En principe le mécanisme même de marché est gouverné par la liberté, les libertés des agents eux-mêmes - liberté d'entreprendre et de contracter - et liberté concurrentielle qui marque le marché lui-même, la convergence de ces libertés permettant le fonctionnement autorégulé de la "loi du marché", à savoir la rencontre massifié des offres et des demandes qui engendre le prix adéquat ("juste prix").
Pour que cela fonctionne, il faut mais il suffit qu'il n'y ait pas de barrière à l'entrée et qu'il n'y ait pas de comportement par lesquels des opérateurs puissent entraver cette loi du marché concurrentiel, ces abus de marché étant l'abus de position dominante et l'entente.
Mais s'il s'agit des marchés financiers, lesquels sont des marchés régulés, les "abus de marchés" y sont sanctionnés au cœur même de la régulation. En effet, la régulation des marchés financiers suppose que l'information y soit distribué au profit des investisseurs, voire d'autres parties prenantes, éventuellement des informations non exclusivement financières. Cette intégrité des marchés financiers qui, au-delà de l'intégrité de l'information, doivent atteindre la transparente, justifie que l'information soit pleinement et également partagée. C'est pourquoi ceux qui ont titulaire ou doivent être titulaire d'une information qui n'est pas partagée par les autres (information privilégiée) ne doivent pas l'utiliser sur le marché tant qu'ils ne l'ont pas rendu publiques. De la même façon, ils ne doivent pas diffuser de mauvaises informations au marché. Pas plus qu'ils ne doivent manipuler les cours.
Ces sanctions ont été essentiellement conçues par la théorie financière américaine, concrétisées par les juridictions américaines, puis reprises en Europe. Dans la mesure où elles sanctionnent à la fois un comportement reprochable et constituent un instrument d'ordre public de direction et de protection des marchés, la question du cumul du droit pénal et du droit administratif répressif ne pouvait que se poser avec difficulté et agressivité.
Sur un marché ordinaire de biens et service, l'accès au marché est ouvert à tous, qu'il s'agisse de celui qui offre le bien ou le service (potentiel offreur) ou de celui qui désire se l'approprier (potentiel demandeur). La liberté de la concurrence suppose que ces nouveaux entrants puissent à leur volonté devenir des agents effectifs sur le marché, le potentiel offreur si son dynamisme entrepreneurial l'y pousse, et le potentiel demandeur s'il en a le désir et les moyens (pécuniaires, d'information et de proximité, notamment). L'absence de barrière à l'entrée est présumée ; une barrière résultant d'un comportement anticoncurrentiel sera sanctionnée ex post par l'autorité de concurrence.
La barrière est donc ce qui contrarie le principe d'accès au marché. C'est pourquoi l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), en ce qu'elle lutte contre les barrières pour assurer un libre-échange mondial, peut être considérée comme un précurseur d'une Autorité mondiale de la concurrence.
Mais il peut arriver qu'il soit nécessaire d'organiser par la force du Droit un accès, non seulement parce qu'il y a eu une décision de libéralisation un secteur naguère monopolistique, l'accès ne pouvant pas s'exercer par la seule force de la demande et par la seule puissance des potentiels nouveaux entrants, notamment par la puissance de fait des entreprises présentes anciennement monopolistiques. L'Autorité de régulation va construire les accès à des marchés sectoriels dont le seul principe du fonctionnement concurrentiel a été déclaré par le Droit. Cette nécessité peut aussi résulter de phénomènes entravant définitivement ce fonctionnement concurrentiel idéal, comme des monopoles naturels ou des asymétries d'information : le Droit va concrétiser cet accès en distribuant aux parties intéressées des droits subjectifs d'accès.
Il en est ainsi des droits d'accès des opérateurs aux réseaux d'infrastructure essentielle. Même si cet acte s'opère par contrat, celui-ci ne fait que concrétiser un droit subjectif d'accès conféré par la Loi à l'opérateur pour qu'il puisse pénétrer le marché. Cela est particulièrement vrai dans les secteurs de l'énergie et des télécommunications.
D'une façon plus politique et sans rapport direct avec une volonté d'installer la concurrence ou de pallier une défaillance de marché, cette organisation des accès peut encore être requise parce qu'il existe une décision politique d'assurer à chacun un accès à des biens communs. La décision jouxte alors la notion de "droit fondamental", par exemple le droit fondamental d'accès au système de soins ou aux médicaments vitaux, ou le droit fondamental d'accès au système numérique, droit subjectif dont le Régulateur devient le gardien à la fois en Ex Ante et en Ex Post.
Les garanties de procédure dont bénéficie une personne dont la situation peut être affectée par un jugement à venir sont principalement constituées par la trilogie que constituent le droit de saisir le tribunal, c'est-à-dire de former une action en justice, les droits de la défense et le bénéfice du principe du contradictoire.
L'action en justice fût longtemps considéré comme un "pouvoir", c'est-à-dire un mécanisme inséré dans l'organisation de l'institution juridictionnelle, puisque c'est par l'acte de saisine, empruntant l'accès par laquelle la personne entre dans la machine juridictionnelle, que celle-ci se met en marche.
Mais notamment depuis les travaux de René Cassin et d'Henri Motulsky, l'action en justice est considérée comme un droit subjectif, c'est-à-dire une prérogative dont toute personne est titulaire pour demander à un juge que celui-ci statue sur la prétention que le demandeur articule dans une allégation, c'est-à-dire une histoire mêlant le fait et le droit dans un édifice et auquel il demande au juge de tirer comme conséquence de lui attribuer un bénéfice, par exemple l'annulation d'un acte qui lui fait grief, ou l'attribution de dommages et intérêts, ou le refus de le condamner (car la défense est également l'exercice du droit d'action).
L'action en justice est reconnue désormais non plus comme un pouvoir mais comme un "droit d'action", dont la nature est autonome de la demande qui est faite au tribunal : un droit subjectif processuel qui double le droit subjectif substantiel (par exemple le droit à réparation) et assure l'effectivité de celui-ci mais qui en est autonome. Cette autonomie et cette unicité par rapport à la variété des contentieux (civils, pénaux ou administratifs) fait du droit d'action un pilier du "Droit processuel" sur lequel se construit le droit européen et le droit constitutionnel. En effet, le Droit constitutionnel de la Régulation est en Europe avant tout constitué de principes processuels (droits de la défense, impartialité, droit d'action), le principe Non bis in idem n'étant qu'une expression du droit d'action, mais c'est une interdiction d'un double jugement pour un même fait ce qui n'interdit pas un double déclenchement de l'action (et pénale, et civile, et administrative). Cette unicité processuelle a contribué à diminuer la séparation jadis radicale entre le Droit pénal, le Droit administratif, voire le Droit civil, jadis nettement éloignés les uns des autres dans la construction traditionnelle des systèmes juridiques et qui convergent aujourd'hui dans le Droit de la Régulation et de la Compliance.
