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5 août 2015

Base Documentaire : 01. Conseil constitutionnel

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Extrait de la décision :

"le 2° de l'article 39 est relatif à la création d'une procédure d'injonction structurelle dans le secteur du commerce de détail en France métropolitaine ;
 

28. Considérant que le 2° de l'article 39 donne une nouvelle rédaction de l'article L. 752-26 du code de commerce pour permettre à l'Autorité de la concurrence de prononcer, sous certaines conditions, en France métropolitaine, des injonctions structurelles imposant la modification des accords ou la cession d'actifs d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises, en cas d'existence d'une position dominante et de détention d'une part de marché supérieure à 50 % par cette entreprise ou ce groupe d'entreprises exploitant un ou plusieurs magasins de commerce de détail ; que l'Autorité de la concurrence peut enjoindre à l'entreprise ou au groupe d'entreprises en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé qui ne peut excéder six mois, tous accords et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui se traduit par des prix ou des marges élevés ; qu'elle peut, dans les mêmes conditions, lui enjoindre de procéder, dans un délai qui ne peut être inférieur à six mois, à la cession d'actifs, y compris de terrains, bâtis ou non ;

29. Considérant que les députés et sénateurs requérants soutiennent que l'article L. 752-26, tel que modifié par l'article 39, méconnaît le droit de propriété, dès lors que la cession forcée d'actifs ou la résiliation forcée de conventions en cours dans un délai déterminé ne peuvent se réaliser que dans des conditions défavorables pour l'entreprise ; que, selon eux, il résulte de cet article une atteinte à la liberté d'entreprendre qui n'est pas justifiée par une situation particulière de la concurrence en France métropolitaine ; qu'ils font également reproche à la loi de porter atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues ; qu'enfin, les députés requérants font grief à l'article L. 752-26 de méconnaître le principe de légalité des délits et des peines ainsi que l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

30. Considérant que la propriété figure au nombre des droits de l'homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; qu'aux termes de son article 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de cet article, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ;

31. Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

32. Considérant qu'en adoptant le 2° de l'article 39, le législateur a entendu corriger ou mettre fin aux accords et actes par lesquels s'est, dans le commerce de détail, constituée une situation de puissance économique portant atteinte à une concurrence effective dans une zone considérée se traduisant par des pratiques de prix ou de marges élevés en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné ; qu'il a ainsi poursuivi un objectif de préservation de l'ordre public économique et de protection des consommateurs ; que, toutefois, d'une part, les dispositions contestées peuvent conduire à la remise en cause des prix ou des marges pratiqués par l'entreprise ou le groupe d'entreprises et, le cas échéant, à l'obligation de modifier, compléter ou résilier des accords ou actes, ou de céder des actifs alors même que la position dominante de l'entreprise ou du groupe d'entreprises a pu être acquise par les mérites et qu'aucun abus n'a été constaté ; que, d'autre part, les dispositions contestées s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine et à l'ensemble du secteur du commerce de détail, alors même qu'il ressort des travaux préparatoires que l'objectif du législateur était de remédier à des situations particulières dans le seul secteur du commerce de détail alimentaire ; qu'ainsi, eu égard aux contraintes que ces dispositions font peser sur les entreprises concernées et à leur champ d'application, les dispositions de l'article L. 752-26 du code de commerce portent tant à la liberté d'entreprendre qu'au droit de propriété une atteinte manifestement disproportionnée au regard du but poursuivi ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, le 2° de l'article 39 est contraire à la Constitution ; qu'il en va de même du 1° de ce même article, qui en est inséparable ;

13 juillet 2015

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Cet article s'insère dans une trilogie, qui vise à comprendre les  deux arrêts rendus par l'Assemblée plénière le 3 juillet 2015.

Un premier article a procédé à une analyse  exégétique des arrêts. Il faut sans doute procéder ainsi  dans un premier temps, un peu scolairement, pour mesurer "le sens, la valeur et la portée" des deux arrêts-miroirs, qui n'ont pas touché expressément la prohibition française des conventions de mère-porteuse mais qui par leur silence ont levé le pont-levis pour laisser entrer les entreprises sur le marché fructueux du matériel humain et de l'engendrement.

