Enseignements : Droit de la Régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2016

Mais c'est d'une façon plus systématique encore qu'il faut sans cesse appliquer, par réflexe, une définition, une qualification. Par exemple : qu'est-ce qu'une banque ? qu'est-ce qu'une entreprise ? qu'est-ce que l'intérêt social ? qu'est-ce qu'un conseil ? qu'est-ce qu'une sanction ? etc.

En prenant tous ces exemples, l'on mesure qu'en matière de régulation bancaire et financière, le droit - comme partout ailleurs - ne saurait se réduire à une réglementation : c'est un art pratique dans lequel l'imagination est libre cours.

Accéder au plan de la leçon sur La primauté des définitions et des qualifications dans le droit de la régulation bancaire et financière.

Lire l'explicitation du thème de la leçon sur La primauté des définitions et des qualifications dans le droit de la régulation bancaire et financière.

Accéder aux slides de la leçon  La primauté des définitions dans le droit de la régulation bancaire et financière

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28 juin 2023

Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "S'engager n'est pas contracter (décision du Conseil d'État du 21 avril 2023, Orange c/ Arcep)", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 28 juin 2023.

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🔴Engagements, acceptation, convention : multiplication de ces actes de volonté acceptés qui ne sont pourtant pas des contrats et échappent à leurs principes

Dans sa décision du 21 avril 2023, société Orangec/ Arcep, le Conseil d'État dit ce que ne constitue pas les engagements souscrits par l'opérateurs pour le déploiement de la fibre, acceptés par le ministre : ce n'est pas un contrat. La "qualification négative" est donc donnée. Mais alors qu'est-ce que c'est ?

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Mise à jour : 2 février 2023 (Rédaction initiale : 23 juin 2021 )

Base Documentaire : Doctrine

 Référence complète : J. Heymann, "La nature juridique de la "Cour suprême" de Facebook", in M.-A. Frison-Roche (dir.), La juridictionnalisation de la Compliancecoll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2023, p. 151-167. 

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, La juridictionnalisation de la Compliance, dans lequel l'article est publié

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 Le résumé ci-dessous décrit un article qui fait suite au colloque L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et la Faculté de Droit Lyon 3. Ce colloque a été conçu sous la direction scientifique de Marie-Anne Frison-Roche et Jean-Christophe Roda et s'est déroulé à Lyon le 23 juin 2021.

Dans l'ouvrage, l'article sera publié dans le Titre I, consacré à  L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance.

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 Résumé de l'article (fait par l'auteur) : Inséré dans la thématique générale visant à « faire coïncider les mots et les choses », l’article propose une réflexion sur les « conditions du discours » - au sens où l’entendait Foucault dans son Archéologie des sciences humaines – relatif au phénomène de juridictionnalisation de la Compliance.

            Plus précisément, la réflexion porte sur la nature de la prétendue « Cour suprême » instituée par le groupe Facebook en vue de connaître des appels des décisions relatives au contenu sur les réseaux sociaux numériques Facebook et Instagram. S’agit-il véritablement d’une Cour suprême, en charge de « juger » le groupe Facebook ?

            Un examen attentif de l’Oversight Board, soit le Conseil de Surveillance créé par l’entreprise Facebook, révèle que ce dernier, au-delà de son titre, peut prétendre, en complément de son activité de « conseil » (laquelle consiste à émettre des « avis consultatifs sur les politiques en matière de contenu de Facebook »), exercer une forme d’activité juridictionnelle. Celle-ci se conçoit essentiellement en termes de vérification de conformité, d’une part des contenus publiés sur les réseaux sociaux Facebook ou Instagram aux standards émis par ces deux sociétés, d’autre part des décisions – de modération ou d’appréciation de cette modération – au droit. Le cadre juridique de référence est cependant flou, et semble en outre présenter la particularité d’évoluer en fonction du cadre géographique dans lequel le cas examiné sera localisé. Une mission juridictionnelle semble donc bien pouvoir être caractérisée, même si l’office du Conseil de Surveillance est limité et n’a vocation à s’exercer que dans un cadre restreint.

            L’auteur propose donc de retenir, en vue de qualifier l’Oversight Board, la nature d’organe préventif de règlement des différends – l’objectif poursuivi paraissant être celui d’éviter la saisine de tribunaux étatiques en statuant en amont d’une décision judiciaire. Différentes questions doivent subséquemment être soulevées, tant sur le plan de la légitimité que sur celui de l’autorité de pareil Oversight Board. Mais quelles que seront les réponses à ces questions, il reste que cette création d’un Conseil de Surveillance par une entreprise de droit privé révèle d’ores et déjà toute la vivacité du pluralisme juridique contemporain.

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2 février 2023

Publications

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 Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Le jugeant-jugé. Articuler les mots et les choses face à l'éprouvant conflit d'intérêts", in Frison-Roche, M.-A. (dir.), La juridictionnalisation de la Compliancecoll. "Régulations & Compliance", Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et Dalloz, 2023, p. 59-80. 

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📝lire l'article

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🚧lire le document de travail bilingue sur la base duquel cet article a été élaboré, doté de développements supplémentaires, de références techniques et de liens hypertextes

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📕consulter une présentation générale de l'ouvrage, La juridictionnalisation de la Compliance, dans lequel cet article est publié

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 Le résumé ci-dessous décrit un article qui fait suite à une intervention dans le colloque L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance, coorganisé par le Journal of Regulation & Compliance (JoRC) et la Faculté de Droit Lyon 3. Ce colloque a été conçu par Marie-Anne Frison-Roche et Jean-Christophe Roda, codirecteurs scientifiques, et s'est déroulé à Lyon le 23 juin 2021.

