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► Full reference : M.-A. Frison-Roche, The role of Discretionary Jurisdictio in the judicial treatment of Compliance cases, working paper, August 2025.
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📗This working document was prepared as a contribution to the collective book offered to Professor Dominique d'Ambra, to be published and given to her in October 2026.
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► Summary of the working document : Based on the definition of Judicial Office, the procedural principles that derive from it and the consequent powers that judges exercise, the objet of this study is to measure the degree of discretion that exists in the judicial treatment of compliance, without direct consideration for the dispute between litigants. This part is very ignored, when it should be given top priority. Indeed, because Systems are involved in compliance cases brought before civil or commercial judges, we are seeing a development of this discretionary element in judicial fonction. Discretionary matters differ from unilateral discretionary procedures, and this discretionary element relates to what the judge examines, possibly in the context of a dispute.
The first part of this contribution therefore aims to describe the natural development of the discretionary power of the judge to deal with compliance cases brought before them. This role stems from the fact that, even when triggered by a dispute, what is submitted to the judge is a situation composed of a system, which cannot defend its interests before the civil or commercial judge in this Systemic Litigation arising from the very nature of Compliance Law and the Compliance Obligations it engenders on systemic entites. Moreover, it is the Future whose interests must be considered and protected, which the judge must do directly.
This leads to the second part of the contribution, calling for a rethinking of the procedure and the role of the Compliance Judge, so that ex gratia matters can be dealt with. The judge must therefore verify that there are no conflicts of interest between the litigants, including hidden ones, and must learn about the systems involved. The inquisitorial principle must therefore be strengthened. But at the same time, since the primary aim is not to settle a dispute but to resolve a systemic problematic situation, the judge must facilitate the movements of the parties, and the adversarial principle must also be strengthened. Must be encouraged this activation of a powerful and discretionary approach, not as an exception but as a principle fully articulated with a contentious principle, with the dispute being only a means used by the necessary parties to enable systemic compliance situations to be resolved.
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1. Le gout pour la procédure🙏🏻Le goût pour la procédure nous est commun. Il est profond et ancien, puisque Dominique d'Ambra et moi-même avons appris la procédure civile avec le professeur Jean Foyer, comme nous avons appris la même année le Droit processuel grâce à l'enseignement dispensé par Pierre Raynaud📎
Le titre même semble exclure ce gracieux par lequel le juge contrôle, institue, remet, reporte, donne, apaise, élabore une solution, ôte le venin d'une non-conformité à une norme juridique, tout cela sans trancher de dispute ni parfois même dire le droit. Avions-nous donc mal écouté notre maitre qui exposa le principe même de la juridiction gracieuse ? Heureusement, Dominiquee conserva place dans sa thèse qui fait aujourd'hui référence pour que la notion et la nature de juridiction gracieuse s'y épanouissent📎
En mêlant ces deux souvenirs-là, il apparaît que ce que les procédures classiques, le plus souvent en matière civile, recèle de matière gracieuse, peuvent aussi techniquement trouver à s'appliquer dans leur logique et leur adéquation à cette branche du Droit nouvelle qui prolonge aujourd'hui le Droit de la régulation📎
2. Trancher, forcément trancher.... 🙏🏻Pourtant la justice n'est pas racontée ainsi. Le Glaive, sans lui que deviendrait la Balance... La vertu de Justice tiendrait donc dans leur association📎