Plus encore, le droit subjectif d'action en justice est un droit humain. Et l'un des plus importants. En effet, il exprime "le droit au juge" parce que, par son exercice, la personne oblige un juge à lui répondre, c'est-à-dire à écouter sa prétention (le contradictoire découlant donc de l'exercice du droit d'action).
Ainsi le droit d'action paraît le propre de la personne, du justiciable, de la "partie". C'est pourquoi l'attribution par la Loi du pouvoir pour les Régulateurs de s'auto-saisir, ce que l'on comprend en raison de l'efficacité du procédé, pose difficulté dès l'instant que cela constitue celui-ci en "juge et partie", puisque le Régulateur est en matière répressive considéré comme un tribunal, et que le cumul de la qualification de tribunal et de la qualité de partie est une atteinte consubstantielle au principe d'impartialité. De la même façon l'obligation que le Droit de la Compliance engendre pour les opérateurs de se juger eux-mêmes les oblige à un dédoublement semblable qui pose maintes difficultés procédurales, notamment dans les enquêtes internes.
Ainsi le Droit classique et les Droits de la Régulation et de la Compliance s'écartent toujours plus l'un de l'autre. D'une façon générale, l'on distingue classiquement l'action publique, qui est exercée par le Ministère public (appelé souvent le parquet) par laquelle celui qui s'exprime (le procureur) demande la protection de l'intérêt général et l'action privée, exercée par une personne privée ou une entreprise, qui vise à satisfaire son intérêt privé légitime. L'existence de cet intérêt légitime suffit à la personne d'exercer son droit processuel d'action.
Mais en premier lieu, elle ne pourrait prétendre l'intérêt général parce qu'elle n'est pas agent de l’État et les organisations, comme les associations ou autres Organisations non-gouvernementales, poursuivent un intérêt collectif, ce qui ne saurait se confondre avec l'intérêt général l. Ce principe processuel selon lequel "nul ne plaide par procureur" est aujourd'hui dépassé. En effet et par souci d'efficacité, le Droit admet que des personnes agissent pour que la règle de droit s'appliquent à l'encontre de sujets qui, sans cette action-là, ne rendraient pas de compte. Par ce maniement procédural de la théorie des incitations, car celui qui agit est récompensé tandis qu'il sert l'intérêt général, concrétisant la règle de droit objective et contribuant à produire un effet disciplinaire sur un secteur et des opérateurs puissants, le droit procédural classique est transformé par l'analyse économique du droit. Le mécanisme américain de la class action a été importé en France par une loi récente, de 2014, sur "l'action de groupe" (assez restrictive) mais cette "action collective" continue de n'être pas admise dans l'Union européenne, même si la Commission européenne travaille à favoriser les mécanismes de private enforcement, participant de la même idée.
En second lieu, il peut arriver que le Droit exige de la personne titulaire qu'elle ait non seulement un "intérêt légitime à agir" mais encore une "qualité à agir". Cela est vrai notamment les divers mandataires sociaux au sein des opérateurs. Par souci d'efficacité, le système juridique tend à distribuer de nouvelles "qualités à agir" alors même qu'il n'y a pas forcément d'intérêt, par exemple dans le nouveau système des lanceurs d'alerte, qui peuvent agir alors qu'ils n'y ont pas d'intérêt apparent.
Le secteur aérien a été le premier des secteurs régulés dans les années 1920. Cela tient au fait que le transport aérien suppose que les personnes puissent voyager d’un espace étatique à un autre, ce qui justifia précocement un système multilatéral de conventions internationales entre États, relevant du droit international public, chacun d’eux conservant sa part de souveraineté et sa compagnie nationale (par ex. Air France).
Mais le principe de concurrence a rendu l’organisation plus complexe par les mécanismes d’open sky qui permettent à une compagnie aérienne de proposer à l’étranger ses services, la régulation doit s'ouvrir davantage à la concurrence. En outre, la régulation se soucie davantage des risques aériens, en adoptant des normes mondiales de sécurité s’imposant à l’ensemble des opérateurs, dans la conduite et les procédures d’entretien des matériels.
La notion d'agence, parfois confondue avec celle de régulateur, désigne un mode de déconcentration de l’État. S’éloignant d’une organisation jacobine, celui-ci a dévolu des responsabilités régaliennes à des organismes, souvent éloignés géographiquement de la capitale politique. Ces agences illustrent une décentralisation technique car elles sont en charge de tâches opérationnelles et d’expertises particulières, par exemple en matière d’emploi, d’environnement ou de santé. Ce modèle, très courant dans les pays scandinaves, est souvent associé à des organisations fédérales, comme aux États-Unis. Il est éloigné du modèle français qui demeure construit sur un État centralisé. La France n'a développé que quelques agences (par ex. France Trésor, ou encore les Agences Régionales de Santé.
Dans une toute autre perspective et il s'agit alors d'une homonymie, la théorie financière américaine a développé la notion d’agence (agency) pour désigner notamment la relation entre le mandataire social (agent) et l'actionnaire (principal), celui-ci donnant pouvoir au premier d’agir en son nom pour servir son intérêt. L’asymétrie d’information et le conflit d’intérêts marquent cette relation, ce qui a conduit cette théorie à développer de multiples garde-feux, relayés par le droit de la régulation, notamment celui de la régulation financière.
Les agences de notation sont des entreprises privées qui évaluent le risque de défaut de paiement des débiteurs. A ce titre, la notation d'un emprunteur influe sur la valeur du titre d'emprunt qu'il a émis et qui circule sur les marchés. C'est pourquoi l'activité des agences de notation est déterminante pour la sécurité des instruments financiers et le bon fonctionnement des marchés financiers, mais également pour tout le système mondial du crédit. Par exemple une notation AAA constitue pour les investisseurs un gage de sécurité . Les agences de notation participent à la confiance faite aux marchés financiers et au système bancaire. Elles constituent donc des opérateurs cruciaux puisque chacun se fie à elles, se dispensant de ce seul fait de rechercher eux-mêmes les informations sur les titres ou sur ceux qui les émettent, la finance ayant fait une large place aux agences de notations internationales.
L'activité de notation est par ailleurs une activité économique, concentrée dans peu d'entreprises au seul nombre de trois (deux américaines et une française). On a souvent souligné qu'elles sont en conflit d’intérêts. Certains expliquent ainsi qu'elles aient, plus particulièrement à propos des subprime et de la titrisation, donné des informations non fiables qui ont empêché les marchés de s’auto-discipliner et ont participé à la propagation mondiale des risques et des défaillances.
L'histoire difficile entre les agences de notation, simples entreprises ou entreprises cruciales ou entreprises en charge d'un service public, justifiant une régulation propre mise en place à la suite de la crise financière, montre à quel point l’information est un bien commun. Cela a justifié l'intervention du régulateur financier au titre de la protection du consommateur. Faut-il aller plus loin ? Certains ont évoqué l'idée de nationaliser l'activité pour la confier à des institutions étatiques ou à tout le moins publiques. Cela n'est plus à l'ordre du jour, les agences de notation notant les débiteurs paradoxaux que sont les États, ce qui leur mettrait en conflit d'intérêts.
