6 septembre 2022

Auditions Publiques

đŸ–„ïžEurope, Compliance et Professions

par Marie-Anne Frison-Roche

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â–ș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche, "Europe, Compliance et Professions", intervention devant le bureau du ComitĂ© de Liaison des Institutions ordinaires (CLIO), 6 septembre 2022.

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Cette prĂ©sentation d'une quinzaine de minutes a ensuite donnĂ© lieu Ă  un Ă©change avec les membres du Bureau du CLIO. 

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â–ș RĂ©sumĂ© de la prĂ©sentation : La perspective ici proposĂ©e est de partir non pas du schĂ©ma du marchĂ© concurrentiel, repris par le Droit de la concurrence, par rapport auxquels les professions et les ordres ont toujours dĂšs le dĂ©part et dĂ©finitivement statut d'exceptions, mais de partir - dans une vision paradoxalement moins juridique et plus concrĂšte - de l'Europe telle qu'elle s'Ă©tait construite Ă  la fin de la Seconde Guerre mondiale et qu'elle se construit de nouveau.

 

I. LE PROJET POLITIQUE DE L'EUROPE : À COTE DE L'EUROPE DE LA CONCURRENCE, L'EUROPE DE LA RÉGULATION

La Régulation n'est en rien l'exception (qui serait en outre logée au niveau des Etats-membre) du Droit de la concurrence (qui serait en outre logée au niveau du Droit de l'Union), la concurrence écrasant doublement la Régulation, en ce qu'elle serait le seul principe (le principe prévalant sur l'exception) et qu'elle serait au-dessus dans la hiérarchie des normes.

Cela n'est pas vrai. 

Il faut donc partir de l'Europe. 

L’Europe est une idĂ©e politique, construite avec des moyens juridiques. C'est ainsi que Monnet l'avait conçu et c'est de nouveau que la Commission europĂ©enne la conçoit (voir par exemple ce qu'en dit Thierry Breton). 

Au sortir d'une catastrophe, il s'est agi de construire l'Europe, conçue comme  une communautĂ© d’ĂȘtres humains (valeurs communes, groupe social fluide).

Pour cela, il fallait trouver les bons instruments juridiques, pour (re)crĂ©er ces valeurs communes : faire que les Ă©changes se rĂ©alisent avec des rĂšgles juridiques "positives" (CECA, collaborations pour faire des rails) et des rĂšgles juridiques « nĂ©gatif Â» (abattre les frontiĂšres ; prohibition des comportements anticoncurrentiels et prohibition des aides d’Etat, prohibition qui n’existe nulle pas ailleurs).

Puis en premier lier la Commission europĂ©enne, la Cour de justice, voire les Etats-membres ont Â« oubliĂ© Â» la construction positive et on n’a gardĂ© que la construction nĂ©gative : le vide concurrentiel (qui a des mĂ©rites, notamment en ce qu'il exprime la libertĂ©), dont tout devait sortir ; en second lieu, on a pris l’instrument pour le but.

C'est ainsi que le Droit de la concurrence, en tant qu'il est une branche du Droit Ă©conomique, est entiĂšrement guidĂ© par sa finalitĂ©, mais il a pour objet la concurrence : la tĂ©lĂ©ologie a pour objet une fin qui ne lui est pas extĂ©rieure, c’est une « tautologie Â».

L’Europe a changĂ©, par le choc des crises successives depuis 2008, avec la crise financiĂšre et bancaire ; depuis 2020 avec la crise sanitaire ; depuis 2022 avec la crise climatique qui s’annonce.

C'est une opportunitĂ© (la crise est aussi une opportunitĂ©, parce qu'elle prise les idĂ©es de dĂ©part, fait de la place pour d'autres). 

La tĂ©lĂ©ologie europĂ©enne n’est plus tautologie ; la concurrence y retrouve sa place. Le systĂšme demeure celui d'une Ă©conomie libĂ©rale mais la DG Concurrence ne rĂ©sume plus la Commission europĂ©enne : l’Europe – y compris la Commission europĂ©enne – n’a plus pour seule fin la concurrence. La crise Ă©tant un souci majeur, car l'Europe a compris qu'elle Ă©tait mortelle, le Droit a pour finalitĂ© de permettre Ă  l'Europe de survivre (notamment face Ă  la Chine :  elle a pour fin d’ĂȘtre « durable Â» : de ne pas disparaĂźtre.

