En droit classique, l’efficacité est une qualité mais elle n’est pas la seule et elle ne résume pas le droit. En effet, si l’on définit l’efficacité comme la qualité d’une personne ou d’une chose, matérielle ou immatérielle (d’une règle de droit, d’une loi ou d’un jugement, par exemple) à produire l’effet que l’on recherche, alors il faut mieux que le Droit soit efficace plutôt qu’il ne le soit pas. Au-delà de ce truisme, le Droit étant un art pratique est particulièrement sensible à cette qualité.
Mais le Droit ne se réduit pas à cela. Il exprime des valeurs, des vertus, des symboles, des règles sociales. Il institue les êtres humains comme des personnes. Il a souci de les concrétiser efficacement mais d’une part il met en balance cette préoccupation avec d’autres et d’autre part il a pour but l’expression même de ce qu’il pose, par exemple l’attribution de prérogatives, de droits subjectifs au bénéfice de telle ou telle personne, au besoin d’une façon coûteuse et inefficace (par exemple des droits sociaux ou des garanties de procédures).
Or, les théories de la régulation, dont le sous-jacent puise souvent dans l’analyse économique du droit, considèrent bien plutôt le droit comme un « outil », un instrument qui doit être le plus flexible, le plus simple et le plus sûr possible pour atteindre un but que la théorie économique dessine : par exemple construire effectivement la concurrence ou prévenir les crises bancaires.
Le souci du but devient premier, il devient le centre : l’efficacité devient le centre le Droit, tandis que celui-ci devient téléologique. Le droit est réduit à être un instrument. Cette conception instrumentale, qui peut être soutenue mais qui ne correspond pas à la conception classique du Droit parce qu’elle brise son autonomie conceptuelle, imprègne le droit de la régulation, notamment parce que celui-ci a été pensé par des économistes davantage que par des juristes.
La transformation est particulièrement forte en matière de répression. Classiquement, le système juridique a constitué le droit pénal en branche autonome. Le droit de la régulation tend aujourd’hui à utiliser pour accroître l’efficacité de la règle ordinaire de régulation, qu’elle soit elle-même de droit des sociétés (gouvernance), de droit civil ou de droit public. En cela, la sanction répressive n’a pour but que de rendre efficace une règle qui lui est extérieure. Ce souci premier d’efficacité fait disparaître les garanties et accroît la répression, placée désormais au cœur des systèmes de régulation, lesquels pour être efficaces cessent d’être nationaux, alors que le droit pénal était synonyme de l’Etat et du régalien.
Presque toutes les énergies sont des produits dont le circuit économique est régulé, d’une façon plus ou moins homogène. Ainsi, le gaz et l’électricité sont souvent régulés par les mêmes autorités, comme en France, régulation confiée à une autorité qui en 2000 fut d’abord la Commission de régulation de l’électricité pour devenir la Commission de régulation de l’énergie (CRE), étendant sa compétence au gaz. Les énergies renouvelables, par exemple l’énergie photovoltaïque (panneaux solaires), ou l’énergie par le vent (éoliennes) ou l’énergie par l’eau (barrages) font davantage l’objet de plans étatiques entre les mains de l’administration traditionnelle. Quant au pétrole, il n’est actuellement régulé que par le biais d’une entente entre pays arabes producteurs, l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole), qui lisse avec les effets pervers que l'on sait en partie les mouvements du marché.
L’énergie est un secteur régulé car tout à la fois il est constitué de ressources rares (sauf l’hypothèse de l’énergie renouvelable, pour cela actuellement privilégiée et élevée au rang de politique européenne) alors même que l’énergie est le support de tous les marchés de biens et services puisqu'il ne peut y avoir d’activité économique sans un système énergétique efficace et fiable sur le long terme.
