11 janvier 2025

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Document de travail pour đŸ“șSurplomb

🚧Le puzzle du Droit institutionnel de la Compliance et du Droit substantiel de la Compliance : exemple des rùglements et de la directive du 31 mai 2024 sur l'AMLA et les obligations de compliance

par Marie-Anne Frison-Roche

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â–ș RĂ©fĂ©rence complĂšte : M.-A. Frison-RocheLe puzzle du Droit institutionnel de la Compliance et du Droit substantiel de la Compliance : exemple des rĂšglements et de la directive du 31 mai 2024 sur l'AMLA et les obligations de compliancedocument de travail, janvier 2025.

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đŸŽ€ Ce document de travail a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© pour servir de base Ă  la vidĂ©o Surplomb👁 du 11 janvier 2024  : cliquer ICI

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â–ș RĂ©sumĂ© du document de travail : Le Droit de la Compliance se construit sur 2 jambes, les institutions d'une part, les rĂšgles substantielles d'autre part. Par exemple aux Etats-Unis, la loi de 1934 Ă©tablit en mĂȘme temps la prohibition et la prĂ©vention des abus de marchĂ© financier et la SEC. En Europe, en 2013, l'Union bancaire Ă©tablit des institutions pour construire cette Union et accrut les obligations sur les banques.

L'illustre parfaitement les 2 RĂšglements europĂ©en du 31 mai 2024, l'un crĂ©ant l'AMLA et l'autre renforçant les obligations de compliance des opĂ©rateurs assujettis, l'un renvoyant Ă  l'autre. 

En effet, Droit institutionnel de la Compliance et Droit substantiel de la Compliance sont comme 2 jambes qui s'articulent. Il faut connaĂźtre et faire fonctionner les 2 ensemble.

Cela fait partie du "puzzle europĂ©en", expression positive qui implique qu'on est toujours en tĂȘte dans l'apprĂ©ciation et l'interprĂ©tation d'un texte le fait qu'il n'est qu'un Ă©lĂ©ment d'une image gĂ©nĂ©rale, laquelle est colorĂ©e par son But Monumental : ici obtenir un espace europĂ©en oĂč le blanchiment d'argent est prĂ©venu d'une façon efficiente grĂące Ă  l'action des entreprises elles-mĂȘmes sous la supervision et l'appui d'une AutoritĂ© de supervision qui coordonne les actions des Etats.

Si on ne considÚre qu'un élément, l'on trouve tout "compliqué", alors que l'image globale est simple, parce que le but est simple et que dans le Droit de la Compliance, branche du Droit téléologique, tout est dans le but.

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🔓lire les dĂ©veloppements ci-dessous—

Par un RĂšglement europĂ©en du 31 mai 2024 a Ă©tĂ© instituĂ©e l’« AutoritĂ© europĂ©enne de lutte contre le blanchiment de capitaux Â». Son sigle, AMLA, renvoie Ă  son appellation anglaise : « Anti Money Laundering Authority – AMLA Â».

Un prĂ©cĂ©dent Surplomb a Ă©voquĂ© cette nouvelle AutoritĂ© et ce qui la caractĂ©rise : sa caractĂ©ristique, Ă  savoir d’avoir pour objet la finalitĂ© mĂȘme de sa mission : la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, conception pragmatique et tĂ©lĂ©ologique qui constitue le Droit de la Compliance portĂ© par de telles ambitions. Ces ambitions sont les Buts Monumentaux, constituant l’ancrage normatif de la Compliance. Cette nature justifie que soient donnĂ©s Ă  l’AMLA tous les pouvoirs juridiques, durs et souples, nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation de cette mission.

C’est en effet de cette dĂ©finition que dĂ©coulent les pouvoirs qui lui sont confĂ©rĂ©s, Ă  savoir tous ceux qui sont nĂ©cessaires pour contribuer Ă  cette lutte d’une façon efficiente et en intermaillage avec les autres AutoritĂ©s qui, Ă  un titre ou Ă  un autre, y Ɠuvrent. Cette tĂ©lĂ©ologie est en train de remplacer la logique hiĂ©rarchique.

 

Examinons dans ce Surplomb  une autre perspective, Ă  savoir l’articulation entre cette logique institutionnelle et la logique substantielle.  En effet, ce mĂȘme 31 mai 2024, alors que ce RĂšglement instituait l’AMLA, un autre RĂšglement renforçait les obligations de compliance auxquelles les entreprises cruciales sont assujetties.

