Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

En premier lieu, le Droit de la Régulation et de la Compliance est difficile à comprendre notamment parce qu'il souffre d’ambiguïté et de confusion du fait de son vocabulaire d'origine anglophone, dans lequel des mots ou expressions proches ou identiques n'ont pourtant pas la même signification.

A tout seigneur tout honneur, c'est le cas pour le terme de "Régulation".

En langue anglaise, regulation vise le phénomène que la langue française exprime par le terme "Réglementation". Mais elle peut aussi viser l'appareillage complet de ce qui va tenir un secteur atteint une défaillance de marché et dans laquelle la réglementation n'est qu'un outil parmi d'autres. On utilisera alors avec précision l'expression Regulatory System, mais aussi le terme Regulation, l'usage de la majuscule signalant la différence. Il est inévitable que dans une lecture rapide, voire par le jeu du numérique, qui écrase les majuscules, et les traductions automatiques, cette distinction de formulation, tenant à une minuscule/majuscule  disparaisse. Et la confusion naît.

Les conséquences sont considérables. C'est notamment en raison de cette homonymie, que fréquemment en langue française l'on mette au même niveau le Droit de la Régulation et la réglementation. L'on s'appuiera sur une telle association, de nature tautologique, pour affirmer que "par nature" le Droit de la Régulation serait de "droit public", puisque la réglementation a pour auteur des personnes publiques, notamment l’État ou les Autorités administratives indépendantes que sont les Régulateurs. Reste lors la difficile justification de la présence considérable des contrats, des arbitres, etc.  Sauf à critiquer l'idée même de Droit de la Régulation, parce qu'il serait le signe d'une sorte de victoire des intérêts privés, puisque conçus par des instruments de droit privé.

Apparaissent ainsi deux inconvénients majeurs. En premier lieu, cela maintient dans le Droit de la Régulation la summa divisio du Droit public et du Droit privé, qui ne parvient plus à rendre compte de l'évolution du Droit en la matière et conduit des observateurs, notamment des économistes ou des institutions internationales, à affirmer que le Droit de Common Law serait plus adapté aujourd'hui à l'économie mondiale notamment parce que celui-ci fait certes place au Droit administratif, au Droit constitutionnel, etc., mais ne les conçoit pas dans la distinction Droit public/Droit privé, comme continue de le faire le Droit continental de Civil Law.

 

En second lieu, sans doute parce que ce Droit nouveau puise dans des théories économiques et financières qui se construisent principalement au Royaume-Uni et aux États-Unis, l'habitude se prend de ne plus traduire. L'on trouve ainsi dans d'autres langues, dans des textes écrits en français par exemple, des phrases comme "le Régulateur doit être accountable".

Il est inexact que l'idée d'accountability , qui renvoie à une reddition des comptes, soit réductible à l'idée de "responsabilité". Les auteurs ne le traduisent pas, ils ne recopient et l'insèrent dans des textes rédigés en français.

L'on passe de la "traduction-trahison" à l'absence de traduction, c'est-à-dire à la domination du système de pensée dont le mot est originaire.

Un des enjeux actuels majeurs de ce phénomène est dans le terme même de la "Compliance". Le terme francophone de "conformité" ne le traduit pas. Pour respecter ce qu'est la compliance, il convient pour l'instant de le recopier, afin de ne pas le dénaturer. L'enjeu est de trouver un mot francophone qui exprime cette idée nouvelle, notamment au regard des systèmes juridiques qui ne sont pas de Common Law, afin que leur cadre général demeure.

 

 

 

16 juin 2016

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète :  Eeckhoudt, M. (dir.), Les grandes entreprises échappent-elles au droit, Revue Internationale de Droit Économique (RIDE), 2016/2,De Boeck, (introduction, par Marjorie Eeckhoudt, p. 151-163.).

 

Les étudiants de Sciences po peuvent lire l'article via le drive dans le dossier "MAFR - Régulation" les différents articles qui constituent le dossier.

 

L'auteur présente dans l'introduction le dossier consacré à l'articulation entre la compliance et la responsabilité pénale.

Elle y voit l'importation du droit américain dans un "copier-traduire-coller". Elle y voit à la fois la puissance du droit et un moyen pour les grandes entreprises qui multiplient les chartes d'échapper aux droits nationaux.

Elle estime que cela participe des "divers instruments de la régulation", assistant notamment à un retour de la réglementation, par exemple à propos des agences de notation et la règle comply or explain.

Or, "compliance rime avec indépendance" (p.158) et l'agence de notation n'est pas toujours indépendance de son client : c'est pourquoi le conflit d'intérêts est au cœur de la compliance. "compliance rime avec transparence" (p.158).

L'auteur explique le souci d'efficacité guide aussi désormais la responsabilité pénale, à travers la négociation pénale ou l'accueil du lanceur d'alerte. Mais l'efficacité n'est encore la mieux servie en matière de sanction.

 

Dans ce dossier voir aussi :

BONNEAU Thierry, Les conflits d'intérêts dans le règlement Agence de notation du 16 septembre 2009.

KRALL Markus, Gouvernance et conflits d'intérêts dans les agences de notation financière.

GARAPON Antoine et MIGNON Astrid, D'un droit défensif à un droit coopératif : la nécéssaire réforme de notre justice pénale des affaires.

FASTERLING Björn, Criminal compliance - Les risques d'un droit pénal du risque.

GARRETT Brandon L., Le délinquant d'entreprise comme bouc émissaire.

 

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16 avril 2008

Base Documentaire

Référence complète : Terré, F, La confiance dans les mots de la loi, in Bénabou, V.-L. et Chagny, M., La confiance en droit privé des contrats, coll. "thèmes et commentaires", Dalloz, 2008, p.7-10.