Les fiches récentes

23 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit constitutionnel fût longtemps considéré, et l'est encore parfois, comme une branche du droit public. Aujourd'hui, il est au coeur du système juridique et irradie celui-ci, reflétant par ailleurs la substance du droit international. Dès lors, la Constitution n'est plus tant "en haut" du système juridique, conception formelle du droit, qu'en son "coeur", dans une conception plus substantielle.

Dès lors que la Constitution prend de l'importance, son gardien devient puissant. Plus les contours de la Constitution s'étendent et plus le gardien de la Constitution a de la matière pour exprimer la norme constitutionnelle, qui pose l'équilibre des pouvoirs, les modes d'exercice des pouvoirs et les libertés et droits fondamentaux. Or, le bloc de constitutionnalité n'a cessé d'accroître sa dimension, à travers le préambule de la Constitution de 1958, la Déclaration de 1789 et les Principes Fondamentaux des Lois de la République.

Ainsi, le Conseil constitutionnel, gardien exclusif de la Constitution, a évolué dans son emprise sur la Constitution, notamment par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui superposa un contrôle a posteriori  au contrôle a priori , à travers la Question prioritaire de constitutionnalité (Q.P.C.). En revanche, sa composition n'a pas changé, pas plus que sa façon de rédiger les décisions, ce qui peut poser problème, si l'on finissait par voir dans le Conseil une sorte de "cour suprême".

En outre, au fil du temps, le Conseil constitutionnel a élaboré un corpus de règles et principes constitutionnels. Il a élaboré des principes constitutionnels fondamentaux, qui sont souvent le reflet de principes élaborés par le Conseil d'État, comme le principe d'égalité ou le principe d'impartialité. Il développe de plus en plus des libertés et droits à portée générale, comme le droit de propriété ou la liberté contractuelle.

En cela, le droit constitutionnel participe au mouvement général de subjectivisation du système juridique français, le rapprochant du droit anglo-saxon. En outre, l'État devient de plus en plus un justiciable. Certains y voit dès lors un "gouvernement des juges".

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21 septembre 2014

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Spontanément, on répond "oui".

Car quand on regarde sa bibliothèque de droit, composée en grande partie de livres à couverture rouge et de livres à couverture bleue, ceux que l'on manie quand on est étudiant, ce qui forme notre esprit. Or, le Droit constitutionnel est un livre à couverture bleue (collection "Droit public" de Dalloz). Alors, n'allons pas chercher plus loin : le droit constitutionnel appartient au droit public.

Nous avons un autre indice, tout aussi solide. L'Université se compose de professeurs de droit public et de professeur de droit privé. A l'agrégation de droit public, le droit constitutionnel est au programme. A l'agrégation de droit privé et de sciences criminelles, il ne l'est pas.

Ainsi, pourquoi même poser la question ?

C'est pour ne pas l'avoir posée que le droit français, aveugle sur lui-même, est malhabile à percevoir et à manier le fait que le droit constitutionnel dépasse aujourd'hui très largement le droit public. Parce qu'il a aussi pour objet, peut-être pour coeur, les droits fondamentaux. Par exemple en matière de procédure, notamment de procédure pénale.

Mais celle-ci relève de l'agrégation de droit privé. Pourquoi l'on croyait que le droit constitutionnel était inséré dans le droit public, dont il constituerait une branche.

Ciel ! Faudrait-il recommencer nos études ?

16 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit n'est pas une technique neutre. Sa valeur tient dans ce qu'il n'est pas disponible à la force, quelle que forme que prenne cette forme, physique, politique ou économique. Mais la première valeur du droit est d'affirmer sa neutralité par rapport à des valeurs qu'il considère comme du cercle des individus, comme l'est aujourd'hui la religion. Ainsi, à la fois l'Etat est laïc, mais il protège dans le même les libertés religieuses.

Dans le même esprit, le droit tout à la fois ne s'immisce pas dans les choix individuels et n'impose pas des convictions aux individus, tandis qu'il assure l'effectivité de la vie privée ou la liberté d'expression, les libertés étant premières par rapport aux droits fondamentaux, mais à un moment cette valeur de neutralité et de tolérance s'arrête devant l'ordre public.

Pourtant, le droit est imprégné de valeurs. Tout d'abord, intrinsèquement, le droit a de la "valeur", non seulement économiquement parlant s'il est "performant", mais également parce qu'il est construit sur des valeurs qui lui sont propres, comme les droits de la défense, le droit au juge, ou d'une façon tautologique, le "droit au droit". Il est aussi perméable à des valeurs extrinsèques, comme des valeurs morales, des valeurs sociales, des valeurs économiques.