Ce deuxième article prend une perspective particulière : celle du "pouvoir" que ces arrêts manifestent. Depuis longtemps, l'expression constitutionnelle d' "autorité judiciaire" est le masque d'un pouvoir, le "pouvoir judiciaire" n'étant pas critiquable en soi dès l'instant qu'il est en équilibre avec le pouvoir législatif.

Un troisième article prendra une perspective plus factuelle et de sociologie judiciaire et institutionnelle!footnote-205. Quand les arrêts sont si laconiques, l'on se rabat sur les textes environnants, comme le "Communiqué de presse nous y invite, mais c'est à l'audience du 19 juin 2015 que tout s'est joué ... Et de cela, que restera-t-il ? L'on nous dit que la procédure est écrite ? Il faut n'avoir pas assisté à cette audience pour le croire.

Restons sur la deuxième perspective, choisie par ce présent article. Les arrêts expriment un étrange pouvoir : les juges s'attribuent le pouvoir de toucher l'une des questions les plus essentielles de notre système juridique, à savoir la filiation. En cela, il se substitue au pouvoir législatif.

Mais alors, tant qu'à faire la loi, la Cour devrait poser une règle générale. Elle préfère demeurer dans la casuistique. Mordiller dans le talon de la filiation. Rendre l'institution aussi faible qu'Achille sans pour autant établir un autre demi-dieu sur lequel notre Droit, toujours à la recherche de sacré peut se construire. Nous voilà dans les sables mouvants de la casuistique. C'est une seconde raison pour que le Législateur intervienne, afin que des principes servent de repères.

A la lecture de ces arrêts, il apparaît donc que les juges se sont appropriés d'une façon indue un pouvoir illégitime, déformant une institution politique établie hors de leur pouvoir et dont ils n'ont que la garde (I), pouvoir dont ils ont en outre fait un usage casuistique, ôté tout repère dans un Droit qui a besoin de repères, à travers des principes (II).

7 juillet 2015

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Quand un sujet est à la fois très grave et très disputé, l'on attend du juge à tout le moins qu'il soit clair et net.

Or, les deux arrêts rendus par l'Assemblée plénière le 3 juillet 2015 ne sont pas clairs.

Quand on les lit attentivement, même si l'on met dans le prolongement des écritures disponibles, le rapport du Conseiller, les conclusions du Procureur général, le Communiqué de presse, venant colorer les quelques lignes qui constituent les deux arrêts établis en miroir l'un de l'autre, les arrêts ne sont pas clairs.

Chacun va donc faire dire aux arrêts ce qui sert sa thèse ..., comptant bien que le lecteur ne remonte pas jusqu'aux arrêts eux-mêmes.

Mais relisons le premier arrêt rendu, Monsieur Dominique X. c/ Procureur général près la Cour d'appel de Rennes, arrêt qui devrait être plus explicite, puisqu'il a prononcé une cassation. Mais il n'est pas beaucoup  plus clair que son jumeau.

Ce billet a pour objet de rappeler le contenu de l'arrêt, d'en donner le sens, et de trouver la portée. Le contenu est simple, puisqu'il est si bref. Le sens est déjà plus difficile à trouver, car qui connait la signification de l'expression "discordance entre les mentions et la réalité" ?. Quant à la portée, elle est mystérieuse, puisque bien malin qui pourrait dire si la Cour de cassation a rendu un arrêt d'espèce ou un arrêt de principe.

4 juillet 2015

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La question qui était posée à la Cour de cassation était une sorte de bloc qui entame le droit tout entier : lorsque des adultes ont été à l'étranger afin de réaliser une convention de gestation pour autrui, que l'enfant est né, leur a été remis, que l'acte de l'état civil a été établi à l'étranger et qu'ils reviennent en France, peuvent-ils prétendre obtenir la transcription de cet acte civil étranger sur l'acte civil français ?

Les intéressés le prétendent car ils sont allés dans un pays dans lequel une telle convention est admis par le droit qui y est applicable. Le ministère public français s'y oppose car en droit français les conventions de mère-porteuse sont frappées d'une nullité d'ordre public, l'article 16 du Code civil rappelant qu'elles sont contraire à la dignité de la personne.

