog

Un décret du 6 décembre 2016 avait mis sur pied une Inspection Générale de la Justice, comme il y en a une pour les Finances ou pour les Affaires Sociales.

Mais l'idée d'un contrôle, d'une évaluation, d'une étude même ne va pas de soi parce que l'institution judiciaire est par principe indépendante du Gouvernement et que la mise en place d'une sorte de bras armé au bénéfice de celui-ci paraît contraire à ce principe politique fondamental. Cela est encore plus vrai pour la Cour de cassation, qui dispose d'une autonomie de gestion - et l'on ne comprend plus alors l'objet même des inspections - , les deux chefs que sont le Premier Président et le Procureur Général ayant des pouvoirs directs et constitutionnellement conférés contre les ministres.

On avait donc pu protester car une telle emprise du gouvernement sur la Cour de cassation est contraire à la Constitution : lire le document de travail ayant servi de base à l'article publié immédiatement dans le journal Le Monde et la présentation de l'article publié dans Le Monde du 16 décembre 2016.

Par une décision du 23 mars 2018, Syndicat Force Ouvrière Magistrats et autres, le Conseil d’État a estimé qu'il y avait effectivement une contrariété avec la Loi et la Constitution, justifiant l'annulation.

Dans cette décision, le Conseil d’État distingue l'institution judiciaire générale et la Cour de cassation. D'une façon générale, elle estime que celle-ci peut faire l'objet d'un mécanisme d'inspections. En effet, pour les cours et tribunaux, un corps d'inspecteurs qui se limite à contrôler, évaluer, étudier l'aspect de gestion et d'efficacité des organismes que sont aussi les juridictions peut se justifier. Le communiqué diffusé par le Conseil d’État sur son site insiste d'ailleurs sur cette validité du décret.

Mais ce qui retiendra sans doute l'attention est l'annulation de la partie du décret concernant la Cour de cassation.   La motivation est la suivante

d’une part, aux termes de l’article L. 411-1 du code de l’organisation judiciaire : « Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ». Cette dernière a seule pour mission de juger les pourvois contre les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions judiciaires. D’autre part, l’article 65 de la Constitution confie au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près cette cour la présidence, pour le premier, de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature ainsi que de la formation de ce conseil compétente à l’égard des magistrats du siège et, pour le second, de sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet. Ce dernier exerce également, en application des dispositions combinées de l’article 68-2 de la Constitution et de l’article 8 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, le ministère public près cette cour, chargée, en vertu de l’article 68-1 de la Constitution, de juger les membres du Gouvernement pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Eu égard tant à la mission ainsi confiée par le législateur à la Cour de cassation, placée au sommet de l’ordre judiciaire, qu’aux rôles confiés par la Constitution à son premier président et à son procureur général, notamment à la tête du Conseil supérieur de la magistrature chargé par la Constitution d’assister le Président de la République dans son rôle de garant de l’autorité judiciaire, le décret attaqué ne pouvait légalement inclure la Cour de cassation dans le champ des missions de l’inspection générale de la justice sans prévoir de garanties supplémentaires relatives, notamment, aux conditions dans lesquelles sont diligentées les inspections et enquêtes portant sur cette juridiction ou l’un de ses membres. Son article 2 doit, par suite, être annulé en tant qu’il inclut la Cour de cassation dans le champ de la mission permanente d’inspection, de contrôle, d’étude, de conseil et d’évaluation exercée par l’inspection générale de la justice.

Le Conseil d’État insiste sur le fait que la Cour de cassation est une sorte de "juridiction à part" (elle a "seule pour mission" ; techniquement, nous dirions qu'elle n'est atteinte que par des voies de retours extraordinaires) et qu'elle est au sommet de la hiérarchie judiciaire, ce qui lui donne un statut particulier : la formulation utilisée nous fait penser à une évocation d'une sorte de check and balance, comme si le fait d'être tout en haut de la hiérarchie judiciaire la mettrait trop haut pour le gouvernement.

