25 avril 2024

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📧La directive européenne sur le devoir de vigilance est votée. A juste titre, les contrats et le juge y ont la part belle

par Marie-Anne Frison-Roche

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "La directive européenne sur le devoir de vigilance est votée. A juste titre, les contrats et le juge y ont la part belle", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 25 avril 2024

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🧱La directive sur le devoir de vigilance fait large place aux contrats, et donc au juge


Le Parlement européen a voté le 24 avril 2024 la directive sur le devoir de vigilance dite CS4D (Corporate Sustainability Due Diligences Directive).
Après bien des péripéties, elle est assez proche de la loi française de 2017 dite "Vigilance".

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Le Parlement Européen a voté le 24 avril 2024 la directive sur le devoir de vigilance, souvent désignée par le sigle CS3D qui renvoie à sa dénomination anglaise Corporate Sustainability Due Diligence Directive.

Le devoir de vigilance s'impose désormais à toutes les entreprises européennes employant plus de mille salariés à travers le monde et réalisant un chiffre d'affaires minimum de 450 millions d'euros. Seront également concernées les entreprises non européennes réalisant ce seuil de chiffre d'affaires sur le territoire de l'Union européenne.

L'indifférence aux frontières progresse. Le défi climatique l'implique. L'humanisme européen le justifie. Elle permettra de demander des comptes aux entreprises non-européennes qui profitent du marché européen de consommation. C'est par le contrat que les entreprises traduisent cette indifférence aux frontières que l'on appelle aussi de l'ancien terme "extraterritorialité".

Ce devoir de vigilance s'étend sur l'entièreté des acteurs présents sur la chaîne de valeur. La vigilance des entreprises s'opère ainsi à la fois sur leurs partenaires commerciaux d'approvisionnement, de production et de distribution.

Chaque État membre, au sein de la loi de transposition de la directive européenne sur le devoir de vigilance, devra désigner ou créer une autorité administrative indépendante chargée d'une mission de contrôle et de supervision.

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Pour les entreprises déjà soumises à la loi française de 2017 dite "Vigilance", c'est-à-dire principalement les grandes entreprises françaises, cela n'est pas un si grand choc. Du fait que les nouvelles règles européennes différent peu de cette loi française de 2017, dite "loi Vigilance". La nouveauté sera plutôt pour les entreprises étrangères, auxquelles des comptes pourront être demandées par les parties prenantes, in fine devant les juges.

Les choses auraient pu être différentes. En effet, à l'origine la proposition de directive européenne, telle qu'enrichie notamment par les discussions diverses, en ce qu'elle semblait davantage vouloir punir par avance les entreprises que s'appuyer sur leur position pour préserver l'environnement et promouvoir les droits humains selon le modèle humaniste de l'Europe. Ainsi, , en ce qu'elle visait non seulement les grandes entreprises, qui sont en position d'agir, mais aussi les moyennes, alors que le poids des obligations de vigilance est lourd. Mais cela a été retiré.

Elle visait aussi à corréler fortement les plans de transition écologiques avec des sanctions lourdes en cas de non-respect, articulant ce respect avec la rémunération des dirigeants, signe de grande défiance. Mais cela a été également retiré.

Elle visait aussi à soumettre tout le secteur bancaire et financier, pourtant déjà soumis à des règles européennes spécifiques. Il ne reste plus que l'obligation de faire un rapport au Parlement qui pourra mesurer à terme s'il faut aussi soumettre ce secteur.

Il demeure donc dans la directive votée ce qui est à l'origine même du texte européen, à savoir la loi française : l'obligation pour les grandes entreprises donneuses d'ordre de détecter et de prévenir des atteintes à des droits humains et à l'environnement, tout au long de la chaîne de valeur qu'elles maîtrisent de droit, notamment par les contrats, ou de fait.

La nouveauté réside dans l'adoption demandée aux Etats-Membres d'une autorité de supervision à l'occasion de la transposition de la directive.

C'est logique, car la technique de Vigilance est la pointe avancée du Droit de la Compliance, laquelle développe le Droit de la Régulation au-delà des secteurs. L'on retrouve donc la concrétisation de la régulation par l'institution d'une Autorité administrative. Mais il ne s'agit que de "superviser", car c'est l'entreprise qui construit la chaîne de valeur, pas l'Etat. Et c'est le juge qui pourra in fine qualifier les comportements.

pour en savoir plus➡️🧱🏛️Conseil d'État et 🏛️Cour de cassation📗De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?, 2024 (voir notamment la contribution de François Ancel)

C'est avant tout sur les grandes entreprises que le système repose et c'est un signe de confiance qui leur est fait. La compliance, lorsqu'elle est conçue en corrélation avec la "raison d'être", confie aux entreprises le soin d'atteindre les "buts monumentaux" (protéger l'environnement, protéger les êtres humains) que les Etats n'ont pas les moyens concrets de protéger seuls. Les entreprises ne disposent pas de l'édiction des buts, mais elles élaborent les moyens pour les atteindre. C'est pourquoi les contrats vont prendre une place de plus en plus centrale : les juges vont donc avoir de plus en plus d'importance, puisque là où il y a un contrat, il y a un juge. C'est pourquoi la directive fait la grande place et aux contrats et aux juges.

Par l'adoption de ce texte équilibré, l'Union européenne garde donc raison en montrant son humanisme, en maintenant son ambition et en n'épuisant pas les entreprises européennes qui ne subissent pas des contraintes et des contrôles excessifs, d'ailleurs partagés avec les entreprises non-européennes dès l'instant que celles-ci veulent atteindre les consommateurs européens, et sont libres de choisir les moyens pour atteindre les buts : en effet, la Vigilance, comme la Compliance dont elle fait partie, et la Régulation qu'elle prolonge, est une technique juridique de nature téléologique. Tout s'applique et s'interprète par les buts.

C'est et ce sera notamment le cas pour les contrats et clauses contractuelles façonnés pour appliquer les obligations légales de vigilance, voire pour aller au-delà de celles-ci au nom de la raison d'être ou de la mission de l'entreprise si celle-ci s'en est doté.

pour en savoir plus➡️🧱M.-A. Frison-Roche, 📝Contrat de compliance, clauses de compliance, 2022

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