3. En principe le litige comme objet et la loi comme outil : la matière gracieuse dés lors présentée comme exception, légalement cernée 🙏🏻Dans notre système juridique, il serait donc posé que par une sorte d'effet de nature, le juge aurait pour office de se saisir d'une dispute, qui devient entre ses mains un litige📎
Chemin faisant, le juge peut certes ne pas trancher et ne plus manier le droit, en conciliant les parties, mais cet alinéa 5 de l'article 12 est comme un chemin d'écolier📎
En droit, il n'y aurait donc quasiment pas de "matière gracieuse", c'est-à-dire des situations sur lesquelles le juge exerce un pouvoir juridictionnel en l'absence de litige que si la loi le prévoit expressément et dans les conditions prévues par celle-ci📎
Les termes de l'article 25 du Code de procédure civile reprennent bien ces éléments📎
4. Pourquoi pas un office juridictionnel gracieux plein ? Ou à tout le moins la reconnaissance de la part de gracieux dans l'office juridictionnel requis par la matière systémique de la compliance ? 🙏🏻L'on pourrait en effet admettre qu'au-delà de la lettre de cet article 25 CPC, le juge exerce un office juridictionnel qui a une unité📎
L'on observe ainsi que la matière gracieuse "excède" toujours le litige, soit par l'ordre de la loi, soit par la dimension de la situation dont l'examen est soumis au juge. Ces deux façons d'"excèder" le litige se cumulent souvent parce que c'est bien parce que la situation est plus importante qu'un simple litige qu'une loi intervient pour exiger du juge qu'il vienne la contrôler alors même que personne n'articule de prétention particulière, par exemple en matière d'adoption, de procédures collectives📎
En effet, si l'on adopte une définition à la fois plus large et plus objective de l'office du juge, davantage liée à la notion de "situation" qu'à la notion de "litige", définition familière des contentieux répressifs et administratifs📎
En outre il faut admettre que la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse ne se font pas face à face, ne s'opposent pas nécessairement mais, de la même façon que beaucoup de procédures unilatérales, dite alors "gracieuses", ne sont que du contentieux différé la matière étant depuis dès le départ contentieuse📎
5. Plan de l'étude 🙏🏻En effet, le contentieux de la Compliance naît de la façon dont les entreprises exécutent leur "obligation de compliance"📎
I. LE DÉVELOPPEMENT NATUREL DE LA PART GRACIEUSE DE L'OFFICE DU JUGE POUR APPREHENDER DES CAS DE COMPLIANCE
6. Des intérêts en cause et du contrôle requis en matière d'obligations structurelles et comportementales de compliance façonnées par le futur 🙏🏻La "loi", telle que la désigne littéralement l'article 25 CPC, ne peut pas être prise dans son sens formel, elle doit être dans son sens matériel, c'est-à-dire l'ensemble des textes, traités, directives, lois, réglements, arrêtés, etc.📎
Mais l'office juridictionnel est, et par principe, non seulement contentieux mais encore de nature gracieuse, en ce que c'est par principe que ces "causes de compliance" excèdent l'intérêt particulier et que leur objet est le système (bancaire, financier, énergétique, climatique, numérique, algorithmique, etc.) concerné (A). Plus encore, le Droit de la compliance a pour objet le futur, qu'il préserve et construit, et par transitivité📎
A. LA PART GRACIEUSE DANS LE CONTENTIEUX DE COMPLIANCE EN RAISON D'INTÉRETS EXCÉDANT L'AFFRONTEMENT DES LITIGANTS
7. L'intêret des systèmes impliqués dans les contentieux de compliance 🙏🏻Le contentieux de la compliance intervient lorsque les structures de compliance imposées par la loi n'ont pas été mises en place par les entreprises assujetties, par exemple les structures d'alerte, les plans de vigilance, les programmes de remédiation, etc., ou/et lorsque les effets obtenus par l'activation de ces structures n'ont pas été publiés ou communiqués, que des engagements juridiquement contraignants n'ont pas été tenus, etc. La saisine peut s''notamment prendre appui sur un texte précis, notamment à propos du plan de vigilance. Il n'y a pas toujours une dispute car si des personnes peuvent se plaindre d'une atteinte à leur intérêt légitime, par exemple l'intérêt des travailleurs, et à ce titre revendiquer l'existence d'un litige leur ouvrant droit de saisir le juge📎