Dans l'ouvrage, l'article est publié dans la partie I, consacré à L'entreprise instituée Juge et Procureur d'elle-même par le Droit de la Compliance.

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 Résumé de l'article (fait par le Journal of Regulation & Compliance) : Avant même d'aborder la situation de l'entreprise, ainsi placée comme "jugeant-jugée" par le Droit de la Compliance, parce que l'enjeu est avant tout celui de la qualification adéquate, l'article pose en préalable qu'il faut garder à l'esprit trois principes : ce qu'est le Droit dans sa corrélation avec la réalité, lui confiant le soin de garder même par rapport à son propre pouvoir le soin de conserver un lien minimal avec la réalité ou de restaurer le lien entre les mots et les choses, grâce à la qualification ; ce qu'est l'activité de "juger" et son corolaire, la procédure, obligeant le Droit à travers ce qu'en disent les tribunaux, à qualifier "juge" celui qui juge pour mieux le contraindre par le Droit processuel; ce qu'est la personnalité morale, notion qui permet à l'entreprise de se dédoubler et paraît ainsi très commode pour sanctionner un collaborateur, voire un mandataire social mais ce qui va l'encontre de l'hostilité systémique du Droit de la Compliance à l'égard de cette notion.

Ayant cela en perspective, l'article montre en premier lieu comment est-ce que le Droit "démasque" les entreprises qui jugent et sanctionnent en prétendant ne pas le faire, qualification imposée pour contraindre les entreprises à respecter les principes processuels au bénéfice de ceux qui sont poursuivis ou jugés par elle. Cela devient acrobatique lorsque la personne morale se poursuit elle-même, non seulement en application de la loi mais par exemple au nom du contrat ou au nom de l'éthique ou de la raison d'être. Les juges le font néanmoins, le Droit de la Compliance reprenant toutes les solutions que la jurisprudence dégagea dans le Droit de la Régulation concernant les Autorités administratives de régulation, selon un raisonnement fonctionnel, à reprendre ici, le Droit de la Compliance prolongeant encore une fois ici le Droit de la Régulation. Cette transposition permet de justifier le cumul des pouvoirs par les entreprises qui, devant admettre l'ampleur de ces pouvoirs exercés, doivent donc s'organiser pour que les conflits d'intérêts structurels qu'ils engendrent soient pourtant résolus. Pour cela, la notion à la fois centrale et suffisante est l'Impartialité

La seconde partie de l'article expose la façon dont les entreprises peuvent se poursuivre elles-mêmes et se juger elles-mêmes d'une façon pourtant impartiale. Si l'on considère que l'héroïsme éthique, consistant à se punir soi-même avec impartialité pour que prévalent des intérêts autres que le sien, ne peut suffire à bâtir un système et à le soutenir dans la durée,, tout est donc dans l'art de la distance, qu'il faut reconstituer au sein même de l'entreprise "jugeante-jugée".

Pour ne pas sacrifier la cohérence du Droit de la Compliance qui ne peut plus donner de force à la personnalité, il faut que l'entreprise organise des distances entre qui juge et qui est jugée sans pour autant recourir à la personnalité morale. Si l'on ne pense pas que les "machines impartiales", telles que les adeptes de l'intelligence artificielle les promettent, puissent être une perspective consistante, il faut davantage approfondirez des perspectives comme celles des structures internes de médiation, voire des structures externes dont l'Oversight Board  de Meta est la première expérience. La perspective la plus riche demeure celle du recours à des tiers humains, en distinguant les intérêts distincts, voire divergents en cause dans la mise en oeuvre des Outils de la Compliance, par exemple les enquêtes internes, chacun de ses intérêts étant défendu par un conseil qui lui est propre, notamment un avocat. 

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24 décembre 2018

droit illustré

Le Droit n'est fait que de mots. L'essentiel est donc de les ranger (exercice de qualification) pour que se déclenche à propos d'eux un régime juridique, par exemple la liberté, l'autorisation ou l'interdiction.

Prenons un exemple américain, un exemple chéri par cette culture-là : le port d'arme.

Un juge fédéral de New-York a rendu une Ordonnance le 14 décembre 2018 à propos de la qualification juridique d'un nunchaku!footnote-1399  posant que sa détention par une personne à son domicile ne peut être prohibée par un Etat car l'individu exerce en cela son droit constitutionnel du port d'arme, tel que défini par la Cour suprême. En cela, il donne raison au demandeur qui contestait une disposition législative interdisant la détention par un individu de ce type d'arme.

En effet en 1974 l'Etat de New-York a interdit leur fabrication, leur transport, leur stockage, leur possession. 35 ans après, un juge estime que ce texte, tel qu'il est rédigé, est contraire au droit constitutionnel de porter une arme, ce qui anéantit la prohibition.

Pourquoi ?

 

En effet, la distinction expressément soutenue par le demandeur entre la possession à domicile d'une arme inusuelle pour inventer un nouvel art martial n'a pas été retenue en tant que telle, mais bien plutôt une démonstration probatoire qui oblige l'Etat qui prohibe un port d'arme à supporter (puisqu'il porte atteinte à une liberté constitutionnelle)  la charge de prouver que le port de cette arme n'est pas une façon pour un individu ordinaire d'être en mesure de l'utiliser conformément à la loi, par exemple pour se défendre (I). On aurait pourtant pu concevoir une définition plus stricte de ce qu'est une "arme", au moment même où la distinction entre les armes de défense et les armes d'assaults justifie des interdictions nouvelles et que ce dernier type d'argument a convaincu des juges fédéraux (II). Mais n'est-ce pas plutôt parce qu'aujourd'hui on oublie Bruce Lee et que cet américain moyen, qui a la mémoire courte - auquel se réfère le juge - n'est pas Tarantino, qui a la mémoire longue, comme tout cinéphile  ? (III).