L’activité énergétique se décompose en quatre moments de la chaîne de valeur : la production (en général, libre), le transport (en général monopolistique parce que constituant un monopole économiquement naturel), la distribution, et les opérations d’achats et de ventes. Les entreprises qui peuvent détenir une position dominante sur l’ensemble de la chaîne ont la puissance de fixer les prix et ce souvenir des maîtres de forge a conduit l’État français après la seconde guerre mondiale à nationaliser la chaîne au sein d’une entreprise publique concernant l’électricité (EDF) et le gaz (GDF, devenue aujourd'hui ENGIE après sa concentration avec Suez), ne laissant libre que la production d’électricité. Ce système d’intégration verticale, étroitement lié à l’idée de service public a permis au "champion national" tout à la fois de fournir de l’électricité à bas prix pour les consommateurs et de disposer de l’argent nécessaire pour assurer la construction de centrales nucléaires. Mais il est vrai que, comme tout monopole, l’entreprise et son propriétaire étatique ont constitué, au détriment du contribuable, des rentes. Au nom de la théorie du marché qui rabote les rentes, le droit communautaire a successivement libéralisé les systèmes d’électricité et du gaz, qui sont passés d’un système monopolistique à un système régulé, mais dont l’organisation est similaire. En effet, dans les deux cas, la chaîne de valeur précitée a été segmentée et chaque segment ouvert à la concurrence. La production est ouverte et le poids des opérateurs historiques demeure considérable, notamment celui d’EDF même si la financiarisation de l’énergie la modère, notamment par le trading d’électricité, admis par le Régulateur. En matière de gaz, la concurrence est de fait plus active, par exemple entre Total et Engie ou leurs concurrents internationaux, le marché étant global puisque le gaz peut se stocker, au contraire de l’électricité.
En ce qui concerne le transport, activité qui repose sur la maîtrise d'une infrastructure essentielle, le droit communautaire tolère encore que les sociétés qui en sont gestionnaires demeurent la propriété des opérateurs historiques dont elles sont les filiales, dès l’instant qu’il y a bien une séparation comptable entre ses producteurs et ses gestionnaires, consolidée par une distinction de personnalité morale. Le gestionnaire de réseau est un opérateur crucial, puisque toute l’énergie est une industrie de réseau. Il a donc de multiples obligations de service public, notamment de satisfaire le droit d’accès des acheteurs et des vendeurs d’énergie. Il est fréquent que des litiges adviennent entre ceux-ci et le gestionnaire de réseau, litiges qui sont alors portés devant le régulateur, la CRE tranchant le différent, sa décision pouvant être attaquée devant la Cour d’appel de Paris. L’activité de distribution est en matière énergétique étroitement liée à l’activité de transport, et on ne trouve pas en la matière, à propos de l’accès au compteur, les mêmes difficultés que l’on trouve à propos de l’accès à la boucle locale en télécommunication.
En outre, les actes de ventes et d’achats en matière énergétique ne relèvent pas d’une logique concurrentielle puisqu’en France c’est encore le Gouvernement qui fixe le prix de vente de l’électricité et du gaz, alors que le pétrole est laissé au prix résultant d'une entente entre producteurs dominants du marché. La France a connu la saga de la possibilité pour les consommateurs de quitter le système du prix règlementé pour adopter le prix libre, le Parlement par la loi du 10 Juillet 2008 ayant choisi de quitter les prix libres pour revenir aux prix règlementés s’ils s’avèrent plus favorable au consommateur.
On voit donc que la régulation énergétique a pour finalité l’ouverture à la concurrence mais également la gestion optimale de ces ressources rares, rares alors même qu’elles sont indispensables. C’est pourquoi la question du nucléaire y est centrale, pour les pays qui en ont fait le choix et continuent à le faire. La question de la transition énergétique est aujourd'hui une question majeure majeure du Droit de la régulation énergétique, dont le socle est désormais la Loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte. On voit ici à quel point régulation, politique industrielle et innovation sur le long terme sont liées.
Enfin, l’énergie suscite une activité tout à la fois à très long terme et à très haut risque. C’est pourquoi elle ne supporte pas le simple mécanisme du marché concurrentiel. Il faut penser ce secteur à l’instar du secteur bancaire car il se caractérise par des risques systémiques, le système ne pouvant pas s’autoriser par exemple une explosion nucléaire.La crise énergétique californienne équivaut à une crise financière. L’énergie requiert des planifications décennales et des investissements considérables. Les États sont requis.
Une entreprise publique s'est longtemps caractérisée par le fait qu’une personne publique, par exemple l’État ou une collectivité publique locale, détient la majorité de son capital, ce qui est avant un critère juridique formel. Le droit de l'Union européenne, plus concret, l’a appréhendée plus directement. purement et simplement comme une entreprise, c'est-à-dire organisation ayant une activité économique sur un marché, indifféremment de la nature privée ou publique du capital de la société, instrument juridique par lequel l’entreprise entre dans le commerce juridique, est sous "l'influence déterminante" d'une personne publique, non seulement d'une façon active (alliance au sein des organes ou par des contrats) mais encore passive (garanties, etc.).
