19 janvier 2017
Auditions Publiques
► bi : M.-A. Frison-Roche, Le droit à propos de la pratique de la GPA. Résolutions des cas et positions de principe, intervention devant le groupe plénier du Comité Consultatif National d'Éthique (CCNE), 19 janvier 2017.
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► Résumé de l'intervention : Le fait pour une femme de porter un enfant et de le remettre à la naissance à un couple, dont l'homme est le plus souvent le père biologique, est une pratique qui remonte à des temps si anciens que le droit romain avait réglé déjà les difficultés juridiques qui en résultent. Puis la pratique avait si ce n'est disparu mais ne s'était pas développée. Ces faits restaient en marge d'un droit qui pouvait demeurer silencieux. Jusqu'à ce qu' un médecin, en France, et sous couvert d'une association "Les cigognes", propose à des jeunes filles de devenir disponibles pour que le désir d'enfants trouve une voie de concrétisation. Le marché par l'offre était né. Ce ne fût pas le Législateur qui réagit, trop lent, trop lourd, trop abstrait. Ce fût le procureur, qui réagit et saisit le juge.
Car c'est avant tout affaire de construction de marché par l'offre, une offre faite à l'égard de personnes malheureuses que l'on persuade qu'ils sont par avance des "parents" du seul fait qu'ils désirent l'être. Un marché que l'on construit par un produit qui est l'humain, que l'on produit par une commodité qui est le corps des femmes, tant qu'on n'a pas construit une machine permettant de s'en passer.
Ainsi, les juges ont été en premier. Et on répondait nettement. "A la française", c'est-à-dire par principe. Saisis par principe, ils ont répondu par principe. En 1991. Et ce principe fût simple : Non. Le fondement fût aussi très simple : les femmes sont des êtres humains qui sont donc des fins en soi et non des moyens. Les enfants sont des êtres humains, qui ne peuvent être engendrés à seule fin d'être cédés (même gratuitement). Le Législateur le suivit par les lois de "bioéthique". Le principe est intangible. Le temps, les pratiques, la variété des cas, des mœurs et des pays, ne font rien à l'affaire.
Mais les entreprises avaient lancé la puissance du marché, qui est la "loi du désir". Et qui ne peut se développer elle-même que par le Droit.
Un droit qui a été d'une toute autre nature, bien que lui aussi judiciaire. Un droit de Common Law. Il ne s'agit pas de dire qu'il soit moins bien ou mieux, mais il est différent. Il s'agit de ne pas évoquer de "principe" mais de repérer dans la "situation" du cas concret présenté au juge les "intérêts" et de faire la "balance des intérêts", ce qui est le reflet de ce qui s'opère sur un marché efficient, le droit de Common Law étant la référence pour l'Analyse économique du droit, inventé à l'Université de Chicago dans les années 1960.
Au Royaume-Uni et aux États-Unis, notamment en Californie, l'idée a donc été de veiller à l'équilibre entre les intérêts concrets des parties à l'arrangement. Pas moins, mais pas plus. Est alors repris un raisonnement de droit économique, c'est-à-dire un raisonnement qui mêle droit des contrats, procédure et contrôle a priori et a posteriori du juge : comme il faut veiller à l'équilibre entre les intérêts, c'est un raisonnement de "droit de la régulation".
Un consentement éclairé, une rencontre des consentements, un lien de bonne qualité, un juge ou une autorité publique veillant à ce que les intérêts soient préservés ; les intérêts de l'enfant prévalant sur les autres s'il y a conflit.
Les deux raisonnements auraient pu ne pas communiquer. Les personnes vivant dans des pays de Civil Law vivant sous le principe de l'indisponibilité des personnes, y compris à elles-mêmes, tandis que les personnes vivants dans des pays de Common Law vivent sous le mécanisme du désir et du consentement, le juge veillant à l’équilibre des intérêts. Si les personnes veulent vivre sous la loi du désir, il leur suffit d'aller vivre en Californie.
Mais les entreprises n'ont pas voulu en rester là. Et c'est alors que les juges ont été saisis, non plus pour que le Droit arrête la GPA, pour que le premier raisonnement, de principe, l'arrête d'un trait, à la demande du ministère public, mais au contraire pour que le second raisonnement, casuistique, grignote petit à petit, à la demande des intéressés, le principe, par pragmatisme, pour régler des questions de transcription, de papier, etc.