 

 

1

Définition donnée par l'interdiction d'en posséder émise en 1974 par l'Etat de New-York : " “‘Chuka stick’ means any device designed primarily as a weapon, consisting of two or more lengths of a rigid material joined together by a thong, rope or chain in such a manner as to allow free movement of a portion of the device while held in the hand and capable of being rotated in such a manner as to inflict serious injury upon a person by striking or choking. These devices are also known as nunchakus and centrifugal force sticks.” N.Y. Penal Law § 265.00(14). The Court shall refer to chuka sticks and nunchakus interchangeably.". 

C'est ainsi que sont interdites par des personnes privées le port des objets suivantes : "“A person is guilty of criminal possession of a weapon in the fourth degree when: (1) [h]e or she possesses any firearm, electronic dart gun, electronic stun gun, gravity knife, switchblade knife, pilum ballistic knife, metal knuckle knife, cane sword, billy, blackjack, bludgeon, plastic knuckles, metal knuckles, chuka stick, sand bag, sandclub, wrist-brace type slingshot or slungshot, shirken or ‘Kung Fu star.’” N.Y. Penal Law § 265.01(.Y. Penal Law § 265.01

21 mars 2018

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, semestre de printemps 2017-2018

Le droit des sociétés a évolué en profondeur du fait de l'analyse financière. La "loi PACTE" en préparation pourrait exprimer une réaction face à cette emprise, en ce qu'elle traduit aussi une sorte de pénétration des marchés financiers dans les entreprises, va le Droit des sociétés, contre laquelle le Gouvernement va proposer une autre conception. En effet,  la considération du marché financier a bouleversé le Droit classique des sociétés, l'ouvrant avec parfois brutalité voire violence sur les marchés.

Les marchés financiers fît son entrée dans le Droit des sociétés par l'Ordonnance du 17 août 1967, laquelle instaura la Commission des Opérations de Bourse (COB) à travers ce qui allait devenir une nouvelle summa divisio "société cotée/société non-cotée": c'est donc avant tout le Marché boursier qui est pris en considération,  c'est-à-dire le marché non seulement des titres apportant à leur titulaire une vocation à être rémunéré mais encore une vocation à acquérir du pouvoir, le Droit intervenant pour réguler les "prises de contrôles", notamment par OPA ou OPE. Une leçon complète sera ultérieurement consacré à cette régulation spécifique des prises de contrôle. Cela  met le Régulateur au cœur des sociétés et insère de nouveaux principes, comme la transparence et la protection du minoritaire, qui est la forme juridique du marché lui-même, ainsi que l'apparition d'un nouveau personnage : l'investisseur.

Le marché lui-même devient comme un "personnage" auquel s'identifie parfois l'actionnaire minoritaire, parfois l'investisseur. La règle de l'information prend comme principal bénéficiaire non plus celui qui "participe à l'aventure sociétaire", c'est-à-dire la personne de l'associé, mais l'investisseur abstrait, par exemple les "fonds", le marché agissant pour évaluer les "actifs", dont l'entreprise est une variante ou un agrégat, afin de toujours connaître les valeurs d'achat ou de vente. Les contentieux sur l'évaluation des titres se multiplient.

La Régulation pénètre en transparence ce qui tend à transformer le Régulateur en superviseur, au-delà des secteurs techniquement supervisés, comme le secteur bancaire, parce que l'activité bancaire elle-même n'a pas pour seule objet d'accorder des crédits mais encore d'assurer l'intermédiation financière. 

Le Droit des sociétés fait alors place à la compliance qui tout à la fois est signe d'autorégulation et d'assujettissement  maximal des entreprises aux Régulateurs, tandis que la compliance devient un moyen pour la puissance publique, par ailleurs affaiblie, de demander aux entreprises de prendre en considération, des préoccupations non-économiques, comme les droits de l'homme ou la lutte contre les maux globaux. Une leçon complète sera ultérieurement consacrée à ce phénomène appelé à se développer de la compliance.

Car le Droit rejette l'abstraction. Ainsi la fin recherchée par les fonds provoquent des réactions, comme on le voit à travers les contentieux sur les "fonds vautours". De la même façon, c'est par la voie de l'audit et à travers ce qui apparaît comme une nouvelle summa divisio à savoir la distinction entre les "entités d'intérêt privé" et les "entités d'intérêt public" que l'Europe des sociétés est en train de se reconstruire. La "loi PACTE" et notamment la notion d' "entreprise de mission" pourrait également changer ces lignes de partages, avec des conséquences techniques importantes.

 

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11 mars 2018

Blog

En lisant une lettre que Voltaire écrit pour convaincre de la nécessité d'agir en faveur de Sirven, accusé d'avoir assassiné sa fille et condamné à mort par contumace, Voltaire évoque l'affaire Calas.

C'est une technique rhétorique dangereuse, à double-tranchant, car il écrit par ailleurs aux avocats que le fait d'avoir fait pression à propos de Calas peut conduire à indisposer les tribunaux dans le cas Sirven, qui se déroule dans la même région et dont la situation est analogue.

Mais il le fait pourtant et en ces termes-là :

Vous voulez savoir comment cette réclamation de toute l’Europe

contre le meurtre juridique du malheureux Calas, roué à Toulouse, a pu venir d’un petit coin de terre ignoré, entre les Alpes et le Mont-Jura,

à cent lieues du théâtre où se passa cette scène épouvantable.

 

N'est-ce pas remarquable que plutôt de parler d'erreur judiciaire, ou d'utiliser des termes plus neutres, Voltaire choisit :

- d'utiliser les termes de : "meurtre juridique"

- de désigner celui qui en est victime de : "malheureux Calas", et non pas d'innocent.