Mais l'essentiel de la motivation vise les deux personnages que sont le Premier Président et le Procureur Général, non pas tant dans leur rôle interne à la Cour de cassation, mais externe. En effet, dans leur rôle interne, l'office d'une Inspection Générale de la Justice se justifierait plutôt, puisque c'est là qu'ils opèrent des tâches de gestion, voire de management, et l'un et l'autre. Mais c'est bien en tant qu'ils ont des responsabilités extérieures de niveau législatif et constitutionnel qu'ils ne peuvent être touchés, pas même dans leur fonction interne à la Cour de cassation.

En effet, c'est bien en raison de leurs rôles respectifs au sein du Conseil supérieur de la magistrature qui "assiste le Président de la République comme garant de l'autorité judiciaire" (voilà qui fait encore penser à un jeu de check and balance) d'une part et dans les procédures devant la Cour de justice de la République d'autre part où le Procureur général joue un rôle essentiel constitutionnellement organisé.

Cette partie là du décret est donc annulée.

L'annulation n'est pas "sans appel". En effet, à lire la décision du Conseil d’État, le Gouvernement pourrait  le réécrire pour qu'y figurent des "garanties" afin que l'exercice par les personnages au sein du CSM et pour le Procureur Général ne soit pas affecté dans son indépendance objective par les contrôles exercés par ailleurs sur leurs activités internes à la Cour.

Il demeure qu'une telle rédaction, qui débute sur le fait que la Cour de cassation est au sommet de la hiérarchie judiciaire, qui fait plusieurs fois penser à un système d'équilibre du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire tranche avec le discours tenu par le Président Emmanuel Macron à l'audience de rentrée de la Cour de cassation au cours de laquelle celui-ci avait signifié que le ministère public ne devait pas rêver d'indépendance.

Si le Conseil d’État s'en mêle à son tour ....

21 mars 2018

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Le droit des sociétés a évolué en profondeur du fait de l'analyse financière. La "loi PACTE" en préparation pourrait exprimer une réaction face à cette emprise, en ce qu'elle traduit aussi une sorte de pénétration des marchés financiers dans les entreprises, va le Droit des sociétés, contre laquelle le Gouvernement va proposer une autre conception. En effet,  la considération du marché financier a bouleversé le Droit classique des sociétés, l'ouvrant avec parfois brutalité voire violence sur les marchés.

Les marchés financiers fît son entrée dans le Droit des sociétés par l'Ordonnance du 17 août 1967, laquelle instaura la Commission des Opérations de Bourse (COB) à travers ce qui allait devenir une nouvelle summa divisio "société cotée/société non-cotée": c'est donc avant tout le Marché boursier qui est pris en considération,  c'est-à-dire le marché non seulement des titres apportant à leur titulaire une vocation à être rémunéré mais encore une vocation à acquérir du pouvoir, le Droit intervenant pour réguler les "prises de contrôles", notamment par OPA ou OPE. Une leçon complète sera ultérieurement consacré à cette régulation spécifique des prises de contrôle. Cela  met le Régulateur au cœur des sociétés et insère de nouveaux principes, comme la transparence et la protection du minoritaire, qui est la forme juridique du marché lui-même, ainsi que l'apparition d'un nouveau personnage : l'investisseur.

Le marché lui-même devient comme un "personnage" auquel s'identifie parfois l'actionnaire minoritaire, parfois l'investisseur. La règle de l'information prend comme principal bénéficiaire non plus celui qui "participe à l'aventure sociétaire", c'est-à-dire la personne de l'associé, mais l'investisseur abstrait, par exemple les "fonds", le marché agissant pour évaluer les "actifs", dont l'entreprise est une variante ou un agrégat, afin de toujours connaître les valeurs d'achat ou de vente. Les contentieux sur l'évaluation des titres se multiplient.

La Régulation pénètre en transparence ce qui tend à transformer le Régulateur en superviseur, au-delà des secteurs techniquement supervisés, comme le secteur bancaire, parce que l'activité bancaire elle-même n'a pas pour seule objet d'accorder des crédits mais encore d'assurer l'intermédiation financière. 

