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23 octobre 2014

Publications

Ce working paper sert de base à une contribution au colloque " Économies de plates-formes : réguler un modèle dominant ?" puis à la publication d'un article

"Enjeux de régulation d'entreprises "cruciales" in "Économies de plates-formes : réguler un modèle dominant ?"

par Marie-Anne Frison-Roche

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Ce Working paper a servi également de base à un article paru dans la Revue  Concurrences.

Parce qu'il est difficile de réguler un "marché biface", sauf le temps fugace du contrôle des concentrations, l'idée accessible est de réguler directement l'entreprise qui tire tout son pouvoir de sa position sur une telle structure de marché.

On peut, comme le propose le Conseil d'État, dans son Rapport annuel Le numérique et les droits fondamentaux, considérer que la prise en considération par le droit de cette situation nouvelle doit prendre la forme d'une reconnaissance de la notion de "plateforme", pour l'ériger en catégorie juridique et lui associer une obligation de loyauté, sous la surveillance du régulateur des données personnelles.

L'on peut aussi recourir à une notion plus générale, ici utilisée, d'"entreprise cruciale", à laquelle correspondent des entreprises comme Google, FaceBook, Amazon, etc., parce que ces entreprises remplissent les critères de la définition, à la fois négative et positive de l'entreprise cruciale. La puissance publique est alors légitime, sans que l'État ait à devenir actionnaire, à se mêler de la gouvernance des entreprises et à surveiller les contrats, voire à certifier ceux-ci, comme en finance, sans exiger de l'entreprise ainsi régulée un comportement moral, car ces entreprises privées doivent par ailleurs poursuivre leur fin naturelle constituée par le profit, le développement et la domination, moteur du développement économique. Le développement technologique des plateformes n'en serait pas entravé, tandis que l'aliénation des personnes que l'on peut craindre pourrait être contrée.

1. Sans doute tout système normatif dépend de la capacité à nommer les phénomènes, ce qui les rend traitables par les outils pratiques. Il en est ainsi des marchés "bifaces". Ceux-ci ont existé depuis toujours, il suffit de songer au mécanisme des agences immobilières ou des relais de poste, mais il a fallu que des économistes en "inventent" l'idée pour que celle-ci, par réflexion, permette la compréhension du réel ainsi reclassé par la théorie.

2. Le droit, art pratique, procède exactement de la même façon, à travers le mécanisme de la "qualification", qui permet au système juridique de se saisir de faits pour les insérer dans une catégorie abstraite à laquelle est associé un régime juridique!footnote-153.

3. Les juristes observent la difficulté du droit à admettre une notion juridique de "marché biface"!footnote-42. Or, si les juristes n'injectent pas une définition précise de la notion de marché biface dans le système juridique, lequel fonctionne sur des définitions et des mots auxquels sont attachées des règles, le droit devient malhabile.

4. C'est pourtant le constat que l'on fait lorsqu'on observe les règles juridiques en la matière. Non seulement, le droit, surtout le droit continental, se mouvant dans des règles générales et abstraites, se perd dans des situations trop diverses pour être ramenées à une seule notion, à un seul corpus, à une seule branche du droit. Ainsi, le droit ne "connait" guère les marchés bifaces ou les plateformes.

5. Plus encore, les marchés biface fonctionnent souvent en partie par des mécanismes de gratuité, ce qui rend difficile l'exercice premier de classement. En effet, le droit, parce qu'il est un système, classe les règles dans des branches du droit. Ainsi, lorsqu'il est question de "marché", le droit regroupe les règles, les principes et les notions dans la branche du droit économique, voire du "droit de la régulation", regroupement des règles dépassant la traditionnelle summa divisio du droit public et du droit privé.

6. Le droit économique est lui-même un droit conceptuellement récent, mais il reprend la règle classique du droit commercial, selon laquelle "la gratuité n'existe pas". La sagesse du droit conduit à considérer que le don, même s'il est l'ancêtre ethnologique du marché en ce qu'il appela le contre-don, n'a pas lieu d'être dans le monde marchand. Le monde marchand, pour être sain, ne peut être que "le jeu de l'échange", pour reprendre le titre d'un ouvrage de Fernand Braudel!footnote-154.

7. Un ouvrage récent a pourtant montré tout l'attrait économique de la gratuité, ce qui ne pouvait apparaître qu'en plaçant celle-ci "aux frontières de l'économie et du droit". Dans cet ouvrage, une étude menée par une économiste et un juriste confronte la gratuité et le droit de la concurrence à propos du cas Google et porte largement sur la question des plateformes.

8. Il convient donc tout d'abord de prendre acte de la difficulté pour le droit d'appréhender et de réguler les marchés bifaces (I) difficulté que l'on peut surmonter en régulant directement les entreprises qui dominent les plateformes, ce qui est un enjeu majeur pour l'avenir (II).

 

I. UN DROIT MALHABILE À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

9. Le droit a été conçu pour régir des comportements, des relations ou des espaces. Mais même les règles juridiques construites pour réguler les espaces conviennent mal aux marchés bifaces (A). On ne peut guère utiliser davantage les règles juridiques par lesquelles le droit régit les relations bilatérales entre les opérateurs, professionnels et non-professionnels (B).

 

A. LA DIFFICULTÉ DU DROIT DES ESPACES À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

10. Parce que les marchés bifaces ne sont pas propres à un secteur, tant que l'on pensera le "droit de la régulation" en l'enfermant dans un secteur particulier !footnote-50, l'on ne pourra pas penser la régulation des marchés bifaces. En effet, si l'on pense en terme de "régulation sectorielle", la régulation est imprégnée d'un objet très concret qui se développe sur tel ou tel secteur (le téléphone, l'électricité, le gaz, le jeu, etc.), alors que la notion de "marché biface" est abstraite et traverse donc beaucoup de ses secteurs.

11. Ainsi, parce que les entreprises offrant des cartes bancaires sont de la même façon sur un marché biface que le sont des entreprises qui amènent l'internaute sur des sites où l'âme en peine trouve l'épaule consolatrice, parce que la notion de "marché biface" est abstraite, on ne peut se contenter de recourir à une conception sectorielle de la régulation.

12. D'ailleurs, le droit sectoriel de la régulation est à la fois trop étroite (comment la régulation bancaire se saisirait-elle des agences matrimoniales qui fournissent aussi les alibis au conjoint infidèle ?) et trop vaste car, à l'inverse, la banque ne se réduit pas par exemple à la fourniture de ce type de moyens de paiement.

13. Ainsi, c'est parce qu'il est insuffisamment abstrait que le droit de la régulation, qui porte sur un objet précis, s'est pour l'instant peu saisi de la question. On trouve certes une décision du 27 novembre 2012 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs d'outre-mer, qui y fait référence mais c'est plutôt le droit de la concurrence qui l'y fait référence et non le droit de la régulation sectorielle des télécommunications.

14. Cela se comprend dans la mesure où le droit de la concurrence est un "droit d'abstraction"!footnote-155 : il est le droit qui donne place juridique au mécanisme du marché. Or, le marché nie la concrétude des objets échangés grâce à l'instrument d'échange qu'est l'argent, lequel rend mesurables des choses différentes, à l'aune des fonctions d'utilité des offreurs et des demandeurs. Ainsi, dans une économie de simple marché, l'objet n'existe pas en tant que tel, seul compte son prix. C'est en cela que l'on peut dire que le droit de la concurrence est la branche du droit le plus abstrait de toutes.