L'arrêt de la Chambre commerciale du 21 septembre 2022📎
Plus encore, la Cour d'appel de Paris a exigé par son arrêt du 18 juin 2024, EDF, que la personne ne peut prétendre avoir un droit d'action contre l'entreprise obligée d'adopter un plan de vigilance sans avoir un intérêt légitime et personnel pour demander à l'entreprise assujettie par la loi des comptes. L'intérêt du système, notamment énergétique, social et climatique, servi par cet outil de compliance, n'est pas représenté par un tel litigant qui ne peut prétendre que porter l'intérêt particulier qu'il a, en l'espèce un membre d'un communauté autochtone affectée par la construction📎
8. Distinct de l'intérêt des litigants, l'intérêt des individus, "tiers éloignés" des litigants dans l'espace et dans le temps 🙏🏻L'on peut également penser, à tout le moins dans la conception que l'Europe a du Droit de la compliance📎
Ce que l'on propose de désigner ici comme les "tiers éloignés" sont en premier lieu les tiers qui sont pourtant rattachés à l'assujetti à travers le mécanisme de la chaine de valeur. C'est même par souci de ces tiers géographiquement éloignés que la loi française dite "Vigilance" a été conçue, sur l'idée que l'entreprise maîtresse de fait des conditions de travail et de vie de ceux-ci doivent prendre en charge les risques d'atteintes grave à leurs droits. De la même façon et en second lieu, les "générations futures" sont des "tiers éloignés" non plus dans l'espace mais dans le temps. Mais ni les uns ni les autres n'ont en tant que tels accès à l'espace juridictionnel📎
B. LA PART GRACIEUSE DANS LE CONTENTIEUX DE COMPLIANCE EN RAISON DE LA PRÉSENCE DU FUTUR DANS LES CAS DE COMPLIANCE
9. Le futur, objet du contentieux de compliance 🙏🏻Cette évocation de l'intérêt à prendre en compte des "générations futures" conduit à un point essentiel : le Droit de la compliance vise à assurer en Ex Ante la durabilité des systèmes, c'est-à-dire vise leur avenir. Les rapports de durabilité n'en sont qu'une autre illustration. Il s'agit du principe majeur du Droit de la compliance, branche du Droit qui vise à ce que les systèmes ne s'effondrent pas. Son objet est donc le futur. Le principe perdure dans le contentieux, le Haut Conseiller François Ancel ayant à juste titre posé la durabilité comme principe des procès de compliance📎
10. L'impossibilité de trancher sur le futur, faute de pouvoir le connaître 🙏🏻Ce futur est précisément incarné par lesdites générations futures, et des êtres juridiques, notamment des associations, ont pour fonction de porter ses intérêts, ce que leur objet social manifeste juridiquement. Cela supposera qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêt entre l'intérêt représenté et ses représentants, dès l'instant qu'ils se présentent comme des litigants. Mais surtout parce qu'il s'agit du futur, il est en outre et de fait difficile de connaître ce que sont les intérêts du futur. Cela tient à la raison relevée par la Cour d'appel de La Haye dans son arrêt du 12 novembre 2024, dit Shell📎
La Cour d'appel de La Haye en ont déduit que le juge peut prendre en charge ces intérêts des tiers lointains dans le temps (parce que l'entreprise s'y était elle-même engagée) mais elle ne peut pas le faire en lui prescrivant des mesures précises, notamment à travers un calendrier contraignant plutôt que par la technique préférable de la trajectoire. En l'espèce, la Cour invalide la démarche du Tribunal de La Haye qui, en se basant sur les rapports du GIEC, avait imposé des obligations précises selon un calendrier précis, la Cour posant que cela supposait une connaissance précise du futur, ce qui ne saurait être.
11. La loi chargeant les entreprises assujetties de veiller aux intérêts du futur confie aussi au juge la fonction gracieuse de protéger celui-ci 🙏🏻Il apparaît ainsi que le contentieux de la compliance relève souvent d'une matière gracieuse mais que celle-ci n'apparaît qu'à l'occasion de litiges. En effet, les entités assujetties à la Compliance, le plus souvent les grandes entreprises qui sont en position d'agir (les "opérateurs cruciaux"📎
Cela relève alors de la part du gracieux dans l'office juridictionnel du juge de la compliance.
