Base Documentaire : Doctrine

BOHNERT, Jean-François🕴️

📝Les conditions de réussite de l'enquête interne dans les rapports entre le parquet national financier et l’entreprise mise en cause – l’enquête interne au soutien de la défense de l’entreprise, in 🕴️M.-A. Frison-Roche et 🕴️M. Boissavy (dir.), 📕Compliance et droits de la défense. Enquête interne - CJIP - CRPC

â–ş RĂ©fĂ©rence complète : J.-Fr. Bohnert, "Les conditions de rĂ©ussite de l'enquĂŞte interne dans les rapports entre le parquet national financier et l’entreprise mise en cause – l’enquĂŞte interne au soutien de la dĂ©fense de l’entreprise", in M.-A. Frison-Roche et M. Boissavy (dir.), Compliance et droits de la dĂ©fense. EnquĂŞte interne â€“ CJIP – CRPCJournal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, coll. "RĂ©gulations & Compliance", Ă  paraĂ®tre.

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đź“•consulter une prĂ©sentation gĂ©nĂ©rale de l'ouvrage, Compliance et droits de la dĂ©fense - EnquĂŞte interne, CIIP, CRPC, dans lequel cet article est publiĂ©

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â–ş RĂ©sumĂ© de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance - JoRC) : Dans une prĂ©sentation très proche des lignes directrices du Parquet national financier (PNF) de 2023 et du droit souple produit avec l'Agence française anticorruption (AFA), l'auteur expose la façon dont l'entreprise doit dans un climat de confiance et de collaboration. Il s'agit pour l'entreprise de rechercher objectivement ce qui pourrait engager sa responsabilitĂ© pĂ©nale d'une façon transparente et loyale en gardant Ă  l'esprit la collaboration possible dans la perspective d'une CJIP avec le PNF et la valorisation que celui-ci fait des diligences de l'entreprise dans la menĂ©e d'une enquĂŞte interne, de la mĂŞme façon que des attitudes contraires sont logiquement considĂ©rĂ©s comme des Ă©lĂ©ments inverses dans le calcul.

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🦉Cet article est accessible en texte intégral pour les personnes inscrites aux enseignements de la Professeure Marie-Anne Frison-Roche

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Une entreprise confrontée à une suspicion sérieuse d’infraction relevant de la compétence du PNF[2], consécutive notamment à une alerte interne ou externe, à un contrôle ou audit internes, doit désormais arbitrer l’opportunité de réaliser des investigations internes qui permettent d’objectiver des faits de nature à engager sa responsabilité pénale, celle de ses dirigeants et salariés et de lancer sans délai les mesures correctives éventuellement requises.

 

Si cette approche contribue à la manifestation de la vérité, elle est susceptible de pouvoir être valorisée à l’occasion d’une procédure pénale qui serait diligentée par le PNF, et le cas échéant de permettre de contester des mises en cause susceptibles d’intervenir, ou de bénéficier d’une réponse pénale négociée, de type CJIP ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

 

Mais, pour pouvoir être prises en compte dans le cadre de l’enquête pénale ou à l’occasion des décisions d’orientation de la procédure qui émanent du PNF, les investigations internes doivent avoir été réalisées dans des conditions qui permettent à l’autorité judiciaire d’en valider la méthode et les conclusions.

 

Dans tous les cas, l’entreprise qui recourt à l’enquête interne veille à définir préalablement une procédure à suivre en portant une attention particulière au choix de ses modalités de gouvernance, des acteurs amenés à y prendre part, ainsi qu’aux conditions de son déroulement, afin de permettre une analyse la plus éclairée possible des faits et d’écarter tout éventuel conflit d’intérêt.

 

Les modalités de recueil et de conservation des éléments probants sont pensées afin d’en garantir l’intégrité, la recevabilité et de préserver la disponibilité des preuves. Les données collectées sont exemptes de toute altération et les données non collectées sont protégées à titre conservatoire.

 

Les personnes visées par une enquête interne anticorruption doivent pouvoir bénéficier de garanties procédurales strictes.

 

La rédaction d’un rapport d’enquête interne permet de consigner le périmètre et la méthode d’enquête suivie, l’ensemble et le calendrier des actes d’investigations réalisés, les observations en découlant et les limites éventuelles pouvant affecter leur portée.

 

Le rapport précise également les circonstances et la description des faits à l’origine de l’enquête.

Il peut, dans certains cas, produire une analyse de conformité des faits observés avec les procédures établies en interne.

 

Les éléments recueillis sont annexés au rapport et l’ensemble des sources ayant permis de les collecter sont préservées.

 

Si le rapport d’enquête interne confirme la commission de faits susceptibles de recevoir une qualification pénale et s’il révèle des comportements non conformes aux procédures établies en interne, l’entreprise pourra être conduite à engager des suites judiciaires et/ou disciplinaires.

 

L’analyse juridique est menée indépendamment de la finalisation du rapport d’enquête interne, afin de ne pas risquer d’orienter la présentation des faits.