Car les entreprises proposant de satisfaire le désir d'un nouveau-né biologique avec un lien de filiation incontestable sont en train d'utiliser le droit - c'est avant toute chose une affaire juridique - pour permettre d'aller prendre un lien de filiation efficace. Il est essentiel de mesurer comme cela s'est passé et à quel point le droit européen et français sont fondamentalement différents du droit américain et britannique, car pour l'instant les premiers sont construits sur la biologie et donc sur le lien paternel, alors que les seconds sont construits sur la volonté et le lien de fait. Le marché de la GPA ne peut prospérer - régulé ou non - que sur le second modèle, qui est proposé à toutes les juridictions et tous les législateurs par les entreprises.
Il convient d'exposer les décisions qui illustrent cela et qui sont en cours d'adoption (I). Cela permet de mesurer les questions qui se posent, casuistiques et de principes, car le Droit a toujours mêlé la dimension concrète, voire triviale des situations en cause et les principes qui y sont impliqués (II).
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28 avril 2016
Base Documentaire : Doctrine
Référence complète : Dekeuwer-Défossez, F., L'intérêt de l'enfant dans le droit de la filiation : les enseignements de l'affaire Mandet, RLDC, n°136, avril 2016, p.39-42.
L'article s'appuie sur l'arrêt rendu par la CEDH du 14 janvier 2016, Mandet c/ France. Par cet arrêt, la Cour européenne contredit la Cour de cassation, dans son arrêt Mandet rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation le 26 octobre 2011 qui avait posé que l'intérêt supérieur de l'enfant ne justifie pas en soi de contraindre celui qui est juridiquement son père à se soumettre à une expertise sanguine pour que soit efficacement contestée par un tiers le lien de filiation.
Par cet arrêt, la CEDH affirme que la filiation d'un enfant doit être déterminée selon "l'intérêt supérieur de l'enfant". Mais la Cour européenne des Droits de l'Homme définit cet intérêt de l'enfant comme étant celui d'un rattachement à l'adulte avec lequel il a un "lien biologique", ce qui est en lien avec son "droit à connaître ses origines".
L'auteur critique cette conception "biologique" de la filiation, conception qui est réductrice.
En outre, l'auteur estime qu'une telle conception n'est pas conforme à la Convention internationales des droits de l'enfant (CIDE) dont l'article 3 pose que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être la considération primordiale : cette prévalence de la biologie la méconnait.
L'auteur critique la CEDH en ce qu'elle ne tient pas compte de la situation de l'enfant qui, depuis le début de l'affaire, est devenu adulte et est lui-même demandeur à ce que sa filiation ne soit pas bouleversée par l'établissement d'un lien biologique.
L'auteur détaille son analyse critique en mettant l'arrêt Mandet dans la jurisprudence de la CEDH elle-même, souligné que "l'intérêt supérieur de l'enfant" ne doit être utilisé que pour départager des intérêts en conflit, ce qui conduit alors à préférer celui de l'enfant. Or, l'auteur souligne qu'ici il ne s'agit plus de confronter les intérêts mais de poser d'une façon radicale ce qu'est l'intérêt de l'enfant, à savoir "connaître la vérité de ses origines", c'est-à--dire "obtenir l'établissement de sa filiation biologique", qui est sa "filiation réelle".
L'auteur relève l'opinion dissidente de la juge Nussberger qui affirme que "sous couvert d'un intérêt de l'enfant stéréotypé, c'est en réalité l'intérêt du père biologique qui a été privilégié".
11 septembre 2014
Blog
La Cour européennes des droits de l'Homme a condamné la France par deux arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassées c/ France. Certains en ont immédiatement déduit que la France devait transcrire sur l'état civil une filiation entre l'enfant issu d'un contrat de maternité pour autrui (que beaucoup appellent G.P.A.) et les personnes qui l'ont commandité (qui se désignent eux-mêmes comme "parents d'intention" et que d'autres appellent "acheteurs de bébé").
Pour l'instant, l'Etat français n'a pas fait appel.
Mais a-t-on prêté attention à l'arrêt rendu moins de 15 jours plus tard, à propos de l'Etat belge ?
Dans l'arrêt du 8 juillet 2014, D. et autres c/ Belgique, la Cour semble prendre le contrepied de ce qu'elle a elle-même dit. Il faut dire que cela n'est pas la même section qui a rendu la décision. Mais ici, la décision est définitive.
L'arrêt, qui ici rejette la requête formée contre l'Etat belge par le couple ayant commandé le bébé à une jeune ukrainienne, est au contraire extrêmement sévère pour les commanditaires et pour l'enfant !
Comment comprendre cela ?
Alors que les arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c/ France et Labassée c/ France, rendus une autre section de la même Cour ont condamné l'Etat français en donnant satisfaction au couple qui avait commandé le bébé à une jeune californienne ...
Une Cour schizophrène ?
20 février 1997
Conférences