II. TRANSFORMATION ET ACTIVATION DE LA DÉMARCHE JUDICIAIRE GRACIEUSE POUR SE SAISIR DES SITUATIONS DE COMPLIANCE
12. Le juge dans sa "majesté gracieuse" 🙏🏻C'est donc en "majesté"📎
A. REPENSER LA PROCÉDURE ET L’OFFICE DU JUGE DE LA COMPLIANCE POUR QUE LA MATIÈRE GRACIEUSE Y Y TROUVE SA PLEIN PLACE
13. À coté de l'office contentieux, activer par principe l'office gracieux 🙏🏻Il apparaît donc que pour bien rendre compte du Droit de la compliance et des cas qui sont et seront portés devant toutes sortes de juges, notamment en matière de vigilance (à propos de laquelle la compétence du Tribunal judiciaire de Paris n'est que spéciale et non pas exclusive📎
14. L'illustration possible de la matière gracieuse par la CJIP, les techniques de la validation judiciaire et des engagements 🙏🏻En effet, la CJIP, sous le vocable plus sociologique que juridique de "contractualisation" de la justice, apparaît davantage comme un office gracieux lorsque le président du tribunal judiciaire valide cette convention. Plus encore, le juge civil et commercial pour bien contrôler la bonne prise en considération des intérêts des systèmes et des tiers lointains, souvent absents des prétentions des litigants, ou revendiqués à corps et à cris par des litigants pouvant être en conflit d'intérêts, doit exercer un office gracieux. Lequel est alors en premier lieu obligatoire et en second lieu se concentre non pas sur la question de savoir qui a raison et qui a tort (car cela est l'affaire d'un litige à trancher📎
De la même façon, la technique répandue et importante en Droit de la compliance des "engagements"📎
15. Apparition de l'office gracieux comme office de plein exercice dans la juridiction de compliance 🙏🏻Comme cet office-là correspond mieux à ce qu'est le Droit de la compliance que n'y correspond l'office contentieux, c'est bien lui qui devrait être le principe et l'office contentieux qui devrait en être l'exception, inversant ce qui est généralement dit dans le rapport entre la juridiction contentieuse et la juridiction gracieuse. Parce qu'il s'agit de "situation"📎
16. Passage de l' "arrière-plan du litige" au premier plan du souci du juge 🙏🏻À propos des cas juridictionnels de compliance et à très juste titre, Nicolas Cayrol a souligné qu'il ne s'agit pas de "litige ordinaire" puisque le Droit de la compliance est "un droit de lutte" pour protéger la société contre ce qui la met le plus gravement en danger📎
Effectivement ce qui est discuté dépasse d'une façon considérable la dispute entre les litigants et doit qualifier les procès qui se déroulent devant le juge, la dispute entre les parties n'y occupant qu'une part. Thibault Goujon-Béthan insiste sur la nécessité de "configurer" les procès en conséquence et l’importance des enjeux systémiques et des conflits de conception ou de revendications qu’ils suscitent. Il les qualifie comme constituant l’« arrière-litige » puisque c’est à travers l’affrontement singulier des deux parties singulières du litige de compliance que ces intérêts débattus apparaissent📎
Cela justifie de transformer la conception processuelle générale, qui ne doit pas être laissée aux parties, puisque, comme le conçoit parfaitement François Ancel qui, logiquement, il faut que le juge puisse "sortir du strict cadre du litige"📎
C'est bien ce sur quoi doit porter "l'intelligence" du juge, pour reprendre l'expression juste de Nicolas Cayrol📎
17. Traduire la part du gracieux dans une procédure conçue aussi comme un "lien de protection" au bénéfice des systèmes 🙏🏻Parce que la matière gracieuse ne se confond pas avec les procédures gracieuses, la matière gracieuse peut aussi apparaître à l'occasion d'un contentieux, voire comme en matière de compliance, peut être activée pleinement par un litige entre deux parties et requiert alors que juge contrôle le respect de la loi et qu'il protège activement ce dont la "loi" (au sens matériel) a visé. Dans le Droit de la compliance, il s'agira de la mise en place par l'opérateur assujetti à l'obligation de compliance des structures de place et à la contribution crédible à la réalisation des buts monumentaux visés par le législateur📎
La démonstration en a été souvent faite en Droit de la famille et des personnes, ces branches du droit illustrant bien la nécessité de la protection des individus ou de groupe de personnes, le juge ayant par son office procédural de nouer un lien de protection avec celle-ci, l'enfant par exemple. L'ouvrage de référence sur L'énigme du gracieux qualifie la traduction procédurale de la matière gracieuse non pas par le caractère unilatéral des procédures (lesquelles peuvent contenir du contentieux latent) mais par ce "rapport procédurale de protection"📎
Le Droit de la compliance illustre pareillement ce lien, notamment de compréhension, que le juge doit avoir avec les systèmes dont la protection présente et future constitue le principal objet du cas de compliance dont il est saisi. Le "Contentieux systèmique" que constitue le contentieux de la compliance doit faciliter cela. Cet objet est difficile à appréhender car le cas est de ce fait même chargé de la technicité du système (bancaire, financier, numérique, énergétique, climatique, algorithmique, etc.) et que le juge doit comprendre les intérêts du système impliqué afin de protéger ceux-ci📎
18. Un lien de protection revendiqué par les Régulateurs et les superviseurs dans leur fonction juridictionnelle, lien sans doute à construire dans les juridictions 🙏🏻Le lien de protection des systèmes est depuis toujours explicité par les Autorités de régulation, y compris lorsque leur commission de sanction ou de réglement des différents interviennent📎
19. Traduire la part du gracieux dans une procédure conçue dans un autre rapport au temps 🙏🏻En outre, c'est alors un autre rapport au temps qui, par cette reconnaissance de la part du gracieux dans l'office du juge, peut se mettre en place. En effet, comme cela a été montré à propos de cas de droit civil, le juge doit évaluer la situation dans son développement futur, doit l'accompagner. Le jugement n'est lui-même qu'un instant de mécanismes processuels et non pas nécessairement l'apogée de l'office du jugement, ce qu'il est certainement dans l'office contentieux. Dans l'office gracieux, y compris lorsqu'il y a aussi des litigants présents, sont essentiels la mise en état d'une part (qui permet de comprendre le système en cause) et "l'après-jugement" d'autre part, avec des moniteurs, ou des envois en concilation, ou des clauses de rendez-vous, etc. Ces mécanismes sont des moyens plus adéquats qu'un grand coup d'épé qui, dans l'instant du jugement referme le litige, sans avoir toujours porté remède à la défaillance systémique de la situation et peut laisser la situation en l'état, alors même que l'objet est le futur de celle-ci.