Le Droit de la concurrence analysant les personnes par leurs activités, l'on pourrait dire qu'il a « mis au pas » les entreprises publiques en méconnaissant la nature particulière de cet actionnaire public (la figure de "l’État-actionnaire) puisqu’il veut n’y voir qu’un actionnaire ordinaire, là où le sujet de droit public s’identifie comme défendant l’intérêt général. Cette banalisation n'est pas définitive : par la nationalisation des banques comme remède à la crise financière en Grande Bretagne ou aux États-Unis, l’État revendique de nouveau qu’une entreprise publique n’a pas la même fin qu’une entreprise privée, car la première, comme son actionnaire, poursuit l’intérêt général à travers sa mission intrinsèque de service public, tandis que l’entreprise privée, à travers son actionnaire ordinaire, poursuit la maximisation des profits, fin en miroir avec celle poursuivie par l'attente de dividendes par l'actionnaire ordinaire.
Il y a là une rupture idéologique fondamentale entre la Régulation exercée par les entreprises elles-mêmes, en tant qu'elles sont publiques (et supervisées par la tutelle de l’État), et la Régulation exercée par un régulateur sur l’ensemble des entreprises dans l’indifférence imposée de leur actionnariat.
Cette différence continue d'être comme une plaie entre les différents modèles de Régulation et plus généralement entre les conceptions de relations et modalités de relation entre l'Etat et l'économie de marché.
L’environnement exprime le souci que l’homme a désormais de la nature, soit en elle-même, soit parce qu'en la détruisant il se détruit lui-même. Les intérêts sont donc croisés et cumulés : la nature est protégée en elle-même, pour lui et pour les générations à venir.
Est née une branche du droit, le "Droit de l’environnement", dont on ne saurait dire s'il appartient au droit public ou au droit privé. Il fut jusqu’à il y a peu conçu comme une police administrative, à base de déclarations, d’autorisations, de classements des exploitations génératrices de pollution, et d’organisation du traitement des déchets. Nous sommes en train de basculer dans la régulation environnementale, comme le montre les nouveaux textes du Droit communautaire, conçus par la Commission européenne qui lient régulation de l’énergie et régulation de l’environnement.
Il s’agit en effet sur le long terme de planifier et d’organiser un environnement sain, et cela grâce à des énergies renouvelables, non plus tant à base de contraintes ou d’interventions ponctuelles mais bien plutôt à partir d’incitations et de mécanismes de marché tel que celui des quotas de CO2 (attribution des quotas aux entreprises par l’État puis émergence des prix par rencontre de l’offre et de la demande grâce au marché), cette construction d’équilibres à long terme sur et à partir du marché étant le signe de la régulation.
Le "souci environnemental" s'est également noué avec la régulation financière, de deux façons. En première lieu, les techniques financières sont un moyen d'élaborer des outils pour l'environnement, comme le sont les marchés de CO2, mais encore les obligations spécifiques de ce qui serait une compliance environnementale pour les sociétés cotées, ce qui engendre pour les Régulateurs financiers des missions nouvelles. En second lieu, les enjeux environnementaux sont eux-mêmes financiarisés, comme s'ils identifient de nouveaux risques et révèlent des nouvelles incertitudes : à ce titre les Régulateurs bancaires et financiers les apprécient.
Dans un système autorégulé (comme l'est un marché gouverné par la libre concurrence), l’équilibre s’opère spontanément par la rencontre de l’ensemble de l’offre avec l’ensemble de la demande, dès l’instant que l’information est donnée sur les prix. L’accroc que constitue une pratique anticoncurrentielle, entente ou abus de position dominante, qui empêche l’émergence du prix d’équilibre, est réparé d’une façon ponctuelle et ex post par l‘Autorité de concurrence.
Mais la Régulation intervient en cas de défaillance de marché : la Régulation a alors pour fonction première de construire des équilibres qui ne s'établissent et ne maintiennent pas spontanément. Il s’agira par exemple d’un équilibre entre une concurrence entre les banques d'une part et la prévention et la gestion du risque systémique d'une part, ce qui qui suppose une certaine coordination entre les banques, coordination proche de l'entente.
