29 mai 2023

Newsletter MAFR - Law, Compliance, Regulation

📧Compliance-Vigilance-Régulation : que feront les juges demain ? Juges administratif, civil, pénal, commercial, européen, etc. Colloque 2 juin 2023

par Marie-Anne Frison-Roche

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► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Compliance-Vigilance-Régulation : que feront les juges demain ? Juges administratif, civil, pénal, commercial, européen, etc. Colloque 2 juin 2023", Newsletter MAFR Law, Compliance, Regulation, 29 mai 2023.

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🔴 Ce que les juges ont à nous dire sur la Compliance et la Régulation (2 juin 2023) 

Chacun perçoit que les juges sont très puissants dans le Droit de la compliance, par exemple dans le numérique ou en matière de vigilance. Ils le sont aujourd'hui, le seront encore plus demain. Mais comment vont-ils exercer cette puissance, comment conçoivent-ils leur rôle, comment vont-ils exercer leur office face aux régulateurs, aux entreprises, aux personnes impliqués dans des systèmes technologiques qui risquent de nous dépasser ? Le 2 juin 2023 le Conseil d'État et la Cour de cassation se réunissent pour discuter et formuler le rôle du juge dans ce passage qui s'opère du Droit de la régulation au Droit de la compliance. J'attends d'apprendre à travers ce que je vais écouter toute la journée et explicite ici le contenu, les enjeux et les modalités d'inscription de ce colloque conçu par nos deux Hautes juridictions.

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Le 2 juin 2023 un colloque de première importance, organisé par le Conseil d'État et la Cour de cassation, va expliciter le rôle du juge dans le Droit de la Compliance.

 

LE COLLOQUE DU 2 JUIN, SIGNE D'UNE ÉVOLUTION MAJEURE

Le Droit de la Régulation était, il y a 20 ans, une sorte de découverte :

🔴M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la régulation, 2001

C'est aujourd'hui une branche du droit constituée et familière aussi bien aux juristes de droit public que de droit privé, ayant trouvé notamment grâce à la jurisprudence du Conseil d'État et de la Cour de cassation son unité.

Le même phénomène en train de se reproduire à propos du Droit de la Compliance :

🔴M.-A. Frison-Roche, 📝Le Droit de la compliance, 2016

Cette branche du droit en émergence concerne tout autant le droit public et le droit privé et se situe dans le prolongement du Droit de la Régulation qu'elle déploie en s'appuyant directement sur les entreprises, renouvelant plus encore les rapports entre les corps de règles du droit public et du droit privé et nécessitant plus encore un dialogue des juges, que la construction européenne appelle dans toutes les matières où le Droit de la Compliance se développe aujourd'hui.

🔴M.-A. Frison-Roche, 📝Du Droit de la régulation au Droit de la compliance, in 📕Régulation, Supervision, Compliance, 2017

Dans cette construction les juges sont au centre. C'est à eux que les questions de principe sont posées à travers des cas systémiques, par exemple quant à la place laissée aux internautes face aux technologies ou quant au devoir qui pèse sur les entreprises en matière climatique et ce que l'on peut attendre des entreprises sur la garantie de sécurité des systèmes globaux dans lesquels chacun vit aujourd’hui.

C'est ainsi que tout à la fois le Droit de la Compliance est en train de se constituer comme non pas seulement un ensemble de mécanismes extrêmement puissants (comme la cartographie des risques, les lancements d'alerte, la détection des risques, la prévention des manquements, l'édiction de droit souple, les programmes d'engagement pour l'avenir, etc.), mais encore comme une branche du droit autonome qui, en Europe, exprime le souci pour autrui pour la considération duquel les États, les autorités publiques, les entreprises et les individus s'allient afin que maintenant et à l'avenir des crises systémiques ne réduisent pas à néant l'humanisme juridique qui a constitué notre civilisation. En cela, les nouveaux textes adoptés en matière numérique et en matière climatique expriment des ambitions politiques qui se concrétiseront par l'action des entreprises, lesquelles doivent demeurer soumises à l'état de droit, supervisées et soumises à des juges qui viennent également en appui à leurs actions.

 

LE CONSEIL D'ÉTAT ET LA COUR DE CASSATION CHOISISSENT DE PARLER ENSEMBLE DU DROIT DE LA COMPLIANCE

Cela justifie que le Conseil d'État et la Cour de cassation, les plus hautes juridictions de l'ordre juridique français, aient choisi de consacrer leur colloque commun (ils en font un une fois tous les deux ans) : De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ?