B. L'ACTIVATION DE LA DÉMARCHE GRACIEUSE JUDICIAIRE POUR SE SAISIR DES SITUATIONS DE COMPLIANCE
20. La garde des conflits d'intérêts, part entière de l'office gracieux : le contrôle des intérêts défendus par les litigants 🙏🏻Il y a pourtant des disputes en matière de compliance, elles sont même spectaculaire. Comme dans tous contentieux, les cas sont variés. L'on insiste souvent sur le fait qu'elles mettent souvent face à face de très grandes entreprises et des associations. Lorsque des parties requièrent du juge qu'il exerce son pouvoirs de protection de personnes qui doivent être protégées et ne peuvent se défendre elles-mêmes, par exemple les générations futures, elles le font au nom d'un intérêt général qui soutient de multiples prétentions. Parfois elles affirment qu'elles représenteraient la "société civile" ou le "bien commun", ce qui constitue des affirmations juridiquement plus hasardeuses. L'un des premiers offices du juge est de contrôler l'absence de conflits d'intérêts, chez la partie défenderesse et chez la partie demanderesse.
Cela suppose notamment une vérification des personnes qui contrôlent effectivement les parties litigantes. En effet, dans un procès civil ou commercial que l'on pourrait qualifier d'ordinaire pour l'opposer au procès de compliance que Nicolas Cayrol a qualifié à juste titre d'ampleur souvent "énormissime" en raison des intérêts systémiques présents et futurs portés à la connaissance du juge 📎
21. Les "parties nécessaires" à l'instance pour activer l'office gracieux du juge de la compliance 🙏🏻Cela est d'autant plus requis que ces litigants nouveaux que sont les associations et les syndicats ont toutes leurs place. En effet, comme l'a affirmé la Cour d'appel de La Haye dans son arrêt du 12 novembre 2024📎
Pour raison garder, il faut donc poser que ces "parties nécessaires" ont donc le mérite de dépasser le litige pour revendiquer la défense d'un intérêt collectif (et non pas général) mais qu'elles doivent en conséquence être transparentes pour que le juge puisse contrôler non seulement que l'intérêt collectif défendu correspond à leur objet social, comme l'a fait la Cour d'appel de Paris dans ses arrêts du 18 juin 2024📎
22. Ministère public, autorités de régulation et de supervision, sachants 🙏🏻C'est pourquoi la "partie nécessaire" par excellence est le ministère public📎
23. Par principe, des pouvoirs pour connaitre et comprendre les systèmes 🙏🏻Le juge quant à lui doit être ici plus encore que dans les autres procédures être le maître de l'instance, le principe dispositif valant davantage pour le traitement procédurale du litige que pour ce qui relève de la matière gracieuse. Si l'on considère que son premier objet est le système dont les intérêts sont "en cause", le juge doit avoir les moyens de connaître et de comprendre celui-ci. Il n'a pas été formé pour cela. Cela a justifié la création des Autorités de régulation, sortes de juges spécialisés. Cela a justifié la constitution des chambres spécialisée de la Cour d'appel de Paris et du Tribunal judiciaire de Paris, constitution qui n'absorbe pas pour autant la matière📎
24. Par principe, des pouvoirs pour que s'élaborent des solutions pour le futur : les remédiation sous l'ombre portée du juge 🙏🏻D'une façon corrélée, dès l'instant que le juge comprendra mieux lui-même les intérêts présents et futurs des systèmes impliqués dans la cause portée devant lui, la mise en état et la façon de tenir les audiences pouvant contribuer à celal📎
25. Pour rendre compte de la part du gracieux dans la juridiction de la compliance, une montée de l'inquisitoire, une montée de l'accusatoire 🙏🏻Ainsi, pour que le gracieux prenne sa part dans la Juridiction de la compliance, il faudra à la fois plus d'inquisitoire, par exemple pour que le juge puisse mieux comprendre le système, et plus d'accusatoire pour que les parties puissent participer à la mise en état, davantage se concilier, trouver elles-mêmes des solutions favorables au système "en cause".