Le Droit des sociétés fait alors place à la compliance qui tout à la fois est signe d'autorégulation et d'assujettissement  maximal des entreprises aux Régulateurs, tandis que la compliance devient un moyen pour la puissance publique, par ailleurs affaiblie, de demander aux entreprises de prendre en considération, des préoccupations non-économiques, comme les droits de l'homme ou la lutte contre les maux globaux. Une leçon complète sera ultérieurement consacrée à ce phénomène appelé à se développer de la compliance.

Car le Droit rejette l'abstraction. Ainsi la fin recherchée par les fonds provoquent des réactions, comme on le voit à travers les contentieux sur les "fonds vautours". De la même façon, c'est par la voie de l'audit et à travers ce qui apparaît comme une nouvelle summa divisio à savoir la distinction entre les "entités d'intérêt privé" et les "entités d'intérêt public" que l'Europe des sociétés est en train de se reconstruire. La "loi PACTE" et notamment la notion d' "entreprise de mission" pourrait également changer ces lignes de partages, avec des conséquences techniques importantes.

 

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14 mars 2018

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Le droit des sociétés a été profondément touché par les deux phénomènes convergents mais qu'il convient de distinguer, l'analyse financière et la considération du marché financier. Cette première leçon porte sur l'évolution du droit des sociétés par l'analyse financière ; la seconde leçon portera sur la reconstitution du droit des sociétés par la considération du marché financier.

La Loi "PACTE" (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) qui est en train d'élaboration (projet de loi présenté en conseil des Ministres le 18 avrilcristallise l'ensemble d'une évolution. Elle se caractérise à la fois par son pragmatisme, visant à permettre aux petites et moyennes entreprises de se développer, notamment à l'international dans un environnement juridique sûr et à faible coût, et par une ambition politique très forte visant à transformer, voire à révolutionner les mœurs françaises, en associant davantage que les associés à la direction de la société, les "parties prenantes" devenant le cœur de la définition de la société, et ceci quelle que soit la taille et la nature de celle-ci, ce qui aurait des effets pratiques considérables, en bien et en moins bien.

A l'origine, la société est un contrat spécial, visé par le Code civil, par lequel des personnes mettent "en commun" leurs volontés et leurs apports pour tenter l'aventure risquée du commerce et de l'industrie (définition que le "rapport Notat-Senard du 9 mars 2018 semble récuser). L'exercice de cette liberté, associée à cette communauté de risque et de perspective de gains garantissent à eux-seuls l'équilibre du fonctionnement de la personne morale qui est le plus souvent construite sur ce contrat de société. On retrouve encore quelques traces de cette conception "contractualiste" et "patrimoniale" du XIXième siècle, la société restant proche de l'entrepreneur.

Dans sa conception classique, la société par sa construction même, par l'architecture des organes sociétaires et par la prudence intrinsèque de l'associé qui est intime du mandataire social, est autorégulée pour servir l'intérêt des associés, lequel n'est pas opposé à celui de l'entreprise.

L'analyse financière va transformer le regard que l'on va porter sur la société. Tout d'abord dans son rapport avec l'entreprise. L'on va considérer que la société n'est qu'une technique juridique, la personnalité morale étant un outil pour permettre à cette organisation d'accéder au commerce juridique. Du point de vue interne, l'on va faire voler en éclats la conception antérieure de l'unicité des intérêts pour faire apparaître la division structurelle des intérêts. Entre majoritaire et minoritaire. Entre managers et associés. Entre shareholders et stakeholders.

Le droit positif, notamment jurisprudentiel, traduit aussi cette préoccupation, par exemple par la théorie de l'abus de majorité, mais également de l'abus de minorité.

En outre, les textes évoluent, notamment pour favoriser des structures sociétaires plus équilibrées, comme la société à directoire et conseil de surveillance, d'origine allemande, voire pour dissocier le président et le directeur général.