L'évolution de notre société fait que l'on semble prôner le relativisme des premières, la considération des deuxièmes et la suprématie des troisièmes.

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- Un algorithme peut-il être "loyal" ?

15 septembre 2014

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Le statut de l'animal en droit est désormais une question ouverte.

Revenons à la base. Le système juridique est construit sur un système binaire, qui classe les réalités du monde dans deux catégories possibles : soit les personnes, soit les choses. On ne peut être les deux à la fois, on ne peut prétendre être ni l'un ni l'autre, on ne peut être autre chose.

Dès lors, l'animal est pour l'instant une chose.

Or, une chose se définit en droit comme ce dont la personne dispose de "la façon la plus absolue" (article 544 du Code civil) : la chose est à la disposition de la personne ; la personne est ce qui est maître des choses.

Aujourd'hui, cela ne convient plus pour l'animal, chacun le perçoit, et le droit doit évoluer. Mais comment ? Par quelle source du droit ? Et faut-il pour cela remettre en cause la catégorisation binaire chose/personne ? Il faut aussi être prudent avant d'être si vite à cette conclusion.

La question particulière de la corrida est exemplaire. Beaucoup s'insurgent contre ce qui leur paraît un traitement cruel et inutile, une souffrance atroce faite à l'animal, mis lentement à mort au nom d'une beauté dionysiaque d'un spectacle enivrant et séculaire ... Si ce courant d'opinion l'emporte, qui devrait exprimer en droit la dénégation de la corrida ?

Il est bien possible que ce soit la Législation européenne qui le décide dans le courant septembre 2014 par la modification proposée des textes. Certains y verront un progrès d'une Europe soucieuse du droit des "êtres sensibles". D'autres y contesteront la légitimité d'une Union européenne méconnaissant des "traditions locales" auxquelles s'était référé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 septembre 2012, Association Comité radicalement anti-corrida Europe et autre, pour rejeter une Q.P.C. à ce propos.

C'est une question à suivre.

12 septembre 2014

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La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes  est sans doute ce que l'on peut faire de pire en matière de ce que l'on n'ose plus désigner comme "l'art de faire les lois".

C'est une loi dans laquelle le Législateur a glissé au passage des dispositions qu'il ne savait pas où mettre ailleurs, par exemple des dispositions sur l'enseignement supérieur. C'est une "loi-valise". Il l'a fait même par amendements en cours de navette et a été sanctionné pour cela par le Conseil constitutionnel.

C'est également une "loi-fleuve". De très nombreux articles, qui partent dans tous les sens, dans une langue très compliquée et hachée car les textes modifiés par la loi nouvelle ne sont pas reproduits. Ainsi, celui qui voudrait comprendre l'état du droit qui résulte de la loi devrait reconstituer lui-même les textes de plus de 35 textes législatifs modifiés.

C'est en effet une loi qui modifie de multiples codes et de multiples lois, en rajoutant des bribes de phrases à des fins d'alinéas dans des milieux d'articles. On y mêle la numérotation à la française et à l'américaine. On y segmente les codes. Ainsi, des dispositions importantes passent inaperçues, mêlées à d'autres, insignifiantes.

Le Législateur utilise le droit comme un simple outil au service d'une fin. Ainsi, la loi tient tout entier dans son but :  la "concrétisation" de l'égalité "en vrai" entre les hommes et les femmes. C'est pourquoi de très nombreuses dispositions sont expérimentales et donnent lieu à des techniques d'évaluation. Reprenant la présentation que Marx fait du droit, le Législateur veut un droit non plus "formel" mais "réel" et prend ce dessein comme objet même de son pouvoir normatif. C'est confondre Loi et politique publique.

Le Législateur laisse de ce fait son exposé des motifs déborder dans le texte même de la loi. Ainsi et par exemple, la lutte contre les "stéréotypes" devient une disposition normative, répétée plusieurs fois. Le Législateur se croit donc tout-puissant, puisqu'il veut vaincre les stéréotypes, atteindre l'égalité "réelle".

le Législateur de 2014 aurait-il tout oublié du discours de Portalis ou de l'Essai sur les lois de Carbonnier ? Le législateur devrait avant tout savoir bien manier la langue française et doit savoir rester modeste. Mais il est vrai que ce Législateur qui écrit cette loi du 4 août 2014 semble peu connaître le Code civil, lui qui y raye le "bon père de famille", parce qu'il croit l'expression "sexiste" et la remplace par un adverbe ("raisonnablement"), ce qui aurait bien chagriné Stendhal qui voyait dans le Code civil l'apogée de l'art de bien manier la langue française. 