26. Conclusion. Vers la voie d'une Juridiction systémique de la compliance mettant le gracieux en principe 🙏🏻Il ressort de ces réflexions que dans les cas de compliance qui sont portés à la connaissance des juges, ce dont ils doivent avoir souci et intelligence en premier lieu c'est des intérêts des systèmes impliqués par la situation, ressortant avec plus ou moins de fidélité des prétentions articulées devant eux. Cela relève de la matière gracieuse du cas, appelant de leur part un office protecteur des intérêts présents et futurs des sytèmes impliqués, une surveillance des possibles conflits d'intérêts et une part active dans l'élaboration de remèdes effectifs, efficaces et efficients pour l'avenir. Le développement de cet office gracieux doit donner place à la fois pour davantage d'inquisitoire et davantage d'accusatoire, organisé ou incité par le juge lui-même.
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Hébraud dont le commentaire sur la loi du 15 juillet 1944 sur les procédures gracieuses (D. 1946, législ. p. 333) inspira le Législateur lorsqu'il rédigea les textes généraux sur ces procédures.
Le gracieux mélant étroitement la dimension subjective (trouver une solution qui convienne aux parties impliquées dans la solution) et la dimension objective (trouver une solution à la difficulté que présente la situation elle-même), la perspective prise par Hébraud dans sa thèse était elle-même très pertinente :
Cela est moins vrai dans une société où le Législateur exprime moins la souveraineté face à un individu qui prétend porter en lui-même une souveraineté opposable à tous, y compris au Législateur. De cela aussi, Dominique d'Ambra a parlé.
Il est ce par quoi notre société garde des institutions qui ne sont pas à la seule disposition des personnes puissantes. Sur cette question de la filiation, v. L. d'avout, ..., mafr, ...., P.-Y. Gautier, ....
D. d'Ambra, L'objet de la fonction juridictionnelle : dire le droit et trancher les litiges, 1994.
"La notion de juridiction gracieuse", p. 261 et s. ; "La nature de la juridiction gracieuse", p.279 et s.
D. d'Ambra et mafr, ....
mafr (dir.), Régulation, supervision, compliance,
mafr, Naissance d'une branche du droit, in Mélanges Louis Vogel...
mafr, ....
S., "action sans litige"...
Sur l'approche nuancée qu'il convient d'avoir à ce propos, v. V. Egéa, 📝Le gracieux et la protection à l'heure de la déjudiciairisation : les exemples du droit de la famille et des modes amiables, in 🕴️C. Chainais, 🕴️X. Lagarde et 🕴️A. Martinel (dir.), 📗L'énigme du gracieus. Quel avenir pour la protection juridictionnelle, pp.101-112.
mafr, Si le stratagème probatoire de Salomon n'avait pas fonctionné, 2025
J. Normand, Le juge et le litige,
mafr, article 12 ..., in Mélanges Jean Foyer, ....
Comme le soulignent ... (Précis Dalloz)
V. par ex. Y.Strickler, Matière et procédure gracieuses, JurisClasseur Procédure civile, fasc. 500-45, 2024.
N°1889 du Précis Dalloz Procédure civile : "Les altérations du modèle du procès civil"
mafr, Si le stratagème probatoire du Roi Salomon n'avait pas fonctionné, 2026.
G. Davy, Le mythe des lois de Saint Òlaf et l'invention des lois fondamentales dans la Norvège médiévale, 2021
M. Dejoux, P.-A. Forcadet, V. Martin et L. Tuttle (dir.), La justice de Saint-Louis, 2024.
V. l'étude de référence de Waline, Waline, J. (2015). Plein contentieux et excès de pouvoir. Revue du droit public, 2015, pp.1551-1566.
"Le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle"
C. Chanais, ....
Par exemple Héron (Droit judiciaire privé) ou Cécile Chanais (Procédure civile) souligne l'unité de l'office juridictionnele.