 

Après avoir diligenté des investigations internes ayant objectivé des faits susceptibles d’engager sa propre responsabilité pénale, l’entreprise est désormais invitée par le PNF, dans les lignes directrices, à lui révéler ces faits de façon spontanée, afin de pouvoir prétendre à une réponse pénale négociée et adoucie.

 

Le PNF procède dans de telles situations à une enquête pénale, mais dont l’intensité est adaptée aux faits signalés et aux investigations déjà intervenues.

 

Une attitude de coopération de bonne foi ouvre à l’entreprise la possibilité de solliciter l’engagement d’une négociation de CJIP, impliquant le calcul d’un montant d’amende d’intérêt public tenant compte de facteurs minorants liés à la révélation spontanée des faits, à la pertinence des investigations internes conduites, à la coopération active à l’enquête pénale engagée, aux éventuelles mesures correctives mises en œuvre ou encore à l’efficacité du système d’alerte interne.

 

Une pratique en ce sens commence indéniablement à se développer, le PNF ayant, en 2023, été saisi de plusieurs situations d’autorévélation, parfois réalisées parallèlement auprès d’autorités judiciaire étrangères.

 

Dans ces situations, le PNF sera amenĂ© Ă  porter une attention particulière Ă  un certain nombre de points pour Ă©valuer le sĂ©rieux des investigations internes diligentĂ©es, comme Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment : la qualitĂ© de la gouvernance et des acteurs et moyens engagĂ©s dans la rĂ©alisation de l’enquĂŞte interne, la prĂ©servation de la preuve au-delĂ  du pĂ©rimètre d’investigation initial, l’élargissement raisonnable du pĂ©rimètre d’investigation par rapport au fait gĂ©nĂ©rateur identifiĂ©, l’intĂ©gration des chaĂ®nes hiĂ©rarchiques dans le champ des investigations, la conduite active et dynamique des investigations prenant en compte les informations obtenues au fur et Ă  mesure, le stockage et l’inventaire structurĂ© de l’ensemble des justifications des observations rĂ©alisĂ©es ainsi que des sources d’informations, la formalisation des travaux exĂ©cutĂ©s et de leurs limites.

 

Le cas échéant, le PNF pourra procéder, à titre de contrôle des orientations et conclusions retenues, à des analyses indépendantes des données numériques collectées dans le cadre de l’enquête interne.

 

Il pourra demander à avoir accès aux lettres de missions et aux rapports d’exécution des équipes engagées dans la réalisation des enquêtes internes (notamment en matière de technologie, de comptabilité et gestion, ou d’intelligence économique), précisant les limites des travaux effectués.

 

Une même approche sera retenue par le PNF pour apprécier la recevabilité d’une enquête interne qui serait produite par l’entreprise mise en cause en cours d’enquête pénale, dans l’objectif d’écarter l’engagement de sa responsabilité pénale, ou de solliciter que soit retenue une orientation de CJIP ou de CRPC (selon des modalités qui seraient nécessairement moins favorables que dans un cas d’autorévélation).

 

A cet égard, la mise en œuvre d’investigations internes postérieures à l’ouverture d’une enquête pénale sans information de l’autorité judiciaire et sans articulation avec l’enquête pénale sera plutôt considérée par le PNF comme une démarche de stricte défense pénale et il sera alors attendu que les investigations déployées ne gênent pas l’enquête pénale, ni n’interfèrent dans celle-ci.

 

Par exemple, des entretiens qui viendraient préparer des auditions judiciaires à venir, ou orienter les réponses à celles-ci, seraient totalement contreproductifs au regard de l’exigence de bonne foi attendue de la part d’une entreprise qui souhaiterait inscrire sa démarche dans une perspective de résolution négociée avec le PNF[3].

 

De même, la collecte d’éléments pour dissimuler et soustraire des informations à l’enquête pénale priverait définitivement une entreprise de la possibilité de pouvoir prétendre à terme à une entrée en négociation de CJIP[4].

 

A l’inverse, il est permis à l’entreprise, après l’engagement d’investigations pénales par le PNF, de solliciter la mise en œuvre d’une démarche d’enquête coopérative.

 

Dans une telle situation, le lancement d’investigations internes est envisagé parallèlement à l’enquête pénale, de façon transparente et potentiellement articulée, sur proposition du PNF ou à la demande de l’entreprise.

 

L’entreprise a alors la possibilité de prendre une part active aux investigations, sous le contrôle du PNF, de disposer d’un niveau d’information permettant de mieux anticiper le risque pénal et les mesures correctives à envisager, de prétendre à terme à une réponse pénale adoucie dans le cadre d’une CJIP.

 

Ces modalités de conduite d’enquête ont déjà été retenues par le PNF à l’occasion du traitement de dossiers complexes de corruption d’agent public étranger ou de blanchiment de fraude fiscale, dans une phase préalable à l’engagement d’une négociation de CJIP.