 

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13 mars 2018

Enseignements : Droits sectoriels de la régulation, semestre de printemps 2018

Le droit sectoriel de la régulation bancaire constitue un appareillage régulatoire très spécifique et particulièrement contraignant à la fois de la part des États sur lesquels les opérateurs bancaires continuent de s'appuyer et de la part du système bancaire lui-même. Cette spécificité tient notamment au fait qu'il s'agit d'une régulation qui prend prise directement sur les opérateurs eux-mêmes : les banques. En cela, c'est une régulation préventive des crises systématiques par une discipline publique exercée par les Banques centrales sur des opérateurs dont il est considéré comme adéquat qu'ils "tiennent" le secteur, lequel a vocation à "tenir" l'économie et à l'alimenter, soit l'économie que l'on dit "réelle", soit l'économie financière dont les banques sont les principaux intermédiateurs. C'est donc une Régulation qui prend le plus souvent la forme d'une prise directe sur les opérateurs, c'est-à-dire d'une "Supervision", voire qui s'internalise dans les opérateurs, c'est-à-dire d'un appareillage structurel de "Compliance".

Il convient de voir plus longuement les règles d'intelligibilité, de voir les questions ouvertes, avant de prendre un texte pour s'exercer au commentaire. 

Pour comprendre ce droit sectoriel, il convient donc de partir des techniques de supervision des opérateurs et de mesurer la connexion qui a été opérée entre la Supervision et la Régulation. En outre, une tension très forte existe entre la dimension politique de la Régulation bancaire dans laquelle le Régulateur bancaire appartient à l’État et le fait que l'activité bancaire est mondiale et situe l’État dans le rôle de débiteur. Une même tension est observable entre l'impératif de transparence, liée à la notion de Régulation, et la notion de "secret" qui est ou était inhérente à l'activité bancaire.

Une fois cela fait, apparaissent un certain nombre de questions ouvertes, notamment :

  • Le Droit de la Régulation bancaire doit-il et peut-il dépasser les frontières nationales ?
  • La dimension politique de la Régulation bancaire
  • Juridiquement, une Banque centrale est-elle une banque comme une autre ?
  • Régulation, Droit bancaire, Droit de la concurrence, Droit public, Droit des contrats, Droit pénal
  • Le mouvement : Régulation, Supervision, Compliance est-il propre au secteur bancaire ?

Cela permet dans un troisième temps de faire le commentaire des dispositions du Code monétaire et financière (article L.141-1 s.) qui déterminent les missions de la Banque de France. A cette occasion, se pose la question suivante : la Banque de France est-elle un Régulateur ?

 

 

 

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Consulter les première pistes documentaires sur le droit de la régulation du secteur postal ci-dessus :

13 mars 2018

Blog

Le journal Libération du 13 mars 2018 reprend l'histoire ; le Huffington Post la raconte pareillement

Reprenons-là du côté du Droit.
Cette personne qui a assassiné une femme, a été condamné pour cela à 8 ans de prison,en  a exécuté 4 ans . Aujourd'hui libre, estime que l'on ne peut pas protester contre le fait qu'il fasse une tournée publique. Il l'exprime en des termes notamment juridiques : il estime qu'il a  «payé la dette à laquelle la justice (l’a) condamné», il invoque «le droit à la réinsertion. Le droit d’exercer mon métier».
Voilà son texte, publié sur Facebook :

 


1. La justice ne condamne pas à "payer une dette". C'est une qualification inexacte. La justice pénale n'est pas la justice civile. Si Bertrand Cantat avait été "débiteur d'une dette", alors son créancier l'aurait assigné en justice, devant une juridiction civile et le tribunal l'aurait condamné à exécuter son obligation juridique qui existait préalablement. Condamné civilement, l'exécution qu'il aurait faite de cette obligation civile au bénéfice de son créancier dans un rapport bilatérale aurait éteint le rapport de créance.

Mais il s'agit de la justice pénale et en rien de la justice civile. Il y a un fait, une infraction qui heurte une valeur fondamentale de la vie en société : il ne faut pas tuer les autres personnes. C'est pourquoi le Ministère public, qui représente la société, demande aux tribunaux répressifs de prononcer la culpabilité des auteurs de ces infractions et de prononcer des peines qui sanctionnent ces actes, ces personnes et pas d'autres. Il ne s'agit pas de réparer : la responsabilité pénale est distincte de la responsabilité civile. Elle est gouvernée par les principes constitutionnels majeurs : personnalité des délits et des peines, légalité des délits et des peines, non-rétroactivité, etc. Ainsi, la justice ne condamne en rien à payer une dette, elle condamne une personne qui a commis une infraction ayant atteint une valeur fondamentale de la vie en société. Et de cela une trace est conservée : le casier judiciaire. Ainsi, après l'exécution de la peine, il y a un souvenir de ce qui s'est passé. C'est pourquoi la personne peut continuer à être qualifier de "meurtrier", le "droit à l'oubli" étant un droit subjectif très particulier conféré par des dispositifs législatifs spéciaux en matière numérique!footnote-1128 et n'existant pas de manière générale.

