22 novembre 2010
Interviews

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, «"Entretien autour de l'ouvrage Droits et libertés fondamentaux" , entretien avec Monique Canto, France Culture, Emission Questions d'éthique, 22 novembre 2010.
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► Présentation synthétique de l'entretien : L'entretien aborde tout d'abord la définition même des libertés et droits fondamentaux, son évolution et sa diversité. Il montre que leur montée en puissance a été contestée, notamment parce qu’en réalité, faute de moyens, ils seraient vides, mais la critique tombe si l’on pose que ces droits ne visent que les droits essentiels. En outre, le souci des libertés et droits fondamentaux met ceux-ci au cœur du système juridique et par cela le juge. Celui-ci prend plus particulièrement la forme du juge constitutionnel. La montée en puissance du juge est donc corrélative. En ce qui concerne les droits eux-mêmes, ils croisent la notion de dignité, qui trouve un équilibre difficile avec la protection que la liberté assure à la volonté des personnes. De cela aussi, le droit est familier, puisqu’il met sans cesse en balance les contraires. Mais, parce que le juge est au cœur de tout, le droit le plus fondamental est celui d’accéder à un tribunal impartial et d’obtenir de lui un jugement exécuté.
► Présentation de la discussion:
Monique Canto-Sperber débute l’entretien à propos de la définition même des libertés et droits fondamentaux, car les libertés publiques ne sont pas une notion nouvelle et l’on en retrouve l’idée notamment dans la philosophie des Lumières.
Marie-Anne Frison-Roche insiste sur le fait que la notion de droits fondamentaux est elle plus contraignante en ce qu’il s’agit non plus de possibilité d’action d’un individu dans un espace public ouvert, mais de prérogatives effectives établissant un lien de créance, dont le débiteur sera le plus souvent l’Etat.
La discussion s’engage alors sur l’effectivité de ces droits car la puissance publique ne peut pas tout et la critique des droits fondamentaux leur reproche de ce fait d’être vide. Marie-Anne Frison-Roche répond que les droits fondamentaux sont essentiels en tant qu’ils sont "de base", c’est-à-dire qu’ils visent ce qui est nécessaire à la vie, biologique et sociale, notamment par le rattachement à la notion de vie décente. La question de niveau de protection est ensuite de nature politique et dépend du prix que le groupe social accepte pour satisfaire tel ou tel niveau d’effectivité du droit à la santé, du droit à l’éducation, etc. En outre, les droits fondamentaux, parce qu’ils ne dépendent pas de la seule volonté d’action de l’homme libre, supposent une concrétisation, plus problématique et pourtant plus essentielle. C’est au juge que revient cette tâche, à travers le devoir de l’Etat d’offrir une protection juridictionnel, devoir qu’exprime le fondamental article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. En cela, le juge est lui-aussi au cœur du système et monte en puissance. Les deux sont liés. Ainsi, la jurisprudence récente sur la garde à vue montre que le Conseil constitutionnel est le maître de l’évolution des principes procéduraux.
Ainsi, l’insertion dans notre système juridique de la question prioritaire de constitutionnalité confie au Conseil constitutionnel le soin de formuler des libertés et droits fondamentaux, d’en être le garant stable, face à un législateur de plus en plus vibrionnant. Par l’intervention de plus en plus forte du juge, les droits fondamentaux changent : ils sont de moins en moins formels, ils se concrétisent. Ainsi, la question du corps humain, généralement occultée par le droit, apparaît et pose la question très difficile de la définition de la dignité.
Monique Canto-Sperber se demande comment définir la dignité et qui doit le faire, notamment n’est-ce pas la personne elle-même qui doit définir ce qui atteint ou non sa propre dignité, notamment en raison de son état de santé ?
Marie-Anne Frison-Roche, reprenant les diverses jurisprudences sur la question, celle du "lancer de nain" ou celle de l’exposition Our Body , montre que la volonté n’a pas de prise sur la dignité. L’entretien s’achève sur le constat que par une évolution très forte, le droit français a été bouleversé par les libertés et droits fondamentaux, qui sont au cœur du système juridique et sont en train de faire des juges constitutionnels une Cour suprême, sur le modèle nord-américain.
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10 août 2004
Publications

► Référence complète : M.-A. Frison-Roche, "Principes du droit des sociétés et prudence de gouvernement", in Liber Amicorum Guy Horsmans, éd. Bruylant, 2004, pp.461-470.
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► Résumé de l'article : Traditionnellement, le bon gouvernement des sociétés était laissé à la loi naturelle de la prudence patrimoniale, car si le dirigeant est associé, la gestion l'entrainant dans la fortune ou la ruine de l'action sociale, il sera de ce fait prudent. La financiarisation de l'économie, la dislocation entre actionnariat et direction, l'imagination juridique et financière, ont fait perdre cette naturelle loi. Ces artefacts que sont l'éthique ou la transparence tentent de la rendre. Plus encore, la procédure entre dans la société, à travers les droits de réponse, d'information, de préparer ses arguments. Comme Habermas le montra pour l'espace politique, l'espace des affaires se replie aujourd'hui sur une légitime procédurale.
Dans sa conception libérale, le droit limite le pouvoir en conservant aux individus l'espace de leur liberté, en supposant qu'ils connaissant leurs intérêts propres, qu'ils font les servir, et que cela-même constitue la limite de leur pouvoir, la limitation du pouvoir étant ce pour quoi est fait le droit.
Lorsqu'il s'agit de gouverner les sociétés, le raisonnement classique a consisté à s'en remettre à la prudence patrimoniale. En effet, la personne ne va pas nuire à ses intérêts financiers. Dès lors, il faut mais il suffit que le dirigeant social soit associé pour que, étant entraîné dans la fortune ou dans la ruine de la gestion, il soit sage dans celle-ci. La loi naturelle de la prudence suffit à le tenir. Cette conception ploutocratique du pouvoir fonde dans la société commerciale le lien entre le droit de vote et l'ampleur de la détention du capital. On observe d'ailleurs que les sociétés que l'on désigne comme des sociétés "patrimoniales de famille" soient gérées plus sagement, efficacement et sur le long terme que les autres.
Mais la financiarisation de l'économie a eu raison de cette logique patrimoniale. L'assise patrimoniale n'est plus accessible et il est si aisé d'acquérir le pouvoir si en payer le prix. L'alliance de l'imagination du droit et de la finance y pourvoit.
Il faut donc regarder d'autres modes, cette fois-ci artificiels, pour que les sociétés soient gouvernées sagement. Il pourra s'agir de l'éthique ou de la transparence, l'ensemble s'accompagnant d'une forte pénalisation.
En outre, la procédure pénètre dans la société, non seulement les droits de la défense au profit du dirigeant que l'on songe à révoquer mais encore l'organisation de débat et les droits à l'information, qui finissent à faire ressembler la vie sociétaire à un procès permanent. La légitimité du pouvoir devient procédural. Habermas l'avait démontré pour la vie politique. Cela est désormais acquis pour la vie des affaires.
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27 septembre 2001
Conférences
27 mars 1993
Conférences
► Référence complète : : M.-A. Frison-Roche, "Sociologie de l’éthique des affaires", in L’éthique des affaires, Colloque de l’association des étudiants du D.E.A. de droit des affaires de l’Université de Paris II, 27 mars 1993, Paris.
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16 février 1993
Base Documentaire : Doctrine

Référence complète : Oppetit, B., Éthique et vie des affaires, in Mélanges offerts à André Colomer, Litec, 1993, pp. 319-333.
Les étudiants de Sciences-Po peuvent lire l'article via le Drive, dossier "MAFR - Regulation & Compliance"