 

Il souligne ainsi que c'est bien par le Droit que Callas a été tué, et il retient la qualification juste que le Droit pénal retient : celle de "meurtre". Mais comme Voltaire estime que c'est le Droit lui-même qui a conduit à la mort de Callas, par l'application qui lui a été faite de la Loi, puis l'application du procès, puis l'application de la peine (exécution par l'écartèlement), alors il qualifie cela comme un "meurtre juridique".

En technique rhétorique, c'est un "oxymore".

En théorie juridique, l'on dirait que cela fût un acte d' "anti-droit"!footnote-1126, lorsque pour tuer la justice, c'est bien l'instrument que l'on utilise.

 

Et cela, les êtres humains le font. Souvent. Sur des cas particuliers, comme ici Callas. Ou bien en masse, comme le fît le nazisme.

Car le système nazi lui aussi commit des "meurtres juridiques".

Il convient de reconnaître la normativité juridique du système nazi, étudiée notamment par Johann Chapoutot dans son ouvrage La loi du sang , mais l'expression choisie par Voltaire pour un cas particulier lui est parfaitement adéquate étendu à un système : le nazisme fût un crime juridique total.

 

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Lire la lettre en son entier.

Lire un récit complet de l'affaire Sirven.

Lire un ouvrage compilant les nombreuses correspondances écrites par Voltaire pour défendre Sirven

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Sur la notion de "anti-Droit", v. Frison-Roche, M.-A., Leçon sur Droit positif, Droit naturel, 2014.

22 février 2018

Base Documentaire : Doctrine

Référence complète :  Aranda Vasquez, A., Affaire Generali : la Cour de cassation précise les caractéristiques de l'obligation, in Petites affiches, février 2018, n° 39, pp.12-15.

 

 

"L'affaire Generali connaît un nouvel épisode. La Cour de cassation vient préciser les caractéristiques essentielles de l'obligation. Elle revient sur la position de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 juin 2016 (n°15/00317), en décidant que le remboursement du nominal n'est pas une caractéristique essentielle de l'obligation. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire apporte ainsi un heureux éclairage en la matière."

 

 

 

Les étudiants de Sciences-Po peuvent consulter l'article via le Drive, dossier " MAFR- Regulation & Compliance "

5 janvier 2017

Blog

Le juge a le pouvoir de "qualifier", c'est-à-dire de donner à une situation de fait ou de droit sa nature, quelle que soit les termes qu'ont utilisé les personnes. Cet office du juge est exprimé par l'article 12 du Code de procédure.

Ainsi, les réseaux sociaux utilisent le terme "amis".

Ce terme a des conséquences juridiques très importantes. En effet, en droit les relations amicales supposent par exemple un désintéressement, l'ami travaillant gratuitement au bénéfice de l'autre. Mais déjà la Cour d'appel de Paris à laquelle FaceBook avait raconté cette fable, se présentant comme le constructeur désintéressé uniquement soucieux de permettre aux internautes de nouer des liens d'amitié, avait répondu en février 2016 que le souci premier de cette entreprise florissante était bien plutôt le profit. Comme on le sait, le profit et la gratuité font très bon ménage.

De la même façon, une relation amicale suppose un souci que l'on a de l'autre, une absence de distance, une certaine chaleur. En cela, une relation amicale est toujours partiale.

C'est pourquoi logiquement lorsqu'un avocat fût l'objet d'une procédure disciplinaire devant le conseil de l'ordre, il demanda la récusation de certains de ces confrères siégeant dans la formation de jugement en évoquant le fait qu'ils étaient "amis" sur FaceBook, ce qui entacherait leur impartialité, les instances disciplinaires étant gouvernées par le principe subjectif et objectif d'impartialité.

Par un arrêt du 5 janvier 2017, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, comme la Cour d'appel, refuse de suivre un tel raisonnement.

En effet, celui-ci n'aurait de sens que si en soi les personnes en contact sur un réseau social étaient effectivement des "amis". Mais ils ne le sont pas. Comme le reprend la Cour de cassation dans la motivation de la Cour d'appel, "le terme d’ « ami » employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme et que l’existence de contacts entre ces différentes personnes par l’intermédiaire de ces réseaux ne suffit pas à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession".

Ce sont des personnes qui ont des choses en commun, ici une profession, mais cela peut être autre chose, éventuellement un sujet de dispute, même si les études récentes montrent que les personnes se rejoignent plutôt sur des opinions communes.

Mais il ne s'agit tout d'abord que d'un renvoie à une "appréciation souveraine" des faits. Ainsi, si la personne avait apporté la preuve d'une opinion partagée sur le réseau montrant un préjugé - même abstraitement formulé - lui étant défavorable, le résultat aurait été différent. De la même façon, comme cela est souvent le cas, des liens personnels se nouent, par des photos plus personnelles, des échanges plus privés, etc., alors le résultat aurait été différents.

Ainsi, les contacts sur un réseau sociaux ne sont pas en soi des "amis", mais ils peuvent l'être ou le devenir. L'enjeu est donc probatoire. Montrer un lien virtuel n'est pas suffisant, mais c'est une première étape, qui peut mener à la démonstration, qui continue de reposer sur le demandeur à l'instance, d'un lien personnel et désintéressé, ce qui renvoie à la définition juridique de l'amitié, excluant notamment l'impartialité.

26 novembre 2015

Conférences

Référence : Frison-Roche, M.-A., Boucherie du 13 novembre 2015 / Droit, 26 novembre 2015, Sciences po, campus franco-allemand, Nancy.

Consulter les slides ayant servi de support à la conférence.

Regarder et écouter la conférence.

Lire un article qui fait suite : Le faisable et l'inconcevable.