En Europe, le droit communautaire interdit aux États d'apporter aux entreprises des aides, celles-ci étant analysés comme des moyens au bénéfice du pays dont l’État se soucie (et parfois a tort de n'avoir que souci), ayant pour effet et peut-être pour objet de maintenir ou de construire des frontières entres les peuples, contrariant en cela le projet politique européen premier d'un espace commun de paix et d'échanges entre les peuples de l'Europe. C'est pourquoi cette prohibition n'existe pas aux États-Unis, puisque le Droit Antitrust n'a pas pour but de construire un tel espace, lequel est déjà disponible pour les entreprises et pour la population.
Cette différence essentielle entre les deux zones modifie les politiques industrielles car le gouvernement fédéral américain peut aider des secteurs là où les États-membres ne le peuvent pas. La prohibition européenne des aides d’État ne peut pourtant être remise en cause car elle est associée au projet politique de l'Europe. Cela semble une aporie puisque l'Europe en est handicapée face aux États-Unis.
L'aide est prohibée en ce que, quelques formes qu'elle prenne, elle fausse l'égalité des chances entre les opérateurs en concurrence sur les marchés, et constitue un obstacle fondamental à la construction d’un marché intérieur européen unifié. A partir de ce principe simple, s'est développée une branche du droit technique et spécifique car les États continuent d'apporter leur soutien et de très multiples règles et cas viennent découper en autant d'exceptions et de nuances cette règle, tandis que s'est construit au fil des ans un système probatoire y afférant. Ainsi la notion d'entreprise publique a pu demeurer malgré ce principe d'interdiction.
Mais s'il y a une crise d'une telle nature ou ampleur que le marché ne parvient pas par ses seuls forces à surmonter ou/et que l'Union européenne poursuit elle-même des objectifs a-concurrentiels, il faut qu’une régulation exogène intervienne, laquelle peut alors prendre la forme d’une aide d’État légitime. Il advient ainsi une sorte de synonymie entre aide d’État et Régulation.
C’est pourquoi les institutions européennes ont posé que des aides d’État deviennent licites lorsqu’elles interviennent soit dans des secteurs stratégiques, comme dans la production énergétique dans lequel l’État doit conserver son pouvoir sur les actifs, par exemple lorsqu'il s'agit du secteur de la défense. Loin de s'amenuiser cette hypothèse s'accroît. Le Droit de l'Union européenne admet également que l’État intervienne en prêtant aux opérateurs financiers menacés de défaillance ou déjà défaillants, l’État ayant pour fonction de lutter contre le risque systémique, directement ou à travers sa Banque centrale. L'aide peut venir de la Banque centrale européenne elle-même aidant les États dans leur émission de dettes souveraines, la Cour de justice ayant admis en 2015 la conformité aux traités des programmes de politique monétaire non-conventionnels. En 2010, le commissaire européen à la concurrence a ainsi souligné que les aides publiques sont des outils indispensables aux États pour faire face aux crises, avant que des règlements ne viennent en 2014 prendre le relais pour jeter les bases de l'Union bancaire européenne.
La Régulation suppose que l'on passe d'une conception politique des actes (c'est-à-dire décision collective exprimée par l’État) ou civiliste (c'est-à-dire volonté exprimée par un individu ou plusieurs dans un contrat) à une vision économique des organisations marchandes dont l'action est l'expression du marché. Si l'on se fie à l'ajustement de l'offre et de la demande, c'est-à-dire à la rencontre des désirs et des intérêts, il y aura « autorégulation », ce à quoi correspond la « loi du marché », renvoyant au droit de la concurrence. L'acte des opérateurs n'est que le reflet de cette sorte de loi naturelle, en action.
La Régulation est alors plus complexe car elle intègre cette rationalité économique des acteurs et des systèmes dans lesquels ils sont des agents (homo economicus) mais elle vise autre chose que cette rationalité mécanique, soit en raison d’une défaillance du marché (par exemple en cas de monopole naturel) soit parce que l'auteur de la norme, par exemple l’État ou le Régulateur veut obtenir plus que ce que le marché peut donner (par ex. l’accès de tous à des biens communs, comme la santé, même pour des demandeurs insolvables).
Dans ce cas, sont élaborées des règlementations, interventions ex ante désignées en anglais par le terme regulation. La règlementation est adéquate si elle incite des agents économiques à adopter des comportements qui concrétisent le but recherché par l’auteur de la règlementation.
Le Droit de la Régulation va alors s'appuyer sur la science économique pour produire les bonnes "incitations", laissant les agents - producteurs, offreurs, demandeurs, consommateurs, contribuables, parties prenantes les plus diverses - libres de faire des choix, mais les incitant à faire des choix qui produiront d'une façon isolée ou d'une façon globale ou croisée, immédiatement ou à terme, un résultat correspondant à celui qui a été voulu dès le départ par celui qui a conçu la norme. En cela, le Droit de la Régulation est hautement stratégique, qu'il soit de nature technique, visant à pallier une défaillance de marché ou plus politique. En cela, il est aussi de nature libérale, puisque ce ne sont pas des ordres formulés à des assujettis, mais des espaces de libertés construits au bénéfices de personnes.
Cette utilisation stratégique du droit nécessite alors le détour nécessaire par l'analyse économique du droit, c'est à dire l'analyse du droit dans ses effets économiques. Elle suppose chez ceux qui utilisent la norme, non seulement le Législateur mais encore le Juge, une connaissance des mécanismes économiques, par exemple la théorie des incitations, des contrats incomplets ou de l'économie comportementale, trois théories libérales sur lesquelles s'appuie ces interventions Ex Ante des autorités publiques et que prolongent les jugements des Cours.
C'est pourquoi l'Analyse économique du droit constitue une discipline à part entière. Elle a été créée aux États-Unis par Ronald Coase (Prix Nobel d’économie en 1991). Elle peut être simplement descriptive et révéler quels effets économiques a produit le Droit. Cette conception, qui est notamment celle de Richard Posner, fait de l’analyse économique du droit un outil d'expertise pour le décideur politique qui peut en tenir compte pour éventuellement modifier la règlementation, et pour le juge, qui peut en tenir compte pour interpréter celle-ci. Une conception plus radicale de l'analyse économique du droit, dite "normative", consiste à soutenir que les conclusions de l'analyse obligeraient le décideur et le juge à adopter l'interprétation "efficiente" désignée par l'analyse économique sans être légitime à en adopter d'autres.
De nature philosophique, l'enjeu est décisif car dans le premier cas le droit et les juristes - notamment le Législateur et le Juge - ont encore une existence autonome, dans le second cas ils n'existent plus vraiment, ne sont plus que la forme contraignante et explicite de la "loi du marché" dont la nature est a-juridique. Le Droit est alors la voie d'exécution et de pure et simple efficacité d'une Loi qui est lui serait extérieure, celle du Marché.