X. Lagarde, Les métamorphoses de la matière gracieuse, in
Or, comme le souligne parfaitement Hervé Croze, c'est une "éternellle question", comme celle de la personne morale ... (Le juge doit-il dire le droit ?, 2010, n°1).
V. par ex. l'analyse intéressante, embrassant le droit de la famille et évoquant le droit des procédures collectives, Ch. Desplats, L'évolution du contrôle du juge en matière gracieuse, 2001.
Dans ce sens, J. Waline,
J.-L. Bergel, Procédure gracieuse et contentieux, D.1983, chron., ....
E. Jeuland, Théorisation et droit comparé de la procédure gracieuse, pp.25-39, p.25.
P. Cagnoli, Essai d'analyse processuelle du droit des entreprise en difficulté, LGDJ, coll."Bibliothèse des thèses, 2002.
J.-B. Barbieri, ..., in L'obligation de compliance
mafr (dir.), L'obligation de compliance, 2025.
Cela va de soi. V. par ex. J.-L. Bergel : La « loi » s'entend ici de son acception générique, et comprend notamment les textes réglementaires (V. J.-L. BERGEL, La juridiction gracieuse en droit français, D. 1983. Chron. 153, spéc. p. 154).
mafr, L'obligation de compliance : ..., in L'obligation de compliance, 2025.
mafr, Compliance et conformité : les distinguer pour mieux les articuler, 2024.
mafr, 1ier article, in mafr (dir.), La juridictionnalisation de la compliance, 2023.
Sur cette définition européenne du Droit de la compliance, mafr, Pour une Europe de la Compliance, 2019.
Sur les conséquences concernant l'obligation de compliance, v. mafr, L'obligation de compliance.
Sur plus particulièrement les conséquences sur l'office du juge, mafr, Le juge requis...,
Voir l'ensemble de l'ouvrage mafr (dir.), La jurdictionnalisation de la compliance, 2023.
mafr, Droit de la compliance et contentieux systémique, 2025.
C'est l'apport des arrêts de la Cour d'appel de Paris du 18 juin 2024 que d'avoir à juste titre décorrélé l'intérêt légitime pour saisir le juge et la présence ou pas de l'intéressé dans le processus d'élaboration du plan de vigilance (à détailler en citant l'arrêt, et en citant Th. Goujon-Bétant).
Com., 21 sept. 2022, n°
Com., 27 septembre 2023 (sur la concurrence déloyale en cas de non activation par un concurrent de son obligation légale de compliance) : mettre des références.
Renvoyer aussi au premier article de L'obligation de compliance et à l'article sur raison garder.
Paris, 18 juin 2024, EDF, ... ; Th. Goujon-Bethan, ..., in
mafr (dir), pour une Europe de la compliance, 2019 ; Compliance : hier, aujourd'hui, demain, in ....
Voir la démonstration dans ce sens, mafr., Les droits humains, outils naturels et premiers,..., in mafr (dir.), Les outils de la compliance, 2017.
mafr, Les buts monumentaux, coeur battant du Droit de la Compliance, in mafr, Les buts monumentaux de la Compliance, 2022.
mafr, Droit de la compliance et contentieux systèmique de la compliance, 2025.
Les "générations futures" plus difficilement que les tiers géographiquement éloignés du fait que, comme l'a souligné la CEDH dans sa décision du 9 avril 2024, ..., (....), la qualité de sujet de droit leur fait défaut. V. par exemple, B. Vassallo, "Les générations futures et le droit de l'environnement", in L'environnement, Justice et Cassation, 2024, p. 215-.... L'auteur favorable à cette notion souligne les attentes et les prises en considération mais aussi les incertitudes d'un tel concept et les réserves de la jurisprudence à son endroit.
Ce qui est l'objet de la seconde partie de cette étude.
F. Ancel, ..., in Cour de cassation et Conseil d'Etat, De la régulation à la compliance: quel rôle pour le juge ?
Ce qui met le Droit de la compliance dans sa dimension procédurale du côté du Droit processuel. V. mafr, L'obligation processuelle, prototype, ....
Cour d'appel de La Haye, 12 novembre 2024, ....
Sur le "carré probatoire" fondant le système probatoire de la compliance, constitué par l'objet, la charge, les moyens et les dispenses, v. mafr, ..., in La juridictionnalisation ; sur son application en matière de vigilance, v. J.-Ch. Roda, ..., in l'obligation
mafr, Proposition pour une notion : l'opérateur crucial, 2006.