 

Avant de prendre cet exemple prĂ©cis, voyons comment le mouvement institutionnel de compliance et le mouvement substantiel de compliance peuvent s’agencer. Car c’est une bien vieille histoire
, dont ces 2 rĂšglements du 31 mai 2024 sont un parfait exemple.

Tout d’abord donc, le mĂ©canisme gĂ©nĂ©ral de l’articulation entre la crĂ©ation de nouvelles institutions de Compliance et l’adoption de nouvelles rĂšgles substantielles de Compliance.

Ensuite, l’illustration par la façon dont deux rĂšglements europĂ©ens, adoptĂ©s le mĂȘme jour, le 31 mai 2024, s’ajustent pour faire monter en puissance et les obligations de compliance des entreprises systĂ©miques, sous le contrĂŽle de l’efficience de celles-ci par la nouvelle AutoritĂ©.

 

I. CONSTRUCTION EN PUZZLE DES INSTITUTIONS DE COMPLIANCE ET DES RÈGLES SUBSTANTIELLES DE COMPLIANCE

Ces institutions peuvent se crĂ©er en mĂȘme temps que les rĂšgles substantielles. C’est pourquoi aux cĂŽtĂ©s du rĂšglement crĂ©ant l’AMLA, un autre RĂšglement du mĂȘme jour renforce les rĂšgles substantielles de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Cela est Ă  corrĂ©ler avec la construction du MarchĂ© europĂ©en de capitaux, ainsi protĂ©gĂ©. Mais c’est aussi Ă  corrĂ©ler avec la proposition rĂ©cente d’une rĂ©forme du Droit de l’insolvabilitĂ©, visant Ă  protĂ©ger les investisseurs pour faire venir les capitaux sur le marchĂ© de l’Union.

L’on retrouve ainsi la grande cohĂ©rence du « puzzle europĂ©en Â», expression qu’il faut utiliser comme un compliment, et non comme une critique car c’est toujours dans la mĂȘme perspective systĂ©mique de construction de l’Union que ces textes, substantiels et institutionnels, sont pris. Et le Droit de la Compliance y est central.

 

Le Droit amĂ©ricain n’est pas diffĂ©rent. Ainsi, historiquement aux Etats-Unis, le Droit de la Compliance s’est constituĂ© dans un mĂȘme mouvement Ă  la fois substantiel et institutionnel. Sur la dĂ©cision de Roosevelt c’est Ă  la fois l’obligation de dĂ©tecter et de prĂ©venir des abus de marchĂ©s financiers dont la prohibition Ă©tait posĂ©e et l’institution de la Securities and Exchange Commission (SEC) qui sont nĂ©es par la loi fĂ©dĂ©rale de 1934, pour qu’à l’avenir une crise semblable Ă  celle de 1929 ne se reproduise pas, la compliance ayant pour premier objet la prĂ©servation du futur.

Quant Ă  elle, l’Europe de la Compliance s’est constituĂ©e d’une façon diffĂ©rente, ce qui est normal, voire inĂ©vitable puisque l’Europe n’a pas la mĂȘme histoire. Puisqu’elle s’est constituĂ©e davantage sur le droit des donnĂ©es et Ă  partir de la jurisprudence, puis de lois et d’institutions d’abord nationales avant qu’un droit de l’Union europĂ©enne ne se constitue.

Mais la maturitĂ© institutionnelle de l’Union en matiĂšre bancaire et financiĂšre est beaucoup plus avancĂ©e. C’est pourquoi l’AMLA est institutionnellement possible, en ce qu’elle peut s’appuyer sur des opĂ©rateurs classiquement rĂ©gulĂ©s et supervisĂ©s et qu’elle s’adosse avec l’Union bancaire nĂ©e des RĂšglements europĂ©en de 2013.

 

II. L’ACCROISSEMENT CORRÉLÉ DES OBLIGATIONS DE COMPLIANCE DES ENTREPRISES ASSUJETTIES

Le 2iĂšme RĂšglement du 31 mai 2024 pose des rĂšgles substantielles de Compliance, montrant ce qui est attendu des acteurs qui sont en position de dĂ©tecter et prĂ©venir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ce RĂšglement y ajoutant la prĂ©vention et la sanction du contournement des sanctions internationales.  

Cela montre que le Droit de la Compliance, Droit Ex Ante, s’appuie sur la puissance des opĂ©rateurs qui dĂ©tectent et prĂ©viennent les comportements, ici le blanchiment d’argent, prĂ©viennent les AutoritĂ©s, transmettent les informations, mettent fin aux relations contractuelles, gĂšlent les avoirs, etc.