Cela a pris notamment forme dans l'Union bancaire, qui a pour but simple d'exclure la disparition de l'Europe.

Mais cela vaut aussi pour l'Europe de la communication des personnes et des biens. Voir par exemple la proposition le 7 juillet 2022 d’aides d’Etat sur les transports pour faire une Europe des transports avec des infrastructures publiques.

Voir aussi la naissance de la « gouvernance-Ă©nergie Â», signant la fin de la suprĂ©matie l’esprit de la directive de 2016 sur « l’ouverture Ă  la concurrence Â» comme seul principe, nouant l'Ă©nergie et l'environnement, prolongeant la RĂ©gulation par la Supervision, c'est-Ă -dire avant tout l'Industrie. Or, dans une perspective Ă  ce point concrĂšte, lĂ  oĂč il y a de l'industrie il y a des personnes ayant des savoirs-faire : des professionnels

La crise de 2020 accĂ©lĂšre la naissance de l’Europe de la SantĂ© ; Ă  partir du vaccin.

La DG Connect exprime volontĂ© de construire un Ă©cosystĂšme numĂ©rique europĂ©en : Europe des donnĂ©es, Ă  la fois marchand, industriel et protecteur des personnes (Digital Markets Act ; Digital Services Act ; Governance Data Act ; Chip Act), initialement construit par le Juge europĂ©en (jugement de la CJUE Google Spain 2014).

Dans chaque perspective, il y a la fixation par les AutoritĂ©s politiques europĂ©enne d'un « but monumental Â», Ă  la fois propre Ă  un secteur mais aussi commun Ă  tous, et tous se regroupent autour d’une volontĂ© proprement europĂ©enne : la protection des ĂȘtres humains.

 

L'Avenir de l'Europe est ainsi dans l'Ă©mergence de l'Europe de la RĂ©gulation. 

La question qui se pose alors est : comment atteindre ces Buts ainsi politiquement posĂ©s ? 

Car la distance est grande entre la volonté exprimée et la concrétisation de ces buts (affaire de "plan" et de "transition").

 

II. POUR CONSTRUIRE L'EUROPE SOUVERAINE : l'ACTION DES PROFESSIONS, ENTITÉS EN POSITION D'ATTEINDRE LES BUTS MONUMENTAUX 

 

L’Europe de la RĂ©gulation, ainsi constituĂ©e, est, surtout avec l'enjeu des donnĂ©es (Ă©conomie de l'information, industrie des donnĂ©es, souverainetĂ© europĂ©enne), entre les mains des entreprises et de l'industrie, laquelle ne se pense pas en-dehors des professionnels.

La CJUE appuie le mouvement.

Mais comment la mettre en Ɠuvre :

Le politique (la Commission europĂ©enne, les gouvernements nationaux, etc.) va rechercher des alliances, le Droit de la Compliance prolongeant le Droit de la RĂ©gulation et mettant en alliance les AutoritĂ©s publiques (dont l'État n'est qu'un exemple) et les "entitĂ©s en position de le faire".

Pour les institutions européennes, ces "entités en position d'agir" sont :

  • :
    • Les Etats membres
    • Les entreprises cruciales, les entreprises publiques,
    • Les ordres correspondent Ă  cette dĂ©finition

 

L'Europe se construit ainsi actuellement et Ă  l’avenir sur deux piliers :  Concurrence d’une part et RĂ©gulation et Compliance d’autre part. 

 

  • Ne pas se penser comme une exception (mĂȘme lĂ©gitime) au principe de concurrence
  • Se penser comme un opĂ©rateur crucial contribuant Ă  l'expression du second pilier de la construction europĂ©enne
  • Donner Ă  voir sa contribution structurelle Ă  la construction de l’Europe, telle qu’elle se dessine
  • Proposer son aide dans ce sens

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â–ș pour aller plus loin â€” 

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