De la même façon, le Régulateur devra construire un équilibre entre le principe de concurrence, avec des prix exacts qui peuvent donc être élevés, et des tarifications sociales pour les populations en difficulté devant néanmoins accéder que le Politique aura posé comme étant un "bien commun", comme certains médicaments, voire l'électricité.
Ces équilibres instables doivent être tenus à long terme. C’est pourquoi le Régulateur, contrairement à l’Autorité de concurrence, n’intervient pas ponctuellement mais est présent en permanence, en quelque sorte intériorisé dans le secteur qu’il surveille et contrôle en permanence. Ces équilibres à long terme justifient les recours à des plans pluriannuels, notamment par des contrats par exemple en matière postale ou à propos des aéroports (contrat de régulation), le contrat permettant de stabiliser l’appréhension du futur.
L’Europe est un projet politique.
Ce projet a été conçu à la sortie de la seconde guerre mondiale dans le but que n’advienne plus jamais de guerre entre les pays européens. Pour cela Jean Monnet eut l’idée de construire comme première marche un marché économique, la seconde marche devant être un gouvernement politique. Cette seconde étape reste encore aujourd’hui à établir, la Constitution européenne ayant échoué.
L’Europe est donc au milieu du gué puisque le droit communautaire a construit les 3 libertés de circulation et le droit de la concurrence, mais nous n’avons pas de politique économique ni de gouvernance des marchés. C’est ainsi qu’il n’existe pour aucun des secteurs régulés de régulateur européen, alors même que beaucoup affirment par exemple la nécessité d’un régulateur bancaire et financier européen. La crise financière que les États-Unis ont exporté en Europe a engendré le bénéfice secondaire de jeter les bases de l'Union bancaire et une coordination européennes des marchés financiers est en train de se mettre en place.
Mais historiquement, l’Europe a exercé sa puissance et son poids sur les États membres par son seul droit de la concurrence et le principe de libertés de circulation et d'installation sans y associer ou y substituer une régulation européenne, ni que les États membres puissent y opposer efficacement leur système traditionnel de régulation centralisée, se traduisant par exemple par le mécanisme de tutelle étatique sur des entreprises monopolistiques publiques.
Plus encore, dans un mouvement perçu tout d'abord comme une grande agression mais plus conforme à la perspective de construction d'une "Europe de la Régulation", à travers les directives de libéralisation, tout d'abord concernant les télécommunications, puis l'électricité, puis le gaz, dans l’énergie ou les télécommunications, l’Europe a imposé aux États les lignes directrices des nouveaux systèmes de régulation, qui demeurent nationaux. C’est spontanément que les Régulateurs nationaux se sont dans chacun des secteurs mis en réseaux pour s’échanger des informations, pour accroître leur efficacité. Il demeure que tant que l’Europe ne parviendra pas à établir un gouvernement économique, parce qu’il n’existera pas une Europe politique, il sera difficile de soutenir qu’il existe une Europe de la régulation, dans la mesure où la régulation est un triangle entre l’économie, le droit et la politique, et que cette dernière pointe manque le plus souvent au niveau européen, par exemple dans les choix technologiques à opérer dans les secteurs.
Le mouvement a été historiquement très différemment en finance. Il n'est pas venu de l'Europe, mais des États-Unis et n'a pas pris une forme contraignante. Les pays, notamment la France, voulut obtenir la confiance d'investisseurs étrangers, ont décidé à la fin des années 1960, d'opter pour le modèles de régulateurs indépendants : la COB a été conçue sur le modèle américain de la SEC.
Ce n'est qu'en contrecoup de la crise financière, elle-même d'origine bancaire, que l'Europe est apparue dans ces secteurs. L'Europe est en devenir. Elle se présente en prenant pour socle la Banque Centrale Européenne (BCE). Cette évolution peut produire un rééquilibre des institutions et des matières, la BCE venant en équilibre de la Commission Européenne, laquelle restant centrée sur le Droit de la concurrence.
Mais il y a "deux Europes". La première, décrite ci-dessus" est économique, ou d'économie politique. La seconde est l'Europe des droits de l'Homme, construite par l'effet de la même catastrophe constituée par la seconde guerre mondiale sur la Convention européenne des droits de l'Homme (CEDH). Elles s'articulent étroitement, mais parfois avec difficulté, dans le Droit de la Régulation.