 

15. Il est déjà bien normal que la réalité des marchés bifaces est plutôt saisie par le droit de la concurrence. C'est ce que l'on observe à travers la jurisprudence. En effet, c'est sur le terrain du droit de la concurrence que l'Autorité de la concurrence par sa décision du 14 décembre 2014 a sanctionné Google pour abus de position dominante, en ayant réussi à isoler un marché spécifique sur Internet, à savoir le marché de la publicité en ligne. La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a procédé pareillement dans son  l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014. Il est logique que l'un des exemples les plus étudiés dans les travaux économiques, à savoir le mécanisme des cartes de paiement et de crédit, se retrouve dans la jurisprudence des autorités de concurrence : ainsi, l'Autorité de la concurrence s'est appuyée sur le constat d'un marché biface pour sanctionner le Groupement des Cartes Bancaires dans sa décision du 7 juillet 2011. Il est vrai que cette décision a été annulée par la suite, mais pour d'autres raisons!footnote-156.

16. Mais le droit de la concurrence demeure entravé en ce qu'il n'est pas conçu pour traiter de la "dominance" d'un acteur, n'appréhendant que des comportements, tandis que symétriquement le droit traditionnel de la régulation demeure entravé par le fait qu'il est encastré dans différents secteurs, alors que le marché biface est une notion abstraite, le plus souvent liée à la notion de réseau, lequel n'est pas enfermée dans un secteur particulier à l'exclusion des autres, et peut même se retrouver dans un marché non régulé. De tout cela, résulte une relative impuissance du droit.

17. Ainsi, le droit de la concurrence ne parvient à cerner correctement la notion de marché biface que lorsqu'il est en position de traiter directement du phénomène de "dominance", c'est-à-dire pendant le temps fugace de la concentration. Lorsque le droit de la concurrence opère un contrôle des concentrations, il se transforme en droit de la régulation et, parce que la concentration a un impact structurel sur les marchés, il pénètre le temps du changement de puissance de l'opérateur dans celui-ci.

18. Ainsi, le contrôle de la concentration est un mode de traitement de la dominance, mais limité d'une part parce que cela ne dure que le temps du contrôle de concentration et d'autre part parce que ce contrôle ne s'opère qu'au regard de l'impact concurrentiel sur les marchés affectés par l'amplification de puissance de l'opérateur du fait de la concentration.

19. Le contrôle des concentrations étant tout de même une forme de régulation de l'opérateur dominant, l'on comprend pourquoi c'est à l'occasion du contrôle des concentrations que la situation de marchés biface a été prise en considération par le droit, le changement sur un des marchés impactant l'autre marché, bien que les deux marchés soient indépendants l'un de l'autre. L'Autorité de concurrence y recourut en matière audiovisuelle, d'une part par la décision du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle par TFI du groupe AB!footnote-47 et d'autre part par la décision  du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusive des sociétés Direct 8 et Direct Start, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus!footnote-46.

20. Mais le contrôle sur le marché biface ne s'étend pas au-delà de l'instant du choc de concentration. Dès lors, le droit peut-il appréhender la réalité de celui-ci, auquel corresponde la réalité des plateformes à travers toutes les règles juridiques appréhendant les comportements, c'est-à-dire les relations bilatérales entre les acteurs ?

 

 

B. LA DIFFICULTÉ DU DROIT DES RELATIONS BILATÉRALES À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

21. Si le droit se détourne des branches du droit des espaces, parce que la notion de "plateforme" ou de "marché biface" n'est pas encore en tant que telle directement implantée dans le système juridique, l'autre possibilité est d'intervenir dans les relations bilatérales que l'opérateur puissant noue avec les agents économiques qui sont de part et d'autre, chacun sur les marchés qui sont des deux côtés de la plateforme.

22. La perspective juridique est alors celle du contrat.

23. Le contrat demeure une sorte d'îlot normatif qui encercle les parties, rendant l'espace sur lequel elles se meuvent imperméable. Mais le droit des contrat a évolué et a pris en considération la "dominance" dont l'une des parties peut profiter dans cette relation bilatérale.

 

24. Sans même recourir à la notion peu activée en pratique!footnote-48 d'abus de position dominante relative, ni aller jusqu'à aller chercher la notion de "violence économique"!footnote-49, il et acquis que la nécessité pour une partie de recourir aux services de son cocontractant pour avoir atteindre le bien et le service offerts par un tiers peut produire à la charge de ce cocontractant des obligations particulières.

25. C'est notamment le cas en matière de contrat bancaire, en ce qui concerne la délivrance des moyens de paiement ou bien en matière de contrat d'accès aux moteurs de recherche. Les deux contrats sont analogues puisqu'ils sont des moyens d'accès plus aisé au bien ou service final recherché (soit par le moyen de paiement, soit par le moyen de transport, soit par le moyen de l'information).

26. L'on peut tout d'abord considérer que le droit de la consommation s'applique. En outre et depuis longtemps le droit commun a intégré le déséquilibre structurel dans la relation bilatéral et impose au profit de la partie faible des obligations spécifiques à la charge du contractant puissant, que la partie faible soit elle-même professionnelle ou non.

27. Ainsi, cette sorte de "droit à la passivité" dont pourrait se prévaloir la plateforme, effet secondaire de l'étrange principe de la neutralité du Net!footnote-157, ne peut plus perdurer. La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 février 2011, DailyMotion, a posé que la responsabilité de cette plateforme était responsable des contenus circulant. Or, les déclarations de responsabilité impliquent pour tout agent économique rationnel opérant d'une façon répétitive une modification de comportement, c'est-à-dire dessine une obligation.

28. L'on pourrait aussi prendre en considération que le contrat est certes un acte juridique entre les parties mais il ne faut pas conclure de son effet relatif!footnote-158 qu'il n'existe pas pour les tiers. En effet, pour ceux-ci, il est un fait. De ce fait, le cocontractant doit tenir compte à l'égard des tiers. Le professeur Geneviève Viney a développé la façon dont un contractant la plateforme, peut être responsable vis-à-vis d'un tiers du fait de son cocontractant. Ici la plateforme peut être déclarée responsable à l'égard du visiteur, du comportement de son cocontractant, ici l'internaute qui a mis ce contenu. Mais la jurisprudence a limité par des règles spéciales cette responsabilité de principe qui aurait pourtant refléter en droit  l'effet économique du "club".

29. Peut-on chercher ailleurs dans le droit commun en suggérant qu'il faudrait imposer aux plateformes une obligation générale de loyauté ? C'est une des propositions formulées par le rapport annuel du Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux!footnote-52.  Le principe de loyauté est certes un principe qui s'est développé en droit des contrats. Né du temps de l'exécution, il s'est étendu au temps de la formation. Il n'est pas naturel au contrat, mais dans la mesure où il permet de gouverner directement l'acteur économique, il devient un moyen de réguler directe. C'est dans cette perspective qu'il convient de l'envisager.

