ComplianceTech®. To read this Working Paper, click on the British frag
Ce document de travail est la base d'un article publié au Recueil Dalloz dans les Chroniques MAFR Droit de la Compliance.
Lire les autres chroniques parues chez Dalloz dans la rubrique Chroniques MAFR Droit de la Compliance
____
Les aventures ont toujours un début. Souvent lointain, parfois oublié, et il faut ne pas vivre dans le passé, n’en conserver qu’un fil rouge que l’on peut suivre à la trace.
Je suis arrivée à Sciences Po en 2001 pour entrer dans un espace où il n’y avait à l’époque qu’un seul professeur de droit public, rattaché à la commission de science politique puisque le Droit n’existait pas en tant que matière autonome dans cet établissement.
J’y ai créé un cours, Les Grandes Questions du Droit, une Commission de spécialistes pour accueillir d’autres professeurs de droit, droit privé et droit public, qui furent recrutés en nombre sur des postes de titulaires pour enseigner dans le master que j’y ai fondé, le Master de Droit Economique en 2004
C’est pour développer ce Droit de la Régulation que j’ai fondé et le Concours international d’arbitrage de Paris en 2005, à l’origine centré sur les liens entre Régulation et Arbitrage, et le Forum de la Régulation dès 2001 et la Chaire Régulation
Puis, les aventures comprenant toujours des péripéties, j’ai cessé de diriger ces structures et d’y participer pour ouvrir d’autres projets, le fil rouge demeurant.
La nouvelle aventure est celle de la Compliance, le Droit de la Compliance étant le prolongement du Droit de la Régulation
Le Droit de la Compliance suscite peut-être autant d’interrogations et de scepticisme que le Droit de la Régulation, lorsque j’ai écrit en 2001 au Recueil Dalloz « Le Droit de la Régulation », insistant par exemple dans cet article sur l’importance de l’interrégulation
Le Droit de la Compliance est une nouvelle branche du Droit
Alors comment concrètement faire pour qu’elle se construise ?
Sa construction sera d’autant plus paradoxalement ralentie si, pour en montrer l’importance et en souligner l’autonomie, on perçoit dans tout ce qui se fait en Compliance (car il y a tant d’actions, de formations, de décisions et de textes, dans tous les pays du monde, nous voilà avec une « passion » pour la Compliance, avec la part de détestation que cela implique…) qu’un prolongement des matières que l’on connait déjà : le Droit des sociétés, mais plus efficace ; le Droit de l’environnement, mais plus efficace ; le Droit public, mais plus efficace, le Droit du travail, mais plus efficace, etc.
Le Droit de la Compliance serait alors réduit à être ce qui rend « plus efficace » tout le Droit. Ce serait l’entrée en majesté des voies d’exécution qui passe de l’Ex Post à l’Ex Ante. Les américains désignent ces techniques, de nature administrative, consistent à rendre « plus efficace » les règles, l’enforcement. Cela serait sans doute plus simple de réduire le Droit de la Compliance à être des voies d’exécution de l’Ex Ante, cela serait plus simple mais cela serait si dommage, surtout pour qui aime l’aventure.
Pour qui aime l’aventure, c’est-à-dire l’invention du futur, il vaut mieux imaginer un Droit qui n’existe pas encore et qui exprime une « prétention »
Cette prétention que le Droit de la Compliance, dans sa nouveauté, sa vigueur, sa jeunesse, a la force de soutenir, c’est un ensemble de « buts monumentaux »
Mais quelle prétention … Oui, le Droit de la Compliance se caractérise par sa grande prétention car ce sont des « buts monumentaux ». J’entends bien les sceptiques, certes mais je sens aussi le vent du large, qui appelle à fermer les livres, à écouter les juges lire de si beaux jugements sur la protection des données personnelles, à réfléchir sur le futur. L’ensemble de ces buts monumentaux sont la définition du Droit de la Compliance, qui lui donne son unité, qui seuls justifient la violence de la Compliance parce qu’il s’agit toujours de protéger la personne.
L’on nous exhorte soit à vivre dans l’incertitude, soit à exiger du Droit de la sécurité. Cette sécurité serait dans la seule « efficacité » des règles dont le contenu serait lui-même indifférent (puisque le Droit de la Compliance serait de l’enforcement), ce qui politiquement soulève des inquiétudes car tout peut être rendu efficace et de nombreux bureaucrates, humains ou machines, rendront efficaces des systèmes, par exemple de surveillance, sans qu’un Droit de la Compliance non intime de ses buts, eux-mêmes intimes de la protection de la personne, y trouve à redire. Un tel Droit de la Compliance serait un grand danger.