Les systèmes de Common Law ont parfois tendance à verser dans l'excès normatif consistant à confondre ce qui n'est qu'une description de choix et à adopter ce qui serait une "décision" prise par les économistes eux-mêmes : le Droit n'existe plus alors en tant que système normatif, n'étant plus que ce qui donne force exécutoire et sécurité juridique à ce qui devient véritablement normatif, la valeur économique de l'ajustement de l'offre et de la demande. Les systèmes de Civil Law intègrent l'Analyse Économique du Droit d'une façon plus conforme à la pensée des fondateurs ou de théoriciens actuels comme Cass. Sunstein, en permettant aux Législateurs et aux Cours d'intégrer la dimension économique des situations sans que leur raisonnement économique n'implique la solution à retenir, car les choix demeurent dans le Droit, qui expriment des valeurs, et dans des systèmes juridiques, qui sont gouvernées par des notions et règles juridiques propres, en distance de l’Économie.
Même sous sa simple forme descriptive, l'analyse économique du droit est généralement rejetée en France en ce qu'elle méconnaitrait le rôle du droit en ce qu'il porte des valeurs morales. C’est en réalité méconnaître sa fonction simplement descriptive, instructive et utile, et le fait qu'elle ouvre au contraire l'amplitude du choix rationnel offert aux décideurs politiques. Plus encore, la régulation n'est pas seulement une discipline technique, elle est aussi une question politique et philosophique. L’analyse économique descriptive lui est plus adéquate que l’analyse économique normative du droit, laquelle prétend vassaliser, voire détruire les autres disciplines, qui sont substantiellement méconnues.
ARCEP - Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes
L’Autorité de régulation des Communication Électroniques et des Postes (ARCEP) est une autorité administrative indépendante (AAI). Elle a succédé en 2005 à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), laquelle fut créée en 1996. L’ART fût la première autorité de régulation du genre, inaugurant sous l’impulsion du droit de l’Union européenne la vague de libéralisation des secteurs naguère monopolistiques. L’ARCEP a une compétence plus vaste de celle de l’ART, régulant également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office général de l’Autorité de Concurrence. Ce régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements.
L’ARCEP a compétence pour réguler ce qui transporte les informations (contenant) tandis que le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a compétence pour réguler les informations transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde donc la dualité des régulateurs. Mais en premier lieu elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préférant avoir un seul régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent passer par divers contenants (par ex. télévision ou le téléphone) comme aux Etats-Unis (Federal Communication Commission - FCC). En second lieu Internet rend difficile le maniement de cette distinction. C’est pourquoi on évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités françaises de régulation.
L’ARCEP surveille les marchés de gros, dans lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon non discriminatoire et publier une offre de référence. Il contrôle les prix et oblige à une orientation du tarif vers le coût, favorisant en aval c'est-à-dire (marché du détail) le dynamisme concurrentiel. Sur celui-ci, le régulateur veille à l’accès au réseau de transport et au réseau de distribution jusqu’au consommateur final (problématique de la boucle locale). L’ARCEP a le pouvoir d’attribuer les fréquences aux opérateurs, lesquelles sont des ressources rares, dont l’attribution peut être retirée à l’opérateur en cas de manquement. Mais au-delà de ces dimensions très techniques, le régulateur exerce une fonction politique parce qu’il projette dans le futur une certaine conception qu’il a du secteur. Ainsi il peut estimer ou non que la fibre optique doit être ou non favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut adhérer à la théorie de la « neutralité du net » au nom de laquelle il va imposer aux propriétaires d’un réseau de l’ouvrir à des utilisateurs, même au prix d’investissements pour les accueillir, le régulateur fixant alors l’indemnisation d’un tel droit d’accès. L’adhésion à cette théorie, très discutée, n’est pas de nature technique mais politique.
L’ARCEP dispose du pouvoir précité de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris. L’autorité exerce un pouvoir de règlement des différends et d’un pouvoir de sanction. L’ARCEP publie un rapport annuel, façon pour l’Autorité de rendre des comptes, ce mode de responsabilité étant mis en balance avec son indépendance.
Comme en 1996 pour les télécommunications, à partir de 2005 le régulateur a ouvert à la concurrence les activités postales, tout en veillant à la poursuite du service public postal. La Loi du 9 février 2010, tout en transformant la Poste en société anonyme a veillé à maintenir ses obligations de service public et les a même étendues en lui confiant des obligations d’aménagement du territoire, montrant l’interrégulation avec la régulation environnementale. Par ce contrôle, le régulateur exerce un pouvoir plus politique que technique.
Le secteur des assurances a toujours été régulé en ce qu’il présente un très fort risque systémique, la solidité des opérateurs économiques étant requise pour le fonctionnement du secteur et la faillite de l’un d’entre eux pouvant faire fléchir voire s’effondrer l’ensemble. En outre, l’assurance est le secteur dans lequel l’aléa moral (moral hazard) est le plus élevé, puisque l’assuré aura tendance à minimiser les risques auxquels il est exposé pour payer la prime la moins élevée possible, alors même que la compagnie s’expose à couvrir un accident dont elle ne peut par avance mesurer l’ampleur. Ainsi, la science de l’assurance est avant tout celle des probabilités.
L’enjeu récent de la régulation des assurances, à la fois institutionnel, à la fois la construction et les pouvoirs du régulateur du secteur, et fonctionnel, à savoir les relations que celui-ci doit avoir avec les autres pouvoirs, se situe principalement dans les relations entre le régulateur des assurances et le régulateur des banques, ce qui renvoie au concept de l'"interrégulation. En effet, si l’on s’en tient aux critères formels, les deux secteurs sont distincts et les régulateurs doivent être pareillement. Ainsi naguère existait d’une part l’Autorité de Contrôle des Assurances et des Mutuelles (ACAM), sous la direction du ministère des finances, ainsi que le Comité des entreprises d’Assurance (CEA), et d’autre part les autorités de régulation bancaire, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI) et la Commission Bancaire, département sans personnalité morale à l’intérieur de la Banque de France, institution autonome du gouvernement. Mais si l’on regarde les activités, on est alors sensibles au fait que les produits d’assurance, par exemple les contrats d’assurance vie, sont le plus souvent des produits financiers. On constate en outre, à travers la notion de « banque-assurance », que des mêmes entreprises pratiquent les deux activités économiques. En dehors du fait qu'en droit de la concurrence l'on définit les entreprises par l'activité de marché, il en résulte surtout que le risque de contamination et de propagation est commun entre l’assurance et la banque. C’est pourquoi, l’ordonnance du 21 janvier 2010 a créé l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) qui vise aussi bien les compagnies d’assurances que les banques, puisque leur solidité doit être soumise à des exigences analogues et à un organisme commun. La loi de juillet 2013 a confié à cette Autorité la mission d'au besoin organiser la restructuration de ces entreprises, devenant donc l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, l'ACPR.