 

II. LA NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER DIRECTEMENT LES ENTREPRISES DOMINANT LES MARCHÉS BIFACES

30. Si l'on prétend réguler les entreprises qui dominent aujourd'hui les plateformes, alors que celles-ci ne constituent pas un secteur spécifique et alors que le droit de la concurrence n'y conduit pas, il faut introduire une nouvelle notion, celle d' "entreprise cruciale" (A).  Les entreprises qui structurent et agissent sur les plateformes rentrent parfaitement bien dans cette catégorie proposée, ce qui justifie qu'on leur applique un régime juridique spécifique (B).

 

A. LA NOTION D'ENTREPRISE "CRUCIALES", JUSTIFIANT RÉGULATION

 

31. Dans leur étude sur la gratuité analysée sous l'angle juridique et économique dans une perspective d'économie industrielle, Estelle Malavolti et Frédéric Marty tiraient du constat que Google agit et tire profit d'un marché biface la conclusion qu'il conviendrait de "réguler Google".

32. Sans doute faut-il aller directement à cette conclusion, conclusion moins raffinée et moins précautionneuse que celle du Rapport annuel du Conseil d'État, qui préfère construire la notion juridique de "plateforme". Pour réguler directement un opérateur tel que Google, il convient alors de se référer à une catégorie générale à laquelle cette entreprise appartient, comme beaucoup d'entreprises sur des marchés bifaces, à savoir la catégorie d' "entreprise cruciale" (2), notamment parce que ce qui serait la "notion juridique de plateforme" présente bien des incertitudes (1).

 

1. L'incertitude juridique de la catégorie juridique en perspective de "plateforme"

 

33. L'on ne peut limiter la régulation à la réglementation, sauf à être victime d'un anglicisme!footnote-51. Comme cela a pu être développé par ailleurs, soit dans une première approche, soit d'une façon récente et plus approfondie, la régulation est un système de règles, de principes et de décisions, qui s'applique à des secteurs et qui relève de mécanismes communs à tous. Ce coeur commun et l'addition de ces régulation sectorielles, qui contiennent aussi bien de l'ex ante que de l'ex post constitue le droit de la régulation.

34. D'ordinaire, seuls les espaces sont régulés. Les entreprises ne le sont pas, sauf à être dans une économie administrée, la régulation donnant lieu à l'exercice de la puissance publique tandis que les entreprises agissent dans un espace de liberté pour la recherche de leur profit.

35. Mais il peut arriver qu'une entreprise soit "cruciale". Dans un tel cas, il convient que la puissance publique la régule, c'est-à-dire se mêle de sa gouvernance.

 

36. Certes, dans le cas qui nous occupe, le Conseil d'État, dont le travail de réflexion mené par son Rapport annuel est remarquable, a préféré une autre méthode, à savoir proposer que la notion de "plateforme" devienne elle-même une catégorie juridique pour lui attacher ensuite une obligation spécifique, à savoir une obligation de loyauté.

37. Sans aborder ici ce qui relève du régime spécifique, à savoir l'obligation de loyauté, il peut être dangereux de constituer une catégorie juridique spécifique de "plateforme". En effet, le Conseil d'État propose une définition très étroite de ce que serait en droit une "plateforme", à savoir "les services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers et partages sur le site de la plateforme".

38. La difficulté d'une telle définition est qu'elle ne correspond pas à ce que doit être la définition, à savoir une abstraction, mais renvoie à une liste, ce qui n'est pas une définition et posera inévitablement le problème constitué par une situation proche d'un des cas visés mais non identique à celui-ci. Il y aura alors ce que redoutent le plus les opérateurs, à savoir de l'insécurité juridique.

39. En outre, ce régime spécifique, à savoir une obligation de loyauté, ne serait donc attachée qu'aux entreprises dominantes sur les marchés bifaces d'internet et pas sur les autres entreprises de même type sur les autres marchés bifaces, par exemple les entreprise qui proposent des moyens de paiement, lesquelles ne se définissent pas comme des entreprises de "services de référencement ou de classement".

40. N'est-ce pas dommage ?

41. Faut-il à ce point créer un "droit de l'Internet" ? Le droit ne perd-il pas sa force à être si peu commun ?

42. La puissance de la notion économique du "marché biface" ne tient-elle pas dans l'abstraction de la notion ?!footnote-159 N'est-ce pas cette abstraction qui permet à la notion de "marché biface" de se développer et de perdurer, en rendant compte de la diversité des situations, y compris de celles que l'on ne connait pas encore, de celles qui sont intersectorielles, de celles qui ne sont répertoriées sur aucune liste ? Face à cela, la définition pour l'instant proposée de "plateforme" comme service de référence et de classement des données est si factuelle qu'elle risque d'être inefficace. Il convient donc de se tourner vers une notion plus générale.

 

2. Le recours souhaitable à la catégorie juridique d'"entreprise cruciale"

43. Dans un sens négatif, une entreprise est cruciale si sa disparition cause un choc sur le système économique et social, sa disparition mettant en péril celui-ci. Dans un sens positif, une entreprise est cruciale si le bon fonctionnement du système économique et social dépend de la présence, du bon gouvernement et du bon comportement de cette entreprise!footnote-160.

44. Par cette seule définition, l'on mesure que le régime juridique d'une entreprise cruciale va être beaucoup plus exigeant la concernant que la seule exigence de loyauté. Par exemple, il faudra prendre en considération, ce qu'Alain Supiot rappelle l'importance : l'obligation de solidarité!footnote-161, notion juridique presque oubliée. Lorsqu'on observe des ministres demander, pour ne pas écrire "quémander", aux entreprises maîtresses des plateformes de juguler les flots de haine qui s'y déversent!footnote-162, n'est-ce pas un appel à la solidarité humaine qui leur est fait ?

45. Cette demande n'a-t-elle pas pris un tour plus juridique lorsque la France et l'Allemagne ont demandé en février 2015 à la Commission Européenne de réguler directement les entreprises de plateforme pour qu'elles civilisent les chemins qui mènent à des sites infernaux et pour que leur puissance, devenue centrale dans une économie de l'accès et des données, plus encore que de la communication, soit directement régulée ?!footnote-163


46. Cette conception négative de l'entreprise cruciale, basée sur l'idée de risque systémique, a fondé l’Union bancaire européenne. La définition positive de l’entreprise cruciale fait quant à elle ressortir que dans une situation de dominance, née d'un marche biface, lorsqu'il s'agit d'accéder à la vie sociale (par le biais de l'"inclusion bancaire" par les moyens de paiement,par exemple) ou d'accéder à l'information, l'entreprise doit être forcée à prendre en compte le groupe social et autrui.

47. L'on ne peut croire qu'elle le fera d'elle-même. C'est pourquoi le droit classique, dans sa sagesse, se contente de sanctionner les déloyautés mais n'exige pas un comportement loyal, exigence qui relève de l'ordre normatif de la morale.

 

48. Bien plutôt, c'est l'État, soit directement, soit à travers un "régulateur prudentiel!footnote-53", qui doit imposer à l'entreprise ce souci d'autrui, la puissance publique contrôlant alors l'entreprise cruciale, notamment en la rendant transparente, ce qui relève d'une obligation prudentielle.