Pour s'y inscrire (et maintenant, le colloque étant passé, pour revoir les interventions) :

La présentation du thème par les deux juridictions est la suivante : "La Cour de cassation et le Conseil d’État consacrent, le 2 juin 2023, la septième édition de leur « regards croisés » au thème suivant : « De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ? ». Cette journée d’échanges, qui se tiendra au Conseil d’Etat, permettra d’approfondir l’examen des questions nouvelles que pose l’élaboration de ce « droit de la compliance », encore en construction. 

La compliance consiste à confier aux acteurs eux-mêmes, notamment les entreprises, la responsabilité de la réalisation d’objectifs déterminés par les autorités publiques en vue d’assurer le respect de principes ou prévenir des risques que ces autorités déterminent. Les domaines d’application sont nombreux – la finance, la banque, les transports, l’énergie ou les télécommunications – et de nouveaux secteurs, tels le droit pénal, le droit de la communication, voire le droit de l’environnement, sont désormais concernés.

Les débats, qui seront ouverts par le vice-président du Conseil d’Etat ainsi que par le premier président et le procureur général de la Cour de cassation, seront organisés autour de tables rondes, qui permettront d’explorer les différentes questions que soulève, pour le juge, le développement de la compliance.".

 

DES PERSPECTIVES IMBRIQUÉES : LES MATIÈRES CONCERNÉES, LES JUGES SAISIS, LE FUTUR

La première perspective résultera de la prise de parole des chefs de cours eux-mêmes, Didier-Roland Tabuteau, Vice-Président du Conseil d'État, Christophe Soulard, Premier Président de la Cour de cassation, François Molins, Procureur général près la Cour de cassation. A travers ce qui manifeste déjà un dialogue des juges, a vocation à se dessiner une politique de la compliance par les Hautes juridictions dans leur rapport tout à la fois avec les autorités de régulation et les entreprises.

 

LES SECTEURS ET BRANCHES DU DROIT CONCERNÉS

Une autre perspective résultera de la table ronde qui sera présidée par François Molinié, président de l’Ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Il s'agit de dresser un "état des lieux". L'enjeu est présenté ainsi : "Cette table-ronde dresse un premier état des lieux des matières concernées par la compliance, à travers les réglementations, le droit souple, la jurisprudence et les pratiques des acteurs. 

Comme cela fut le cas pour le droit de la régulation, c’est tout d’abord à travers les secteurs techniques régulés – la finance, la banque, les transports, l’énergie, les télécommunications etc. – que les pratiques de compliance se sont développées. Se sont donc constituées en prolongement des régulations propres à chaque secteur de techniques de compliances imprégnés de spécifcités sectorielles, par lesquelles les opérateurs régulés montrent l’intégration des réglementations, travaillent avec les régulateurs et convergent pour que les buts poursuivis par le système sectoriel soient atteints, comme la stabilité, la sécurité ou la protection des personnes.

De cette pluralité peut émerger au-delà des secteurs un système unifié de compliance, l’Europe favorisant ce mouvement. Il pourrait se dégager par des points de contacts entre ces différents secteurs, une unicité favorisée par le rôle des entreprises qui portent en pratique les outils de compliance que sont la cartographie des risques, les alertes, les plans, etc. et développent souvent leur activité économique dans plusieurs secteurs. Plus encore, la compliance servant des buts que ne sont pas directement sectoriels – comme la lutte contre le changement climatique, la lutte contre la discrimination et la haine ou la protection et le bon usage des données – se produit une unité qui accélère l’unification des régulations sectorielles par ce biais. La jurisprudence accélère cette tendance.".

Pour expliciter cela, en discuter et se projeter dans l'avenir, prennent la parole et répondent aux questions :

  • Marie-Anne Barbat-Layani, présidente de l'Autorité des marchés financiers (AMF) – France, 
  • Jean-Yves Ollier, conseiller d’Etat, ancien directeur général de la Commission de régulation de l'énergie (CRE)
  • Daniel Calleja Crespo, directeur général du service juridique de la European Commission (Commission européenne)
  • Christine Guéguen, première avocate générale de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, qui en opère la synthèse

 

LA CONTESTATION DES RÈGLES DE COMPLIANCE DEVANT LES JUGES

Cela permettra de poursuivre les réflexions sur la façon dont les différents juges interviennent. A ce titre, cette perspective sera plus particulièrement celle de la table ronde présidée par Vincent Vigneau, président de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation.