Mais les règles substantielles ne sont pas pour autant unifiées, d’une part parce que les assureurs ne sont pas favorables à une telle assimilation, d’autre part parce que les textes, essentiellement la directive communautaire sur l’insolvabilité des compagnies d’assurances, demeurent propres à celles-ci, et en distance par rapport aux règles de Bâle s’appliquant aux banques, ce qui contredit le rapprochement institutionnel. La construction européenne reflète la spécificité du secteur assurantiel, le Règlement du 23 novembre 2010 ayant établi l'EIOPA qui est un quasi-régulateur européen pour les organismes de prévoyance, parmi lesquels figurent les sociétés d'assurance.
L'enjeu actuel de la Régulation assurantielle est précisément la construction européenne. Tandis que par l’Union bancaire, l’Europe de la régulation bancaire se construit, l’Europe de la Régulation assurantielle ne se construit. Déjà parce que, à juste titre, elle ne veut pas se fondre dans l’Europe bancaire, les négociations des textes de « Solvabilité II » achoppant sur cette question de principe. L’on retrouve cette vérité première : en pratique, ce sont les définitions qui compte. Ici : une compagnie d’assurance peut-elle se définir comme une banque comme une autre ?
Asymétrie : régulation asymétrique / asymétrie d'information
L’asymétrie est une notion clé de la régulation. En effet, un marché concurrentiel fonctionne bien lorsque les opérateurs sont dans des relations symétriques, c'est-à-dire qu’il n’existe pas d’obstacle structurel qui empêche un agent d’accroître sa puissance à ses seuls mérites (« concurrence par les mérites »). S’il existe une asymétrie, par exemple parce que un secteur était monopolistique et que le législateur vient juste de le déclarer ouvert à la concurrence, il existe une asymétrie, certes temporaire, entre les entreprises installées, les opérateurs historiques, et les entreprises désireuses d’entrer dans ce nouveau marché, les « nouveaux entrants ». Les opérateurs historiques, comme le secteur des télécommunications ou de l’énergie lorsqu’ils furent ouverts à la concurrence par des directive européennes, transposées par des lois nationales (en 1996 pour les télécommunication et le gaz, en 2000 pour l’électricité), bénéficient d’un tel avantage (que l’on désigne parfois comme avantage du grand-père, grandfather clause), notamment parce qu’ils ont tous les clients ou tout le savoir-faire ou tous les brevets, et que de fait, les potentiels concurrents ne peuvent pas entrer sur le marché. Il faut alors établir un régulateur lui aussi a priori temporaire pour établir au forceps la concurrence, par une régulation asymétrique.
La régulation asymétrique, particulièrement appliquée en Grande Bretagne à l’époque de la libéralisation des secteurs précités, signifie que le régulateur va systématiquement favoriser les nouveaux entrants, par exemple en dépossédant les opérateurs historiques à leur bénéfice pour leur faire place sur le marché. Aujourd’hui, dans le secteur des télécommunications, la concurrence, notamment sur les mobiles, est établie, mais le régulateur n’entend pas laisser sa place pour disparaitre et soutient aujourd’hui faire de la « régulation symétrique »… . Il agit alors plutôt comme une autorité de la concurrence spécialisée.
L’asymétrie peut être non pas temporaire mais définitive, lorsque l’inégalité entre opérateurs, indépendamment de leur mérite, ne vient pas d’un contexte de libéralisation mais d’une défaillance structurelle du marché. Par exemple, il existe des réseaux de transport, transports de personnes ou de marchandises, chemins de fer ou piste d’atterrissage pour les avions, réseaux de transmission de communication des données ou de la voix, tuyaux où circulent le gaz ou l’électricité etc., qui appartiennent à un seul opérateur car ils constituent des monopoles économiquement naturels. Dans ces conditions, les concurrents de celui qui détient ce monopole doivent néanmoins accéder dans des conditions équitables et efficaces à ce service et un régulateur doit nécessairement être établi pour l’effectivité de ce droit (v. Accès).
Par ailleurs, le prix Nobel de Joseph Stiglitz (2001) a été justifié par ses travaux sur l’asymétrie d’information sur certains marchés, notamment les marchés financiers sur lesquels les sociétés proposent des titres. A travers la théorie de l’agence, il ressort que les simples associés ou les investisseurs ordinaires ont moins d’information que les managers, alors même que ceux-ci ont pour fonction de prendre des décisions qui rapportent le plus aux premiers. Mais l’asymétrie d’information offre aux managers une « rente informationnelle » qui leur permet de s’offrir de très nombreux avantages et de transférer sur les autres les risques. Il faut donc des régulateurs, notamment des régulateurs bancaires et financiers, pour lutter contre l’asymétrie d’information. La transparence est l’un des moyens procéduraux pour lutter contre cette asymétrie. La crise financière et bancaire de 2008 a montré l’ampleur de cette asymétrie et de fait, l’incapacité des régulateurs à y remédier puisque par exemple, le gouvernement britannique a estimé en 2010 que c’était le régulateur financier lui-même qui était responsable de la crise pour n’avoir pas assez veillé aux conflits d’intérêts. D'une façon générale, la crise financière mondiale a souvent été qualifiée plus tard de crise avérée des régulateurs et de la régulation.
L’autorégulation désigne un système apte à définir ses équilibres par ses seules forces ou, s'il y a un dysfonctionnement en son sein, de les rétablir également par ses seules forces. Ainsi, le marché concurrentiel des biens et des services ordinaires est autorégulé. En effet, puisqu’il n’y a pas de barrières à l’entrée et qu’il y a une information sur les produits et sur les prix, associée à une mobilité des consommateurs atomisés, ceux-ci font jouer la concurrence entre les offreurs, ce fonctionnement permanent élaborant le juste prix. Si un agent fixe un prix abusivement haut, un tiers extérieur au marché entrera sur celui-ci pour proposer aux consommateurs un prix plus bas, le nouvel entrant convoitant cette rente, et les consommateurs, par nature infidèles, changeant ainsi de fournisseur.L’essentiel est donc le libre échange, l’absence de barrière à l’entrée des marchés et l’absence d’éviction d’une entreprise par une autre, l'éviction étant la pratique anticoncurrentielle la plus grave. Ainsi, le droit de la concurrence repose sur le postulat d’un marché autorégulé. Dans ces conditions, ce n’est que d’une façon ponctuelle que des comportements anticoncurrentiels, ententes et abus de position dominante à titre principal, peuvent être constatés. Ils sont alors sanctionnés ex post par l’autorité de la concurrence qui, par des sanctions appropriées, en quelque sorte « répare » le marché
La régulation est conçue sur un postulat inverse puisqu’elle postule que le marché dont il s’agit n’a pas eu la force de créer ni de maintenir ses équilibres propres, soit parce que la libéralisation est trop récente, soit parce qu’il y a de façon définitive un monopole économiquement naturel, soit parce qu’il y a une asymétrie d’information,etc. Dès lors, il ne peut jamais y avoir d’autorégulation. On ne peut d’une façon plus simple et plus nette dessiner la frontière entre concurrence et régulation. Il est vrai que des autorités de concurrence ont cherché à promouvoir la notion de « régulation concurrentielle » et que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie (LME) a repris ce vocabulaire, en particulier dans l’Ordonnance du 13 novembre 2008 venue l’appliquer en portant modernisation de la « régulation de la concurrence ». En France, l’Autorité de la Concurrence a pris l'habitude d'intituler son rapport annuel "Régulation", ce qui exprime la prétention de cet organise à pratiquer ce qu'elle qualifie de "régulation horizontale"", intervenant directement dans l’organisation des structures et des comportements. Nous quittons alors la notion traditionnelle et américaine de régulation comme marque de libéralisme, n'intervenant qu'en cas de défaillance structurelle de marché, pour revenir vers la traditionnelle tendance française à l’économie administrée. Le doute vient du fait qu'aucune défaillance structurelle ne justifie une telle emprise générale de l’État sur les marchés ordinaires.