 

B. LA SUBSOMPTION DES CAS CONCRETS DANS LA CATÉGORIE JURIDIQUE D'ENTREPRISE CRUCIALE ET LA LEGITIMITE D'UN REGIME JURIDIQUE SPECIFIQUE

49 Google, Facebook  and co. correspondent à la définition (négative et positive) de l'entreprise cruciale.

50. Si Google et Facebook disparaissaient, alors que l'on désigne celui qui donne la "parole" comme étant plus puissant que la Cour suprême des Etats-Unis, alors sa disparition constitue effectivement un risque majeur, parce que Google est la meilleure des choses, permettant de trouver l'information, et Facebook également, en ce qu'il soutient la liberté d'expression (définition

46. L'on pourrait considérer qu'ils sont aussi des entreprises cruciales au sens où la société dite "de l'information" (comme la société du financement, ou la société de l'énergie, etc.) ne se développera pas que si elles se "comportent bien" et que si elles sont bien gérées.

47 La puissance publique doit "dire son mot" dans le gouvernement des entreprises cruciales. Elle le fait déjà et fortement à l'occasion des contrôles de concentration (c'est pourquoi Apple ou Microsoft si peu d'acquisition, afin que la puissance publique ne puisse pas regarder à l'intérieur de l'entreprise ni interférer dans ses projets).

48. Mais la puissance publique doit pouvoir exprimer son point de vue, face au marché, sans qu'il soit nécessaire que l'État soit actionnaire de l'entreprise dominante sur ce qui met en connexion les personnes!footnote-54.

49. C'est à ce titre que la puissance publique doit pouvoir contrôler les conditions auxquelles les personnes se "branchent" sur le système. Il n'est pas besoin d'exiger de la "loyauté", concept moral qui n'a pas de rapport avec la régulation de l'opérateur ici requise. Il est besoin d'interférer, au besoin d'utiliser un outil usuel du droit de la régulation, à savoir la certification des contrats-types par l'État ou le régulateur, sans méconnaitre ce qui est la loi naturelle de l'opérateur qui est la recherche du profit et de l'accroissement de la domination.

50. De la même façon, l'on peut certes compter sur "l'activisme des personnes concernées". Cela prend alors la forme d'une distribution par l'État d'une pluie de droits subjectifs aux personnes faibles, droit d'agresser le dominant (action en justice), droit d'affaiblir le dominant (droit de lui retirer la donnée personnelle, malencontreusement dénommé "droit à l'oubli").

 

51. Mais il s'agit du groupe social, de son avenir et la puissance publique n'est-elle pas plus légitime ? En outre, l'expérience montre que le client se laisse dévorer avec délice par l'entreprise qui lui offre des bonbons gratuits (cartes bancaires, jeux, informations, etc.) pour mieux apporter ce client-proie facile ensuite en plat principal aux entreprises du marché en face.

52. Cela est vrai quelque soit le secteur. Le danger d'addiction est si grand que l'on ne peut être sûr que l'attribution de droits aux personnes qui sont les objets consommés plus encore qu'elles ne sont les consommateurs suffisent.

53. L'on peut compter sur le "droit souple", ces opérateurs émettant des chartes multiples et des conditions générales qui préservent l'intérêt des personnes, par exemple de l'internaute. L'autorégulation, la loyauté et la gouvernance du dominant bienveillant, l'opérateur rejoignant alors la figure pourtant naguère moquée du "despote bénévolant", permettant au souci d'autrui d'être rassuré.

54. Mais il est vrai que le récent contentieux à propos d'un compte FaceBook d'une fillette de 8 ans, à propos duquel le juge aux affaires familiales, par un jugement, puis un arrêt de la Cour d'appel d'Aix du 2 septembre 2014, a dû intervenir, conduit à remarquer que FaceBook interdit l'ouverture d'une page à un mineur de moins de 13 ans. Un oubli, certainement.

55. Pourquoi, si l'on a moins confiance dans la loyauté, même surveillée, des opérateurs (ou alors il faut changer de vocabulaire et l'on arrive forcément vers l'idée d'une régulation prudentielle imposée à l'intérieur par la puissance publique), il convient que la puissance publique régule en obtenant des informations par avance, en rendant transparent l'entreprise, en l'obligeant à soumettre ses contrats à validation ex ante.

_____

1

Le juge procède à l'opération de qualification des faits lorsque les parties en litige lui apportent une situation de fait à laquelle il doit apporter une solution en faisant application des règles de droit (article 12 du Code de procédure civile). De la même façon, les personnes qualifient les situations dans lesquelles elles évoluent, notamment les situations contractuelles (v. Terré, F., La volonté des parties sur les qualifications, ...).

2

V. par exemple Jérome Philippe, qui souligne que la prise en considération par la jurisprudence de la réalité des marchés bifaces est "loin d'être acquise", notamment parce que la notion de marché biface n'est pas juridiquement stabilisée (La prise en compte de la nature biface des marchés dans le droit de la concurrence, in Séminaire Philippe Nasse Les marchés "biface", 13 décembre 2012, p. 5 et s.

3

Braudel, F., ... Le jeu de l'échange, ...

4

Martial-Braz, N. et Zolynski, C. (dir.), La gratuité. Un concept aux frontières de l'économie et du droit, 2013.

6

D'une façon très traditionnelle, le rapport annuel du Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux (2014) analyse le droit de la régulation comme étant ainsi enfermé dans les secteurs, tandis que le droit de la concurrence (qui est un droit ex post, de nature différente de celle du droit de la régulation) est visé comme une sorte de droit de "régulation générale". Il est certain que s'il veut donner une telle puissance au simple droit de la concurrence, l'on est corrélativement obligé d'enfermer le droit de la régulation dans chacun des secteurs, devenu une sorte de droit "vertical", tandis que le droit de la concurrence serait un sorte de droit "horizontal", dotant l'autorité de concurrence de tous les pouvoirs que l'on réserve normalement à la régulation. Cette conception est expressément posée dans le rapporté précité : "La régulation ex ante de la concurrence est complémentaire de la régulation concurrentielle générale : à la différence de celle-ci, elle ne porte que sur un secteur particulier et passe par la mise en place d'un cadre réglementaire imposant des obligations a  priori aux acteurs concernés.". (p.224).

7

Sur une démonstration générale, v. Frison-Roche, M.-A., Concurrence versus Régulation, 2011.

8

V. Frison-Roche, M.-A., Banque et concurrence, 2015.

9

§555 à 566.

10

§367 à 378.

11

Du fait de la nécessité d'établir le marché pertinent, ce qui est justement la difficulté à propos des plateformes.

12

Certes désormais admise en droit, mais dont l'activation est difficile car il ne faut pas seulement démontré la dominance, mais encore l'exploitation abusive que la partie dominante en a fait. Ainsi, après la première jurisprudence de principe qui en a admis l'idée, on trouve peu d'applications.

13

Qui vient pourtant de recevoir une éclatante victoire politique par sa reconnaissante, glissé dans l' "Internet ouvert", par la décision de la Federal Communication Commission de mars 2015.

14

Article 1165 du Code civil :

15

N°3.1.2., p.460 et s., proposition n°3.

16

Contra, Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux (2014, p.224). Ce rapport limitant la régulation à être la réglementation d'un secteur ne peut qu'en conclure que la régulation n'est pas la bonne solution du fait "des risques d'obsolescence rapide d'un cadre réglementaire face à l'évolution des usages numériques".