Le 13 novembre 2015 des faits se sont déroulés qui ont pris le Droit à partie. Le Droit est un système construit dans des procédures lentes et fixées par avance. Il ne bouge que de cette façon, sauf à se dénaturer. Il est mécanique. Mais il n'est pas qu'une machine, machine à faire de l'ordre ou de l'argent ou de la performance. Le Droit est aussi un art pratique dont la fonction est de protéger les êtres humains. Les êtres humains puissants et forts ont la puissances et la force et les autres ont le Droit. Les puissants et les forts ont aussi le Droit mais les autres n'ont que le Droit. C'est en cela que tous sont égaux, égaux en Droit. Pour parvenir à cet exploit, le Droit a inventé, par artefact, la "Personne" : tout être humain est une Personne. C'est ainsi, le Droit l'a dit. Le Droit est Verbe.

Ce qui est arrivé de terrible le 13 novembre, c'est que des êtres humains en ont exterminé d'autres, le plus possible, sans aucun souci d'eux, sans les considérer en rien comme des êtres humains, comme de la vermine. C'était une "boucherie. Les victimes ont été déniées dans leur humanité. Le Droit se saisit des assassinats, même de masse, même terribles, même génocidaires, mais lorsque les assassins n'ont pas même le sentiment de tuer des êtres humains, et se considérent eux-mêmes comme au-dessus des êtres humains, le Droit, qui est invention humaine faite de mots, est saisi dans son existence même.

Ainsi sommé, comment répondre ?

 

25 juin 2015

Conférences

Aller sur le site de PRMIA.

Lire le programme du colloque.

Lire les slides, support de la conférence.

L'Europe a reçu le choc de la crise financière d'une façon différente de la façon dont les États-Unis l'ont reçu : les institutions européennes ont entièrement construit une Europe nouvelle : l'Europe Bancaire. De la même façon qu'en 1945 les chefs de guerre avait dit "plus encore la guerre entre nous", en 2009 les responsables européens ont affirmé "plus jamais de défauts bancaires qui compromettent la paix sociale de nos Nations". À partir de cette volonté purement politique, ce qu'il est convenu d'appeler les trois piliers de l'Union bancaire forment un "bloc", même si les dispositifs techniques se déploient successivement et parallèlement. En effet, la "résolution" est un anglicisme qui désigne une prévention de cessation des paiements lorsqu'elle met en risque un établissement financier, perspective qui risque de déclencher l'obligation pour un État de jouer son rôle de garanti en dernier ressort, recourant à la collectivité du groupe social national.

Ainsi, lorsque l'on regarde les textes organisant le mécanisme de résolution bancaire, on est admiratif devant leur précision et la sûreté du mécanisme. Ce "deuxième pilier" a vocation à bien fonctionner.

Mais il faut garder à l'esprit deux éléments, dont on peut douter parfois que ceux qui ont conçu la mécanique les aient eu toujours en tête.

En premier lieu, il s'agit d'un élément d'un puzzle qui est l'Europe, une Europe qui bouge et se reconstruit dans une cascade de crises dans lesquelles les banques et les États sont imbriqués d'une façon inextricable. Or, le droit de la résolution bancaire semble lisser cela. De la même façon, le droit calme et posé de la résolution bancaire semble ne pas faire place à un personnage qui est et sera pourtant déterminant : le juge. Il serait pourtant judicieux d'y penser toujours, même si l'on est astucieux de n'en parler jamais.

22 avril 2015

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, Semestre de printemps 2015

En droit, tout part des définitions, auxquelles s'accrochent les qualifications et les régimes juridiques. Cela n'est pas un jeu entre professeurs ou un pensum donné aux étudiants dans un exercice d'écolier : c'est l'ossature même du système. Ainsi, l'on se querelle sur la définition même de ce qu'est la régulation d'une façon générale, et d'une façon subséquente, de ce qu'est la régulation bancaire et financière. C'est pourquoi à chaque nouveau texte, à chaque nouveau cas, la solution est dans un retour vers ce qu'est la régulation, avec les implications de droit : par exemple son insertion dans le droit public ou son insertion dans le droit privé, son appartenance à la décision politique ou sa disponibilité au pouvoir juridictionnel, lequel est éventuellement exercé par une autorité administrative.

Si l'on poursuit ce travail de définition dans le domaine bancaire et financier, il apparaît alors que la régulation se conçoit non plus dans un rapport à la concurrence mais par rapport au risque, ce qui renvoie au prudentiel mais "sort la régulation d'elle-même" et bouleverse l'opposition entre l'ex ante et l'ex post par laquelle on définit généralement la régulation dans ces secteurs.

Mais c'est d'une façon plus systématique encore qu'il faut sans cesse appliquer, par réflexe, une définition, une qualification. Par exemple : qu'est-ce qu'une banque ? qu'est-ce qu'une entreprise ? qu'est-ce que l'intérêt social ? qu'est-ce qu'un conseil ? qu'est-ce qu'une sanction ? etc.

En prenant tous ces exemples, l'on mesure qu'en matière de régulation bancaire et financière, le droit - comme partout ailleurs - ne saurait se réduire à une réglementation : c'est un art pratique dans lequel l'imagination est libre cours.

Accéder au plan de la leçon sur La primauté des définitions dans le droit de la régulation bancaire et financière.

Lire l'explicitation du thème de la leçon sur La primauté des définitions dans le droit de la régulation bancaire et financière.

Accéder aux slides de la leçon  La primauté des définitions dans le droit de la régulation bancaire et financière

Consulter ci-dessous la bibliographie sommaire et approfondie.

 

22 avril 2015

Enseignements : Droit de la régulation bancaire et financière, Semestre de printemps 2015

Aller à la leçon à laquelle correspond le plan.