On peut encore soutenir que la régulation peut se faire d’une façon autre que par l’ajustement des intérêts entre les offreurs et les demandeurs, non plus d’une façon exogène, notamment par des prescriptions d’ordre public de régulateur, mais par des prescriptions endogènes des acteurs, par exemple via des « codes de bonne conduite » ou des « chartes déontologiques ». Il faut alors distinguer une conception morale de l’autorégulation d’une conception sociologique de l’autorégulation. La conception morale vise l’idée que des opérateurs d’un même secteur ont intériorisé des normes de comportements qui ne sont pas naturels, mais qui leur ont été inculquées par imprégnation, par sens moral, à travers la déontologie. La déontologie met alors en avant les professions, notamment les professions libérales, en ce que celles-ci sont aptes à prendre distance par rapport aux valeurs de marché, essentiellement l’argent, pour leur préférer des valeurs morales, essentiellement la protection du faible, ou bien celle de l’environnement, ou encore le souci des générations futures. Les autorités de concurrence récusent la pertinence de cette autorégulation déontologique, revendiquée notamment par les professions libérales comme celle des avocats ou des médecins. La Commission européenne notamment a tendance à les soumettre au droit ordinaire des entreprises sur un marché concurrentiel du droit ou de la prestation de santé. De la même façon les banques sont traitées en droit européen comme des entreprises "ordinaires" et non pas comme des opérateurs en charge d'un service public (financer l'économie, se soucier de l'inclusion sociale), encore moins exprimant une morale professionnelle propre.
Nous vivons aujourd’hui à la fois une certaine désespérance face à la prétention de l’autorégulation déontologique, car les banques prétendaient s’y adonner et les informations apportées par la crise financière conduisent à prendre quelque distance par rapport à ce discours moral, tandis qu’en même temps on nous appelle à un renouveau de ce sens moral dans les affaires et dans le capitalisme. La responsabilité sociétale peut en constituer un renouveau.
Enfin, l’autorégulation peut être de type sociologique lorsqu’un secteur est composé de personnes qui se connaissent toutes, qu’elles travaillent dans les entreprises, dans l’administration ou chez le régulateur. Le cas est d’autant plus répandu que cela correspond à l’organisation de la société en réseau. Il s’agit effectivement d’une autorégulation par effet de club. Le danger de cette autorégulation n’est plus alors dans le risque d’un discours moralisateur relevant davantage du marketing mais dans celui d’une compromission presque inconsciente du régulateur, ainsi capturé, par habitude ou par amitié. Le système de régulation doit alors là aussi chercher à briser cette autorégulation, dangereuse pour l’impartialité du régulateur.
Autorité Administrative Indépendante (AAI)
L'Autorité Administrative Indépendante (AAI) est la forme juridique que le Législateur a le plus souvent choisi pour établir des autorités de régulation. L'AAI est seulement sa forme juridique mais le système juridique continental, comme est le Droit français, allemand, italien, etc., y ont attaché une grande importance, suivant en cela la tradition formaliste du droit public. Les Autorités de régulation sont donc avant tout définies comme des autorités administratives indépendantes.
L’élément essentiel est dans le dernier adjectif : le caractère "indépendant" de l’organisme. Cela signifie que cet organe qui n’est pourtant qu’administratif, donc ayant vocation à être placé dans la hiérarchie l’exécutif, n’obéit pas au Gouvernement. En cela, on a très souvent présenté les régulateurs comme des électrons libres, ce qui a posé le problème de leur légitimité, puisqu’ils ne pouvaient plus puiser en amont dans la légitimé du Gouvernement. Cette indépendance pose également la difficulté de leur responsabilité, de la responsabilité de l’État du fait de leurs agissements, et de la reddition de compte (accountability) quant à l’usage qu’ils font de leurs pouvoirs. En outre, l’indépendance des régulateurs est parfois mise en doute si c’est le gouvernement qui conserve le pouvoir de nommer les dirigeants de l‘autorité de régulation. Enfin, l’autonomie budgétaire du régulateur est cruciale pour assurer son indépendance, les autorités ayant le privilège de bénéficier d’un budget -qui n’est pas inséré dans la LOLF- étant cependant très peu nombreuses. On les qualifie alors non plus d' "autorité administrative indépendante" mais d'Autorité Publique Indépendante", le Législateur faisant la distinction entre les deux (loi du 20 janvier 2017).
Le deuxième point concerne le second adjectif : à savoir qu’il s’agit d’un organe "administratif". Cela correspond à l’idée traditionnelle selon laquelle la régulation est le mécanisme par lequel l’État intervient dans l’économie, selon l’image d’une sorte de déconcentration des ministères, dans le modèle scandinave de l’agence. Si l’on se laisse enfermer dans ce vocabulaire, on en conclut que cet organisme administratif rend une décision administrative qui fait l’objet d’un recours devant un juge. Ainsi en premier lieu, il s’agirait d’un recours de premier instance et non pas d’un jugement puisque l’autorité administrative n’est pas un tribunal. En second lieu, le juge naturel du recours devrait être le juge administratif puisqu’il s’agit d’une décision administrative rendue par une autorité administrative. Mais, l’Ordonnance du 1ier décembre 1986 sur la concurrence et la libéralisation des prix, parce qu’elle entendait précisément briser cette idée d’une économie administrée pour imposer la liberté des prix l’idée du libéralisme économique, a imposé que les attaques faites contre les décisions de régulateurs économiques prenant la forme d’AAI soient portées devant la Cour d’appel de Paris, juridiction judiciaire. Certains grands auteurs ont même alors pu en déduire que la Cour d’appel de Paris était devenue une juridiction administrative. Mais aujourd’hui, le système procédural est devenu d’une extrême complexité car suivant les AAI et suivant les différentes sortes de décisions adoptées, elles relèvent d’un recours soit devant la Cour d’appel de Paris, soit devant le Conseil d'État. Si l’on observe les lois successives qui modifient le système, on constate qu’après cette grande position de principe de 1986, le juge administratif reprend petit à petit sa place dans le système, notamment dans la régulation financière. Doit-on par logique en conclure que l’on revient à un esprit de régulation définie comme une police administrative et à une économie administrée par l’État ?