L'observation est exacte. Mais la régulation ne se limite pas à la réglementation, laquelle n'est qu'un instrument parmi d'autres de la régulation.

17

Abstraction qui lui permet son insertion dans le droit de la concurrence, lequel est lui-même une branche abstraite du droit (v. supra).

21

Frison-Roche, M.-A., ... The Journal of Regulation,

22

Sur la notion en train de se dégager en matière bancaire et financière de "régulation prudentielle", v. Frison-Roche, M.-A., Vers une régulation prudentielle

23

Sur la démonstration de cela, v. Frison-Roche, M.-A., Réguler les entreprises cruciales, 2014

1. Sans doute tout système normatif dépend de la capacité à nommer les phénomènes, ce qui les rend traitables par les outils pratiques. Il en est ainsi des marchés "bifaces". Ceux-ci ont existé depuis toujours, il suffit de songer au mécanisme des agences immobilières ou des relais de poste, mais il a fallu que des économistes en "inventent" l'idée pour que celle-ci, par réflexion, permette la compréhension du réel ainsi reclassé par la théorie.

2. Le droit, art pratique, procède exactement de la même façon, à travers le mécanisme de la "qualification", qui permet au système juridique de se saisir de faits pour les insérer dans une catégorie abstraite à laquelle est associé un régime juridique!footnote-153.

3. Les juristes observent la difficulté du droit à admettre une notion juridique de "marché biface"!footnote-42. Or, si les juristes n'injectent pas une définition précise de la notion de marché biface dans le système juridique, lequel fonctionne sur des définitions et des mots auxquels sont attachées des règles, le droit devient malhabile.

4. C'est pourtant le constat que l'on fait lorsqu'on observe les règles juridiques en la matière. Non seulement, le droit, surtout le droit continental, se mouvant dans des règles générales et abstraites, se perd dans des situations trop diverses pour être ramenées à une seule notion, à un seul corpus, à une seule branche du droit. Ainsi, le droit ne "connait" guère les marchés bifaces ou les plateformes.

5. Plus encore, les marchés biface fonctionnent souvent en partie par des mécanismes de gratuité, ce qui rend difficile l'exercice premier de classement. En effet, le droit, parce qu'il est un système, classe les règles dans des branches du droit. Ainsi, lorsqu'il est question de "marché", le droit regroupe les règles, les principes et les notions dans la branche du droit économique, voire du "droit de la régulation", regroupement des règles dépassant la traditionnelle summa divisio du droit public et du droit privé.

6. Le droit économique est lui-même un droit conceptuellement récent, mais il reprend la règle classique du droit commercial, selon laquelle "la gratuité n'existe pas". La sagesse du droit conduit à considérer que le don, même s'il est l'ancêtre ethnologique du marché en ce qu'il appela le contre-don, n'a pas lieu d'être dans le monde marchand. Le monde marchand, pour être sain, ne peut être que "le jeu de l'échange", pour reprendre le titre d'un ouvrage de Fernand Braudel!footnote-154.

7. Un ouvrage récent a pourtant montré tout l'attrait économique de la gratuité, ce qui ne pouvait apparaître qu'en plaçant celle-ci "aux frontières de l'économie et du droit". Dans cet ouvrage, une étude menée par une économiste et un juriste confronte la gratuité et le droit de la concurrence à propos du cas Google et porte largement sur la question des plateformes.

8. Il convient donc tout d'abord de prendre acte de la difficulté pour le droit d'appréhender et de réguler les marchés bifaces (I) difficulté que l'on peut surmonter en régulant directement les entreprises qui dominent les plateformes, ce qui est un enjeu majeur pour l'avenir (II).

 

I. UN DROIT MALHABILE À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

9. Le droit a été conçu pour régir des comportements, des relations ou des espaces. Mais même les règles juridiques construites pour réguler les espaces conviennent mal aux marchés bifaces (A). On ne peut guère utiliser davantage les règles juridiques par lesquelles le droit régit les relations bilatérales entre les opérateurs, professionnels et non-professionnels (B).

 

A. LA DIFFICULTÉ DU DROIT DES ESPACES À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

10. Parce que les marchés bifaces ne sont pas propres à un secteur, tant que l'on pensera le "droit de la régulation" en l'enfermant dans un secteur particulier !footnote-50, l'on ne pourra pas penser la régulation des marchés bifaces. En effet, si l'on pense en terme de "régulation sectorielle", la régulation est imprégnée d'un objet très concret qui se développe sur tel ou tel secteur (le téléphone, l'électricité, le gaz, le jeu, etc.), alors que la notion de "marché biface" est abstraite et traverse donc beaucoup de ses secteurs.

11. Ainsi, parce que les entreprises offrant des cartes bancaires sont de la même façon sur un marché biface que le sont des entreprises qui amènent l'internaute sur des sites où l'âme en peine trouve l'épaule consolatrice, parce que la notion de "marché biface" est abstraite, on ne peut se contenter de recourir à une conception sectorielle de la régulation.

12. D'ailleurs, le droit sectoriel de la régulation est à la fois trop étroite (comment la régulation bancaire se saisirait-elle des agences matrimoniales qui fournissent aussi les alibis au conjoint infidèle ?) et trop vaste car, à l'inverse, la banque ne se réduit pas par exemple à la fourniture de ce type de moyens de paiement.

13. Ainsi, c'est parce qu'il est insuffisamment abstrait que le droit de la régulation, qui porte sur un objet précis, s'est pour l'instant peu saisi de la question. On trouve certes une décision du 27 novembre 2012 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs d'outre-mer, qui y fait référence mais c'est plutôt le droit de la concurrence qui l'y fait référence et non le droit de la régulation sectorielle des télécommunications.

14. Cela se comprend dans la mesure où le droit de la concurrence est un "droit d'abstraction"!footnote-155 : il est le droit qui donne place juridique au mécanisme du marché. Or, le marché nie la concrétude des objets échangés grâce à l'instrument d'échange qu'est l'argent, lequel rend mesurables des choses différentes, à l'aune des fonctions d'utilité des offreurs et des demandeurs. Ainsi, dans une économie de simple marché, l'objet n'existe pas en tant que tel, seul compte son prix. C'est en cela que l'on peut dire que le droit de la concurrence est la branche du droit le plus abstrait de toutes.

 

15. Il est déjà bien normal que la réalité des marchés bifaces est plutôt saisie par le droit de la concurrence. C'est ce que l'on observe à travers la jurisprudence. En effet, c'est sur le terrain du droit de la concurrence que l'Autorité de la concurrence par sa décision du 14 décembre 2014 a sanctionné Google pour abus de position dominante, en ayant réussi à isoler un marché spécifique sur Internet, à savoir le marché de la publicité en ligne. La Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a procédé pareillement dans son  l'arrêt Google Spain du 13 mai 2014. Il est logique que l'un des exemples les plus étudiés dans les travaux économiques, à savoir le mécanisme des cartes de paiement et de crédit, se retrouve dans la jurisprudence des autorités de concurrence : ainsi, l'Autorité de la concurrence s'est appuyée sur le constat d'un marché biface pour sanctionner le Groupement des Cartes Bancaires dans sa décision du 7 juillet 2011. Il est vrai que cette décision a été annulée par la suite, mais pour d'autres raisons!footnote-156.