A travers cette question de transcription, c'est donc des immenses questions posées à la Cour : question  de la dignité de la personne ; question de la distinction des personnes, que l'on peut céder même à titre gratuit, et des choses que l'on peut céder ; question du caractère séparable du non de la personne et du corps ; question de la définition de la filiation ; question de l'existence du droit français par rapport aux autres systèmes juridiques de fait accessibles aux personnes qui voyagent.

Souvent, l'on commente de ce que les juges ont dit. L'on se prépare à ce qu'ils pourraient bien dire.

Mais quand ils ne disent rien ?

Car le drame des deux arrêts rendus le 3 juillets 2015 par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, c'est qu'ils ne disent rien.

Ils visent en tout et pour tout les dispositions qui concernent les mentions de l'état civil établi à l'étranger. ne parlent ni du père, ni de la mère, ni de l'enfant. Se contentent de dire que la GPA est indifférente au sujet.

C'est balayer par prétérition la plus grande question qui fût posée au juge ces dernières années.

Dont-acte que c'était donc pas à lui qu'il fallait la poser.

La France n'a donc pas de pouvoir judiciaire.  Faut-il s'en plaindre ? Oui, si l'on approuve la constitution d'un pouvoir juridictionnel. Oui, plus encore, si l'on approuve  la volonté d'une transformation de la Cour de cassation en Cour suprême, ici contrariée par la Cour elle-même. Oui, plus encore, si cela revient à laisser la France diriger dans ses choix politiques fondamentaux par deux arrêts rendus par une section de la CEDH, au bénéfice des pères, sans aucune considération des mères et des femmes.

Mais de cela, les juges qui ont rédigé les quelques lignes des arrêts du 3 juillet 2015 ont fait comme s'ils n'en avaient pas connaissance.

3 juillet 2015

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Les enfants ne sont pas à vendre, Interview par Agnès Leclair, Le Figaro, 3 juillet 2015.

Lire l'interview directement sur le site du journal.

 

3 juillet 2015

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., L'Europe développe enfin une culture commune de régulation. Merci à la crise financière !, Interview de Jérome Spéroni, L'Argus de l'Assurance, 3 juillet 2015, p. 26-29.

Dans cet interview, il s'agit de réagir à la décision du Conseil constitutionnel EADS sur le non-cumul des sanctions administratives et pénales, lorsque les faits visés sont les mêmes, puis d'observer d'une façon plus générale la façon dont "l'Europe de la régulation bancaire et financière" s'est remarquablement construite depuis 2010.

L'imbrication entre l'impératif de solidité bancaire et la gestion préventive des dettes souveraines fait que l'Europe est en train de réussir un exploit, que les États-Unis n'ont pas accompli : établir un système rationnel de régulation commun. 

Certes, l'esprit anglais y est très présent, mais c'est aussi l'esprit des droits romanistes, de la France et de l'Allemagne, qui en est le ressort, car la puissance publique y est toujours requise.

Lire l'entretien.

2 juillet 2015

Interviews

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., GPA. Si l'on admet qu'un enfant peut être donné, alors il est traité comme une chose, Interview avec Carole Barjon, L'Obs, 2 juillet 2015.

 

Lire l'interview sur le site du journal L'Obs.

26 juin 2015

Publications

Référence complète : Frison-Roche, M.-A., Réguler les "entreprises cruciales", Revista de Direito Mercantil indistrial, econômico e finaceiro, 164/165, Malheiros Editores, 2013, p.19-31.

Se reporter à l'article.

La publication dans cette revue brésilienne de droit des affaires est une réédition de l'article paru en France.

A première vue, on ne régule que les espaces et l’État n’a pas à pénétrer les entreprises.

Mais l’impératif s’inverse lorsqu’une entreprise absorbe l’espace tout entier, ou lorsqu’elle en a le projet, comme dans le cas

Google. L’entreprise cruciale est négativement celle dont la défaillance entraîne l’effondrement du système; l’entreprise est positivement cruciale si à travers elle le secteur est orienté vers des finalités au service de l’avenir du groupe social.

L’État est alors légitime à pénétrer l’entreprise, pour y faire entendre sa voix, parfois pour y exercer un pouvoir de décision car le dynamisme concurrentiel et le pouvoir de la propriété n’excluent pas la superposition du souci de l’avenir commun, que certains appellent l’intérêt général.