En affirmant que "la justice l'a condamné à payer une dette", c'est une référence implicite à des théories comme quoi il y aurait comme un "contrat" entre l'individu et la justice pénale, l'auteur de l'infraction "achetant" la possibilité de commettre un acte illicite, même un meurtre, au "prix" par exemple d'une privation de liberté (8 ans de prison, ou 4 ans effectivement exécutés), et après c'est fini, se ramènent à une théorie américaine, très libérale, liées à une analyse économique du droit, notamment celle de Gary Becker (qui l'a appliqué à la matière criminelle), où tout s'achète et tout se vend. Par exemple la vie d'un être humain : ici 4 ans de prison. Et une fois que le prix est payé, tout serait dit, plus rien ne pourrait être dit, l'on pourrait acheter un autre acte illicite dès l'instant que l'on "consent" à payer le prix demandé par la société (temps passé en prison, montant d'amende, etc.).

Mais l'on peut ne pas partager cette conception comme quoi tout s'achète, ici dans le cas précis la vie d'une femme contre 4 ans d'enfermement.

Et cette conception n'est pas la base du Droit pénal et de la Procédure pénale français, selon lesquels la justice pénale prononcent des peines et non pas des prix.  Ainsi, en rien la justice n'a "condamné Bertrand Cantat à payer une dette". Cela l'aurait bien arrangé (car cela aurait été bien peu cher), mais juridiquement c'est faux. Non, cela n'est pas comme au bistro, l'ardoise ne s'efface pas, ce n'est pas ainsi que fonctionne la Justice.

 

2. La situation de fait relève ici non pas de "droits" mais des diverses libertés en cause : liberté de se réinsérer, liberté de travailler, liberté de s'exprimer dont sont titulaires également les membres de la société

Il faut distinguer les "droits" et les "libertés".

Bertrand Cantat revendique des "droits" : le "droit à la réinsertion", par exemple, le "droit d'exercer son métier".

Le "droit subjectif" se définit comme une prérogative juridique dont est titulaire une personne, qui est donc "créancière", ce qui suppose qu'existe un sujet passif : un débiteur. Or, il n'existe pas de sujet passif à un tel "droit à", sauf à supposer que l’État soit le sujet passif du "droit à la réinsertion", si l'on transforme toutes les politiques publiques qui visent à réinsérer dans la société les personnes ayant exécuté des peines.  Il s'agit plutôt de liberté et de principe de non-discrimination, c'est-à-dire de "droit d'accès", une personne ayant fait de la prison ne pouvant être privée de la liberté d'agir (la liberté ne supposant aucun débiteur) et ne pouvant pas être privée sans justification d'accès à une activité, notamment professionnelle.

C'est donc sur le terrain des libertés qu'il convient de se placer et non pas sur le terrain des droits subjectifs, car sinon il faut désigner les débiteurs dont Bertrand Cantat serait le créancier!footnote-1127. Ici, c'est le terrain non seulement de la liberté de l'activité professionnelle mais encore de la liberté d'expression, puisque le métier de Bertrand Cantat est de s'exprimer. Et il ne s'agit de le lui interdire. Il s'agit de maintenir la liberté de ceux qui estiment que son comportement est inadmissible. C'est non seulement ce qu'a dit la mère de la victime décédée, mais encore les milliers de personnes qui se sont exprimées pour dire leur indignation. Par les moyens qu'elles choisissent. En se mettant si elles le veulent en rang devant l'entrée des concerts. En montrant les photos de la victime (pour laquelle l'on ne parle pas d'obligation à être oubliée, ce qui serait pourtant la conséquence d'un "droit à l'oubli" qui n'existe pas mais qui est évoqué par Bertrand Cantat)

Et contre cette liberté d'expression dont tous et chacun nous sommes titulaire, Bertrand Cantat ne peut rien, car les personnes qui s'expriment ainsi ne sont en rien ses débiteurs.