16. Mais le droit de la concurrence demeure entravé en ce qu'il n'est pas conçu pour traiter de la "dominance" d'un acteur, n'appréhendant que des comportements, tandis que symétriquement le droit traditionnel de la régulation demeure entravé par le fait qu'il est encastré dans différents secteurs, alors que le marché biface est une notion abstraite, le plus souvent liée à la notion de réseau, lequel n'est pas enfermée dans un secteur particulier à l'exclusion des autres, et peut même se retrouver dans un marché non régulé. De tout cela, résulte une relative impuissance du droit.

17. Ainsi, le droit de la concurrence ne parvient à cerner correctement la notion de marché biface que lorsqu'il est en position de traiter directement du phénomène de "dominance", c'est-à-dire pendant le temps fugace de la concentration. Lorsque le droit de la concurrence opère un contrôle des concentrations, il se transforme en droit de la régulation et, parce que la concentration a un impact structurel sur les marchés, il pénètre le temps du changement de puissance de l'opérateur dans celui-ci.

18. Ainsi, le contrôle de la concentration est un mode de traitement de la dominance, mais limité d'une part parce que cela ne dure que le temps du contrôle de concentration et d'autre part parce que ce contrôle ne s'opère qu'au regard de l'impact concurrentiel sur les marchés affectés par l'amplification de puissance de l'opérateur du fait de la concentration.

19. Le contrôle des concentrations étant tout de même une forme de régulation de l'opérateur dominant, l'on comprend pourquoi c'est à l'occasion du contrôle des concentrations que la situation de marchés biface a été prise en considération par le droit, le changement sur un des marchés impactant l'autre marché, bien que les deux marchés soient indépendants l'un de l'autre. L'Autorité de concurrence y recourut en matière audiovisuelle, d'une part par la décision du 26 janvier 2010 relative à la prise de contrôle par TFI du groupe AB!footnote-47 et d'autre part par la décision  du 23 juillet 2012 relative à la prise de contrôle exclusive des sociétés Direct 8 et Direct Start, Direct Productions, Direct Digital et Bolloré Intermédia par Vivendi et Groupe Canal Plus!footnote-46.

20. Mais le contrôle sur le marché biface ne s'étend pas au-delà de l'instant du choc de concentration. Dès lors, le droit peut-il appréhender la réalité de celui-ci, auquel corresponde la réalité des plateformes à travers toutes les règles juridiques appréhendant les comportements, c'est-à-dire les relations bilatérales entre les acteurs ?

 

 

B. LA DIFFICULTÉ DU DROIT DES RELATIONS BILATÉRALES À RÉGULER LES MARCHÉS BIFACES

21. Si le droit se détourne des branches du droit des espaces, parce que la notion de "plateforme" ou de "marché biface" n'est pas encore en tant que telle directement implantée dans le système juridique, l'autre possibilité est d'intervenir dans les relations bilatérales que l'opérateur puissant noue avec les agents économiques qui sont de part et d'autre, chacun sur les marchés qui sont des deux côtés de la plateforme.

22. La perspective juridique est alors celle du contrat.

23. Le contrat demeure une sorte d'îlot normatif qui encercle les parties, rendant l'espace sur lequel elles se meuvent imperméable. Mais le droit des contrat a évolué et a pris en considération la "dominance" dont l'une des parties peut profiter dans cette relation bilatérale.

 

24. Sans même recourir à la notion peu activée en pratique!footnote-48 d'abus de position dominante relative, ni aller jusqu'à aller chercher la notion de "violence économique"!footnote-49, il et acquis que la nécessité pour une partie de recourir aux services de son cocontractant pour avoir atteindre le bien et le service offerts par un tiers peut produire à la charge de ce cocontractant des obligations particulières.

25. C'est notamment le cas en matière de contrat bancaire, en ce qui concerne la délivrance des moyens de paiement ou bien en matière de contrat d'accès aux moteurs de recherche. Les deux contrats sont analogues puisqu'ils sont des moyens d'accès plus aisé au bien ou service final recherché (soit par le moyen de paiement, soit par le moyen de transport, soit par le moyen de l'information).

26. L'on peut tout d'abord considérer que le droit de la consommation s'applique. En outre et depuis longtemps le droit commun a intégré le déséquilibre structurel dans la relation bilatéral et impose au profit de la partie faible des obligations spécifiques à la charge du contractant puissant, que la partie faible soit elle-même professionnelle ou non.

27. Ainsi, cette sorte de "droit à la passivité" dont pourrait se prévaloir la plateforme, effet secondaire de l'étrange principe de la neutralité du Net!footnote-157, ne peut plus perdurer. La Cour de cassation, dans son arrêt du 17 février 2011, DailyMotion, a posé que la responsabilité de cette plateforme était responsable des contenus circulant. Or, les déclarations de responsabilité impliquent pour tout agent économique rationnel opérant d'une façon répétitive une modification de comportement, c'est-à-dire dessine une obligation.

28. L'on pourrait aussi prendre en considération que le contrat est certes un acte juridique entre les parties mais il ne faut pas conclure de son effet relatif!footnote-158 qu'il n'existe pas pour les tiers. En effet, pour ceux-ci, il est un fait. De ce fait, le cocontractant doit tenir compte à l'égard des tiers. Le professeur Geneviève Viney a développé la façon dont un contractant la plateforme, peut être responsable vis-à-vis d'un tiers du fait de son cocontractant. Ici la plateforme peut être déclarée responsable à l'égard du visiteur, du comportement de son cocontractant, ici l'internaute qui a mis ce contenu. Mais la jurisprudence a limité par des règles spéciales cette responsabilité de principe qui aurait pourtant refléter en droit  l'effet économique du "club".

29. Peut-on chercher ailleurs dans le droit commun en suggérant qu'il faudrait imposer aux plateformes une obligation générale de loyauté ? C'est une des propositions formulées par le rapport annuel du Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux!footnote-52.  Le principe de loyauté est certes un principe qui s'est développé en droit des contrats. Né du temps de l'exécution, il s'est étendu au temps de la formation. Il n'est pas naturel au contrat, mais dans la mesure où il permet de gouverner directement l'acteur économique, il devient un moyen de réguler directe. C'est dans cette perspective qu'il convient de l'envisager.

 

II. LA NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER DIRECTEMENT LES ENTREPRISES DOMINANT LES MARCHÉS BIFACES

30. Si l'on prétend réguler les entreprises qui dominent aujourd'hui les plateformes, alors que celles-ci ne constituent pas un secteur spécifique et alors que le droit de la concurrence n'y conduit pas, il faut introduire une nouvelle notion, celle d' "entreprise cruciale" (A).  Les entreprises qui structurent et agissent sur les plateformes rentrent parfaitement bien dans cette catégorie proposée, ce qui justifie qu'on leur applique un régime juridique spécifique (B).

 

A. LA NOTION D'ENTREPRISE "CRUCIALES", JUSTIFIANT RÉGULATION

 

31. Dans leur étude sur la gratuité analysée sous l'angle juridique et économique dans une perspective d'économie industrielle, Estelle Malavolti et Frédéric Marty tiraient du constat que Google agit et tire profit d'un marché biface la conclusion qu'il conviendrait de "réguler Google".