C’est ainsi que le systĂšme est protĂ©gĂ©. C’est parce qu’elles sont sont systĂ©miques que ces entreprises sont visĂ©es, et non parce qu’on les prĂ©sumeraient fautives. C’est parce qu’elles sont « en position Â» de contribuer Ă  atteindre les « Buts Monumentaux Â» : ici un systĂšme financier oĂč l’on ne blanchit plus l’argent, ce qui rend plus difficile les crimes sous-jacents, comme le trafic de drogue et d’ĂȘtres humains.

Les outils sont les mĂȘmes que ceux que l’on retrouve dans tous les mĂ©canismes de compliance : il s’agit toujours d’obtenir des opĂ©rateurs cruciaux qui manient les flux financiers qu’ils dĂ©tectent et prĂ©viennent le blanchiment d’argent. C’est pourquoi il est demandĂ© aux entreprises de rendre plus efficace leur contrĂŽle interne. Ainsi, le rĂšglement accroit les obligations des entreprises pour rendre le systĂšme plus efficient sur le long terme.

Il explique la ratio legis du texte de cette façon (je cite) :

« Un ensemble cohĂ©rent de rĂšgles relatives aux systĂšmes et contrĂŽles internes qui s’appliquent Ă  toutes les entitĂ©s assujetties opĂ©rant sur le marchĂ© intĂ©rieur renforcera le respect des rĂšgles en matiĂšre de LBC/FT et rendra la surveillance plus efficace. Afin d’attĂ©nuer de maniĂšre suffisante les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ainsi que les risques d’absence de mise en Ɠuvre ou de contournement de sanctions financiĂšres ciblĂ©es, les entitĂ©s assujetties devraient disposer d’un cadre de contrĂŽle interne composĂ© de politiques, de procĂ©dures et de contrĂŽles fondĂ©s sur les risques ainsi que d’une rĂ©partition claire des responsabilitĂ©s dans l’ensemble de l’organisation. ConformĂ©ment Ă  l’approche fondĂ©e sur les risques du prĂ©sent rĂšglement, ces politiques, procĂ©dures et contrĂŽles devraient ĂȘtre proportionnĂ©s Ă  la nature des activitĂ©s, y compris Ă  leurs risques et Ă  leur complexitĂ©, ainsi qu’à la taille de l’entitĂ© assujettie, et rĂ©pondre aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels elle fait face, y compris, pour les prestataires de services sur crypto-actifs, ceux liĂ©s aux transactions effectuĂ©es au moyen de portefeuilles auto-hĂ©bergĂ©s. Â».

 

Ce renforcement des Obligations de Compliance, ici de Vigilance renforcĂ©e, sur les crypto-actifs va rendre plus efficace les pouvoirs de surveillance, de contrĂŽle et de sanction de l’AMLA en la matiĂšre.

Ainsi, Ă  toutes ces obligations renforcĂ©es correspondent les pouvoirs de l’ALMA.

Le droit institutionnel et le droit substantiel sont les 2 jambes du Droit de la Compliance. Ils doivent se correspondre. L’adoption des 2 rĂšglements le mĂȘme jour montre la volontĂ© du LĂ©gislateur europĂ©en dans ce sens.

Plus encore, et toujours ce mĂȘme 31 mai 2024, un troisiĂšme texte a Ă©tĂ© adoptĂ©e : une directive qui a, elle, pour objet, de coordonner l’action des Etats et notamment les autoritĂ©s nationales dans leur actions de lutte contre le blanchiment d’argent et la lutte contre le financement du terrorisme.

C’est ainsi que chaque piĂšce du puzzle europĂ©en pourra s’ajuster dans le tableau d’ensemble.

Les juridictions qui, notamment dans le Droit de la responsabilitĂ© civile et dans le Droit de la responsabilitĂ© pĂ©nale, doivent l’appliquer, devront intĂ©grer cet effet d’ensemble, notamment ce raisonnement par le But, but commun simple et clair.

                                

Tout cela suppose que chaque piĂšce de ce puzzle europĂ©en de la Compliance soit toujours resituĂ© dans l’image d’ensemble, que chaque institution, s’ajuste aux autres.

Et commence par savoir ce que font les autres. Le savoir en silo est donc le grand danger de la Compliance et lĂ  oĂč pourrait en pratique rĂ©sider les risques d’inefficacitĂ©.

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