 

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11 mars 2018

Base Documentaire : Doctrine

L'émission L'esprit public du 11 mars 2018 a porté notamment sur le mouvement #metoo et l'analyse dans le "contexte" de la Journée internationale des droits des femmes.

La journaliste pose la question de savoir si le mouvement mondial et massif va vraiment changer quelque chose en France, par exemple dans l'administration française.

L'Esprit public ce dimanche avec Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès, Sylvie Kauffmann, journaliste, éditorialiste au Monde, Mathieu Laine, essayiste, directeur de la société de conseil Altermind et Élisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse.

Sylvie Kauffmann dit qu'elle "déteste" la journée des femmes,mais elle reconnait que cette année a été différente parce que les femmes se la sont "appropriée", et ce du fait du mouvement #metoo. Elle reconnait qu'il y aura un avant et un après.

Élisabeth Roudinesco interrogée sur le "retour de bâton", déclenchée par la tribune sur la liberté d’importuner, souligne que cette opposition existe depuis très longtemps aux États-Unis, que la France est plutôt frappée par un mouvement américain qu'elle ne connaissait pas. Elle souligne qu'elle veut s'orienter vers le Droit.

Mathieu Laine affirme que le libéral est nécessairement un féministe, puisque le libéral défend sa liberté. C'est un "féministe pour", et donc "pour" la reconnaissance des droits des femmes, comme le voulaient Olympe de Gouge ou Christine de Pisan. C'est un mouvement de libéralisation qui est un mouvement libéral. Mais la lutte des sexes n'est pas la solution aujourd'hui. Il faut plutôt favoriser des comportements et condamner des comportements (autorégulation) / : Droit et Education, éducation et les filles et les garçons. Faire que le consentement et la volonté, c'est-à-dire faire en sorte que le consentement soit vraiment la traduction d'une volonté libre.

La loi nouvelle en la matière doit favoriser l'autorégulation parce qu'en l'état le droit positif.

Élisabeth Roudinesco estime qu'il ne faut pas de lois supplémentaires, car il ne faut pas interdire tout. Et il faut pas légiférer, sauf s'il y a un abus de pouvoir dans une relation de pouvoir.

Gilles Finchelstein souligne les effets concrets immédiats que sont l'augmentation des dépôts de plainte et l'effet concret à long terme : la révélation de faits que l'on ne savait pas même, notamment le harcèlement de rue (90% des femmes en sont victimes) ou le fait que la moitié des viols se révèle être commise sur des mineurs ce qui conduit à revoir les règles de prescription.

Sylvie Kauffmann  souligne le caractère très "brouillon" du mouvement puisque cela concerne tout .... et c'est pourquoi il est difficile à l'appréhender concrètement ....

Élisabeth Roudinesco dit que parce que les harcèlements de rue sont constants, il ne faut pas légiférer, car sinon cela serait tout le temps ....

 

Puis Emilie Aubry diffuse un extrait d'émissions au cours desquelles Laurence Rossignol souligne que "tout est fait pour qu'on laisse tomber".

Mathieu Laine souligne qu'il n'y a pas de monde parfait, que cela est difficile à réguler, et qu'il faut doser la part de la loi et des comportements bien incités, notamment en matière de politiques salariales dans les entreprises.

En ce qui concerne les quotas par exemple dans les conseils d'administration, comme cela est posé par la loi dans les pays scandinaves, Mathieu Laine estime que l'Etat peut imposer comme mode d’accélération des mœurs, si l'éducation s'avère une méthode trop lente.

Et Gilles Finchelstein reprend en soulignant que "le féminisme est un combat". L'exemple des quotas le montre bien. D'une façon plus générale, cela peut prendre la forme d'une obligation de transparence, d'une obligation de justifier les différences.