Dictionnaire bilingue du Droit de la Régulation et de la Compliance

Facilité essentielle

La théorie des facilités essentielles a été inventée aux États-Unis (essential facilities) par la Cour suprême dans un arrêt de 1911, à partir du seul droit de la concurrence. 

La Cour a posé que le gestionnaire d’un réseau de transport dispose d’un monopole naturel puisqu’aucun autre agent économique ne viendra le dupliquer. Dès lors, de ce seul fait, il est en position dominante et a la puissance d’imposer ses prix à des entreprises qui n’ont pas d’autres solutions que de solliciter auprès de lui l’accès au moyen de transport. La Cour a estimé qu’il y avait abus de position dominante, soit qu’il y ait refus d’accès, soit qu’il y ait prix trop élevé pour cet accès, la sanction n’étant pas alors des dommages et intérêts mais une réparation en nature consistant à obliger le gestionnaire du réseau à ouvrir l’accès de celui-ci à un prix équitable à ses concurrents.

Ainsi la théorie des facilités essentielles, reprise en droit communautaire en 1978 puis en droit français, permit sur le seul fondement du droit de la concurrence et par l’ingéniosité juridictionnelle d’aboutir au même résultat ex post qu’un système de régulation ex ante des industries de réseaux.

Federal Communications Commission (FCC)

La Federal Communications Commission (FCC) est l'autorité de régulation indépendante qui aux États-Unis  régule au niveau fédéral à la fois le contenant et le contenu des télécommunications.

En cela les États-Unis se distinguent de l'Union européenne, espace juridique dans lequel le plus souvent les institutions de régulation du contenant et du contenu sont distinctes (par exemple en France ARCEP / CSA/CNIL) et dans lequel les régulations des communications demeurent substantiellement au niveau des États membres de l'Union. 

Comme les autres régulateurs audiovisuels, elle assure le pluralisme de l'information en limitant la concentration capitalistique - et donc du pouvoir - dans le secteur de la télévision et de la radio. L'on mesure ainsi que le système américain n'est pas dans son principe différent du système européen.

En outre, la FCC se caractérise tout d'abord par une très grande puissance, imposant à la fois des principes substantiels aux opérateurs, comme celui de la "décence", allant au nom de ce principe jusqu'à sanctionner des chaînes de télévision qui avaient laissé montrer une poitrine nue d'une femme. Le contrôle est donc plus substantiel qu'en Europe, ce contrôle venant en balance avec la liberté constitutionnelle d'expression qui est plus puissance aux Etats-Unis qu'en Europe. Il est vrai qu'aujourd'hui les entreprises maîtresses du numérique ont tendance à formuler pour nous ce qui est beau, bien et décent, à la place des autorités publiques.

La FCC a continué de développer les principes majeurs du système de communication publique, comme en 2015 celui de l'Internet ouvert (Open Internet) ou à formuler le principe de "neutralité du numérique", repris par une loi fédéral, ce principe ayant des implications économiques et politiques considérables.

Mais dans le même temps, marque générale d'un droit américain, le juge tempère ce pouvoir, selon le principe de Check and BalanceC'est ainsi que la Cour suprême des États-Unis par l'arrêt FCC v. Pacifica Foundation  en 1978 ce pouvoir de contrôle direct du contenu mais en opère également le contrôle du contrôle.

L'élection en 2016 d'un nouveau président qui est entre autres choses totalement hostile à l'idée même de Régulation est une épreuve au sens probatoire du terme. Il a nommé en janvier 2017 un nouveau président de la FCC, hostile à toute régulation et notamment au principe de neutralité. La question qui se pose est de savoir si techniquement une régulation déjà établie sur ces principes peut résister, comment et combien de temps, à une volonté politique violemment et expressément contraire. Et que feront les juges.

 

Filière

La régulation s’est historiquement construite sur l’idée de secteur, par exemple les télécommunications, l’énergie, le ferroviaire, la banque, l’audiovisuel etc. Cela été lié au fait que les régulations ont été pensées par l'Europe et plus particulièrement la Commission européenne comme des moyens d’établir une concurrence effective dans un processus de libéralisation des secteurs.

Mais, c’était penser d’une façon excessive la régulation par rapport à la concurrence, c'est-à-dire la régulation comme moyen de construire la concurrence. En effet, la régulation peut être aujourd’hui d’une façon première un moyen de prévenir les crises et de gérer les risques, ainsi qu’un moyen de gérer à long terme des biens et services qui ne supportent pas l’instantanéité des marchés, même menés à la maturité concurrentielle.

Or, dans cette seconde perspective, les risques ne sont en rien enfermés dans un secteur. Bien au contraire, ils passent d’un secteur à l’autre. De la même façon, un bien, par l’écoulement du temps, passe d’un secteur à l’autre. Ainsi, vient le temps de nuancer la pensée de la régulation par rapport au secteur et de concevoir la régulation par rapport au mouvement des biens qui ne bougent pas seulement d’une façon plane sur des marchés mais également dans des filières à l’intérieur desquelles ils se développent, ce qui suppose de la planification à long terme (comme en matière énergétique), et dans lesquels ils transportent avec eux les risques, ce que l’enfermement dans un secteur ne permet pas de gérer.

Ainsi, la contamination du risque bancaire a enflammé le secteur financier et le secteur assurantiel d'une façon aussi foudroyante que le fait un risque sanitaire allant du secteur de l'eau à celui de l'alimentation, du médicament, etc., de la même façon que les données passent du secteur de la télévision au secteur du téléphone, au secteur du numérique.

Plus encore, l’agriculture dont on pense encore très mal la régulation, sauf un ancien rapport sur la « filière bois », montre que le bien passe du secteur purement agricole au secteur de la vente alimentaire ou de la production pharmaceutique, eux-mêmes régulés sans connexion. Les organisations agricoles se sont spontanément coordonnées pour intégrer cette réalité des filières.

Si l’on intégrait mieux cette réalité des filières, laquelle correspond à la façon dont se propagent les risques, enjeu majeur de la régulation, dimension qui n’a rien à voir avec la concurrence, il faudrait déconnecter la régulation de son lien strict avec la notion de secteur, ou à tout le moins, mieux organiser l’interrégulation.

 

Fond Monétaire International (F.M.I.)

Le Fond Monétaire International (FMI), crée en 1945, a pour fonction historique d’intervenir pour aider les États en cas de crise financière grave. Par la technique de conditionnalité des prêts, le FMI a dépassé ce rôle de prêteur pour devenir une sorte de tuteur et imposer des réformes structurelles, notamment de libéralisation des économies dont les gouvernements lui demandaient une aide financière.

La crise financière de 2008 lui a donné une nouvelle importance car le Fonds apparait aujourd’hui comme le seul organe apte à intervenir en cas de crise financière et économique systémique mondiale, puisqu’il est le seul organe mondial. En cela il aurait vocation à être le nouveau et pour le moment seul régulateur économique et financier mondial. Reste à ce qu’il en ait les moyens financiers et à ce que les États acceptent cette dépossession de souveraineté.