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âș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-Roche, Statut et rĂŽle de la "trajectoire" dans le Droit de la RĂ©gulation et de la Compliance, document de travail, janvier 2025.
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đ€ Ce document de travail a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© pour servir de base Ă la vidĂ©o Surplombđ du 18 janvier 2024 : cliquer ICI
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đŹđŹđŹDans la collection des Surplombđ Il s'insĂšre dans la catĂ©gorie des Notions.
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âș RĂ©sumĂ© du document de travail : La notion de Trajectoire est une notion-clĂ© en Droit de la Compliance. Cela est montrĂ© en 4 temps.
- 1. l'usage décisif de la trajectoire dans les 3 décision Grande-Synthe du Conseil d'Etat,
- 2. la définition de la trajectoire,
- 3. l'application de la trajectoire dans diverses Compliances sectorielles et outils de Compliance,
- 4. la dimension probatoire de la trajectoire et les conséquences pour les entités assujetties
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đlire les dĂ©veloppements ci-dessous—ïž
La « trajectoire » est une notion-clé dans le Droit de la Compliance.
Elle ressort non seulement des textes mais aussi de la jurisprudence (1).
Son importance dĂ©coule du fait que lâobligation de compliance des entitĂ©s assujetties, porte sur le futur (2).
Il sâagit dâune notion centrale dans les engagements systĂ©miques, sociaux, dâĂ©ducation, etc. (3).
Sa portĂ©e est notamment probatoire et doit ĂȘtre maniĂ©e de cette façon-lĂ par les entreprises assujetties (4).
I. LA JURISPRUDENCE ĂPONYME GRANDE SYNTHE
Prenons la jurisprudence dite « Grande Synthe » rendue par le Conseil dâĂtat, composĂ©e de 3 dĂ©cisions.
Rendue sur recours pour excĂšs de pouvoir, sa dĂ©cision du 19 novembre 2020, le Conseil dâĂtat constate que lâĂtat sâest engagĂ© Ă rĂ©duire les Ă©missions de C02 provenant du territoire national de 40% dâici 2030 et que la France a pourtant rĂ©guliĂšrement dĂ©passĂ© les plafonds dâĂ©mission quâelle sâĂ©tait fixĂ©s pour ce faire. Cela constitue un refus implicite de prendre les mesures dâexĂ©cution de la loi posant les objectifs de rĂ©duction de la France, laquelle dĂ©coule dâune directive europĂ©enne de 2018, faisant elle-mĂȘme suite Ă lâAccord de Paris. Le Conseil dâĂtat ordonne donc un supplĂ©ment dâinformation pour que soient mesurĂ©s les actions de mise en Ćuvre par lâEtat des textes qui le contraignent Ă agir.
Dans la dĂ©cision dite Grande Synthe 2, du 1ier juillet 2021, le Conseil dâĂtat, statuant ensuite au fond, pose que ce refus implicite de prendre les mesures utiles pour inflĂ©chir la courbe des Ă©missions de C02 produites sur le territoire national, afin dâassurer sa compatibilitĂ© avec la loi et le Droit de lâUnion, doit ĂȘtre annulĂ©. En outre, le Conseil dâĂtat enjoint au Gouvernement de prendre toutes mesures utiles pour inflĂ©chir cette courbe Ă cette fin.
En motivation, le Conseil pose : « faute dâavoir pris des mesures supplĂ©mentaires nĂ©cessaires pour inflĂ©chir la courbeâŠ, le refus opposĂ© Ă la requĂ©rante par le pouvoir rĂ©glementaire est incompatible avec la trajectoire de rĂ©duction de ces Ă©missions » fixĂ©es par le dĂ©cret, la loi et le rĂšglement europĂ©en.
Dans un troisiĂšme temps, la municipalitĂ© requĂ©rante, Sainte-Synthe, saisit encore le Conseil dâĂtat pour obtenir le prononcĂ© dâune astreinte contre lâĂtat afin dâavoir la garantie quâil exĂ©cutera son obligation de suivre la trajectoire de rĂ©duction. Mais dans sa dĂ©cision dite Grande Synthe 3 du 10 mai 2023, le Conseil dâĂtat rejette sa demande par la motivation suivante.
Le Conseil dâĂtat relĂšve que certes au moment oĂč il est saisi lâaction de lâEtat nâa pas suffi Ă remplir ses obligations et quâil devra poursuivre. Mais il refuse de le contraindre par une astreinte car le comportement de lâĂtat, dâores et dĂ©jĂ constatĂ©, permet de montrer que lâaction de lâĂtat permet par projection de prĂ©sumer que, dans le calendrier fixĂ©, la rĂ©duction Ă laquelle le Droit le contraint, sera obtenue.