11 septembre 2014

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La Cour européennes des droits de l'Homme a condamné la France par deux arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassées c/ France. Certains en ont immédiatement déduit que la France devait transcrire sur l'état civil une filiation entre l'enfant issu d'un contrat de maternité pour autrui (que beaucoup appellent G.P.A.) et les personnes qui l'ont commandité (qui se désignent eux-mêmes comme "parents d'intention" et que d'autres appellent "acheteurs de bébé").

Pour l'instant, l'Etat français n'a pas fait appel.

Mais a-t-on prêté attention à l'arrêt rendu moins de 15 jours plus tard, à propos de l'Etat belge ?

Dans l'arrêt du 8 juillet 2014, D. et autres c/ Belgique, la Cour semble prendre le contrepied de ce qu'elle a elle-même dit. Il faut dire que cela n'est pas la même section qui a rendu la décision. Mais ici, la décision est définitive.

L'arrêt, qui ici rejette la requête formée contre l'Etat belge par le couple ayant commandé le bébé à une jeune ukrainienne, est au contraire extrêmement sévère pour les commanditaires et pour l'enfant !

Comment comprendre cela ?

Alors que les arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassée c/ France, rendus une autre section de la même Cour ont condamné l'Etat français en donnant satisfaction au couple qui avait commandé le bébé à une jeune californienne ...

Une Cour schizophrène ?

9 septembre 2014

Enseignements : Grandes Questions du Droit, Semestre d'Automne 2014

Le droit est à la fois une technique, avec ses règles propres, et un système de valeurs qui sont formulées à travers le Droit. En cela, le droit ne peut pas ne pas être "dogmatique". A la fois, c'est ce qui le rend grand mais c'est aussi ce qui le rend contestable et fragile. Ainsi, le droit français est construit sur la distinction du droit public et du droit privé, laquelle est présentée comme "naturelle", alors qu'elle est peu présente dans d'autres systèmes juridiques. Elle correspond en réalité à une conception française de l'État. La remise en cause dogmatique de celui-ci entraîne des bouleversements techniques dans le droit, comme la création des Autorités Administratives Indépendantes ou la soumission des personnes publiques au droit commun. On cherche à dépasser la distinction, par l'Europe ou les droits fondamentaux, dans ce qui serait une nouvelle unité, substantielle, du système juridique. L'autre dogmatisme juridique très puissant à l'oeuvre aujourd'hui est l'affirmation de l'absence de valeurs dans le droit, technique simplement "posée", le droit réduit à sa technicité : le "droit positif". Ce positivisme a des conséquences considérables. Centrant toute l'attention sur la loi écrite, il détourne l'intérêt des pratiques d'application ou d'inapplication du droit. Le positivisme affirme une hiérarchie du droit sur le fait, ce qui conduit à insérer du droit partout, à une "passion du droit" et une indifférence par rapport aux faits. En outre, d'un point de vue moins sociologique et plus institutionnel, le positivisme identifie le droit et la loi, dans l'indifférence de la Constitution d'une part et du juge d'autre part. Cela ne correspond pas à la réalité. Pourtant, le positivisme ne recule guère. Quant à affirmer qu'un droit "naturel" existerait, les positivistes s'esclaffent...

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9 septembre 2014

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Le jeune juge d'instruction Lambert donna un retentissement à ce que l'on appela "l'affaire Grégory", qui s'est déroulée en 1984. Il sort aujourd'hui un livre pour s'expliquer sur cette affaire, dans laquelle il fit incarcéré un proche, que chacun crût coupable de l'assassinat atroce du jeune enfant Grégory. Le père de celui-ci attendit donc l'homme soupçonné à sa sortie de détention provisoire pour l'abattre d'un coup de fusil.

Puis, les soupçons se tournèrent vers la mère même de l'enfant. Qui ne cessait de mentir, de se contredire.

Aujourd'hui, le juge essaye d'expliquer ce qu''il présente comme un "erreur judiciaire". Les intéressés ont protesté contre l'ouvrage qu'ils considèrent comme une "infamie".

Mais n'est-ce pas plutôt un "mystère judiciaire" ?

Car nul ne sait jamais qui était l'assassin.

Ce que l'on garde en mémoire, c'est l'article très controversé, enflammé et littéraire de Marguerite Duras, à la gloire de la mère, alors soupçonnée d'avoir tué son propre enfant : "Sublime, forcément sublime!".

Du droit à la littérature, il n'y a qu'un pas.