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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Interrégulation : rapport du "pôle commun" entre l'AMF et l'ACPR, reflet d'un phénomène général à tous les secteurs et toutes les autorités", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 28 juin 2023.
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🔴Interrégulation, voie d'ajustement de la Régulation à un monde changé
L'interrégulation, articulée au Droit souple, est la voie qui permet de conserver la spécificité du Droit de la Régulation, aujourd'hui prolongée par le Droit de la Compliance, tout en répondant à un monde dont le numérique efface les frontières en y imposant pourtant une conception souveraine des politiques : exemple du Rapport annuel publié par le "pôle commun" publié par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en juin 2023.
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La notion de secteur est le point de départ du Droit de la Régulation, puisque c'est en raison de la spécificité d'un secteur et de ses exigences propres, à la fois techniques et politiques, qu'on lui a construit des règles qui ne s'appliquent qu'à lui, voire une Autorité spécifique : l'Autorité de Régulation. Celle-ci n'a prise que sur ce secteur-là. C'est donc dans l'ADN du Droit de la Régulation.
Mais la société et l'économie demeurent un ensemble, que les marchés parcourent, les personnes étant indifférentes à un tel découpage et les entreprises relevant le plus souvent de plusieurs Autorités, parce que leur activité relève de plusieurs secteurs. Non pas parce qu'elles seraient un conglomérat, mais parce que les secteurs eux-mêmes ont des liens techniques et politiques.
C'est pourquoi dès 2005 fut proposée "l'hypothèse de l'interrégulation", afin de gérer les risques, qui eux-mêmes passent de secteur en secteur et pour la prévention desquels des contours ainsi constitués autour de chaque secteur soient un handicap :
🔴M.-A. Frison-Roche, 📝L’hypothèse de l’interrégulation, in M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les risques de régulation, 2005.
Le numérique a accru le phénomène, en ce que le numérique, qui n'est pas un secteur lui-même puisqu'il recouvre le monde lui-même, mêle tous les secteurs. Dès l'instant que le numérique était la nouvelle façon dont le monde s'agence, il y avait donc à la fois besoin de plus de régulation (pour agir en Ex Ante) et besoin de plus d'interrégulation :
🔴M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Internet, espace d'interrégulation, 2016.
Face à cela, les Autorités politiques été tentées de faire fusionner les Autorités de régulation pour que celles-ci correspondent à ces contours devenus plus incertains. Des discussions tendues eurent lieu sur la perspective de faire fusionner l'ARCEP et le CSA (devenu depuis l'Arcom). Plus que d'opérer des fusions, l'évolution institutionnelle elle-même est allée dans tous les secteurs vers "l'interrégulation". Ne serait-ce que pour éviter de concevoir un Régulateur du numérique (puisque le numérique englobe tout, et bien au-delà des frontières territoriales).
Une des façons de faire est de constituer un "pôle commun". Il s'agit alors d'instituer entre deux Autorités, qui demeure distinctes, un organisme qui traitera de problèmes qui leurs sont communs afin de dégager des positions communes.
Cela est particulièrement bienvenu entre le secteur bancaire et le secteur financier, car les contours des deux sont poreux et les deux régulations ne sauraient pourtant pas se mélanger :
🔴M.-A. Frison-Roche, 📝Régulation bancaire, régulation financière, 2009.
L'Autorité des marchés financiers - AMF, qui régule les activités sur les marchés financiers et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - ACPR, qui régule le secteur bancaire, disposent ainsi d'un "pôle commun".
Quelques jours après la publication du rapport annuel de l'AMF, ce pôle commun publie son propre rapport annuel.
Il est remarquable de voir ce qu'il apporte de plus par rapport à l'action menée par chaque Autorité, relayée par leur rapport annuel respectif et ce que le pôle commun met ainsi en exergue.
Le rapport rappelle que la protection de l'épargnant est le point commun de leur mission. Le rapport insiste sur la fonction "pédagogique" de l'épargnant qu'assure le pôle commun. C'est donc vers les récepteurs que l'action est faite.
Côté émetteurs, les contrôles sont opérés sur les opérateurs, notamment pour prévenir les conflits d'intérêts.
La protection de l'épargnant étant mis à l'épreuve dans la commercialisation des produits sur Internet, une description des actions convergentes est faite, à la fois sur le contenu des publicités et sur le rôle des influenceurs, qui sont des nouveaux intermédiaires dans la chaîne, le contrôle Ex Ante étant privilégié, pouvant aller jusqu'à l'inscription sur la "liste noire".
Ce pôle commun aide aussi à identifier mieux des catégories dont les deux Régulateurs ont le souci commun, qu'il s'agisse de personnes comme les personnes âgées ou vulnérables, particulièrement visées par les escroqueries en tout genre, d'organisations numériques comme les plateformes de "partage de revenus", peu régulées, ou de sujets de préoccupation comme celui des frais insuffisamment maîtrisés et insuffisamment transparents.
L'on mesure à quel point ces trois perspectives sont à la fois liées et communes aux 2 Autorités.
C'est d'ailleurs par des attitudes de soft law "convergentes" que celles-ci, via le pôle commun s'exprime vis-à-vis de l'Europe, non seulement concernant les directives en cours d'élaboration, notamment sur les produits d'assurance, mais d'une façon plus politique, le rapport reprenant l'esprit du rapport annuel de l'AMF, insistant à la fois sur la construction européenne et la finance durable.
Cela est d'ailleurs en reflet du fonctionnement européen lui-même, puisque les deux organismes européens que sont l'ESMA (autorité sur les marchés financiers), l'EBA (autorité sur le secteur bancaire) et l'EIOPA (autorité sur l'assurance et les fonds de pension) prennent des "positions communes".
Il est logique qu'à la fois les Autorités ne fusionnent pas mais qu'elles développent de plus en plus et des "pôles communs" et des "positions communes" : bref, de l'interrégulation, ce qui permet au Droit de la Régulation de garder toute sa spécificité et de répondre ainsi à un monde qui a de moins en moins de frontière et pourtant besoin de plus en plus de souveraineté.
🔴M.-A. Frison-Roche, 📝Le principe de proximité systémique active, corolaire du renouvellement du principe de souveraineté par le Droit de la Compliance, in M.-A. Frison-Roche (dir.), 📕Les Buts Monumentaux de la Compliance, 2022.
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