18 février 2015

Publications

Article publié dans The Journal of Regulation.

Le 17 février 2015, comme pour le précédent "Contrat de Régulation", l'entreprise Aéroport de Paris (ADP) a mis sur son site à disposition de tous "pour consultation" le projet de "Contrat de Régulation Économique" pour la période 2016-2020.

Publié dans la foulée de la réunion du Conseil d'administration d'ADP, le texte est présenté comme un outil en "faveur de la place de Paris", et plus particulièrement en faveur du transport aérien.

Cela montre que le document s'adresse avant tout aux investisseurs et aux marchés financiers, le document étant placé sur le site de l'entreprise dans la rubrique destinée aux "investisseurs".

Cela illustre l'évolution depuis les traditionnels "contrats de plan". Mais dès lors, qui sont les parties à ces types de contrat ?

En effet, l'expression même de "Contrat de régulation" est nouvelle. Elle paraît la modernisation du "Contrat de plan". Mais celui-ci, dont la nature contractuelle fût finalement reconnue par le Conseil d'Etat, n'avait pour partie que l'Etat et l'entreprise en charge d'un service public.

Parce qu'il est de "régulation économique", le projet de contrat ouvert à consultation publique exprime plutôt de la part de l'entreprise, ici celle qui assure la gestion des aéroports parisiens, sa vision pour le futur du développement de l'infrastructure essentielle qu'est l'aéroport comme coeur du développement mondial du transport aérien.

L'entreprise au coeur du contrat (plutôt que l'Etat), dans la fixation des objectifs des 4 années qui viennent correspond à la lettre et à l'esprit de la Loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, qui a mis le dispositif de ce Contrat de Régulation Economique en place.

En cela, le gestionnaire d'infrastructure est placé par la loi comme un "régulateur de second degré", comme peut l'être une entreprise de marché financier. L'entreprise qui gère et développe les aéroports parisiens entre sans conteste dans la catégorie des "entreprises cruciales", puisqu'elle dispose ainsi de l'avenir du secteur, et contribue à conserver à la France une place dans le monde.

Plus encore, A.D.P. se comporte effectivement comme un régulateur, puisque c'est elle qui procède à la "consultation publique", le document de consultation élaboré par elle.étant placé sur son site et développant ses ambitions pour le secteur et pour la France. Mais A.D.P. s'exprime aussi comme un acteur économiques et financières, soulignant le contexte de concurrence réclamant au passage plus de stabilité et de lisibilité dans la régulation dans laquelle elle se meut ...

Mais le mécanisme de consultation prévu par les texte ne peut être que plus complexe. En effet, ADP ne peut être juge et partie. C'est pourquoi si le projet suscite des observations, celles-ci doivent être formulées non pas auprès d'ADP mais auprès des ministères chargés de l'Aviation et de l'Economie, dans un délai d'un mois, lesquels en communiquent la teneur à ADP.  Puis, la Commission consultative aéroportuaire sera consultée.  C'est au terme de ce processus que le Contrat de Régulation Economique sera signé.

A voir la fin du processus, l'on demeure dans la logique des contrats de plan, puisque ce Contrat de Régulation Economique reste signé entre l'Etat et le gestionnaire de l'infrastructure essentielle. Mais le processus de consultation montre qu'en premier lieu les investisseurs à l'égard d'une entreprise par ailleurs privatisée et présentant son projet avant tout en terme de développement concurrentiel et international et qu'en second lieu les compagnies aériennes qui utilisent quotidiennement les services de ces aéroports, que le célèbre arrêt ADP a soustrait au droit de la concurrence, sont pourtant également directement concernés.

Les compagnies aériennes protestent contre l'augmentation de l'argent qui va leur être demandé. Cela va leur être imposé, puisqu'il s'agit de "redevance" et de "politique de tarification". Nous sommes bien dans l'unilatéral. Mais c'est bien un "prix" qu'elles ont l'impression de payer, entendant par ailleurs un discours faisant référence à la concurrence dans ce qui est présenté comme un "contrat".

Mais dès lors, ne faudrait-il pas admettre que ces "contrats de régulation économique" se font non pas entre deux parties que sont l'Etat et ce régulateur de second degré qu'est le gestionnaire de l'infrastructure, mais doivent se faire à trois, l'Etat, le gestionaire de l'infrastructure et les "parties prenantes", que sont ici principalement les compagnies aériennes ?

Cette difficulté pratique tient beaucoup au fait que la qualification de "contrat" a du mal à se justifier dans un mécanisme où prévalent des mécanismes unilatéraux.

17 février 2015

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À affaire célèbre, arrêt fameux.

Rendu le 17 février 2015, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris dans ce qu'il est convenu d'appeler "l'affaire Tapie" était très attendu.

On se souvient que la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 a estimé que lors de la cession des titres de la société Adidas, le Crédit Lyonnais avait commis des fautes dans le conseil qu'il devait au vendeur, le groupe Tapie, octroyant en conséquence une indemnisation à celui-ci pour un montant élevé.

Le CDR, structure privée de defeasance adossée à l'EPFR, structure de l'État, avait tenté plusieurs types de recours contre la sentence, dont un recours en révision. Pour réussir, celui-ci doit s'appuyer sur des "éléments nouveaux et déterminants". En outre, s'il s'agit d'un arbitrage interne (et non pas d'un arbitrage international), la Cour d'appel de Paris si elle accueille une telle voie de recours peut décider de se substituer au Tribunal arbitral et connaître de l'affaire au fond.

Le reste de l'arrêt peut paraître factuel, le dossier civil étant largement alimenté par le dossier pénal, puisque désormais une instance pénale en cours n'oblige plus le juge civile à suspendre le cours du procès qui se déroule devant lui et lui permet au contraire de puiser dans le premier dossier .