Enfin, le troisième terme est le nom lui-même : « l’autorité ». Il signifie en premier lieu d'une entité dont le pouvoir tient avant dans son "autorité". Mais il marque qu'il n'est pas une juridiction, qu'il prend des décisions unilatérales. C’était sans compter la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et le juge judiciaire ! En effet, l’article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’homme pose que toute personne a droit à un tribunal impartial en matière civile et pénale. Or, la notion de « matière pénale » ne se coïncide pas avec la notion française formelle de droit pénal mais vise la notion factuelle, large et concrète, de répression. Ainsi, par un raisonnement qui va à rebours, un organisme, quelque soit la qualification qu’un État lui aura formellement conférée, qui a une activité de répression, agit "en matière pénale". De ce seul fait, au sens européen, il est un tribunal. Cela déclenche automatiquement une série de garanties fondamentales de procédure, au bénéfice de la personne qui risque d’être l’objet d’une décision de sa part. Une série de jurisprudence, aussi bien de la Cour de cassation, du Conseil d’État ou du Conseil constitutionnel a conforté cette juridictionnalisation des AAI.
L’Autorité de concurrence est généralement une autorité administrative indépendante (AAI). C’est en France le cas de l’Autorité de La Concurrence (ADLC) qui a succédé au Conseil de la concurrence et qui comme lui a été conçue pour intervenir ex post. Quel que soit le marché considéré, bénéficiant ainsi d’une compétence quasi universelle portant sur toute activité économique de production, de distribution et de service, elle peut être saisie voire s’autosaisir lorsque des éléments d’un comportement anticoncurrentiel sont allégués. L’autorité de concurrence ne surveille pas en tant que tel les marchés, pas plus qu’elle ne les construit ou n’en maintient les équilibres. Ces fonctions-ci sont précisément dévolues aux régulateurs. On mesure ainsi que l’autorité de concurrence a une compétence beaucoup plus large que celle des régulateurs, puisque l’office de ceux-ci est limité à un secteur tandis qu’inversement l’autorité de concurrence a une puissance beaucoup plus faible que celle des régulateurs, puisqu’elle n’a pas de pouvoirs ex ante et n’intervient que de façon ponctuelle.
Cette distinction n’empêche en rien la coordination entre les régulateurs et l’autorité de la concurrence, notamment parce qu’ils peuvent réciproquement se transmettre des cas ou des informations, comme ils peuvent solliciter les uns des autres leurs avis respectifs. Plus le secteur dont un régulateur a la charge est mûr d’un point de vue concurrentiel, et plus cette collaboration sera active, comme on le constate en matière de télécommunications.
Mais les choses ne sont pas si simples, l’on va en prendre deux exemples : en premier lieu, les autorités de concurrence, qu’elles soient française (depuis la loi relative à la modernisation de l’économie -LME du 4 aout 2008) ou européenne depuis le règlement communautaire de 1985, l’autorité de concurrence opère le contrôle des concentrations. Cette fonction et pouvoir considérable consiste à apprécier la conformité au droit de la volonté de deux entreprises de se rapprocher (par exemple, par une fusion). Mais, dans la mesure où les autorités de la concurrence mettent très souvent des conditions pour accepter la concentration, par exemple des cessions d‘actifs ou des engagements comportementaux, on en arrive à une sorte de mécano économique et industriel opéré ex ante, assimilable à un pouvoir de régulation. Ces engagements sont de fait négociés entre les entreprises et l’Autorité de concurrence : ce que l’on présente comme des conditions unilatérales apparaissent comme une sorte de contrat. Plus généralement, plus l’autorité de concurrence développe la technique des engagements, y compris à propos des pratiques anticoncurrentielles, et plus elle contractualise son comportement vis-à-vis des entreprises, renonçant à sanctionner c'est-à-dire abandonnant son attitude ex post, pour organiser une nouvelle situation de l’entreprise adoptée par celle-ci à travers ses engagements, l’autorité de concurrence agissant alors ex ante, comportement caractéristique d’un régulateur.
En second lieu, la Commission européenne, organisme à multiples têtes, d’un côté sanctionne les comportements anticoncurrentiels et opère les contrôles de concentrations, et d’autre part, rédige les textes des directives des règlements communautaires que le Parlement européen et le Conseil européen adopteront par la suite. Or, dans les secteurs régulés, la Commission européenne adopte et rédige des dizaines de directives et de règlements à tel point qu’elle a pris l’habitude de les concevoir par « paquet », appréhendant les évolutions en matière d’énergie ou de régulation environnementale, de banque ou de télécommunications etc., par des paquets contenant plusieurs directives et règlements.Dans ces textes, relevant donc de l’ex ante, les organisations de régulation des secteurs sont profondément affectées. Cette sorte de Janus que constitue la Commission européenne fait qu’elle est, au niveau européen, à la fois Autorité de concurrence et Autorité de régulation. Or, les autorités nationales de concurrence ont tendance à affirmer qu’elles constituent des « petites commissions européennes », ce qui les renforce leur tendance à vouloir réguler l’économie. Elles en viennent à proposer dans des textes de « droit souple » la notion de « régulation concurrentielle », ce qui constitue un oxymore.
Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires et de la Route (ARAFER)
La Loi du 8 décembre 2009 a créé l’Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires, l'ARAF. La Loi du 6 août 2015 (dite "Loi Macron") a étendu ses compétences sur les questions routières, ce qui justifia la modification de son appellation, désormais l'Autorité des activité Ferroviaires et de la Route, l'ARAFER.
Cette autorité de régulation a pour fonction d’accompagner la libéralisation de l’activité économique du transport ferroviaire tout d'abord du fret, puis des voyageurs, pour mettre fin au monopole de l’opérateur historique, la SNCF. Ce régulateur est nécessaire pour que des nouveaux entrants puissent lutter contre la puissance d’un opérateur historique, parce qu'il s'agit d'une industrie de réseaux et que le transport constitue un monopole économiquement naturel. La loi de 2009 a transféré la propriété du réseau à un établissement public, Réseau Ferré de France (RFF) distinct de l'opérateur public principal, mais la loi de 2015 a créé un "groupe public ferroviaire" doté d'un holding de tête ayant des pouvoirs opérationnel, redonnant des pouvoirs à la SNCF, notamment à travers les gares. Le Régulateur a formulé un avis réservé à ce propos.