Comme on ne peut pas prĂ©sumer quâil va cesser dâexĂ©cuter ses engagements et comme il dĂ©montre ainsi quâil sera en possibilitĂ© et en mesure de les tenir, une astreinte nâest pas justifiĂ©e.
II. LA DĂFINITION DE LA TRAJECTOIRE : LA CONSĂQUENCE DâUNE OBLIGATION DE COMPLIANCE QUI PORTE SUR LE FUTUR
La trajectoire est liĂ©e Ă la notion dâobligation de compliance qui pĂšse sur les assujettis, lâĂtat dans le cas Grande Synthe, les entreprises cruciales le plus souvent.
En effet, il sâagit pour les entreprises assujetties Ă une obligation de compliance de dĂ©tecter et de prĂ©venir des catastrophes, par exemple le changement climatique, la corruption, le blanchiment dâargent, etc., afin quâĂ lâavenir les systĂšmes nâen soient pas victimes. Lâobjet de lâobligation est donc le futur.
Cela suppose une action immédiate, qui se prolonge dans le futur : une action « continuée », qui se situe dans la durée.
Le Droit est plus familier des situations pĂ©rennes et des rĂ©alisations instantanĂ©es dâobligations que des rĂ©alisations qui se dĂ©ploient dans la durĂ©e.
Mais lâobligation de compliance appartient souvent Ă cette derniĂšre catĂ©gorie.
Cela renvoie donc à cette notion de trajectoire : avec un calendrier, des rendez-vous, une victoire finale espérée.
On connait déjà cela dans le Droit de la Régulation, que le Droit de la Compliance prolonge : par exemple le déploiement de la fibre, avec un calendrier, etc.
III. LA TRAJECTOIRE, NOTION CENTRALE A LA CROISĂE DE TOUTES LES COMPLIANCES SECTORIELLES
En effet, la notion de trajectoire est centrale dans le déploiement des systÚmes qui supposent une action non seulement continue mais encore dont les Autorités de régulation et de supervision exigent de mesurer un progrÚs.
Câest par exemple le cas lorsquâil sâagit dâune obligation faite aux opĂ©rateurs de former les collaborateurs internes et externes. La formation est un outil essentiel de Compliance. Elle prend son sens dans le but : que les destinataires prennent ce Ă quoi sert la connaissance, lâintĂ©riorise et modifie au besoin leurs propres comportements.
Les RĂ©gulateurs mesurent la « trajectoire de progrĂšs » qui est opĂ©rĂ©e parmi les personnes qui bĂ©nĂ©ficient de la formation, exactement de la mĂȘme façon que lâon mesure les progrĂšs de la trajectoire de diminution de pollution.
Lâon peut encore prendre lâexemple de fĂ©minisation des organes de dĂ©cision dans les entreprises, oĂč le contrĂŽle portera de la mĂȘme façon sur les trajectoires qui sont autant de garanties, exigĂ©es mais suffisantes, des succĂšs Ă venir et buts atteints demain.
Apparait ainsi la nature mĂȘme de la notion de « trajectoire » : une notion probatoire.
IV. LA TRAJECTOIRE : UNE NOTION PROBATOIRE, LES CONSEQUENCES POUR LES ENTREPRISES ASSUJETTIES
En effet, si lâentreprise ne peut faire lâobjet dâune contrainte immĂ©diate, comme le prononcĂ© dâune astreinte, pour la rĂ©alisation dâune obligation qui ne sera complĂšte que dans le futur, câest Ă la condition de prouver quâelle respecte cette trajectoire.
Câest donc une obligation de preuve.
Elle repose sur elle, mĂȘme si dans un procĂšs lâentreprise est en dĂ©fense.
Lâobjet de preuve qui lâastreint est de montrer quâau regard de son comportement passĂ© et prĂ©sent, en faisant des projections, lâon peut penser quâelle tiendra dans le futur les engagements pris (soit du fait de la Loi qui lâassujettit, soit parce quâelle sây ait engagĂ©e par contrat par exemple).
Pour ce faire, lâentreprise aura la prudence probatoire de prĂ©constituer ces Ă©lĂ©ments de prudence et de rĂ©aliser par avance ces projections pour pouvoir justifier de la crĂ©dibilitĂ© de la trajectoire.
Ainsi, alors mĂȘme que lâexĂ©cution de son obligation de compliance porte sur le futur, elle pourra en apporter une preuve satisfaisante.
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