L’Ex Ante, expression usuelle dans les théories économiques, correspond à l’expression plus traditionnelle en Droit d’a priori, et désigne l’appréhension d’une situation avant que celle-ci ne se constitue. Par exemple, une loi ou une règlementation est un acte ex ante, qui régira les situations postérieures à l’adoption du texte, ou de la décision, ou du règlement général d’une autorité. Il n'y a pas de rétroactivité. A l’inverse, l’ex post, expression usuelle en économie et qui correspond en Droit à l’a posteriori, désigne une réaction d’un organisme face à une situation ou à un comportement constatés. Ainsi toutes les décisions individuelles de sanctions, ou tous les règlements de litiges ou de médiation relèvent de l’ex post. Par exemple, les actes juridictionnels relèvent de l’ex post.
On reconnaît usuellement le droit de la concurrence en ce qu’il se développe dans l’ex post, puisque le marché est établi et que l’autorité de concurrence réagit en cas de pratique anticoncurrentielle, susceptible d’être sanctionnée, donc en ex post. A l’inverse, parce qu’il s’agit de construire la concurrence ou de maintenir en permanence des équilibres non naturels dans des secteurs, la régulation utilise des outils que l’on pourrait dire « sur page blanche », essentiellement des règlementations, c'est-à-dire de l’ex ante. Cela explique que le terme anglais regulation désigne simplement la règlementation, qui n’est certes qu’un outil de la régulation (qui doit se traduire correctement par regulatory system) mais qui exprime parfaitement l’ex ante qui distingue la régulation par rapport à la concurrence.
Cette opposition est fondamentale car non seulement elle éclaire la distinction entre concurrence et régulation, mais encore elle dicte la répartition et l’ampleur des pouvoirs. En effet, pour simplement réagir ex post, il suffit de disposer d’un pouvoir de sanction, d’un pouvoir de punir, d’ordonner des réparations, de trancher des différents. L’intervention ex ante exige des pouvoirs beaucoup plus considérables puisque l’autorité de régulation dicte des comportements pour construire des marchés et des secteurs. Cette ampleur des pouvoirs liés à l’ex ante explique que le titre de régulateur soit envié, et que même les autorités de concurrence se présentent parfois comme des régulateurs de la concurrence, comme s’ils la construisaient au-delà de la défendre, notamment par l’adoption de mesures conservatoires. La confusion est souvent faite voire entretenue par l’oxymore de régulation concurrentielle, ce qui en France conduisit la loi du 4 aout 2008 de modernisation de l’économie (LME) à confier à l’autorité de la concurrence le contrôle des concentrations, alors qu’il s’agit d’un pouvoir ex ante. Cela a été accru en France par la loi du 6 août 2015 qui a conféré à l'Autorité de la concurrence un pouvoir d'injonction structurelle, tendant à transformer celle-ci en autorité de régulation horizontale, alors que la compétence de celle-ci n'est pas limitée à un secteur et qu'elle n'est pas en charge d'en construire.
Cela montre la fragilité de la distinction entre l’ex ante et l’ex post . En effet, il peut être critiquable que les autorités de concurrence cherchent à s'approprier des pouvoirs ex ante pour les exercer sur l'ensemble des marchés, alors même que ceux-ci ne justifient pas l'emprise d'une régulation, mais il est vrai qu'il exerce un continuum entre l'ex ante et l'ex post. Ce continuum s'exerce dans les deux sens. Dans le sens de l'ex ante vers l'ex post, c'est le Régulateur lui-même qui, après avoir pris les normes en ex ante, en assure lui-même l'effectivité par la surveillance permanente et la sanction des manquements aux règles.
Plus encore, dans le sens de l'ex post vers l'ex ante, du fait que, comme le montre la théorie des jeux et particulièrement sur les marchés bancaires et financiers, les agents sont anticipateurs, une décision de sanction ou de règlement des différents est interprétée comme un signal, par exemple de sévérité ou d’avertissement, de tendance, une sorte d’acte de doctrine de l’autorité, que les opérateurs ont intégré dans leurs comportements futurs. Ainsi, l’acte ex post devient de l’ex ante cognitif.