Classiquement c'est dans sa fonction contentieuse d'un juge qui tranche avec son glaive tel un Roi que le juge apparaît comme en "majesté". Dans son office gracieux, on observe qu'il quittera cette figure hiératique, notamment en se rapprochant des parties. Cela peut évoluer dès l'instant que l'on appréciera la "dignité" du juge au fait qu'il contrôle l'application de la loi, protège effectivement les intérêts en jeu (critère de la matière gracieuse) et trouve des solutions aux difficultés. Le fait que les solutions amiables trouvés sous l'ombre portée du juge et grâce à son imperium ne soient toujours comptabilisé comme une activité équivalente à un jugement est signe que nous sommes encore de cette équivalence.
Pour la démonstration de cela, F. Ancel, ...., in mafr, L'obligation de compliance,
mafr (dir.), La juridictionnalisation de la compliance
V. supra n°3⬆
mafr, A quoi engagent les engagements, in L'obligation de compliance.
C'est à ce titre que Xavier Lagarde affirme avec raison que le juge doit avec la même ampleur exerce à côté de l'office de trancher un litige (office contentieux) suivre des situations et résoudre les difficultés de celles-ci (office gracieux).
L'office gracieux ne se définissant plus par le fait qu'une "loi" demande au juge de l'exercer, mais par le fait qu'il s'agit de protéger une personne. C'est la démonstration faite par Cécile Chanais.
N. Cayrol, ..., in La juridictionnalisation
N. Cayrol, ..., : "Parce que le contentieux de la compliance (si tant est qu'il s'agisse d'un contentieux) n'est pas un contentieux ordinaire,mais un contentieux de la prévention des risques systémiques majeurs pour la société qui appelle une pédagogie de la responsabilisation (n°12, p.224).
Th. Goujon-Béthan, ..., in L'obligation de compliance, 2025.
F. Ancel, in Conseil d'Etat & Cour de cassation,..., p.111.
N. Cayrol, La saisine du juge, in Mélanges Wiederkher, ...
Sur la démonstration de cet office du juge impliqué par la matière gracieuse,
V. not. E. Jeuland, ...., spéc. p.31 et s. "Le rapport procédural de protection comme cadre".
Emmanuel Jeuland conclut son article (....) de la façon suivante : "La procédure gracieuse mettant en place un lien procédural de protection, n'est pas exceptionnel par rapport à la procédure contentieuse et ne tombe pas hors de la mission essentielle eu juge. ... Le concept de lien procédural de protection est applicables à toutes les procédures de protection comme les procédures de tutelles, les procédures d'homologation qui se sont multipliées, les procédures collectives ... mais aussi aux procédures portant sur des voies d'exécution." (p.37).
mafr, Le juge requis....
Voir en dernier lieu, Commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, ..., octobre 2025.
D. d'Ambra et mafr, ..., in Mélanges Valens, ....
Qualificatif utilisé par Nicolas Cayrol (...), p.221.
V. supra n°15
Cour d'appel de La Haye, ....
Notamment parmi les trois arrêts rendus, l'arrêt dit Total Energie, ....
V. par ex. les développements d'🕴️Yves Stricker (📝Matière et procédure gracieuses
JurisClasseur Procédure civile, fasc. 500-45) sur la "présence ajoutée du ministère public" (§42 et s.).
C'est pourquoi Anne Caron-Déglise (..., in rappelle qu'en matière gracieuse le "lien procédural de protection ne concerne pas que le juge : il associe le ministère public car l'ordre public est concerné..." (p.96).
E. Gaillard, Le pouvoir en droit privé, ...
Sur l'articulation entre la notion de pouvoir et l'action en justice, v. par ex. A. Bandrac, ....
.... (parquet), in mafr, Le contentieux systémique émergent, 2026.
V. supra n°17⤴
mafr, document de travail de 2021 sur le contentieux systémique et l'office du juge.
F. Ancel, ..., in L'obligation de compliance, 2025.
E. Verges, Le juge civil, quel juge d’instruction ? », in C. Chainais, X. Lagarde, B. Pireyre (dir.), Le juge civil, un juge d’instruction ?IRJS éditions 2023, p. 113 s., not. la dernière partie sur "le juge,
Sur la façon dont les audiences peuvent être concrétement tenues dans les contentieux systèmiques, mafr, .....
Sur la durée, v. supra n°00.
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