32. Sans doute faut-il aller directement à cette conclusion, conclusion moins raffinée et moins précautionneuse que celle du Rapport annuel du Conseil d'État, qui préfère construire la notion juridique de "plateforme". Pour réguler directement un opérateur tel que Google, il convient alors de se référer à une catégorie générale à laquelle cette entreprise appartient, comme beaucoup d'entreprises sur des marchés bifaces, à savoir la catégorie d' "entreprise cruciale" (2), notamment parce que ce qui serait la "notion juridique de plateforme" présente bien des incertitudes (1).

 

1. L'incertitude juridique de la catégorie juridique en perspective de "plateforme"

 

33. L'on ne peut limiter la régulation à la réglementation, sauf à être victime d'un anglicisme!footnote-51. Comme cela a pu être développé par ailleurs, soit dans une première approche, soit d'une façon récente et plus approfondie, la régulation est un système de règles, de principes et de décisions, qui s'applique à des secteurs et qui relève de mécanismes communs à tous. Ce coeur commun et l'addition de ces régulation sectorielles, qui contiennent aussi bien de l'ex ante que de l'ex post constitue le droit de la régulation.

34. D'ordinaire, seuls les espaces sont régulés. Les entreprises ne le sont pas, sauf à être dans une économie administrée, la régulation donnant lieu à l'exercice de la puissance publique tandis que les entreprises agissent dans un espace de liberté pour la recherche de leur profit.

35. Mais il peut arriver qu'une entreprise soit "cruciale". Dans un tel cas, il convient que la puissance publique la régule, c'est-à-dire se mêle de sa gouvernance.

 

36. Certes, dans le cas qui nous occupe, le Conseil d'État, dont le travail de réflexion mené par son Rapport annuel est remarquable, a préféré une autre méthode, à savoir proposer que la notion de "plateforme" devienne elle-même une catégorie juridique pour lui attacher ensuite une obligation spécifique, à savoir une obligation de loyauté.

37. Sans aborder ici ce qui relève du régime spécifique, à savoir l'obligation de loyauté, il peut être dangereux de constituer une catégorie juridique spécifique de "plateforme". En effet, le Conseil d'État propose une définition très étroite de ce que serait en droit une "plateforme", à savoir "les services de référencement ou de classement de contenus, biens ou services édités ou fournis par des tiers et partages sur le site de la plateforme".

38. La difficulté d'une telle définition est qu'elle ne correspond pas à ce que doit être la définition, à savoir une abstraction, mais renvoie à une liste, ce qui n'est pas une définition et posera inévitablement le problème constitué par une situation proche d'un des cas visés mais non identique à celui-ci. Il y aura alors ce que redoutent le plus les opérateurs, à savoir de l'insécurité juridique.

39. En outre, ce régime spécifique, à savoir une obligation de loyauté, ne serait donc attachée qu'aux entreprises dominantes sur les marchés bifaces d'internet et pas sur les autres entreprises de même type sur les autres marchés bifaces, par exemple les entreprise qui proposent des moyens de paiement, lesquelles ne se définissent pas comme des entreprises de "services de référencement ou de classement".

40. N'est-ce pas dommage ?

41. Faut-il à ce point créer un "droit de l'Internet" ? Le droit ne perd-il pas sa force à être si peu commun ?

42. La puissance de la notion économique du "marché biface" ne tient-elle pas dans l'abstraction de la notion ?!footnote-159 N'est-ce pas cette abstraction qui permet à la notion de "marché biface" de se développer et de perdurer, en rendant compte de la diversité des situations, y compris de celles que l'on ne connait pas encore, de celles qui sont intersectorielles, de celles qui ne sont répertoriées sur aucune liste ? Face à cela, la définition pour l'instant proposée de "plateforme" comme service de référence et de classement des données est si factuelle qu'elle risque d'être inefficace. Il convient donc de se tourner vers une notion plus générale.

 

2. Le recours souhaitable à la catégorie juridique d'"entreprise cruciale"

43. Dans un sens négatif, une entreprise est cruciale si sa disparition cause un choc sur le système économique et social, sa disparition mettant en péril celui-ci. Dans un sens positif, une entreprise est cruciale si le bon fonctionnement du système économique et social dépend de la présence, du bon gouvernement et du bon comportement de cette entreprise!footnote-160.

44. Par cette seule définition, l'on mesure que le régime juridique d'une entreprise cruciale va être beaucoup plus exigeant la concernant que la seule exigence de loyauté. Par exemple, il faudra prendre en considération, ce qu'Alain Supiot rappelle l'importance : l'obligation de solidarité!footnote-161, notion juridique presque oubliée. Lorsqu'on observe des ministres demander, pour ne pas écrire "quémander", aux entreprises maîtresses des plateformes de juguler les flots de haine qui s'y déversent!footnote-162, n'est-ce pas un appel à la solidarité humaine qui leur est fait ?

45. Cette demande n'a-t-elle pas pris un tour plus juridique lorsque la France et l'Allemagne ont demandé en février 2015 à la Commission Européenne de réguler directement les entreprises de plateforme pour qu'elles civilisent les chemins qui mènent à des sites infernaux et pour que leur puissance, devenue centrale dans une économie de l'accès et des données, plus encore que de la communication, soit directement régulée ?!footnote-163


46. Cette conception négative de l'entreprise cruciale, basée sur l'idée de risque systémique, a fondé l’Union bancaire européenne. La définition positive de l’entreprise cruciale fait quant à elle ressortir que dans une situation de dominance, née d'un marche biface, lorsqu'il s'agit d'accéder à la vie sociale (par le biais de l'"inclusion bancaire" par les moyens de paiement,par exemple) ou d'accéder à l'information, l'entreprise doit être forcée à prendre en compte le groupe social et autrui.

47. L'on ne peut croire qu'elle le fera d'elle-même. C'est pourquoi le droit classique, dans sa sagesse, se contente de sanctionner les déloyautés mais n'exige pas un comportement loyal, exigence qui relève de l'ordre normatif de la morale.

 

48. Bien plutôt, c'est l'État, soit directement, soit à travers un "régulateur prudentiel!footnote-53", qui doit imposer à l'entreprise ce souci d'autrui, la puissance publique contrôlant alors l'entreprise cruciale, notamment en la rendant transparente, ce qui relève d'une obligation prudentielle.

 

B. LA SUBSOMPTION DES CAS CONCRETS DANS LA CATÉGORIE JURIDIQUE D'ENTREPRISE CRUCIALE ET LA LEGITIMITE D'UN REGIME JURIDIQUE SPECIFIQUE

49 Google, Facebook  and co. correspondent à la définition (négative et positive) de l'entreprise cruciale.

50. Si Google et Facebook disparaissaient, alors que l'on désigne celui qui donne la "parole" comme étant plus puissant que la Cour suprême des Etats-Unis, alors sa disparition constitue effectivement un risque majeur, parce que Google est la meilleure des choses, permettant de trouver l'information, et Facebook également, en ce qu'il soutient la liberté d'expression (définition

46. L'on pourrait considérer qu'ils sont aussi des entreprises cruciales au sens où la société dite "de l'information" (comme la société du financement, ou la société de l'énergie, etc.) ne se développera pas que si elles se "comportent bien" et que si elles sont bien gérées.