L'on se demande ainsi si l'on ait enfin à la fin de l'histoire. Ainsi en est-il de l'obligation ou non de Bernard Tapie de rembourser immédiatement les fonds reçus. Sans doute, puisque les parties sont remises en l'état du fait de la rétractation de la sentence. Dès lors, il lui faut bien rendre ce qu'il est censé n'avoir jamais reçu. Mais parce que l'arrêt ne lui ordonne pas expressément, ne va-t-il pas opposer une inertie contraignant les demandeurs à soit solliciter de la Cour une interprétation de son arrêt soit aller devant le juge de l'exécution ?

Mais l'arrêt contient également une discussion juridique de fond. En effet, suivant que l'arbitrage est "interne" ou "international", les règles de droit changent. C'est pourquoi les parties se sont beaucoup disputées à ce propos. La Cour d'appel de Paris choisit de qualifier l'arbitrage d' "arbitrage interne" : bien joué, puisque cela lui permet de trancher le litige au fond après avoir rétracté la sentence au titre de l'action en révision.

Mais la qualification est un art juridique contrôlée par la Cour de cassation. Après une longue évolution jurisprudentielle, le Code de procédure civile a fini par qualifier l'arbitrage international par l'objet sur lequel il porte : un "intérêt du commerce international". Est-ce le cas en l'espèce ?

 

9 novembre 2014

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La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a rendu un arrêt le 4 mars 2014, Grande Stevens, affirmant qu'en matière financière, l'État italien ne peut pour un même fait infliger à une personne et une sanction pénale et une sanction administrative.

Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision sur QPC le 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres (Cour de discipline budgétaire et financière), concluant à la constitutionnalité d'un tel cumul. Par un arrêt du 23 juillet 2014, le Conseil d'État avait estimé que la question était suffisamment sérieuse pour qu'elle lui soit posée.

Les deux Considérants justifiant la solution la motivent ainsi :

Le premier pose "que le principe de nécessité des peine n'interdit pas au législateur de prévoir que certains faits puissent donner lieu à différentes qualifications ; que le principe de proportionnalité des peines ne fait pas obstacle à ce que, lorsque des faits peuvent recevoir plusieurs qualifications ayant un objet ou une finalité différents, le maximum des sanctions prononcées par la même juridiction ou autorité répressive puisse être plus sévère que pour des faits qui ne pourraient recevoir que l'une des ces qualifications ; que les sanctions prévues par les articles L.313-1, ..., du code des juridictions financières ne sont pas contraires aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines".

Le second pose que "le principe de la nécessité des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire ou pénale en application de corps de règles distinctes devant leurs propres ordres de juridictions".

Certes, le fait qu'il s'agit d'une des multiples ramifications de ce qu'il est convenu d'appeler L'affaire Tapie a peut-être joué. Mais les deux décisions de justice semblent bien en pleine contradiction. Décidément, les juges dialoguent de moins en moins ... S'il y a "bataille", qui restera sur le carreau ?

23 octobre 2014

Publications

Accéder à la présentation du colloque.

Accéder aux slides.

Ce Working paper a servi également de base à un article paru dans la Revue  Concurrences.

Parce qu'il est difficile de réguler un "marché biface", sauf le temps fugace du contrôle des concentrations, l'idée accessible est de réguler directement l'entreprise qui tire tout son pouvoir de sa position sur une telle structure de marché.

On peut, comme le propose le Conseil d'État, dans son Rapport annuel Le numérique et les droits fondamentaux, considérer que la prise en considération par le droit de cette situation nouvelle doit prendre la forme d'une reconnaissance de la notion de "plateforme", pour l'ériger en catégorie juridique et lui associer une obligation de loyauté, sous la surveillance du régulateur des données personnelles.

L'on peut aussi recourir à une notion plus générale, ici utilisée, d'"entreprise cruciale", à laquelle correspondent des entreprises comme Google, FaceBook, Amazon, etc., parce que ces entreprises remplissent les critères de la définition, à la fois négative et positive de l'entreprise cruciale. La puissance publique est alors légitime, sans que l'État ait à devenir actionnaire, à se mêler de la gouvernance des entreprises et à surveiller les contrats, voire à certifier ceux-ci, comme en finance, sans exiger de l'entreprise ainsi régulée un comportement moral, car ces entreprises privées doivent par ailleurs poursuivre leur fin naturelle constituée par le profit, le développement et la domination, moteur du développement économique. Le développement technologique des plateformes n'en serait pas entravé, tandis que l'aliénation des personnes que l'on peut craindre pourrait être contrée.

19 octobre 2014

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La presse qui relate les décisions de justice prend-elle le temps, la peine, de les lire ?

Par exemple, par une Ordonnance du 17 octobre 2014, Mme L. et autres, le Conseil d'État a suspendu l'application de la circulaire du 18 juillet 2014 qui supprime la condition de "mérite" pour des aides financières apportées aux étudiants. Ce juge des référés ne fait que suspendre l'application, l'instance au fond, en vue d'obtenir l'annulation, se poursuit et l'on ne connaît pas encore son résultat.

Mais la presse, par exemple l'article paru dans Le Monde, titre : "Le Conseil d'Etat annule la suspension des bourses au mérite". Pourtant, le Conseil d'État n'oblige pas à lire le texte même de ses décisions. Il y associe des communiqués de presse, accessible sur la première page de son site. Cela ne suffit pas, la presse confond une décision au fond, d'annulation, et une décision de référé, provisoire, de suspension. Pourtant la différence est importante : on ne sait pas encore à ce stade si cette circulaire est légale ou illégale.