Le régulateur assure l’accès non discriminatoire des opérateurs en concurrence à ces facilités essentielles. L’ARAFER est une AAI, composée de 7 membres, nommés pour six ans. Elle dispose de larges pouvoirs d’investigation, peut être consultée sur tout projet de loi sur le transport ferroviaire et sur les programmes d’investissement dans le réseau. Elle a également un pouvoir de sanction sur les opérateurs.
Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Roste (ARCEP)
L’Autorité de Régulation des Communication Electroniques et de la Poste (ARCEP) est une Autorité Administrative Indépendante (AAI). Elle a succédé en 2005 à l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART), laquelle fut créée en 1996. L’ART fût la première autorité de régulation du genre, inaugurée sous l’impulsion du la vague de libéralisation des secteurs naguère en monopole .
L’ARCEP a une compétence plus vaste de celle de l’ART, régulant également les activités postales et a pour office de favoriser l’exercice d’une « concurrence effective et loyale au bénéfice des utilisateurs », ce qui la rapproche singulièrement de l’office général de l’Autorité de Concurrence. Ce régulateur doit encore tenir compte de l’ « intérêt des territoires » et de l’accès des utilisateurs aux services et aux équipements. L’ARCEP a compétence pour réguler ce qui transporte les informations (contenant) tandis que le a compétence pour réguler les informations transportées (contenu). Cette distinction contenant/contenu fonde donc la dualité des régulateurs. Mais en premier lieu elle est fragile et peu utilisée à l’étranger, d’autres pays préférant avoir un seul régulateur pour le contenant et pour le contenu, dans la mesure où les informations peuvent passer par divers contenants (par ex. télévision ou le téléphone). En second lieu Internet rend difficile le maniement de cette distinction. C’est pourquoi on évoque parfois l’hypothèse de fusion des deux autorités de régulation.
L’ARCEP surveille les marchés de gros, dans lesquels les opérateurs doivent se comporter d’une façon transparente, non discriminatoire et publier une offre de référence. Il les prix et oblige à une orientation du tarif vers le coût, favorisant en aval c'est-à-dire (marché du détail) le dynamisme concurrentiel. Sur celui-ci, le régulateur veille à de transport et au réseau de distribution jusqu’au final (problématique de la . L’ARCEP a le pouvoir d’attribuer les fréquences aux opérateurs, lesquelles sont des et dont l’attribution peut être retirée à l’opérateur en cas de . Mais au-delà de ces dimensions très techniques, le régulateur exerce une fonction parce qu’il projette dans le une certaine conception qu’il a du secteur. Ainsi il peut estimer ou non que la fibre optique doit être ou non favorisée et contraindre les opérateurs en ce sens. De la même façon, il peut adhérer à la théorie de la « » au nom de laquelle il va imposer aux propriétaires d’un réseau de l’ouvrir à des utilisateurs, même au prix d’investissements pour les accueillir, le régulateur fixant alors l’indemnisation d’un tel . L’adhésion à cette théorie, très discutée, n’est pas de nature technique mais politique.
L’ARCEP dispose du pouvoir précité de retirer des fréquences aux opérateurs ne remplissant pas leurs obligations et peut prendre des mesures conservatoires. Celles-ci peuvent être attaquées devant la Cour d’appel de Paris. L’autorité exerce un pouvoir deet d’un pouvoir de . L’ARCEP publie un rapport annuel, façon pour l’Autorité de , ce mode de étant mis en balance avec son .
Comme en 1996 pour les télécommunications, à partir de 2005 le régulateur a ouvert à la les activités , tout en veillant à la poursuite du postal. La Loi du 9 février 2010, tout en transformant la Poste en société anonyme a veillé à maintenir ses obligations de service public et les a même étendues en lui confiant des obligations d’aménagement du , montrant avec la régulation . Par ce contrôle, le régulateur exerce un pouvoir plus que technique.
Autorité des Marchés Financiers (AMF)
L'Autorité des Marchés Financiers (AMF) est le régulateur français des marchés financiers. Il est en charge de veiller au bon fonctionnement de ceux-ci, à leur transparence et à la protection des investisseurs. Il contrôle les marchés règlementés et organisés, et depuis la réforme communautaire des marchés d'instruments financiers, même les marchés de gré à gré, construits sur des seuls contrats peuvent être contrôlés par lui, en raison de leur risque systémique.
Autorité administrative indépendante (AAI), dotée de la personnalité morale et bénéficiant d'un budget autonome, hors du contrôle budgétaire général de l’État et construit sur une taxe à partir des opérations, ce régulateur financier dispose d'un pouvoir réglementaire résiduel, d'un pouvoir de sanction et d'un pouvoir de composition administrative. Pour respecter le principe d'impartialité de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) au regard de laquelle le régulateur est assimilé à un tribunal, le pouvoir de sanction est exercé au sein de l'autorité par une Commission de sanction. Celle-ci est autonome du collège de l'Autorité, gouverné par le président.
Pour rendre des comptes, le régulateur remet un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement. L’AMF participe à la régulation européenne et internationale et appartient au pôle de compétence de l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR).
Autorité Publique Indépendante
Formellement, le système juridique avait construit les autorités de régulation sous la forme d'Autorité Administrative Indépendantes (AAI).
L'enjeu étant de construire d'une façon institutionnelle et consubstantielle leur indépendance, le Législateur a conféré un nouveau statut : celui d'Autorité Publique Indépendante (API). Ainsi, l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL), la Haute Autorité de Santé (HAS) ou l'HADOPI sont classés parmi les API et non pas seulement parmi les AAI.
Il faut donc y voir deux catégories juridiques distinctes, les AAI d'une part et les API d'autre part.
Ainsi les deux lois du 20 janvier 2017 portent, pour mieux les encadrer, à la fois sur les AAI et sur les API, mais la lecture des travaux préparatoires montre que les deux catégories montrent qu'ils sont traités d'une façon assez commune. Plus encore si l'on consulte les sites de certaines autorités de régulation elles-mêmes, comme l'HADOPI, par exemple, celle-ci se présente comme une "Autorité Publique Indépendante" mais définit cette catégorie juridique comme étant celle qui vise les Autorités Administratives Indépendantes .....
Il apparaît ainsi que la catégorie des Autorités Publiques Indépendantes est surtout marqué par le symbole d'une dignité plus forte que celle de la catégorie des Autorités Indépendantes "simplement" Administratives. Du point de vue technique, les deux catégories se distinguent essentiellement du point de vue budgétaire, l'autonomie financière étant le nerf de l'indépendance. C'est ainsi que le budget de l'AMF repose sur l'ampleur des opérations de marché, par des mécanismes de taxe qui ne sont pas insérées dans la LOLF. L'indépendance ne va pas jusqu'à l'autonomie, l'API ne négociant pas son budget avec le Parlement, puisque une Autorité Publique Indépendante n'est pas une Autorité Constitutionnelle.