47 La puissance publique doit "dire son mot" dans le gouvernement des entreprises cruciales. Elle le fait déjà et fortement à l'occasion des contrôles de concentration (c'est pourquoi Apple ou Microsoft si peu d'acquisition, afin que la puissance publique ne puisse pas regarder à l'intérieur de l'entreprise ni interférer dans ses projets).

48. Mais la puissance publique doit pouvoir exprimer son point de vue, face au marché, sans qu'il soit nécessaire que l'État soit actionnaire de l'entreprise dominante sur ce qui met en connexion les personnes!footnote-54.

49. C'est à ce titre que la puissance publique doit pouvoir contrôler les conditions auxquelles les personnes se "branchent" sur le système. Il n'est pas besoin d'exiger de la "loyauté", concept moral qui n'a pas de rapport avec la régulation de l'opérateur ici requise. Il est besoin d'interférer, au besoin d'utiliser un outil usuel du droit de la régulation, à savoir la certification des contrats-types par l'État ou le régulateur, sans méconnaitre ce qui est la loi naturelle de l'opérateur qui est la recherche du profit et de l'accroissement de la domination.

50. De la même façon, l'on peut certes compter sur "l'activisme des personnes concernées". Cela prend alors la forme d'une distribution par l'État d'une pluie de droits subjectifs aux personnes faibles, droit d'agresser le dominant (action en justice), droit d'affaiblir le dominant (droit de lui retirer la donnée personnelle, malencontreusement dénommé "droit à l'oubli").

 

51. Mais il s'agit du groupe social, de son avenir et la puissance publique n'est-elle pas plus légitime ? En outre, l'expérience montre que le client se laisse dévorer avec délice par l'entreprise qui lui offre des bonbons gratuits (cartes bancaires, jeux, informations, etc.) pour mieux apporter ce client-proie facile ensuite en plat principal aux entreprises du marché en face.

52. Cela est vrai quelque soit le secteur. Le danger d'addiction est si grand que l'on ne peut être sûr que l'attribution de droits aux personnes qui sont les objets consommés plus encore qu'elles ne sont les consommateurs suffisent.

53. L'on peut compter sur le "droit souple", ces opérateurs émettant des chartes multiples et des conditions générales qui préservent l'intérêt des personnes, par exemple de l'internaute. L'autorégulation, la loyauté et la gouvernance du dominant bienveillant, l'opérateur rejoignant alors la figure pourtant naguère moquée du "despote bénévolant", permettant au souci d'autrui d'être rassuré.

54. Mais il est vrai que le récent contentieux à propos d'un compte FaceBook d'une fillette de 8 ans, à propos duquel le juge aux affaires familiales, par un jugement, puis un arrêt de la Cour d'appel d'Aix du 2 septembre 2014, a dû intervenir, conduit à remarquer que FaceBook interdit l'ouverture d'une page à un mineur de moins de 13 ans. Un oubli, certainement.

55. Pourquoi, si l'on a moins confiance dans la loyauté, même surveillée, des opérateurs (ou alors il faut changer de vocabulaire et l'on arrive forcément vers l'idée d'une régulation prudentielle imposée à l'intérieur par la puissance publique), il convient que la puissance publique régule en obtenant des informations par avance, en rendant transparent l'entreprise, en l'obligeant à soumettre ses contrats à validation ex ante.

_____

1

Le juge procède à l'opération de qualification des faits lorsque les parties en litige lui apportent une situation de fait à laquelle il doit apporter une solution en faisant application des règles de droit (article 12 du Code de procédure civile). De la même façon, les personnes qualifient les situations dans lesquelles elles évoluent, notamment les situations contractuelles (v. Terré, F., La volonté des parties sur les qualifications, ...).

2

V. par exemple Jérome Philippe, qui souligne que la prise en considération par la jurisprudence de la réalité des marchés bifaces est "loin d'être acquise", notamment parce que la notion de marché biface n'est pas juridiquement stabilisée (La prise en compte de la nature biface des marchés dans le droit de la concurrence, in Séminaire Philippe Nasse Les marchés "biface", 13 décembre 2012, p. 5 et s.

3

Braudel, F., ... Le jeu de l'échange, ...

4

Martial-Braz, N. et Zolynski, C. (dir.), La gratuité. Un concept aux frontières de l'économie et du droit, 2013.

6

D'une façon très traditionnelle, le rapport annuel du Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux (2014) analyse le droit de la régulation comme étant ainsi enfermé dans les secteurs, tandis que le droit de la concurrence (qui est un droit ex post, de nature différente de celle du droit de la régulation) est visé comme une sorte de droit de "régulation générale". Il est certain que s'il veut donner une telle puissance au simple droit de la concurrence, l'on est corrélativement obligé d'enfermer le droit de la régulation dans chacun des secteurs, devenu une sorte de droit "vertical", tandis que le droit de la concurrence serait un sorte de droit "horizontal", dotant l'autorité de concurrence de tous les pouvoirs que l'on réserve normalement à la régulation. Cette conception est expressément posée dans le rapporté précité : "La régulation ex ante de la concurrence est complémentaire de la régulation concurrentielle générale : à la différence de celle-ci, elle ne porte que sur un secteur particulier et passe par la mise en place d'un cadre réglementaire imposant des obligations a  priori aux acteurs concernés.". (p.224).

7

Sur une démonstration générale, v. Frison-Roche, M.-A., Concurrence versus Régulation, 2011.

8

V. Frison-Roche, M.-A., Banque et concurrence, 2015.

9

§555 à 566.

10

§367 à 378.

11

Du fait de la nécessité d'établir le marché pertinent, ce qui est justement la difficulté à propos des plateformes.

12

Certes désormais admise en droit, mais dont l'activation est difficile car il ne faut pas seulement démontré la dominance, mais encore l'exploitation abusive que la partie dominante en a fait. Ainsi, après la première jurisprudence de principe qui en a admis l'idée, on trouve peu d'applications.

13

Qui vient pourtant de recevoir une éclatante victoire politique par sa reconnaissante, glissé dans l' "Internet ouvert", par la décision de la Federal Communication Commission de mars 2015.

14

Article 1165 du Code civil :

15

N°3.1.2., p.460 et s., proposition n°3.

16

Contra, Conseil d'État, Le numérique et les droits fondamentaux (2014, p.224). Ce rapport limitant la régulation à être la réglementation d'un secteur ne peut qu'en conclure que la régulation n'est pas la bonne solution du fait "des risques d'obsolescence rapide d'un cadre réglementaire face à l'évolution des usages numériques".

L'observation est exacte. Mais la régulation ne se limite pas à la réglementation, laquelle n'est qu'un instrument parmi d'autres de la régulation.

17

Abstraction qui lui permet son insertion dans le droit de la concurrence, lequel est lui-même une branche abstraite du droit (v. supra).

21

Frison-Roche, M.-A., ... The Journal of Regulation,

22

Sur la notion en train de se dégager en matière bancaire et financière de "régulation prudentielle", v. Frison-Roche, M.-A., Vers une régulation prudentielle

23

Sur la démonstration de cela, v. Frison-Roche, M.-A., Réguler les entreprises cruciales, 2014

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