Or, le grief développé au fond et ici pris en considération par l'Ordonnance du 17 octobre 2014 relève de l'art de la définition et de la qualification : le Gouvernement a le pouvoir de "fixer les conditions" : peut-on considérer que supprimer la condition relève encore de la fixation des conditions ?

Seul le Conseil d'État statuant au fond répondra à cette question, qui relève de la logique juridique.

 

7 septembre 2014

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Le couple "fait/droit" est un couple de contraires qui constitue un élément de base des systèmes juridiques. Le fait est donné et le droit est construit par ceux qui ont le pouvoir d'émettre du droit.

La question ne paraît guère avoir de sens, puisque "les faits sont les faits" tandis que le droit se détecterait par la source. Cela signifierait qu'on en repère les "auteurs", à savoir le législateur, le juge, les contractants, et que ceux-ci, parce qu'ils sont "sources de droit", ne peuvent dire que du droit. Celui-ci est  donc "artificiel" : le droit est une construction, alors que les faits appartiennent au donné. Par exemple, la loi est une construction de langage, qui n'existait pas avant que le Législateur n'utilise sa puissance performative. Alors que les faits préexistent à l'intervention puissante des auteurs du droit. Par exemple, les êtres humains existent, c'est un fait, avant que le droit n'en déclarent deux étant mariés l'un à l'autre. Ainsi, à première vue, personne ne "pose" un fait. Un fait "s'im- pose". Le droit s'ouvre aux faits qui l'entourent, même si le droit, parce qu'il est puissant et dogmatique, peut faire plier les faits, peut les sanctionner (ce qui est encore une façon d'admettre leur existence).

Mais les choses ne sont pas si simples ....

Il est si difficile de savoir ce qu'est un fait ... d'en dessiner les contours ... de distinguer une notion de fait d'une notion de droit ...

Celui qui a le pouvoir à l'intérieur du système juridique de raconter les faits, le pouvoir de la narrativité, le pouvoir de faire advenir les faits à l'intérieur de l'espace normatif du droit, a sans doute un pouvoir plus grand que celui de dire le droit.

6 septembre 2014

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L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 4 septembre 2014,Germanwings , illustre parfaitement ce qu'est la méthode juridique.

La qualification est l'exercice juridique par excellence. C'est en elle que réside le véritable pouvoir du droit.

Elle consiste à faire entrer un fait dans une catégorie juridique afin de lui appliquer le régime juridique attaché à cette catégorie juridique. Ainsi, suivant que le fait est "subsumé" dans cette catégorie ou ne l'est pas, le régime lui sera appliqué ou non.

Par exemple, si l'on considère qu'un voyageur est "arrivé" plus ou moins tard dans le long processus de l'atterrissage de l'avion et de son débarquement, cela sera plus ou moins profitable pour la compagnie aérienne. En effet, celle-ci doit une compensation financière au voyageur victime d'un "retard". Encore faut-il connaître son "heure d'arrivée". Encore faut-il déterminer juridiquement ce qu'est le fait pour un voyage d'"arriver".

Pour limiter les cas de compensation, les compagnies aériennes ont fixé contractuellement  le moment d'arrivée des voyageurs, à l'instant où l'appareil touche le sol, ce qui réduit les hypothèses de retard et donc le nombre de fois où elles devront de l'argent. Mais le pouvoir des parties à manier les qualifications a des limites.

C'est le juge qui fixe ces limites, exemple du conflit permanent entre le pouvoir des contractants, ici bien inégaux (compagnies aériennes versus passagers) et le pouvoir du juge. En effet, la Cour de justice de l'Union européenne, dans son arrêt du 4 septembre 2014, Germanwings, affirme que le contrat ne peut définir d'autorité ce qu'est une "arrivée". Elle opère elle-même cette opération, et le fait au regard du droit du passager à obtenir compensation pour cause de regard.

Ainsi la volonté contractuelle ne peut pas tout, surtout lorsqu'une partie (compagnie aérienne) est beaucoup plus puissante que l'autre (passager). Le juge écarte cette volonté pour analyser la réalité des choses, en se souciant avant tout de la personne faible, ici le passager.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 4 octobre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

La première partie de la question des "espaces du droit" sera consacrée à leur perception à travers la géographie. Au-delà de l’espace français, sont examinés l’espace européen et l’espace mondial. L’espace virtuel semble une aporie en ce qu’il est un espace sans géographie pour le droit.

Mise à jour : 31 juillet 2013 (Rédaction initiale : 25 octobre 2011 )

Enseignements : Les Grandes Questions du Droit, semestre d'automne 2011

4 juillet 1957

Base Documentaire : Doctrine

Il s'agit du travail de référence en matière de qualification, même s'il aborde la question de la qualification sous un angle particulier, à savoir le pouvoir que les personnes ont d'infléchir l'appréciation par le droit d'une situation, ce qui a pour effet de la soumettre à tel ou tel régime juridique.

François Terré montre que pour les personnes, notamment les contractants, le déclenchement du régime juridique n'est plus alors l'effet de la qualification, mais l'objet recherché par la volonté individuelle, qui choisira telle ou telle qualification afin d'atteindre le régime juridique qui convient à la personne ou de se soustraire à celui qui ne lui convient pas.

La qualification est alors un "biais" pour atteindre un résultat, ici la satisfaction de l'intérêt personnel.Mais le système juridique peut refuser une telle flexibilité au nom de l'ordre public.

François Terré montre l'efficacité de la volonté pour disposer des éléments objectifs qui constituent la structure d'une qualification, afin que ce mécanisme satisfasse les buts recherchés par les personnes, le caractère objectif de cette structure n'entravant pas cette utilisation par les parties de la qualification pour obtenir le résultat qu'elles ont posé.