L'enjeu est présenté ainsi : "La première question porte sur l’accès au juge. S’agissant de la contestation des normes issues des pouvoirs publics pour encadrer et/ou guider les acteurs de la compliance, y compris s’agissant des normes de droit souple, ainsi que des sanctions prises par les autorités de régulation, les juges s’appuient sur un droit positif déjà stabilisé soit par des textes soit par de la jurisprudence.

La deuxième question porte sur la contestation des règles mises en place par les opérateurs, acteurs de la compliance eux-mêmes, sur les contrats qu’ils concluent ainsi que sur les actions qu’ils déploient sur ces bases. Cela concerne aussi la contestation de leur comportements, notamment à travers leur possible responsabilité. La nouveauté même de ces pratiques d’entreprise invite les juges à adopter, voire à repenser leur office, par exemple à propos de la vigilance.

La troisième question porte sur le cadre procédural le plus approprié lorsqu’un cas de compliance est porté à la connaissance des juges.".

Pour traiter de cela, interviennent :

  • François Ancel, ancien président de la chambre commerciale internationale de la Cour d’appel de Paris, conseiller à la première chambre civile de la Cour de cassation
  • Astrid Mignon Colombet, avocate associée du cabinet August Debouzy
  • Lucien Rapp, professeur à l’université de Toulouse-Capitole
  • Alain Seban, conseiller d'État, qui en opère la synthèse

 

LA PART DU JUGE DANS L'EUROPE DE LA RÉGULATION ET DE LA COMPLIANCE EN CONSTRUCTION

Peut ainsi s'expliciter et se discuter la part que les juges vont prendre dans un dialogue requis dans la construction européenne pour que les entreprises participent aux mécanismes de gestion des risques, de sécurité, de probité, de vigilance, etc., avec des liens étroits avec les régulateurs dans un état de droit qui demeure et se renforce. A ce titre, cette perspective sera plus particulièrement celle de la table ronde présidée par Christophe Chantepy, président de la section du contentieux du Conseil d’État.

L'enjeu est présenté ainsi : "Les mécanismes inspirés de la compliance irriguent de nouvelles branches du droit. 

En matière pénale, le législateur a ainsi introduit les « conventions judiciaires d’intérêt public » en 2016. Inspirées du droit anglo-saxon et mises en œuvre en lieu et place de l’engagement de l’action publique, elles peuvent être conclues entre le procureur de la République et une personne morale mise en cause pour notamment des faits d'atteinte à la probité ou à l'environnement. Elles impliquent le suivi par l’intéressée d’un programme de mise en conformité exécuté sous le contrôle de l'Agence française anticorruption ou des services compétents du ministère chargé de l'environnement. 

Dans un autre domaine, le législateur a renforcé les obligations incombant aux opérateurs de plateformes en ligne en matière de modération des contenus illicites : coopération avec les autorités publiques, transparence quant à leur politique et à leurs dispositifs en matière de lutte contre les contenus haineux, évaluation des risques ou mise en place de dispositifs de notification des contenus illicites par les utilisateurs. L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) veille à leur respect. Ce cadre est appelé à évoluer du fait de l’entrée en vigueur du règlement européen sur les services numériques du 19 octobre 2022 destiné à responsabiliser les plateformes numériques et lutter contre la diffusion de contenus illicites ou préjudiciables ou de produits illégaux. 

Cette table-ronde revient sur ces différentes évolutions et cherche à définir les nouvelles limites de la compliance.".

Pour traiter de cela, interviennent :

  • Jean-François Bonhert, procureur de la République financier
  • Paul Nihoul, juge au Tribunal de l’Union européenne, professeur à l’UCLouvain
  • Roch-Olivier Maistre, président de l’ARCOM
  • Joelle Toledano, professeure émérite des Universités, associée à la Chaire Gouvernance et Régulation de l’Université Paris Dauphine-PSL, membre du conseil d’administration de l’Agence nationale des fréquences, membre du Conseil national du numérique (CNNum) et de l'Académie des technologies, qui en opérera la synthèse

 

CONCLUSION

Après un débat entre les intervenants et l'auditoire, j'aurai le grand honneur d'assurer la séance de conclusion de cette journée par laquelle nous allons pouvoir mieux comprendre et anticiper ce que sera demain le Droit de la Compliance, car, parce qu'il est acquis que les juges y seront au centre, écouter la façon dont ceux-ci conçoivent leur rôle c'est mieux comprendre la façon dont cette branche du Droit si nouvelle va se déployer et trouver son équilibre.

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