 

Le PNF peut être amené, en pareil cas, à proposer un document de cadrage précisant notamment l’organisation de l’enquête coopérative, les modalités de communication des données et informations issues de l’enquête interne et leur intégration dans le dossier pénal, la confidentialité à l’égard des tiers, les modalités d’échanges en cours d’enquête interne entre l’entreprise et le PNF, ou encore la durée de l’enquête interne.

 

Dans ce cas de figure, la mĂ©thodologie de l’enquĂŞte interne et les axes d’enquĂŞte sont dĂ©finis en lien Ă©troit et continue avec le PNF : organisation et rĂ´le des diffĂ©rents intervenants, Ă©tapes de l’enquĂŞte interne, champ matĂ©riel et temporel des investigations, extraction, collecte et stockage des donnĂ©es pertinentes, filtrage et analyse des donnĂ©es, conduite d’entretiens, etc.

 

Dans ce type d’approche, le PNF est supposĂ© avoir accès de façon très large aux donnĂ©es de l’entreprise, collectĂ©es le cas Ă©chĂ©ant Ă  l’occasion d’une perquisition, ou mises Ă  disposition par l’entreprise, et pouvoir mener un contrĂ´le de la qualitĂ© des donnĂ©es collectĂ©es, des analyses et orientations retenues dans le cadre des investigations internes. Il procède le cas Ă©chĂ©ant Ă  toute rĂ©quisition, audition, demande d’entraide pĂ©nale utile Ă  la manifestation de la vĂ©ritĂ©, l’approche coopĂ©rative de l’entreprise ayant vocation Ă  limiter les investigations les plus coercitives et intrusives.  

 

En cas d’intervention d’avocats pour conduire ou accompagner le déroulement de l’enquête coopérative, il est attendu de l’entreprise qu’elle s’engage, dans l’hypothèse d’un contentieux lié aux investigations pénales menées parallèlement au déroulement de l’enquête interne ou postérieurement à sa clôture, à ne pas recourir pour sa défense aux avocats qui sont intervenus dans le cadre de l’enquête coopérative.

 

Il convient de rappeler qu’à l’issue des investigations, l’entreprise de bonne foi qui a contribué à la manifestation de la vérité, peut prétendre à l’ouverture d’une négociation de CJIP et à l’application de facteurs minorants dans le calcul du montant de l’amende d’intérêt public.

 

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Le PNF entend promouvoir une approche rigoureuse, objective et responsable de l’enquête interne.

Il est attendu de l’entreprise qui s’engage dans un exercice d’enquête interne susceptible d’être présenté au PNF, qu’elle ait le souhait de contribuer à la manifestation de la vérité et, le cas échéant, de s’amender et de mettre en place des mesures correctives des pratiques litigieuses mises en lumière.

Dans cette acception, la conduite de l’enquête interne doit être réalisée de manière à assurer l’objectivité de ses conclusions factuelles, d’une façon transparente vis-à-vis de l’autorité judiciaire susceptible d’avoir à intervenir.

 

Une enquête interne de qualité assortie d’une situation d’autorévélation au PNF est de nature à permettre à l’entreprise d’attester de sa bonne foi auprès du PNF et ainsi d’augmenter ses chances de pouvoir prétendre à l’ouverture de discussions dans la perspective d’une CJIP dans des conditions tenant compte de facteurs minorants potentiellement significatifs.

 

Au-delà, l’engagement effectif de l’entreprise dans une forme d’enquête coopérative lui permettant de contribuer pleinement à la manifestation de la vérité aux côtés du PNF est également susceptible d’être fortement valorisé lors de la décision d’orientation de la procédure par le PNF, avec une accession facilitée à la CJIP et l’application de facteurs minorants associés à la coopération de l’entreprise.

 

 

 

[1] Le PNF, créé en 2013, et en charge des dossiers de délinquance économique et financière de grande complexité dans les domaines notamment des atteintes à la probité et aux finances publiques, a eu recours à cet outil à 18 reprises.

[2] Au titre des articles 705 et 705-1 du code de procédure pénale, le PNF dispose d’une compétence dans les domaines des atteintes à la probité, des atteintes aux finances publiques, des atteintes aux marchés financiers et des pratiques anticoncurrentielles.

[3] Outre le fait que de tels agissements peuvent être dans certains cas de nature à justifier des poursuites pénales sur le fondement de l’article 434-15 du Code pénal, qui vise le délit de subornation de témoin.

[4] Sans préjudice, là encore, du fait que de tels agissements peuvent être de nature à entraîner des poursuites pénales sur le fondement de l’article 434-4 du Code pénal, qui vise le délit d’altération ou d’effacement des lieux d’un délit, d’un document ou d’un objet de nature à faciliter la découverte d’un délit, la recherche des preuves ou la condamnation des coupables.

 [MF1]La note de bas de page va mention de 18 CJIP. N'y en a-t-il pas davantage ? Peut-ĂŞtre associer une date au constat fait du nombre de CJIP.

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