Les buts étant constitutifs du Droit de la Compliance, il faut alors mais il suffit d’être certain des buts que l’on veut atteindre, ce qui montre la dimension politique et morale du Droit de la Compliance, son articulation avec la raison d’être des entreprises
Ces buts monumentaux donnent son unité au Droit de la Compliance, branche nouvelle
Les buts monumentaux doivent être explicités par les textes, comme ils le sont dans l’Union bancaire. Ils doivent être contrôlés par les juges, comme ils viennent de l’être dans l’arrêt du 3 septembre 2020 Vivendi rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne.
Nous venons à peine de larguer les amarres, le Droit de la Régulation demeure présent dans le Droit de la Compliance qui porte en lui le souci de l’intérêt général que tous peuvent porter, et sur lequel une Europe plaçant l’être humain au centre du système est en train de se construire
____
Les présentations multiples et successives du Master de Droit économique tel qu'il était conçu ne sont plus accessibles sur le site de Sciences po, je n'ai pas moi-même conservé la trace de ce qu'il fût pendant presque 10 ans de sa conception en 2001 jusqu'en 2009, date à laquelle j'ai cesser d'en assurer la responsabilité.
Il n'y a pas de renseignement disponible sur la Chaire Régulation sur le site de Sciences po, il n'est donc aujourd'hui possible d'en reconstituer ce qu'elle fût qu'à travers certains traces extérieures laissées par des activités comme des actes de colloques et les publications qui s'en suivirent, mais pas en tant que telle, n'en ayant pas moi-même conservé les dossiers en tant que tels.
Frison-Roche, M.-A., Du Droit de la Régulation au Droit de la Compliance, 2017
Voir par exemple après un premier développement sur "l'interrégulation" dans l'article "Le Droit de la Régulation" en 2001, voir en 2005 l'article spécifiquement consacré à "L'hypothèse de l'interrégulation".
Sur le fait que le Droit de la Compliance, prolongement du Droit de la Régulation, largue les amarres et se détache de celui-ci, voir dans le cadre des Chroniques MAFR - Droit de la Compliance publiées régulièrement au Recueil Dalloz, v. Le Droit de la Compliance au-delà au Droit de la Régulation, 2018.
Sur la notion centrale de "prétention", que porte dans sa définition même, le Droit de la Compliance, ce qui le rend adéquat dans un système mondialisé et le rend apte à "réguler la mondialisation", voir Frison-Roche, M.-A., La mondialisation vue par le droit, 2017.
Frison-Roche, M.-A., Les biens d'humanité, débouché de la querelle entre marché et patrimoine, 2004
Sur la notion de "buts monumentaux", mis au centre du Droit de la Compliance dès 2016, Frison-Roche, M.-A., Le Droit de la Compliance, 2016.
Cela fonde notamment l'effet extraterritorial du Droit de la Compliance, donnant le critère pour les effets extraterritoriaux illégitimes (notamment les embargos) et les effets extraterritoriaux légitimes (notamment la lutte contre la corruption ou la protection des forêts cruciales et plus généralement la protection de l'être humain) :Frison-Roche, M.-A., Compliance et extraterritorialité : un couple naturel et efficace pour l'avenir de l'Europe, 2020.
Cela met en lien le Droit de la Compliance et la construction de la souveraineté de l'Europe: Frison-Roche, M.-A., Le Droit européen de la Compliance peut-il prévenir les crises ?, 2020.
Sur l'ouvrage général entièrement consacré à cette notion, Frison-Roche, M.-A. (dir.), Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022.
Sur la présence de la raison d'être dans la définition du Droit de la Compliance, Frison-Roche, M.-A., The practical utility of a definition of Compliance Law, août 2020.
Frison-Roche, M.-A., La mondialisation vue par le Droit, 2017.
Comme il fut en son temps difficile de concevoir et de faire admettre que le Droit de la Régulation constituait bien une branche du Droit : Frison-Roche, M.-A., La Régulation, objet d'une branche du droit, 2002.
Frison-Roche, M.-A. (dir.), Pour une Europe de la Compliance, 2019 ; Un droit substantiel de la Compliance, appuyé sur la tradition européenne humaniste, 2019.
les commentaires sont désactivés pour cette fiche